"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 18 février 2014

Vie de Grégoire, Fol-en-Christ de Glinsk



Vassily Ivanovitch Sourikov (1885)

Frère Grégoire [Svarkovski] avait l'apparence typique d'un fol-en-Christ, maigre, émacié, la tête rasée. Il ne regardait jamais les gens en face, et portait une longue chemise et une robe de chambre d'hôpital brune. Il ne possédait rien d'autre que ces vêtements, et apparemment, il n'avait besoin de rien d'autre; il n'avait pas de chambre à lui ou de travail, et au début, il ne demeurait pas toujours au monastère. Il vivait suivant les règles de ceux qui sont leur propre patron. Les moines avaient de lui des opinions diverses: quelques-uns pensaient qu'il était saint, d'autres qu'il était clairvoyant, d'autres encore qu'il était fou! Il restait devant les quartiers du hiéromoine Aristocle, ou près des ruches de Père Moïse, qui tous deux le vénéraient et pensaient que c'était un saint.

Il était habituellement assis par terre, devant un seau, avec une paire de ciseaux, et il coupait du papier, des haillons, des lacets, etc. Quelquefois, il versait de l'eau sur tout ce qu'il avait coupé, et s'arrachait les poils de barbe. Il ne souriait ni ne riait jamais, parlait rarement (en  dialecte petit russien), mais toujours à propos et en allégories.
Un jour, un des moines (qui sera plus tard l'archimandrite Séraphim [Verbine]) travaillait au bureau, et avait apporté des papiers à Père Aristocle pour signature. Quand il récita la prière habituelle à la porte, il ne lui fut pas répondu Amen! Il répéta une deuxième fois, mais tout resta silencieux. Quand il répéta une troisième fois, il entendit la voix rauque de frère Grégoire disant: "Ouvrez pour l'archimandrite!" Il entra et trouva le syncelle qui était occupé et n'avait pas entendu la prière. Père Grégoire était assis, impertubable dans sa robe de chambre, devant son seau, occupé à couper un vieux journal. Ce fut seulement dix ans plus tard, quand il devint archimandrite, que la signification de sa prophétie lui revint en mémoire.

Père Aristocle avait toujours vis-à-vis de lui une attitude révérentieuse, en dépit de sa conduite qui n'était pas toujours agréable.

Une dame, qui vivait près du monastère, raconte la chose suivante. Pendant la guerre de 14-18, son époux, un officier, fut mobilisé et après un certain temps, elle ne reçut plus de lettres de lui. Elle commença à s'inquiéter et demanda à sa mère d'aller à Glinsk, d'y prier la Mère de Dieu et de voir si le fol-en-Christ Grégoire dirait quelque chose. 
Quand la mère vint vers lui, il était occupé à son activité habituelle, à couper du papier, et il ne lui prêta aucune attention. Elle était sur le point de partir quand soudain, il commença à arracher des poils de sa barbe, et à crier en saisissant sa jambe: "Aïe! Aïe! Une abeille m'a piqué!" Il enveloppa un haillon autour de sa jambe, et en silence, restant assis à sa place, sans répondre aux questions de la mère. Après quelques jours, la dame reçut une lettre disant que son époux avait été légèrement blessé à la jambe. Alors elles réalisèrent le sens des paroles: " Une abeille m'a piqué!"

Pendant le Grand Carême, elles voulurent envoyer des pains pascaux à l'époux blessé de la dame, mais elles ne purent rien faire avec la pâte: elle ne levait pas. D'abord elles mirent cela sur le compte du levain, puis elles tombèrent dans la superstition: cela signifiait qu'il devait y avoir eu une opération, une amputation, quelque infection, ou bien d'autres choses pires encore. L'absence de lettres confirmait leurs craintes.

Pendant la Semaine Sainte, la mère de la dame alla à Glinsk, et rendit visite au fol-en-Christ Grégoire. A ses requêtes, à ses questions, et à son histoire à propos de la pâte, il dit: " C'est inutile [de s'inquiéter]!"

A Pâques, il n'y avait toujours pas de nouvelle, et la dame pensa qu'elle était devenue veuve. Puis, après l'office pascal, après le baiser habituel, elle se retourna et vit son époux. Il y avait eu quelque confusion concernant sa permission d'absence, et de ce fait, il ne pouvait pas lui écrire s'il viendrait ou non. A la maison, sa mère se souvint de l'épisode de la pâte, de la prophétie de Grégoire, et de son étrange comportement.

Juste avant la révolution, le 2 mars 1917, Grégoire vint chez cette dame, plaça une petite table sur une autre table, puis un fauteuil sur cette dernière, et il s'assit en haut sur son "trône"; il tomba et se blessa. Ils se précipitèrent et le trouvèrent dans la pile des meubles, sur le tapis couvert de sang. Il était assis là, se coupant les ongles des orteils avec un ciseau; du sang coulait de ses tempes et de ses doigts. Ils demandèrent: "Que se passe-t-il?". Il répondit: "Cela doit être ainsi!"
Le lendemain, les vendeurs de journaux criaient "Edition Spéciale, le Tzar a abdiqué." Tout comme l'archimandrite Iliodore l'avait prédit en 1870, frère Grégoire, le fol-en-Christ, répéta la prophétie, le jour de la grande tragédie de la monarchie russe.

Frère Grégoire mourut dans la prison locale après que le régime communiste ait été établi.

Saint et bienheureux Fol-en-Christ Grégoire, 
prie Dieu pour nous!

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
GLINSK PATERICON
ST. XENIA SKETE
Wildwood, California
1984

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