"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 12 mai 2018

Sur le Lorgnette de Tsargrad





Ce texte est la traduction française d’un long entretien avec Geronda Joseph de Vatopedi, fils spirituel du saint Geronda Joseph l’Hésychaste, et père spirituel de la Communauté de Vatopedi, accordé à des pèlerins et enregistré en juillet 1987, et ensuite publié dans les pages anglaises du site Pemptousia (lié au Saint et Grand Monastère de Vatopedi) le 14 décembre 2016. Geronda Joseph y parle du pourquoi et du comment de la Création, de la Trinité, du Verbe de Dieu, de la télépathie, de la femme.


Pourquoi ne pouvons-nous suivre de notre propre chef la voie du sacrifice, alors que le Christ le fit?

Geronda: Il le fit de Son propre chef parce qu’Il était réellement Dieu, le Verbe incarné de Dieu. La personne que nous voyons, c’est l’homme Jésus. Mais l’homme Jésus avait aussi en Lui Jésus le Verbe et Dieu. Étant à la fois Dieu et homme, la grâce divine résidait en Lui. Celui Qui est le Seigneur de Vie est l’un d’entre nous, Il est la tête de notre corps. Nous sommes revêtus de Lui. Tous ceux qui ont été baptisés en Christ ont été revêtus de Lui. Nous avons été ‘habillés’ en Lui par le baptême et nous le portons en recevant chaque jour les Saints Mystères. Il partage le même corps et le même sang que nous. Il n’est pas quelque part ailleurs, loin, ce qui nous obligerait à l’appeler pour qu’Il se mette en route et vienne à nous. Il est déjà en nous. Nous invoquons l’aide de Sa grâce: «Nous pouvons surmonter toute chose en Christ car Il nous donne la force de le faire», comme nous dit Saint Paul. Mais je dirais qu’il s’agit là d’un fondement. C’est une base et satan va essayer de vous menacer dans les moments difficiles. Ne vous découragez pas, car toutes ses menaces sont vaines. «Celui Qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde».



Le Fils S’est offert en rançon pour les péchés du monde. Mais à qui en fait? Le Père ne veut pas cela car Il aime le Fils. A qui S’est-Il donc offert?

Geronda: Non, fils, où es-tu allé chercher cela? Il ne s’est pas offert en rançon, et il n’y a pas de différence entre le Père et le Fils, pas de différence en matière de volonté entre les personnes de la Sainte Trinité. Ce que veut le Père, le Fils le veut aussi. Même s’il s’agit de personnes auto-suffisantes, il n’existe pas de différence de volonté ou d’avis. Une est la nature, mais trois sont les personnes, auto-suffisantes. Mais toutes ont un même avis. Le salut du monde fut opéré «par la bonne volonté du Père, la kénose du Verbe et la synergie du Saint Esprit». Le Verbe de Dieu n’était au service de personne. Mû par un grand amour, Il devint «re-créateur», ayant été auparavant déjà le créateur. Et il y a encore une autre raison. Le Verbe de Dieu prit sur Lui une autre nature, de manière à ce que la capacité des trois personnes demeure intacte; le Père doit rester Père pour toujours, le Fils doit rester pour toujours le Fils, et l’Esprit Saint, pour toujours le Consolateur. Pour cela, il fut nécessaire que cette Personne, qui était Fils de Dieu, s’incarnât et devienne Fils de l’Homme. En rien cela ne fut une manifestation de soumission, ni le paiement d’une rançon. Contrairement à ce qu’affirment Catholiques et Protestants. Il était mû par l’amour et seulement par l’amour. Tout comme il était mû par l’amour quand il créa toutes choses de manière à transmettre Son amour à Ses créatures, et non par nécessité, comme le croyaient les anciens Grecs. Le Verbe de Dieu est le moyen parle lequel la création fut réalisée. Ainsi, «lorsque les temps furent accomplis», ce Verbe vint, comme le voulait le Roi des siècles, et se dépouilla Lui-même [Phil.2,7. N.d.T.], sans avoir reçu aucun commandement, et non pour devenir sacrifice, mais mû exclusivement par l’amour. Le Père et l’Esprit Saint participèrent au même amour. Il plut au Père que le Fils se fît chair. Le Verbe de Dieu était toujours dans le sein du Père. Si nous décrivons le Père comme le ‘noûs’, toujours Il eut le Verbe. Jamais le ‘noûs’ ne fut sans le Verbe. Et en même temps, le Verbe existait de toute éternité. Il se trouvait dans la quiétude sans limite de la majesté divine. Lorsque Dieu voulut créer, le Verbe fut son levier de création, «Car il a commandé, et ils ont été créés» [Ps 148,5].



