"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 1 décembre 2022

Pemptousia ARCHIMANDRITE ZACHARIAS ZACHAROU: L'authenticité de la vision du Christ dans la vie de saint Silouane



 

Le Christ est le miracle qui nous étonne. Il est le signe que Dieu donna à toutes les générations de tous les temps. En sa personne, chaque problème, chaque impasse, chaque tragédie a reçu sa solution. Étant des imitations du Christ et Le portant dans leur cœur, les saints sont aussi le signe de Dieu pour leur génération. Ils deviennent des exemples tangibles de l'amour de Dieu dans un monde plongé dans les ténèbres de l'ignorance et du découragement.

Par leur parole et leur prière, les saints donnent une réponse aux questions de leurs contemporains et une solution à leurs problèmes. C'est plutôt Dieu Lui-même, à chaque génération, qui parle à travers ses amis les plus proches, qui sont les saints. Et c'est cette parole, venant soit directement de Dieu, soit de Ses saints, qui nous jugera au dernier jour.[ 1]

Le staretz Sophrony a récemment été canonisé officiellement et compté parmi les saints de l'Église. Pour ceux qui ont eu la bénédiction de le connaître, mais aussi pour ceux qui sont entrés en contact avec sa parole de sagesse divine qu'il nous a laissée en héritage, il est évident qu'il avait la sagesse divine.

Son propre staretz, saint Silouane, avait déjà été canonisé comme « enseignant prophétique et apostolique de l'Église »[2] trente ans plus tôt. Pour beaucoup, cependant, sa stature spirituelle est cachée derrière la simplicité de ses paroles. C'est dans cet esprit que saint Sophrony publia les écrits de saint Silouane, les accompagnant de sa propre introduction, expliquant aux intellectuels plus raffinés de son temps la parole de son Père en Dieu qui est sainte et pure, mais pourtant « incompréhensible précisément à cause de sa simplicité ». 3]

Les écrits de saint Silouane peuvent ressembler à l'Évangile selon Saint Jean, qui est le plus pauvre du point de vue linguistique, mais contient la perfection du sens et de la révélation.

Extérieurement, la vie de saint Silouane ne présente aucun intérêt particulier. C'était un paysan russe analphabète qui vivait au monastère de saint Pantéléimon sur le Mont Athos. Le temps ne nous permet pas d'entrer dans plus de détails sur son mode de vie monastique. Il y a cependant eu deux événements marquants qui ont scellé son voyage spirituel.

Son biographe le décrit comme « un homme avec un désir insatiable pour Dieu ».[ 4] En effet, sa soif de Dieu le consuma même avant d'aller sur le Mont Athos jusqu'au dernier jour de sa vie. Dès le moment où il arriva au monastère, il vécut dans une tension spirituelle extrême. Il s'efforçait constamment d'être exact dans tous les aspects de la vie monastique, tels que la prière incessante, les offices, les corvées pénibles, les vigiles, le jeûne, l'amour fraternel et bien sûr, surtout, l'obéissance.

Après six mois, pensant qu'il avait accompli toute justice humaine, il devint épuisé au point de désespérer. Il accepta même la pensée que Dieu n'entendait pas ses prières, qu'Il était inexorable.

Pourtant, qui est l'homme, cette créature éphémère, pour adresser une telle parole à Dieu ? L'esprit du jeune novice était brouillé et son esprit était plongé dans une angoisse insupportable et dans les ténèbres de l'enfer. Néanmoins, il allait toujours à l'église, où la confrérie était réunie, et tandis qu’il vénérait l'icône du Seigneur, il trouva la force d'invoquer Son Nom : « Seigneur, Jésus-Christ, aie pitié de moi un pécheur ». Alors il reçut la bénédiction ineffable de voir le Christ vivant à la place de Son icône.

À ce moment-là, tout son être fut rempli de grâce divine et même sa chair désira souffrir pour l'amour du Christ. Nous savons par les paroles de saint Silouane qu'une grande Lumière divine brillait autour de lui, que dans l'esprit il fut transporté au Ciel, où il entendit des paroles ineffables, qu'à cet instant, il reçut une nouvelle naissance d'en Haut.[ 5] Bien qu'il ait entendu depuis son enfance : « Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit », c'est à ce moment-là qu'il prit conscience de l'existence du Saint-Esprit. Son cœur se dilata et Silouane, qui manquait d'éducation mondaine et n'avait probablement jamais vu de carte géographique de la terre, a commencé à intercéder pour le salut du monde entier et à désirer pour chaque être humain la même bonne part de grâce qui lui fut accordé de recevoir.

