Staretz Ambroise
Sixième de huit enfants, le futur starez avait un vif sens de l'humour et une personnalité sociable qui entrait en conflit avec ses aspirations spirituelles. Une maladie grave l'aida à résoudre sa lutte intérieure.
Il arriva à Optina en 1839 lorsque le monastère était spirituellement en pleine floraison. Guidé d'abord par le staretz Léonide, puis par le staretz Macaire, qui le choisit comme gardien de cellule, il fit des progrès spirituels rapides. Après seulement trois ans, il fut tonsuré et trois ans plus tard, il fut ordonné hiéromoine. La maladie le força à une semi-reclusion pendant plusieurs années, ce qui lui permit, avec un grand profit, de se concentrer sur la prière de Jésus et d'expérimenter le sens de l'hésychie, le silence de l'âme devant Dieu. Doté d'une constitution faible pour le reste de sa vie, il continua néanmoins à déployer tous les efforts - d'abord en assistant le staretz Macaire dans la traduction des Saints Pères, dans sa correspondance et dans la transmission de ses conseils aux pèlerins, et plus tard en tant qe staretz de plein droit - pour le bien de cet amour qui est tout ce qu'il y a de plus beau.
Pendant trente ans après la mort du staretz Macaire, le staretz Ambroise fut le principal staretz d'Optina. D'innombrables pèlerins affluaient vers sa cellule, et même lorsqu'il était complètement épuisé et qu'il devait les recevoir allongé dans son lit, il ne refusait jamais personne qui avait besoin d'un conseil enrichissant pour l'âme. Les âmes des hommes n'avaient aucun secret pour lui ; il existe un témoignage abondant de sa clairvoyance. Il adaptait toujours ses conseils à l'individu et le problème de personne n'était jugé trop insignifiant.
Dostoïevski a trouvé chez le staretz Ambroise un exemple vivant de l'idéal chrétien, tandis que le staretz Nectaire l'appelait "un ange terrestre et un homme céleste." En effet, il fut vu plus d'une fois entouré d'une lumière incréée, signe de transfiguration et de citoyenneté du paradis.
Extraits des instructions de saint Ambroise
Les conseils et les instructions avec lesquels le staretz Ambroise guérissait tous ceux qui venaient à lui avec foi, étaient offerts par lui soit dans des conversations privées, soit en général à tous ceux qui l'entouraient, de la manière la plus simple, laconique et souvent plaisante. Il convient de noter qu'un ton de plaisanterie dans le discours d'enseignement du staretz était sa marque de fabrique.
"Comment devrions-nous vivre ?" Le staretz était bombardé de toutes parts avec cette question universelle et très importante. Comme il en avait l'habitude, il répondait en plaisantant : "Vivre signifie ne pas pleurer, ne juger personne, n'offenser personne, et montrer du respect à tous".
Un tel ton (en russe, ce fameux dit du staretz Ambroise avait la qualité d'un chant) faisait souvent sourire les auditeurs frivoles. Mais si l'on réfléchit plus profondément à cette instruction, on peut y trouver un sens profond. "Ne pas pleurer, c'est-à-dire pour que nos cœurs ne soient pas accablés par les douleurs et les malheurs qui sont le lot inévitable de l'homme sur terre, mais diriger nos cœurs vers l'unique source de douceur éternelle - vers Dieu ; de cette manière, même face à des malheurs innombrables et variés, l'homme peut se consoler en s'humiliant et en trouvant la paix intérieure. "Ne pas juger", "ne pas offenser". Il n'y a rien de plus commun chez les hommes que de juger et d'offenser - ces jumeaux issus de l'orgueil destructeur. Ils sont suffisants pour pousser l'âme d'un homme jusqu'aux profondeurs de l'enfer ; cependant, ils ne sont souvent même pas considérés comme des péchés! "Montrer du respect à tous" fait écho au commandement de l'apôtre : s'honorer les uns les autres avec dignité et respect (cf. Romains 12: 10). En rassemblant toutes ces idées en une seule, nous voyons que dans ce dit, le staretz prêchait avant tout l'humilité - la base de la vie spirituelle, la source de toutes les vertus, sans lesquelles, selon saint Jean Chrysostome, il est impossible d'être sauvé.