Mais en même temps, le Verbe apparut avec les choses créées, alors qu’Il avait été invisible jusque là. «Toutes choses ont été faites par Lui», dit Jean, «et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui». Lorsque pour Lui vint l’heure de revenir, afin de rétablir la création qui s’était révoltée, le Verbe Lui-même apparut et «se dépouilla». Que signifie ce verbe ‘se dépouiller’? Il se contracta, afin de pouvoir approcher la création, comme le dit Abba Isaac dans un merveilleux propos. Il s’humilia et se contracta afin que la création ne disparût pas lors de Son apparition, et qu’Il puisse s’entretenir avec elle. Avec plus de profondeur, on peut dire: afin qu’Il puisse prendre la création sur Lui et lui transmettre la sanctification hypostatique. A travers la nature humaine, Il revêtit le monde créé et apporta à celui-ci toutes les Énergies Divines de Sa grâce, afin de la sanctifier hypostatiquement. Pas par nécessité. Il n’est donc pas une victime.

Abordons maintenant un autre point. Dans l’Évangile, il est écrit que lorsque les 70 disciples revinrent de leur tournée de prédication, ils dirent joyeusement au Seigneur: «Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom». Et le Christ répondit: «Je voyais satan tomber du ciel comme un éclair». Naturellement, nous devons adapter cela. Cela aurait dû être formulé autrement. Mais notre Jésus était sobre et humble de cœur, et il évitait toujours de Se mettre en valeur. Mais Il aurait pu dire «Celui dont vous dites qu’il vous était soumis en mon nom, c’est celui que J’ai jeté en bas du ciel et J’étais présent quand il en est tombé comme un éclair». Mais notre Seigneur évitais le mot ‘je’. Venons-en maintenant à un niveau théologique plus profond, expliquant pourquoi la chute se produisit. Selon le Seigneur, la chute se produisit comme un éclair, dans une fulguration. En un éclair, les milliards d’anges déchus subirent deux transfigurations. Tout d’abord, Dieu leur retira l’illumination, la dignité et la perfection dont ils jouissaient; et en même temps, Il changea leur forme. Selon les Pères, les rangs de Lucifer étaient les plus beaux. En une fulguration, Il les renversa, leur retira leur sainteté, leur lumière et il altéra leur forme.


Venons-en à la seconde forme de révélation. Comme l’a dit le Seigneur, nous attendons «la résurrection des morts et la vie du siècle à venir». Comment notre Église décrit-elle la question de la régénération de la Seconde Parousie? Ne dit-elle pas que la venue du Verbe de Dieu sera «comme un éclair venu de l’Orient et visible jusqu’à l’Occident» et que dans ce même instant, tous se lèveront et se présenteront devant Lui?
Il n’est pas correct d’admettre toutes les théories du premier quidam venu ; nous ne voulons pas d’informations, nous voulons des preuves. Nous croyons en un Dieu vrai, pas un dieu abstrait, avec Qui nous sommes unis hypostatiquement, à travers Sa kénose volontaire. Et voyez la sanctification. Mais n’oubliez pas que satan est là, lui aussi, et il lutte. Souvenez-vous de l’esclave du temps des Apôtres, qui «avait un esprit de python» (Actes 16,16), devinait et prédisait les événements. Comment satan prédit-il? Il existe, c’est un phénomène surnaturel et il a des pouvoirs surnaturels à cause du raffinement de sa nature et de ses mouvements. Il se meut comme le ‘noûs’. Imaginez ce que peuvent être les mouvements de notre ‘noûs’. Vous êtes ici, maintenant. Vous pensez à New York, à Londres, ou à votre lieu de naissance. Combien de fraction de secondes furent nécessaires pour y penser? Voilà comment les anges et les démons se déplacent. Les hommes et les anges voient par participation à la grâce du Saint Esprit, comme Dieu voit. Les démons, en tant qu’esprits, «spéculent». Au cours du nombre immense d’années de leur vie, ils ont acquis maintes expériences. Ils voient par exemple quelqu’un qui se met en chemin à Londres pour venir ici. Si je les connaissais, je pourrait voir cet homme venant ici, comme dans un rêve. Ils me le montreraient. Ils le voient préparer sa valise, son passeport… Ils se déplacent dans l’instant. Et il existe également d’autres symboles dans la création qui les assistent. Voici de quoi il s’agit. Ici dans la société, on a la police, l’armée, différentes autorités, et l’ordre existe. Et nous voyons et nous comprenons, par exemple, en fonction de leurs uniformes respectifs, qui appartient à la marine, aux forces aériennes, etc. Dans le même ordre d’idée, les démons peuvent identifier ceux qui sont marqués pour le salut. Saint Paul a dit: «Dieu nous a élus avant la fondation du monde» [Eph.1,4 N.d.T.]. Donc, ceux qui seront sauvés portent les symboles de la grâce de Dieu et les démons, en tant qu’esprits, voient et comprennent cel


