"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 7 août 2019

UN PIEUX ASCÈTE: ST. LONGIN DE SVYATOGORSK (+ 1882) Fête le 14/27 juillet


Le moine mégaloschème Longin (dans le monde Léonce Pavlovitch Griftsov) est né en juin 1798 dans la ville de Riazan. Issu d'une famille sacerdotale, il fut diplômé du Séminaire théologique de Riazan. Dans la maison de ses parents, Léonce reçut une forte éducation spirituelle, et de sa mère, dont il se souvint avec amour jusqu'à sa vieillesse, il avait une image d'ascétisme. Grâce à son influence bénie, alors qu'il était encore au séminaire, Léonce se sentait attiré par le monachisme et rêvait d'entrer dans un monastère.

Après avoir obtenu son diplôme au séminaire, il commença à passer assez rapidement dans les rangs de la fonction publique, se marie, acheta une maison dans la ville de Ryazan et vécut confortablement, mais il n'avait pas d'enfants. Léonce fut rapidement nommé procureur dans la ville d'Ouralsk et il y déménagea avec son épouse. Là-bas, il jouissait d'une haute estime, vivait ouvertement et aimait visiter et recevoir des invités, ce que son épouse, une femme capricieuse et volontaire, appréciait tout particulièrement. Le mauvais caractère de son épouse fut la première raison pour laquelle il retourna aux rêves de sa jeunesse et commença à regretter de ne pas être devenu moine. La discorde avec sa femme, la vanité, les invités et les festins commencèrent à l'ennuyer : Il désirait quelque chose d'inexplicable.

Il aimait lire des livres spirituels, des prières et les services religieux, et il se désintéressa complètement du monde. Son Eminence Irénée de Yaroslavl lui conseilla d'endurer les entraves de sa famille, de ne pas détruire l'union sanctifiée par l'Eglise, et l'encouragea, afin que, s'il persévère, le Seigneur, de manière connue de lui seul, le libère du monde et l'amène à un havre monastique tranquille. Son épouse s'arma d'autant plus contre lui et le harcela en le maltraitant et en le ridiculisant, et Léonce fut rapidement personnellement convaincu de son infidélité. Ayant démissionné, il se rendit à Kiev pour vénérer les saints des Grottes et demanda conseil au staretz spirituellement expérimenté le hiéromoine magaloschème Parthène, qui lui conseilla fortement d'aller à l'ermitage de Svyatogorsk sans aucun doute ou hésitation, et d'y travailler jusqu'au terme de sa vie. "Voilà ta place", lui dit le staretz. "Va là-bas et tu trouveras le salut. La volonté de Dieu pour toi est d'œuvrer dans ce monastère, en le faisant profiter de tes labeurs, pour lesquels la Mère de Dieu elle-même, la souveraine du monastère, te récompensera dans les temps futurs."

Staretz Parthène des grottes de Kiev

En 1854, arrivé dans les Montagnes saintes [1], il déposa tout son argent dans les fonds généraux du monastère, aux pieds de l'archimandrite Arsène, à l'exemple des apôtres. N'étant plus un jeune homme, et habitué à l'honneur et au privilège pour son service en tant qu'ancien procureur et conseiller du tribunal, il s'humilia sincèrement et, aux côtés de simples novices, il  parcourut la voie difficile d'un nouveau moine. Appréciant l'abnégation de l'ancien procureur, l'archimandrite Arsène l'aimait de tout son cœur, le considérant comme quelqu'un de très utile avec ses connaissances juridiques pour le monastère nouvellement établi, et commença à le distinguer en lui accordant sa confiance.

En ce qui concerne ses années et sa belle vie, il l'ornait dans la riassa et la kamilavka [2] On commença à l'appeler Père Léonce au monastère, bien que d'après ses documents officiels, il était encore le conseiller de la cour Léonce Griftsov. Dès son entrée au monastère de Svyatogorsk, il manifesta une orientation ascétique ; il s'habitua peu à peu au jeûne, à la prière, au port d'un cilice sur son corps nu, à la non-possession et à la satisfaction en tout, à l'obéissance totale et à une humilité sans faille. Il travailla sans relâche pour le bien du monastère, n'épargnant ni sa force ni sa santé. Le Père Arsène, connaissant l'inclination ascétique de Léonce, le nomma à la tête de la Skite nouvellement construite du Lieu Saint, malgré le fait qu'il n'était pas encore moine, ni même un novice officiel.