Pendant un certain temps après la vision, sa vie fut un festin pascal. Pourtant, sa nature n'était pas encore conforme à la grâce qui lui avait été donnée et bientôt il commença une longue et implacable guerre contre les pensées, en particulier les pensées de vaine gloire. À cause de ces pensées, les démons lui apparaissaient parfois sous une forme visible, le tourmentant. Il se battit pendant quinze ans avec courage et patience. Il dormait à peine, priait avec beaucoup de tension et de ferveur, et travaillait sans relâche.

Une nuit, alors qu'il essayait de faire une prosternation devant le Christ, un démon apparut devant lui prêt à recevoir son adoration pour lui-même. Découragé, le saint s'assit sur son tabouret et, le cœur serré, il demanda au Seigneur de lui dire quoi faire pour humilier son esprit, afin que les démons ne puissent plus le déranger. Alors il entendit la voix de Dieu répondre dans son cœur : « Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas. »

Le Seigneur lui offrait l'enfer, mais le saint accepta la parole avec gratitude. Il  commença à pratiquer le conseil du Seigneur et, comme il en témoigne lui-même, « Son esprit fut purifié et son âme trouva du repos. »

Comme le révèlent également les paroles du Christ dans l'Évangile, la connaissance parfaite de Dieu ne consiste pas en fabrications intellectuelles, mais en la vision de Son Visage dans le Saint-Esprit et dans le son de Sa voix dans le cœur. Afin de montrer aux Juifs qu'ils ne connaissaient pas vraiment Dieu, le Seigneur leur dit : « Vous n'avez jamais entendu Sa voix (du Père) à aucun moment, ni vu Sa forme. » [ 6] Dieu est connu par la communion personnelle avec Lui. Comme le dirait saint Sophrony, la connaissance de Dieu et la théologie en tant qu'état de l'esprit est « communion dans l'être ». 7]

Beaucoup prétendent avoir une vision du Christ ou de la Mère de Dieu ou des anges. Pourtant, dans l'Église, il existe des critères fermes qui vérifient l'authenticité de la vision. Dans le cas particulier de la vision du Christ par saint Silouane, ses effets immédiats et le reste de la vie du saint témoignent de l'authenticité de son expérience.

Examinons brièvement certains aspects qui scellent la vérité de la vision de saint Silouane et la perfection de cet homme saint.

a) La grâce est également transmise au corps

Tout d'abord, la grâce qu'il a reçue n'était pas une figure de son imagination, elle était très tangible. Tout comme il ressentait les flammes de l'enfer rugir autour de lui pendant sa lutte ascétique, affligeant tout son être, son corps, son âme et son esprit, il ressentit également  la grâce imprégner son être jusqu'à la moelle de ses os. Son cœur fut enflammé d’un tel amour pour le Sauveur Jésus, qu'il désirait souffrir le martyre pour Lui.

b) La parole du parfait

Lorsqu'un saint ascète du Caucase, saint Stratonique,  rendit visite à saint Silouane pour en retirer un bénéfice spirituel, le staretz lui posa la question : « Comment les parfaits parlent-ils ? » Il donna la réponse suivante: « Les parfaits ne disent jamais rien d'eux-mêmes. Ils ne disent que ce que l'Esprit leur inspire de dire. » [ 8]

En réalité, par sa réponse, il révéla sa propre façon de parler et d'écrire. Bien que sa parole soit simple et sans prétention, elle ouvre de nouveaux horizons. Elle rayonne « comme une lumière qui brille dans un lieu obscur ».[ 9] Elle donne la solution aux questions brûlantes et montre les chemins de vie.[ 10] C'est le fruit de sa prière et de son espoir « que même une âme vienne aimer le Seigneur et se tourner vers Lui par le feu de la repentance ».[ 11]

c) Humilité spirituelle

Lorsque saint Silouane vit  le regard doux, paisible et aimant du Christ, il connut dans son cœur l'humilité divine « ineffable », à laquelle il consacra un hymne dans ses écrits et qu'il recherchait « comme une perle précieuse et scintillante ». 12] Comme le reste des saints Pères, il distinguait deux sortes d'humilité, l'humilité ascétique et l'humilité charismatique ou spirituelle.

L'humilité ascétique consiste en la lutte de l'homme pour se rabaisser devant Dieu et ses frères. Le sommet de cette humilité est de se considérer comme pire que tous.

Cependant, cette humilité n'est pas parfaite, car elle implique une comparaison avec d'autres semblables. La véritable humilité divine s'est manifestée par le Christ par Sa descente du Ciel vers les parties les plus basses de la terre et c’est un don de Sa grâce. L'humilité semblable à celle du Christ s'exprime par le fait paradoxal que le Dieu non créé, infini et éternel s'est dépouillé de Lui-même [Kénose] et a donné sa vie pour délivrer Sa créature de la mort.

