Quand j'étais petit, je ne supportais pas le tic tac de l'horloge. Et ce n'était pas parce que j'avais des problèmes pour m'endormir ou à cause de mes nerfs, mais parce que l'horloge me rappelait l'existence du temps. Chaque tic-tac était similaire pour moi: il frappait à la porte de la mort.
Quand j'étais étendu dans mon lit, et que l'on apercevait la seule forme de la fenêtre dans l'obscurité, alors le tic tac de l'horloge était semblable au bruit des roues d'un train qui m'emportait vers la mort. Le tic-tac était si court, mais il suffisait à me plonger dans une tristesse accablante, dans une tristesse dont je ne croyais jamais pouvoir sortir. C'était horrible de savoir que je ne pouvais pas ramener le temps de ma vie, au moins avec un seul tic-tac. Je me rongeais le coeur avec le sentiment que ce son monotone et triste disparaissait pour toujours et irrévocablement dans la non-existence.
Je revivais particulièrement ce sentiment dans la soirée, quand j'allais au lit. Mais la véritable tristesse et solitude m'écrasaient dans les maisons étrangères, même chez ma grand-mère, où une grande horloge soviétique me tirait du sommeil. Alors, je pensais combien il aurait été déprimant, d'entendre ce genre d'horloge toute la journée, mais en même temps je réalisais qu'elles faisaient leur tic-tac, même quand je ne les entendais pas. Quoi que je fisse, où que j'aille, le temps passait.
Le seul sens que j'y voyais encore, était d'observer avec la plus grande attention le passage du temps, pour l'enregistrer, pour l'expliquer. C'était l'occupation la plus douloureuse de ma vie, mais elle n'a pas été vaine.
J'ai commencé à voir le passage du temps en tout: dans les feuilles qui tombaient ou tout simplement se déplaçaient, dans tous les changements, dans chaque mot ou geste qui étaient soudain avalé par le passé comme par un banc de piranhas. J'étais moi-même impuissant et immobile devant le passé qui m'avalait peu à peu.
Le passage du temps peut être mesurée en tout. Je l'ai mesuré par les vêtements dans lesquels j'ai grandi, par les gens qui sont morts ou se sont mariés. Rien ne peut arrêter l'écoulement du temps. Même les amoureux peuvent dire: nous sommes avec un geste plus proche de la mort, avec une étreinte, un baiser plus près de la mort.
Nous sommes toujours plus proches. Plusieurs fois, je me surprends à avoir la même pensée au cours de la Liturgie, quand les prêtres et les diacres se donnent le baiser de pardon et d'amour avant de recevoir l'Eucharistie, le Corps et le Sang du Christ. Alors ils s'étreignent et s'embrassant sur l'épaule, l'un dit "Le Christ est parmi nous", et l'autre répond "Il l'est et le sera".
Comme c'est merveilleux! Alors, ils sont vraiment, par un baiser, plus près de la mort, mais aussi plus proches de la vie. Alors, je prie pour que ce baiser me rapproche, en particulier, de la Vie et non de la mort.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
http://www.sfaturiortodoxe.ro/orthodox/orthodox_advices_hieromonk_savatie_with_a_kiss_closer_to_death.htm
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