Quand j'étais petit, à Mădei, j'étais avec mon père à l'autel dès l'âge de trois ans. Je m'asseyais correctement sur un banc, je dessinais des saints avec les crayons, je chantais d'une voix incroyablement mince (il y a encore aujourd'hui une bande sonore de moi à l'âge de 4 ans chantant Notre Père et Aie pitié de moi, ô Dieu). Dès l'âge de 5 ans, après avoir appris à lire pour la première fois auprès de ma sœur, mon père me donna un vieux et très sale livre de liturgie à partir duquel je lisais l'Ordo de la Sainte Communion. C'est comme ça que je l'ai appris par cœur. Je lisais le Livre de l'Épître au milieu de l'Église. J'avais des chaussures en daim de trois tailles trop grandes avec de la ouate sur les orteils pour les empêcher de tomber. J'étais plus petit que le lutrin sur lequel était posée l'épître.
Dans l'autel, le prêtre était un vieil hesychast, Toader Albei, très grand et très mince, anormalement grand. C'était comme s'il était d'une icône. Cet homme était comme de la vapeur. Avec une discrétion infinie, il marchait immatériellement à travers la sacristie, préparait tout parfaitement, connaissait chaque instant des offices. Sinon, il était droit sur ses genoux, comme un lit de pierre, comme une icône détachée d'une vieille fresque. Il ne clignait pas des yeux. Les yeux regardaient quelque part au-delà des murs, dans la Lumière du Royaume de Dieu. Je ne l'ai jamais vu sourire ou rire. Il ne parlait que par chuchotements. Il comprenait à ses regards ce que mon Père voulait.
À l'épiclèse, lorsque le Père levait les mains vers le ciel et appelait le Saint-Esprit au-dessus des Dons, les yeux de cet homme se remplissaient de larmes. Il ne soupirait pas, il n'était pas inquiet. Seuls les yeux versaient des flots de larmes.
Pour moi, enfant de plusieurs années, c'était un spectacle étrange. Je le respectais, j'avais un peu peur de lui ;, juste au moment où il me regardait, mon cœur se figeait. Mon père m'a dit qu'il recherchait souvent les ermites dans les montagnes, à qui il apportait de la nourriture.
Un jour, à la fin de la liturgie, j'ai pris courage malgré ma frayeur et je lui ai demandé : pourquoi pleurez-vous pendant l'invocation du Saint-Esprit ?
Le vieil ascètee m'a regardé pendant longtemps. Il a regardé, comme à travers moi et m'a dit : Il y a de nombreuses années, quand j'étais à la Liturgie, quand le prêtre a levé les mains vers le ciel, j'ai vu les armées angéliques servir, et le Christ de l'Agneau se briser sur la Croix, et une lumière et une douceur indicible, des millions de fois plus belle que le monde entier coulèrent dans mon cœur. Et depuis lors, toute ma vie a été un désir inépuisable et déchirant de ressentir cette douceur et cette lumière au-dessus du monde pendant au moins un moment de plus. Rien dans ce monde ne se compare à un moment du ciel. Et quand le Saint Sacrifice arrive, je me souviens de ce moment et les yeux ne m'écoutent plus, mais ne répondent qu'au cœur.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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