"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 30 janvier 2019

Laurence Guillon: Yarilo


Auteur :
Editeur :
Genre :
Date de parution :
ISBN :
Total pages :
Prix :
12/12/2018
9782312063997
550
31 €

Résumé du livre
Deux enfants martyrs se rencontrent, le tsar Ivan le Terrible, veuf inconsolable cruel, fascinant et blessé, et le tout jeune guerrier Fédia Basmanov, dont l'âme instinctive et païenne fut saccagée par son père. Compagnons de débauche nostalgiques de la pureté, ils deviennent les proies d'un égrégore politique fatal, dans lequel l'un s'enfonce sans retour, tandis que l'autre, marié de force à une jeune fille touchante et simple, amorce une difficile et dangereuse rédemption.

Premier chapitre
Première partie
Fédia

I
« Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il se soumettra à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. Si donc la lumière qui est en vous n’est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes ? »
Cet extrait de l’évangile de Mathieu ne laissait pas en repos le boïar Féodor Stépanovitch Kolytchov depuis qu’il l’avait entendu à l’église, quelques temps auparavant. Il l’avait entendu et lu de nombreuses fois dans sa vie, car il avait toujours été pieux, et sa famille aussi. Mais il lui semblait que soudain, ces mots s’étaient mis à le concerner profondément et personnellement, lui, Kolytchov, comme si, par la voix du prêtre psalmodiant la lecture dominicale, une présence invisible s’était adressée à lui en particulier, en désignant son cœur d’un doigt brûlant pour qu’il n’y eût pas d’équivoque.
Kolytchov avait servi jusqu’ici le grand prince de Moscou Vassili Ivanovitch, sur les champs de bataille et au parlement de la Douma, puis son héritier, le petit prince Ivan Vassiliévitch, orphelin depuis peu : sa mère venait d’être empoisonnée, quelques années après que la mort du grand-prince en eût fait la régente du royaume moscovite. Le garçon, pour lequel Kolytchov avait une affection inquiète, se retrouvait seul avec son frère sourd-muet, à la merci d’une oligarchie de boïars rapaces qui s’entredéchiraient et ne songeaient qu’à leurs intérêts particuliers. Mais lui, Kolytchov, servait avec désintéressement et honneur un souverain légitime, quel était donc ce maître qui l’empêchait de se consacrer à Dieu et faisait de sa lumière intérieure des ténèbres ? Sans doute cela concernait-il, dans l’absolu, toute espèce de maître terrestre qui le retenait de s’engager dans une autre armée et un autre combat.
Féodor Kolytchov, en dépit d’un visage agréable et d’une noble apparence, avait atteint l’âge de trente ans sans se marier, trompant dans les risques et les rigueurs d’une sévère existence guerrière son hésitation à s’engager dans une vie familiale. Il ne pouvait concevoir autre chose, entre époux, que cette sorte d’amour total qui fait de ces deux moitiés complémentaires une seule entité, et savait que c’était là un miracle assez rare, et qui le soumettrait, s’il avait la chance de trouver celle avec qui cela fût possible, à l’angoisse permanente de perdre sa compagne. L’attachement charnel et sentimental à une créature si facilement mortelle, contrainte d’enfanter dans la douleur le fruit de leurs noces, fruit lui-même exposé à une mort inéluctable à plus ou moins long terme et qu’il fallait cependant aimer, protéger et élever, c’était là un déterminisme cruel, une sorte de malédiction à laquelle il redoutait de se soumettre. C’était participer à l’état déchu du monde, à sa perpétuation, au lieu de consacrer toute son énergie à sa rédemption et à sa transfiguration future.

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