Dans les moments où la grâce lui rend visite, l'homme prend conscience de la redoutable Providence et de l'économie divines. Il voit l'histoire du monde comme la sollicitude aimante continue de Dieu, et puis il est convaincu au cœur de son être qu'il est non seulement le pire de tous les hommes, mais aussi indigne d'un Dieu tel que le Christ.

d) la repentance universelle

Cette conscience de notre indignité et de notre inutilité totales devant le Seigneur Jésus, mêlées à la gratitude pour Son amour sans bornes et Sa Passion inconcevable, conduit à un repentir qui ne connaît pas de fin sur terre.

Le début et la fin de l'Évangile du Christ parlent de repentance. Sans repentir, l'homme ne peut pas avoir accès à Dieu. En d'autres termes, le repentir est comme un pont qui unit les deux rives de l'abîme sans fond.

Dans son repentir personnel, dans son effort pour se réconcilier avec Dieu, saint Silouane a atteint des états extrêmes. Pendant sa vision du Seigneur Jésus, l'état du Seigneur lui a été transmis. Il reçut Sa grâce qui dilate le cœur pour embrasser toutes choses, le Ciel et la terre, Dieu et l'homme.

Le Christ a enlevé le fardeau du péché du monde entier, « étant fait malédiction pour nous ».[13] Tous ceux qui le suivent et reçoivent Son état, comme saint Silouane, acceptent le blâme et se repentent de la chute de toute l'humanité. Comment peut-on acquérir cette conscience universelle ?

Lorsque la lumière de la grâce brille dans le cœur, elle révèle les ténèbres que l'homme porte en lui, mais aussi sa consubstantialité avec l'ensemble de l'humanité. Le prochain n'est plus quelqu'un d'autre, un étranger qui se profite de nos biens ; il devient, comme les saints en témoignent, notre frère et notre vie, un membre du Corps auquel nous appartenons également. Alors l'homme de Dieu commence à se lamenter non seulement pour ses péchés personnels, mais aussi pour l'héritage maudit de l'apostasie du monde de Dieu, priant pour le salut universel.

Dans son chapitre sur la lamentation d'Adam, saint Silouane décrit essentiellement son propre repentir. Son fort cri avec de grandes larmes résonnait dans le désert d'un monde immergé dans le découragement et le désespoir, privé de la grâce vivifiante et rayonnante de Dieu.

Le repentir adamique convient à l'homme qui fut créé à l'image et à la ressemblance du Christ. Lorsqu'un tel repentir est offert à Dieu, il attire Sa bénédiction et la répand dans le monde entier.

e) La grande science

Les principales afflictions qui oppriment notre temps sont : l'esprit d’orgueil et d'amour de soi, l'assombrissement de l'esprit, le découragement général et la paralysie spirituelle totale, les nombreuses épreuves involontaires et, enfin, le désespoir.

Ce qui fait de saint Silouane un signe pour notre génération plus que tout, c'est la parole qu'il a reçue du Christ : « Garde ton esprit en enfer et ne désespére pas. » Cette parole résume toute la tradition de l'Église, mais dans ce cas particulier, elle est exprimée de manière concise et axiomatique.

Par la parole qu'Il a adressée à Son serviteur, Dieu lui a révélé l'arme avec laquelle l'Ennemi est vaincu. Il lui a fait connaître les moyens de guérir le corps blessé de l'humanité.

L'enfer fait partie du monde créé. C'est un état, auquel le Seigneur Lui-même est descendu afin de remplir chaque centimètre de création de Son énergie créative et salvatrice. Même pendant Sa vie terrestre, chaque fois qu'Il a été glorifié, nous voyons le Seigneur tourner Son esprit et l'esprit de Ses disciples vers Sa mort honteuse.

Si c'est la voie - d'abord de la descente, puis de l'ascension - par laquelle le Christ a réconcilié l'homme avec Dieu, il s'ensuit que l'homme doit aussi la suivre.

En effet, pour que l'homme devienne à la ressemblance du Christ, il doit s'étirer à la fois vers le bas et vers le haut : d'abord vers le bas par l'humilité et l’auto-condamnation. L'homme s'humilie devant Dieu, abaissant son esprit et sa psychologie à la limite, mais il ne désespère pas. Il s'étire aussi vers le haut, parce qu'il a jeté une ancre au Ciel et place tout espoir dans la miséricorde insondable de Dieu. Par la condamnation de soi, son arrogance est écrasée, tout son cœur est broyé. Cependant, comme les Pères en témoignent, il n'y a rien de plus courageux qu'un cœur broyé.

