"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 8 mai 2024

Père Stephen Freeman: Le danger et la honte du pardon

 


Le pardon est si terriblement difficile. Sur le plan psychologique, c'est dangereux. La honte engendrée par toute insulte ou blessure est notre expérience de vulnérabilité, et nous réagissons instinctivement pour nous protéger. Cela, nous devons comprendre, n'est pas un péché, c'est un instinct qui est un don de Dieu.

L'exemple du Christ, qui n'a pas « détourné son visage du crachat et de la honte », est aussi l'exemple de la difficulté d'une telle action. Dans le jardin du Gethsémani, le Christ agonise face au procès à venir. Il a transpiré du sang.

Je pense que le problème récurrent du pardon est notre effort pour trouver un moyen de contourner le danger de la vulnérabilité. Y a-t-il un moyen de pardonner et de rester en sécurité ? En bref, la réponse est « Non! ». Le pardon est un dépouillement volontaire qui englobe la vulnérabilité qui découle de cette action. Les ennemis ont un moyen de vous crucifier. Le disciple n'est pas au-dessus de son maître. S'ils l'ont crucifié, il n'y a aucune promesse qu'ils ne vous crucifieront pas. Le pardon n'est pas une chose sûre.

Nous voulons être en sécurité. Lorsque nous voyons qu'une autre personne est désolée pour ce qu'elle nous a fait, nous commençons à penser qu'elle sera dorénavant en sécurité. Nous avons peur de pardonner à ceux qui ne montrent aucun chagrin ou qui ne se sont pas clairement repentis de leurs actions à notre égard. Et nous faisons bien de le craindre. C'est une réponse instinctive tout à fait rationnelle, même « innée ». Mais cela nous dit ce que le pardon implique réellement et ce que le Christ nous demande.

Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille.

Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants.

Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux.  

(Luc 6:34-36)

Le pardon dans les commandements du Christ n'espère pas « recevoir en retour ». Il n'est pas fait en toute sécurité ni dans la promesse d'un bon résultat. Nous pouvons nous attendre à « rien en retour ». En effet, à quoi pouvons-nous nous attendre si nous pardonnons aux « ingrats et au méchants » ? Nous ne pouvons pas nous attendre à des remerciements, mais probablement à quelque chose de désagréable en retour.

Le pardon au sens chrétien est à proprement parler un acte de se vider. C'est un acte volontaire de folie dans lequel nous agissons d'une manière contraire à la honte qui nous a été infligée. Compris de cette manière, le pardon va de pair avec le port de la Croix elle-même. Il est d'une importance primordiale que le seul acte de pardon général offert par le Christ se trouve dans les paroles prononcées par la Croix. Elles auraient pu être dites nulle part ailleurs.

Il y a quelques choses à noter à propos du dépouillement du pardon. D'abord et avant tout, il ne peut s'avoir que d'une offre volontaire. Imposer une telle action à quelqu'un serait toxique et nocif. Dieu ne se tient pas au-dessus de nous pour exiger notre offrande. Le Christ a transpiré du sang dans son propre effort. Personne ne pourrait avoir plus de respect pour ce qui est impliqué dans une telle offrande que Dieu Lui-même. Et ainsi, le « commandement » du pardon devrait à juste titre être compris comme une invitation à agir en union avec le Christ qui s'est librement offert sur la Croix, « mérisant la honte » (Heb. 12:2).

L'enseignement des Pères spirituels orthodoxes est que nous devrions tout pardonner à tout le monde. Ce n'est qu'en cela que nous pouvons être « comme notre Père Qui est aux cieux ». Mais ne vous y trompez pas : c'est effrayant, difficile et sans promesse de sécurité ou de récompense.

Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui qui m'aime; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père, je l'aimerai, et je me ferai connaître à lui.

 (Jean 14:21)

C'est Sa promesse.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

GLORY TO GOD FOR ALL THINGS

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