Quand on lui posait la question générale : "Comment devrions-nous vivre ?" - le staretz répondait parfois d'une manière légèrement différente : "Nous devrions vivre sans hypocrisie, nous comporter de manière exemplaire, et ainsi nous serons sur la bonne voie, sinon nous perdrons la partie."
"Nous devons, dit aussi le staretz, vivre sur cette terre comme une roue qui tourne : elle touche légèrement la terre en un seul point, tandis que tout le reste a tendance à monter, tandis que nous nous couchons sur le sol et ne pouvons pas nous lever. Ces instructions incitaient également les gens à s'efforcer d'atteindre l'humilité.
"Si nous abandonnons nos propres désirs et opinions, et si nous nous efforçons d'accomplir les désirs et la compréhension de Dieu, nous nous sauverons nous-mêmes, peu importe notre position, peu importe les circonstances. Mais si nous nous accrochons à nos propres désirs et opinions, ni la position ni les circonstances ne seront d'aucune aide. Même au Paradis, Ève a transgressé le commandement de Dieu, et la vie avec le Sauveur Lui-même n'a apporté aucun bien au malheureux Judas. Quand nous lisons dans les Saints Evangiles, nous avons besoin de patience et d'être enclins à une vie pieuse."
"Il est inutile d'accuser ceux qui nous entourent et ceux qui vivent avec nous d'interférer ou d'être un obstacle à notre salut et à notre perfection spirituelle... L'insatisfaction spirituelle ou émotionnelle vient de l'intérieur de nous-mêmes, de l'inexpérience et d'opinions mal conçues que nous ne voulons pas abandonner, mais qui suscitent le doute, l'embarras et l'incompréhension. Tout cela nous fatigue et nous accable, et nous met dans un état lamentable. Nous ferions bien de comprendre le simple conseil des saints Pères : " Si nous nous humilions, nous trouverions la tranquillité n'importe où, sans avoir à nous promener mentalement dans beaucoup d'autres endroits, où nous pourrions avoir les mêmes expériences, ou pire encore."
"Celui qui veut être sauvé doit se souvenir, et ne doit jamais oublier le commandement apostolique : " Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la Loi du Christ. " Ce commandement est d'une grande importance ; nous devons d'abord et avant tout nous efforcer d'y obéir."
"Beaucoup désirent une bonne vie spirituelle dans sa forme la plus simple, mais très peu d'entre eux réalisent réellement leurs bonnes intentions. Il y a des gens qui obéissent fermement aux paroles de l'Écriture divine selon lesquelles que nous devons entrer dans le Royaume des Cieux par de nombreuses douleurs, et qui, faisant appel à l'aide de Dieu, s'efforcent d'endurer sans plainte les peines, les maux et les inconforts qu'ils rencontrent, en gardant toujours à l'esprit les paroles du Seigneur Lui-même qui veut entrer dans la Vie, doit obéir aux commandements".
"Les commandements les plus importants du Seigneur sont ne jugez pas, et vous ne serez pas jugé : Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés : pardonnez, et vous serez pardonnés (Cf. Luc 6:37). De plus, ceux qui désirent le salut doivent toujours garder à l'esprit les paroles de saint Pierre Damascène, selon lesquelles la création a lieu entre la peur et l'espérance.
