35 — Du jeûne
L’initiateur des combats ascétiques, notre Sauveur Jésus-Christ, avant de commencer son haut fait de la rédemption du genre humain, a pris des forces au moyen d’un jeûne prolongé. Et tous les ascètes, lorsqu’ils commencèrent à servir le Seigneur, s’armèrent du jeûne et ne s’engagèrent pas autrement sur la voie de la Croix que par le haut-fait du jeûne. Ils mesuraient les succès mêmes dans l’ascèse par les succès dans le jeûne.
Le jeûne n’est pas constitué seulement par le fait de manger rarement, ni par celui de ne manger qu’une fois par jour, mais par le fait de ne pas manger beaucoup. Irraisonnable est le jeûneur qui attend avec impatience l’heure fixée pour la table et qui, venue celle-ci, s’adonne tout entier, corps et âme, à la nourriture, avec avidité. Concernant le choix de la nourriture, on doit également prêter attention à ne pas faire la différence entre les nourritures savoureuses et celles qui ne le sont point. Cette façon de faire est propre aux animaux et n’est pas louable chez l’être doué de raison. Quant à nous, dispensons-nous de la nourriture agréable, afin d’apaiser les membres de la chair qui combattent et de donner la liberté aux actions de l’esprit.
Le véritable jeûne ne consiste pas en le seul épuisement de la chair, mais aussi à donner à l’affamé ce morceau de pain que tu voudrais toi-même manger.
Les saints hommes n’abordaient pas d’un seul coup le jeûne strict, mais ils s’habituaient graduellement et peu à peu à se contenter de la nourriture la plus frugale. S. Dorothée de Gaza, enseignant son disciple Dosithée à jeûner, lui retranchait peu à peu une petite partie de sa nourriture, de telle façon que sa nourriture quotidienne diminua de quatre livres à huit onces de pain.
Malgré tout cela, les saints jeûneurs, à l’étonnement de tous, ne ressentaient pas de faiblesse physique, mais étaient toujours vaillants, forts et prêts à l’action. Chez eux, les maladies étaient rares, et leur vie était exceptionnellement longue.
Dans la mesure où la chair du jeûneur devient fine et légère, la vie spirituelle parvient à la perfection et se manifeste par des phénomènes merveilleux. L’esprit accomplit alors ses actions comme en un corps incorporel. Les sentiments extérieurs pour ainsi dire se ferment, et l’intellect, se détachant de la terre, s’élève vers le ciel, et s’immerge tout entier dans la contemplation du monde spirituel.
Néanmoins, il n’est pas à la portée de tout le monde de prendre sur soi une règle d’abstinence stricte de toutes choses ou de se priver de tout ce qui pourrait servir à alléger ses faiblesses. « Que celui qui peut comprendre comprenne » (Mat. 19,12).
Il faut prendre suffisamment de nourriture chaque jour pour que le corps, fortifié, puisse être l’ami et l’aide de l’âme dans l’accomplissement des vertus. Sinon, il peut arriver que si l’on épuise son corps, on affaiblisse aussi son âme.
Les vendredis et mercredis, et plus particulièrement pendant les quatre carêmes, prends de la nourriture une fois par jour et l’ange du Seigneur s’attachera à toi.
Version française Claude Lopez-Ginisty
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