La skite de Saint Arsène de la Laure de Svyatogorsk

Sa vie à la skite fut menée dans des conditions sordides, tous les objets de réconfort étant soigneusement expulsés de sa cellule, avec une simplicité monastique et une pauvreté régnant, même à l'extrême. Il était infatigable dans son podvig [exploit ascétique] de prière : Guidé par les œuvres patristiques, il en tira des leçons sur l'art de la prière, mais, comme il le confessa lui-même, le vase de son âme, autrefois rempli de vanité mondaine et de prédilections pécheresses, ne put accueillir pleinement la myrrhe bénie de la prière dans la mesure où elle est donnée à ceux qui, dès leur jeunesse, ont travaillé dans la pureté et la virginité.

Néanmoins, il œuvrait diligemment dans la prière et sur ses lèvres était toujours le Nom du Seigneur Jésus-Christ, qu'il prononçait dans la prière, même en somnolant. Concentré en lui-même, la tête grise tombant vers le bas, il s'asseyait souvent parmi les invités, contemplant, ou plutôt s'envolant quelque part au loin, les larmes coulant souvent de ses yeux sans raison apparente. Dieu seul sait ce qui se passait alors dans l'âme du staretz - il n'aimait pas en parler - mais son apparence montrait que ses pensées n'étaient pas occupées par des choses mondaines et quotidiennes. Surtout en compagnie de laïcs, le staretz allait au fond de lui-même, ne disant que ce qu'il fallait dire ; ses conversations d'affaires étaient toujours courtes et circonspectes. Mais à ceux en qui il voyait l'Amour de Dieu et l'inclination à la prière et à la piété chrétienne, il se liait chaleureusement et pouvait dire un mot pour le bien de leur âme, leur donnant des conseils sur l'amour fraternel, et il se souvenait longtemps après de ces personnes.

Sa femme mourut en 1870 ; maintenant Léonce pouvait être officiellement accepté comme novice après presque douze ans de vie au monastère, non seulement comme novice, mais aussi comme supérieur de la skite. En 1871, Léonce fut tonsuré dans la mantia [3] par l'archimandrite Germain et reçut le nom de Léonide. En 1873, le Père Léonide fut  ordonné hiérodiacre dans la ville de Kharkov, dans l'église du monastère de la Sainte Protection, et sept mois plus tard, dans l'ermitage de Svyatogorsk. Le staretz commença à servir avec zèle à l'autel du Seigneur, intensifiant ses podvigs de prière, mais, se décomposant en corps, diminuant en force, il se dirigeait visiblement vers le couchant de sa vie.

Portes de la skite de  St. Arsène

Il servit inlassablement la skite de Svyatogorsk, toujours à sa tête  et s'accrocha fermement aux rênes de la direction. Grâce à sa capacité à gérer les affaires, la skite n'accablait pas le monastère, mais lui apportait même un avantage considérable, notamment dans la commémoration des noms dans la chapelle de la skite. Le staretz n'était pas un mercenaire en ce qui le concernait personnellement ; depuis l'époque de sa tonsure de rassophore [4], après avoir perdu sa pension, il vivait dans une pauvreté totale, utilisant tout ce qui était disponible dans le monastère, c'est-à-dire des vêtements et chaussures humbles, la nourriture de la skite et un peu du thé et de sucre. Le staretz aimait particulièrement la pauvreté en ce qui concernait les vêtements, les portant pendant longtemps, ne voulant pas les exhiber comme une parure. Un cilice grossier et pointu lui servait souvent de sous-vêtement, porté sur son corps nu. Le staretz disait que ce cilice lui était très utile, le guérissant des rhumatismes, aidant sa circulation sanguine et servant de protection contre le vent qui le perçait. En ce qui concerne le bénéfice spirituel du cilice, le staretz resta humblement silencieux, bien qu'il aurait pu en dire beaucoup à cet égard.