Saint Théodore Tiron

Dans la vie de Saint Théodore Tiron, pendant qu’il souffrait le martyre, les démons étaient fouettés et ils criaient «Ne savions-nous pas qu’il nous brûlerait? N’avons-nous pas vu dès sa naissance qui il deviendrait?» Dès sa naissance, il portait les signes et ils savaient qu’il deviendrait un homme de Dieu. De ce point de vue, il ne s’agit pas d’une prophétie. Ils n’ont pas le don de prophétie car ils ont perdu la grâce et sont devenus sombres et ténébreux. Mais à cause de leur faculté de déplacement subtile, de leur expérience, et de leur proximité avec les anges, qui les fréquentent, ils comprennent. La création toute entière est soutenue par les anges. Les anges maintiennent l’harmonie dans la création, instruits par les ordres de Dieu. Les démons observent les anges et tirent leurs conclusions. Dieu va intervenir ici, ou là, il va y avoir un tremblement de terre. Quand Dieu ordonne aux anges gardiens de partir, les démons voient que quelque chose se prépare. Ils le savent en fonction des expériences passées. Et ils disent les mêmes choses à travers les devins, les sorciers, les médiums. La plupart du temps, c’est très approximatif, et parfois, c’est faux. Car Dieu modifie Sa décision. Dieu peut décider de détruire un endroit précis. Mais ceux qui y vivent élèvent leurs prières, ou les défunts qui ont de l’audace prient, et Dieu change Son projet. Les démons ont vu ce qui se préparait et les sorciers ont annoncé la destruction, et elle n’a pas lieu. Le hommes ont modifié l’intention de Dieu, et Dieu a changé Son plan. Qu’avait-Il dit à propos de Ninive? C’est pour cela que Jonas ne voulait pas aller y prêcher; il savait qu’ils se repentiraient et que Dieu changerait d’avis, et c’est lui, Jonas, qui aurait eu l’air d’un menteur. C’est pour cela qu’il partit, et Dieu dût le forcer à y aller.



Mais l’impression que quelqu’un va arriver, peut-on expliquer cela par la télépathie?

Geronda: La télépathie, cela n’existe pas. C’est ce que nous disions. Ou c’est la grâce de Dieu ou c’est la tromperie des démons. Lorsque les gens commencent à vivre en Chrétiens, après s’être extraits des marges de leur vies pécheresses et contre nature, ils commencent à vivre naturellement. Et du naturel, ils continuent vers le surnaturel, vers la sanctification. C’est alors que leur intuition commence à entrer en jeu, un don d’avant la chute. Après l’intuition apparaît la perception, suivie par la clairvoyance. Ensuite vient la prophétie, augmentée par la grâce. Quand les hommes qui craignent Dieu ont l’intuition, la perception, la clairvoyance et la prophétie, ils voient tout cela, quand ils voient. C’est la seule manière. Que signifie télépathie? «Marqué par la chute», les hommes sont marqués par la chute. Et les pécheurs sont privés de tout. Ils se retrouvent avec rien. Ce que vous dites au sujet de ces transmissions se réalise seulement par l’action de satan.