"L'œuvre de notre salut exige que partout où une personne peut vivre, elle doit accomplir les commandements de Dieu et se soumettre à Sa volonté. Ce n'est qu'ainsi que l'on acquiert la paix spirituelle, et par aucun autre moyen. Comme il est dit dans le psaume Grande est la paix de ceux qui aiment ta loi : rien ne les fait trébucher (Ps 118:165). Et pourtant, vous continuez à rechercher la paix intérieure et le calme spirituel par le biais de circonstances extérieures. Vous semblez toujours penser que vous ne vivez pas au bon endroit, que vous ne vous êtes pas installé parmi les bonnes personnes, que vous n'avez pas ordonné correctement vos affaires et que les autres ne se sont apparemment pas bien comportés. Dans la Sainte Écriture, il est écrit : " Son empire est en tout lieu ", et pour Dieu la chose la plus précieuse dans le monde entier est le salut d'une seule âme chrétienne.
"Comme en toute chose pour le bien, Dieu est prêt à aider l'homme à acquérir l'humilité. Pourtant, l'homme lui-même doit prendre soin de lui-même. Les saints Pères disent "donnez du sang et recevez l'esprit". Cela signifie, luttez jusqu'au point de donner votre sang, et vous recevrez un don spirituel. Pendant que vous cherchez et demandez des dons spirituels, vous ne voulez pas verser votre sang. C'est-à-dire que vous voulez tout, mais que vous ne voulez pas être ennuyés ou dérangés par qui que ce soit. Mais peut-on jamais acquérir l'humilité en vivant une vie de tranquillité ? L'humilité consiste à se voir comme le pire de tous, non seulement des gens, mais aussi des bêtes muettes, voire des mauvais esprits eux-mêmes. Alors, quand les gens vous dérangent, vous êtes conscient que vous ne pouvez pas le supporter et que vous vous mettez en colère contre les gens ; involontairement, vous vous considérerez alors comme une mauvaise personne... Si dans le processus vous regrettez d'être mauvais, et vous vous reprochez d'être incorrigible, si vous vous repentez vraiment de cela devant Dieu et votre père spirituel, alors vous serez déjà sur le chemin de l'humilité. Mais si personne ne vous dérangeait, si vous viviez dans la tranquillité, comment pourriez-vous prendre conscience de votre méchanceté ? S'ils essaient de vous rabaisser, ils veulent vous humilier. Vous demandez vous-même à Dieu l'humilité. Alors pourquoi devriez-vous vous plaindre des gens ?"
"Celui qui a un mauvais cœur ne doit pas désespérer, car avec l'aide de Dieu, on peut corriger son cœur. Il doit seulement rester vigilant et ne manquer aucune occasion d'aider son prochain. Il doit s'en ouvrir devant son staretz et doit être aussi charitable que possible. Ceci, bien sûr, ne peut pas être accompli en une seule fois, mais le Seigneur est très patient. Il ne met fin à la vie d'une personne que lorsqu'il la voit prête à partir pour l'éternité, ou lorsqu'il ne voit aucun espoir de correction".
En enseignant que dans la vie spirituelle, il ne faut pas négliger même la matière la plus insignifiante en apparence, le staretz disait : "Moscou a été consumée par les flammes d'une minuscule chandelle."
Le Père Ambroise a dit à propos de la condamnation et de la critique des fautes et des péchés des autres : "Vous devez accorder une telle attention à votre propre vie intérieure, vous, ne vous concentrez pas sur ce qui se passe autour de vous. Alors vous ne condamnerez pas."
Soulignant que l'homme n'a rien dont il peut être fier, le staretz ajoute : " En fait, qu'est-ce que l'homme a qui puisse le faire se vanter ? Un misérable mendiant en haillons réclame l'aumône : " Aie pitié ! "Aie pitié !" Mais qui sait si on lui montrera de la miséricorde ?"
"Pourquoi les hommes péchent-ils ? Soit parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils doivent faire, soit, s'ils savent, parce qu'ils oublient ; et s'ils oublient, ils sont paresseux et découragés... C'est pourquoi nous prions la Reine du Ciel : Ô toute sainte Théotokos, ma Souveraine.... chasse de moi, ton serviteur le découragement, l'oubli, la négligence, et toutes les pensées viles, méchantes et malignes... Pourquoi l'homme est-il mauvais ? Parce qu'il oublie que Dieu est au-dessus de lui."
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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