"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 17 juin 2020

Nina Pavlova: Sur la mort et les défunts/ TROIS HISTOIRES DE VIE ÉTERNELLE (1/3)


Le samedi de saint Dimitri, l'Église orthodoxe organise un service commémoratif spécial pour les défunts. Nous soumettons les noms de tous nos amis et parents orthodoxes défunts, de ceux que nous respectons et aimons, et de ceux dont nous espérons que le Seigneur aura pitié dans la vie future. En nous souvenant des morts, nous présentons trois histoires de défunts écrites par la célèbre auteure Nina Pavlova - que sa mémoire soit également éternelle.   

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Nina Pavlova
Nina Pavlova

    
"Pourquoi ne la laissez-vous pas partir ?"

Raconté par la moniale Angelina du couvent des Sœurs Marthe et Marie, à Moscou.

-J'étais déjà une moniale secrètement tonsurée, mais je travaillais encore comme infirmière dans le service neurologique de l'hôpital 57. Une nuit, pendant mon service, une femme mourant d'un cancer fut amenée dans notre service. 

En lieu de poitrine, elle avait une cavité remplie de pus malodorant. Ses jambes étaient noires de gangrène, et du pus putride et abondant s'écoulait d'elle sur le sol. La chambre d'hôpital s'est immédiatement remplie de cette odeur et, le matin, une telle puanteur insupportable se répandit dans tout le service que les médecins me réprimandèrent : "Pourquoi l'avez-vous acceptée dans notre service ? Elle a tout un bouquet de maladies - vous auriez pu l'envoyer dans n'importe quel autre service". "Mais que pouvais-je faire, ai-je dit, s'il ne restait de la place que dans notre service ?
  
Bien sûr, nous avons pris des mesures pour nous débarrasser de l'odeur ; nous avons mis des bassines avec de la solution chimique et des récipients avec du sel autour de son lit. Mais rien n'y fit. Elle pourrissait vivante, et le visage de la femme qui gisait inconsciente était déformé par une souffrance insupportable. Pendant ce temps, son mari s'agitait autour d'elle et criait si fort que tout le service pouvait entendre : "Pourquoi les médecins n'aident-ils pas ? Le médecin est obligé d'aider !"

Il s'agissait d'un couple âgé, et le mari aimait tellement sa femme qu'il la suppliait : "Ne meurs pas ! Je ne peux pas vivre sans toi !"

J'ai demandé au mari: "Pourquoi ne la laissez-vous pas partir ?"  "Ne voyez-vous pas qu'elle souffre et qu'elle veut s'en aller vers Dieu ? Ce sera mieux pour elle là-bas."

Son mari ne comprit pas. "Qu'est-ce que ça veut dire, "mieux" ?" 

Ce n'était pas un homme religieux. Mais j'ai néanmoins réussi à trouver les mots justes, et nous avons convenu de nous rencontrer près du lit de sa femme et de prier pour elle après le départ des médecins pour la soirée. Il priait avec ses propres mots, et j'utilisais un livre de prières.

Ainsi, le soir est venu. J'ai versé de l'huile sainte sur les blessures de la patiente, tandis que son mari se tenait près du lit de sa femme, tenant un cierge allumé. Il a dit doucement que si sa femme bien-aimée voulait aller vers Dieu, alors qu'elle aille dans ce monde meilleur. J'ai commencé à lire le Canon pour le départ de l'âme. Mais j'avais à peine fini la première ode que la femme a poussé un souffle de soulagement et nous a quittés pour ce monde meilleur.

"Quoi ? C'est tout ?" s'émerveillale mari. "C'est aussi simple que ça ?"

"Maintenant vous pouvez le voir par vous-même", lui dis-je, "comment le Seigneur nous aime, comment Il a entendu nos prières."

Mais le plus étonnant, c'est que la puanteur a immédiatement disparu, et le mari l'a remarqué. Je l'ai aussi remarqué, mais sans me faire confiance, j'ai demandé aux aides-soignants de la morgue d'envelopper la jambe de contention dans du plastique - sinon le pus s'écoulerait sur le sol du couloir - et les gens avaient déjà assez souffert de la puanteur.

Nous avons roulé le lit avec la défunte jusqu'à la morgue pendant un temps assez long - d'abord dans l'ascenseur de service, puis le long des longs couloirs souterrains. Mais il n'y avait pas le moindre soupçon d'odeur. Il y avait seulement un sentiment de révérence devant le mystère, lorsque le Seigneur entend nos prières.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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