Les cœurs des apôtres étaient remplis de rage. Le Maitre se dirigeait
vers Jérusalem, et il avait envoyé des messagers en avant pour assurer son
logement et celui de Ses apôtres. Certains des messagers étaient entrés dans
une ville des Samaritains, mais quand les villageois samaritains apprirent que
Jésus se dirigeait vers Jérusalem, ils refusèrent brusquement toute
hospitalité, malgré l'obligation séculaire et sacrée du Moyen-Orient d'offrir
l'hospitalité à des étrangers. Si Jésus se dirigeait vers Jérusalem, l'enseigne
" accueil" à l'avant était rapidement tournée pour lire "complet"
- du moins pour eux. C'était
un geste spectaculaire et une terrible insulte.
Les apôtres se souvienaient alors de la manière dont Elie fut insulté
par ceux qui refusaient de reconnaître qu'il était un prophète véritable (2
Rois 1:9). Le roi avait envoyé cinquante soldats pour l'arrêter, et ils
exigèrent avec arrogance que l'homme de Dieu, le prophète, descende avec eux.
"Si je suis un homme de Dieu, répondit Élie, "que le feu descende du
ciel et vous consume, vous et vos cinquante hommes." C'était un vrai
prophète, bien sûr, et Dieu réagit en envoyant des éclairs pour abattre les
soldats qui l'avaient arrêté. Si Dieu vengeait son prophète quand un roi
refusait de reconnaître la dignité du prophète, les apôtres ont sûrement
raisonné mêmement, Dieu enverrait aussi le feu du ciel pour venger Son Messie
quand d'autres (Les Samaritains haineux, pas moins !) refusaient de Le
reconnaître. "Seigneur, demandaient-ils avec espoir, veux-tu que nous
fassions descendre le feu du ciel et que nous les consumions ?" Le
Seigneur rejeta la suggestion, et réprimanda ses futurs défenseurs. A
Jérusalem, il recevrait un traitement pire que cela. Ils marchèrent vers un
autre village (Luc 9:51). Dans une recension manuscrite, le Seigneur répond aux
apôtres en disant : "Vous ne savez pas de quelle sorte d'esprit vous êtes
animés." - c'est-à-dire qu'ils ne savaient pas ce qu'il y avait dans leur
propre cœur. Ils auraient pu imaginer qu'ils étaient motivés par une
indignation pieuse et juste, mais en réalité, ils étaient remplis d'une injuste
colère.
La colère n'est pas un péché heureux. Soyons honnêtes - certains péchés
sont bien ressentis lorsque nous nous y adonnons. Lorsque nous nous livrons au
péché de la gloutonnerie, par exemple, et que nous mangeons une boîte entière
de crème glacée, nous nous sentons bien. Quand plus tard sur notre conscience
nous titille (ou quand nous montons sur la balance de la salle de bain le
lendemain, et que cela nous fait mal), ça ne fait pas de bien, mais pendant que
nous nous adonnons à ce péché, ça fait du bien. Le péché de colère n'est pas
comme ça. Après avoir cédé à la rage sur la route et avoir crié, nous ne nous
tournons jamais vers la personne assise dans la voiture à côté de nous et nous
disons : "C'était génial ! Je me sens tellement plus heureux maintenant
!" Au lieu de cela, le péché de colère arrache de petits morceaux de notre
âme et nous laisse en lambeaux. La colère n'est pas un péché heureux.
Mais comme tout péché, la colère ou la rage représente une perversion de
quelque chose de fondamentalement bon et donné par Dieu. Prenons à nouveau
l'exemple de la gloutonnerie : Dieu nous a fait d'une telle manière que nous avons
besoin de manger pour vivre, et ainsi nous ressentons du plaisir à satisfaire
notre faim. Le plaisir de manger est bon ; le péché consiste à abuser de ce
plaisir. De même, Dieu nous a rendus capables d'éclats soudains d'énergie
psychique intérieure - énergie dont nous avons besoin pour réagir quand le
danger menace. Dans notre monde déchu, nous ressentons une telle énergie
intérieure lorsque nous sommes confrontés non seulement au danger, mais aussi
au mal, et nous sommes directement en colère lorsque nous sommes confrontés à
l'atrocité morale. Si quelqu'un, par exemple, était informé des décapitations
d'ISIS et répondait : "Eh bien... personne n'est parfait", on
n'applaudirait pas cette personne pour son esprit calme et imperturbable, mais
on se demanderait où elle a égaré sa boussole morale. Il est pieux et juste de
ressentir une juste indignation face au mal. C'est par une telle indignation si
juste que le Christ dénonce la dureté du cœur des pharisiens et qu’Il purifie
le Temple.
La grande question à laquelle nous sommes confrontés est donc la
suivante : comment pouvons-nous savoir si la colère que nous ressentons à un
moment donné est une indignation vertueuse ou une rage injuste ? Un indice
vient de la mesure de la colère que nous ressentons. Si quelqu'un nous vole
notre place de parking, nous devrions ressentir de l'agacement et de
l'irritation. Mais si nous sommes consumés par la fureur et les cris et que
nous jurons comme des charretiers en vitupérant, ce n'est pas de l'indignation
vertueuse. C'est un péché, car notre réponse est disproportionnée par rapport à
l'offense. Un autre indice vient de l'indignation que nous ressentons. Si
quelqu'un coupait la route à une autre personne dans la circulation et lui
"faisait un geste obscène du doigt", nous pourrions ressentir une
petite indignation face à l'acte et nous dire : "Ce n'était pas très
gentil". Mais si la même personne nous a fait la même chose et que nous
avons ressenti plus qu'une indignation mineure et que nous avons commencé à râler
et à crier et à appuyer sur l’avetisseur, c'est aussi un péché. Si l'infraction
suscite une réaction plus vive lorsqu'elle s'adresse à nous qu'à d'autres, nous
savons que nous avons un problème. Nous pouvons savoir quelle sorte d'esprit nous anime.
Alors, lorsque nous nous trouvons en colère et qu'il y a une offense
réelle ou imaginaire, que devons-nous faire ? Je suggère trois choses.
Version
française Claude Lopez-Ginisty
D’après
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