L'Ennemi a tendance à s’élever, en visant à dépasser même Dieu. Lorsque le pieux croyant se condamne et s’abaisse, l'Ennemi est par nature incapable de le suivre. Ainsi, l'homme n'est plus « captif de l'Ennemi selon sa volonté »[14] et commence à goûter la liberté « par laquelle le Christ nous a rendus libres ».[ 15] L'humilité requise par l'autocritique attire la grâce qui guérit les infirmités et comble les manques.

Dieu ne juge pas deux fois. Lorsque nous nous condamnons volontairement comme dignes de l'enfer, le Seigneur nous délivre du jugement futur. Saint Silouane a sûrement fait l'expérience de cet état sous sa forme charismatique. À un niveau plus ordinaire, cependant, il est réalisable, voire nécessaire pour chaque chrétien, en acceptant les afflictions avec patience et espoir dans la miséricorde de Dieu, en rendant gloire à Son Nom et en n’adressons des reproches qu’à nous-mêmes.

Pour saint Silouane, la parole du Seigneur, « garde ton esprit en enfer et ne désespère pas », est devenue une règle ascétique. C'était pour lui la Grande Science dont il s'est réjoui et qu'il a indiquée comme la voie qui mène au havre calme de l’absence de passion, et enfin à la vie éternelle.

f) Personnalité

La personne n'est pas un individu psychologique, mais un homme fait à l'image de Dieu qui s'efforce d'atteindre la ressemblance avec Dieu. Chaque hypostase de la Sainte Trinité est un Dieu parfait, portant la plénitude de l'Essence divine et de l'Énergie divine. De même, l'homme devient une hypostase lorsqu'il embrasse dans son cœur toute l'existence humaine du début à la fin et l'apporte devant Dieu dans sa prière d'intercession.

Au moment de la vision bénie, le jeune novice se tenait devant le Christ face à face. Il vit son regard paisible et goûta donc à l'éternité. L'état du Christ lui fut transmis, et la volonté divine, qui est le salut de tous, est devenue la sienne. « Le staretz a commencé à comprendre le commandement « Aime ton prochain comme toi-même » comme quelque chose de plus qu'un impératif éthique. Dans le mot "comme", il vit une indication, non pas d'un degré requis d'amour, mais d'une communauté ontologique d'être.[ 16]

g) Prière pour le monde

Après la vision, saint Silouane a commencé à intercéder pour le salut de tous en priant Dieu en face à face. Il a maintenant vu ceux qui l'entourent avec les yeux de Dieu et non avec les yeux aveugles de la logique humaine. Il avait de la compassion pour chaque créature et intercédait pour le salut de l’Adam tout entier. Pour lui, l'amour du prochain était le critère qui confirmait l'authenticité de l'amour pour Dieu.

h) Amour des ennemis

En substance, le saint staretz n'a pas séparé les gens en amis et en ennemis, mais en ceux qui connaissent Dieu et ceux qui ne Le connaissent pas. Étant conscient que l'humanité forme un corps, il ne pouvait plus rejeter aucun des membres de ce corps, ni cesser de désirer son salut. Il croyait que « Ceux qui n'aiment pas et rejettent leur prochain sont appauvris dans leur être. Ils ne connaissent pas le vrai Dieu, qui est un amour qui embrasse tous. Ils n'ont pas trouvé le chemin vers Lui. »[ 17]

Le commandement de l'amour pour les ennemis est le sommet des commandements, car il reflète le mode d'existence de Dieu. Il offre Sa vie sainte et sans fin à Son ennemi, à l'homme pécheur. Sans aucun doute, ce commandement dépasse la force de l'homme ; il est inaccessible sans la grâce du Saint-Esprit. C'est pourquoi pour saint Silouane, l'existence de cet amour était un signe de la présence du Saint-Esprit, à la fois au niveau personnel et ecclésiastique.

Son enseignement contient donc le critère infaillible et digne de confiance pour l'Église unique, qui ne peut être que l'Église portant en son sein des âmes corporelles qui sont des habitations du Saint-Esprit, porteuses d'« amour semblable à celui du Christ pour nos ennemis et d'une humilité semblable à celle du Christ ».[ 18]

Outre les effets que nous avons mentionnés, l'authenticité de la vision du Christ par saint Silouane est démontrée précisément par la simplicité de ses écrits. La richesse de la vie que Dieu donne à ses élus ne peut pas être décrite avec l'esprit. Elle n'est pas le fruit de l'imagination humaine et n'éveille en aucune façon l'imagination.

Les saints n'écrivent pas simplement de la poésie, mais décrivent leur expérience de vie. La perfection réside dans l'union avec le Seigneur. C'est cette relation que nous nous efforçons de cultiver et de rendre éternelle même à partir de cette vie. De telles paroles, comme cette parole de saint Silouane, jouent le rôle d'une étoile qui guide notre combat spirituel.

Version française Claude Lopez-Ginisty

D’après

PRAVMIR


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