On lit pourtant cela dans les livres scientifiques!

Geronda: Magie est un terme scientifique. Sainte Catherine était une adepte de la magie, comme de nombreux Pères, avant d’entrer dans la grâce de Dieu.

J’aimerais poser une question plus pratique. Souvent, ce sont des enfants qui la posent. Saint Paul dit que hommes et femmes sont égaux devant Dieu. Pourquoi la prêtrise est-elle interdite aux femmes? Une femme devint la Mère de Dieu.



Geronda: La Panagia était une exception, la seule. Elle fut choisie pour faciliter la kénose du Verbe de Dieu. Cela ne peut se reproduire, jamais. La cause de la chute fut mise en œuvre par une femme. Par là, il fut montré qu’elle était la plus faible des deux. Cette caractéristique, être la plus fable des deux, la prive de la confiance nécessaire pour être un authentique représentant. La preuve, c’est qu’elle causa la chute. Et si une jeune vierge fut choisie pour faciliter le dessein de Dieu, elle fut une exception, l’unique exception, car il n’en pouvait être autrement. Il devait devenir humain et donc naître selon la voie naturelle. Il fallut trouver une jeune vierge pour ce faire. Bien entendu la vie des bénis est ouverte aux femmes. En réalité, Dieu ne créa pas la femme, il créa l’homme. Et il prévit la chute; il créa la femme pour être compagne. Une compagne dans les conditions «post-chute». Dans le futur, la nature féminine sera abolie. Il y aura un retour à la création première: «Et Dieu créa un homme». Elle n’intervient pas ici avec une personnalité complète. Même si elle reçoit une personnalité à travers la grâce de la maternité. Et si il lui fut accordé le droit de facilité le dessein de Dieu, ce ne fut pas pour les caractéristiques physiques que vous connaissez, mais à cause de l’impossibilité pour l’homme, malade, de se trouver dans un état de pureté.

Initialement, l’Église autorisa la pratique, considérant que tous étaient égaux. Mais bien vite, scandale et passions apparurent. A cause de la faiblesse humaine, les deux sexes ne peuvent œuvrer ensemble sans que les passions n’interviennent. Et comme il y a un risque, l’Église, «qui n’a ni tache ni ride», ne pouvait admettre cette situation. L’Église accorde évidemment le respect aux femmes et les exaltent au-delà de toute théorie anthropique, de toute idéologie. Seule l’Église considère les femmes comme égales aux hommes. Non, elles n’ont pu devenir prêtres, mais elle peuvent devenir saintes.



Il semble que la femme ne comprit pas clairement la situation au début de la création; c’est la raison pour laquelle il n’y en aura plus, dans le futur. Les Juifs croyaient que le mariage est le but absolu pour les gens et ils demandèrent à notre Seigneur ce qui allait se passer dans le futur. Il leur répondit «Vous faites erreur, vous ne connaissez pas les écritures. Il n’y a rien de tout cela dans l’éternité». Même si le sexe exista dès le début de la création, ce facteur n’est pas toujours actif. Quand une petite fille naît, elle est une femme potentielle, mais pas activement. Elle doit atteindre l’âge de quinze ans pour qu’apparaisse l’activation. Et quand elle a dépassé cinquante ans, elle ne peut plus être femme. Elle sert l’objectif de la maternité pendant une période réduite seulement. La dimension éphémère de ce genre de condition fut introduite par la chute. C’est pourquoi, dans le futur, il n’y aura plus de sexe masculin et de sexe féminin. En réalité ils n’existeront plus après la sanctification. Mais avant la vie en sainteté, ils existent. De nombreux Pères disent que sous la forme de la première Eve, il n’y aura plus que la Panagia, notre Theotokos, mais sous forme d’Eve libre de toute passion, car Elle fut glorifiée par le Verbe de Dieu qui séjourna en Elle. Mais nous ne savons comment cela se produira.

Traduit de l’anglais


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