Mais tout de même, il est avec nous. Et nous sommes dans son
bon coeur. Beaucoup, je sais, ne sont réchauffés que par la pensée qu'il y a
une cellule à Peredelkino, qu'il y a ce lit de métal spécialement adapté pour
les alités, qu'il y a ces matelas spéciaux qui procurent un confort relatif...
Il existe et prie, se souvenant de nous, notre cher et gentil Kirill.
Quand dans
cette première année horrible après l'AVC il était en train de mourir comme plusieurs fois auparavant et qu'on parlait de trachéotomie, on
nous proposa de l'emmener en Allemagne, pour un mieux, comme on le croyait, selon médecins et médecine. Sa Sainteté le Patriarche était prêt à aider.
A sa
demande, le père supérieur de la Laure vint à l'hôpital pour soulever la
question de l'Allemagne. Seulement cette fois, le Père Kirill n'obéit pas. À
peine vivant, épuisé par une pneumonie et des spasmes bronchiques torturants, il déclara tranquillement: "Je n'irai nulle part."
Les médecins en Russie nous ont
alors sauvés et nous ont sauvés bien d'autres fois avec l'aide de Dieu durant
ces années. Si nous devions compter les noms de tous les travailleurs médicaux
qui ont participé au traitement de Batiouchka, nous aurions une liste sérieuse, depuis les chercheurs et des chefs de département jusqu'aux simples infirmières et aux
techniciens de laboratoire. Nous nous inclinons devant chacun d'eux, car ils
l'ont aidé à vivre si longtemps.
·
* *
Les autres qui le connaissaient recueilliront des
informations sur la vie de Père Kirill, mais pour l'instant nous conservons
simplement dans nos coeurs le sentiment de gratitude pour cette lumière humble et douce de l'authenticité chrétienne qui rayonnait sur nous par la vie, le labeur ascétique (podvig) et le visage même de cet homme.
Le chrétien n'accepte pas la perte
humaine seulement comme une perte, et il n'y a aucune place dans son âme
pour la peur ou la panique des animaux. C'est terrible de perdre le fil de la
connexion spirituelle qui nous unit à ceux que nous aimons et qui ont donné leur
vie pour nos âmes. Mais c'est à nous de décider si nous le perdons ou non.
* * *
Tu roules dans le tram ou le métro. Des gens partout, les
foules habituelles de Moscou, de l'agitation... Mais dans ton sac à dos il y a
un petit livre, le livre préféré de ton père spirituel, dont il ne s'est
jamais séparé et qu'il savait presque par cœur. C'est ce qu'on appelle le Nouveau
Testament.
Tu l'ouvres à n'importe quelle page... "Nous qui sommes forts, nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas, et ne pas nous complaire en nous-mêmes." ( Romains 15:1) Et tu
vois devant toi le visage de cet homme, dans l'âme duquel ton chagrin s'est noyé
comme dans la mer. Et tu comprends que rien ne peut jamais cesser
complètement tant qu'il y a une telle Parole parmi ceux qui vivent sur terre.
Gloire à Dieu pour tout!... Comment pourrait-il en être autrement?
Version française Claude Lopez-Ginisty
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