Au début de 1881, l'aîné Léonide pouvait à peine marcher. Il était incapable de marcher à travers les collines et les bois, de la skite au monastère au premier appel de l'higoumène, il ne pouvait même plus se tenir debout à l'église, il ne pouvait plus rien voir d'un œil et il pouvait à peine tenir un stylo : Ses activités antérieures cessèrent involontairement. En 1882, le Père Léonide reçut le schéma sacré,[5] sous le nom de Longin. Il n'avait déjà aucune force pour travailler comme moine mégaloschème, dans des podvigs corporels, mais il ne cessa pas d'aller aux services religieux jusqu'à la fin de ses jours. Le don des larmes se manifesté en lui surtout abondamment avant son repos en Christ.

L'église et les cellules de l'église de la skite de Saint Arsène

Les 14 et 27 juillet 1882, le Père Longin remit tranquillement et paisiblement son esprit entre les mains de Dieu, ayant communié aux Saints Mystères du Christ peu de temps avant son exode.

Le 15 juillet, son corps fut livré à la terre derrière les murs de la Haute Place[6] dans l'église de la skite. Le monastère reconnaissant de Svyatogorsk et son digne higoumèmne honorèrent la tombe de l'aîné avec un beau monument en fonte. Le monastère de Svyatogorsk perdit beaucoup en la personne du staretz défunt, lui est très redevable et gardera à jamais sa mémoire avec louange, à la fois comme un vaillant ascète de la piété et comme un fervent zélateur de ses bienfaits spirituels et physiques.

"C'était un moine avec un esprit exceptionnel et une éducation supérieure", se souvient Ekaterina Jilinskaya. Dans le monde, il occupait un poste important dans le département judiciaire, mais, ayant connu toute la vanité des biens et des honneurs du monde, il vint à l'ermitage de Svyatogorsk pour y chercher " la seule chose nécessaire " dans des podvigs monastiques ardus.

Après avoir examiné la vie, les travaux, les podvigs, les miracles et la vénération du peuple pour les ascètes de la piété qui ont œuvré dans les saintes montagnes de Donetsk, le 8 mai 2008, le Saint Synode de l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne [canonique] prit la décision historique "de bénir le Vénérable hiéromoine mégaloschème Longin (Griftsov), entre autres, pour sa glorification et sa vénération comme saint local".

Le 12 juillet 2008, l'Église orthodoxe ukrainienne inclut le hiéromoine mégaloschème Longin parmi les vénérés pères de la Synaxe des saints de Svyatogorsk. La Synaxe des Saints de Svyatogorsk est commémorée les 11/24 septembre.

Au tout début du mois de septembre 2008, après la glorification de l'Église, l'higoumène de la Laure de Svyatogorsk, l'évêque Arsène (Yakovenko), avec les frères, a inventé les saintes reliques de saint Longin, qui s'étaient cachées dans la skite, derrière l'autel de l'église de saint Arsène le Grand.

Actuellement, les reliques de Saint Longin de Svyatogorsk sont disponibles pour la vénération générale dans la cathédrale de la Laure de Svyatogorsk.

La mémoire de saint Longin de Svyatogorsk est commémorée les 14/27 juillet.

Chers frères et soeurs, nous vous demandons de vous rappeler dans vos saintes prières le repos de Paul, père de saint Longin.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


NOTES:

1] Les collines de craie sur la rive droite de la rivière du Nord de Donets dans la province de Donetsk du nord 

2] Une robe monastique et un chapeau-

3] Une cape monastique s'étendant jusqu'au sol, portée uniquement par les moines stavrophores qui ont prononcé leurs vœux.

4] Le pas au-dessus du novice mais en dessous du stavrophore. A ce stade, un moine s'appelle "Père", mais il n'a pas encore prononcé ses vœux complets.

5] Le Mégaloschème [Grand Schème, ou Grand Habit] est le rang le plus élevé du monachisme.

6] La zone derrière la table d'autel.

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