La seule façon
de servir les gens
Dans ses années passées à la retraite, parfois un
état lourd et agité de l'âme saisissait avec force le saint. L'ascète fut
attristé d'avoir peu travaillé pour l'Église. L'air pur et le repos de la
surcharge nerveuse renforcèrent nettement sa santé ruinée, ce qui l'obligea à
quitter les activités d'évêque à l'âge relativement jeune de quarante-trois
ans. Or, sa solitude et ses loisirs dans la vie tranquille du monastère
paraissaient plus pesants que tout travail à son âme si plein de force; le
saint hiérarque était encore plus enveloppé dans un ennui sombre, le poussant à
chercher de l'activité au delà des murs du monastère. Mais son départ, n'arrangea
rien, et les paroles du simple mais respecté staretz Aaron du monastère « La
Mère de Dieu ne veut pas qu’il (l'évêque Tikhon) parte » incita l'évêque à
déchirer sa demande déjà rédigée de revenir à son travail.
Cette période de la vie - incertaine et assez lente vue
de l'extérieur - fut l'une des plus importantes de la vie du saint. Ce fut un
temps de combat désespéré et total avec ses pensées, pour surmonter l'esprit de
mélancolie, de désespoir et de découragement, et faire une réévaluation des
circonstances de sa vie; à la fin, son âme acquit l'expérience inestimable de la
victoire et avec elle, l'audace de réconforter ceux qui désespéraient, ceux qui
connaissaient une perte du sens de leur existence, et ceux qui périssaient dans
une sombre incertitude. L'évêque à la retraite décida de ne plus essayer de changer
sa position actuelle, venant intérieurement à la conclusion que sa seule voie de
délivrance de la mélancolie était d’être au service des gens dans cet état et
dans la situation dans laquelle il se trouvait, et de tout se consacrer à des
œuvres spirituelles et de miséricorde corporelle.
Le saint apparaissait souvent dans la cour du
monastère sous l'apparence d'un simple moine et entamait des conversations avec
les résidents locaux et les pèlerins. Les gens, voyant un moine commun devant
eux, s’ouvraient directement à lui de leurs besoins et recevaient inopinément
une aide matérielle. La renommée miséricordieuse de Vladyka grandit, et avec le
temps les pauvres commencèrent à aller d’eux-mêmes à sa cellule. L'archipasteur
n'était pas moins impliqué dans la vie des souffrants et des malades. Dans la
petite maison où il vivait, il organisa une sorte d'hôpital pour ceux qui avaient
contracté n'importe quelle maladie sur le chemin du travail ou en pèlerinage.
Il offrait également des aumônes spirituelles, priant en pleurant pour les
besoins et les maladies de ceux qui lui étaient proches et pas très proches
également. Une fois, l'ancien assistant de Vladyka, gravement malade, vint lui
faire ses adieux. "Va, et Dieu aura pitié de toi" - l'ascète de
Zadonsk lui dit adieu avec émotion. A cela, le malade ne fut pas seulement
réconforté, mais au bout d'un certain temps, il se remit même par les prières
du saint bien-aimé. Le moine qui partageait la cellule de Vladyka Ioann Efimov
relatant cet incident aux biographes, conclut sa description par ces mots: « Il
[l'évêque Tikhon] portait en lui-même une foi grande et vivante, et le Seigneur
Dieu l’écouta dans de nombreuses situations. »
"Pleure
et sois consolé"
Dans ses écrits, largement lus aujourd'hui non
seulement pour le réconfort qu’ils apportent, mais pour l'édification, Vladyka n’évita
en aucun cas le sujet de la tristesse et du découragement et il ne diminua pas
la valeur des émotions humaines. "Nous voyons dans le monde que les gens
pleurent", écrit-il dans sa compilation de notes spirituelles Trésor spirituel recueilli dans le monde.
"Ils naissent en pleurant, vivent en pleurant et meurent en pleurant. Les
gens pleurent parce qu'ils vivent dans le monde un lieu de pleurs, la vallée
des larmes... Et tu pleures chrétien !... Pleure, tandis que reste le
temps, tandis que des larmes sont encore bénéfiques. Pleure, et tu ne pleureras
pas éternellement. Pleure et sois consolé. « Ayant connu la pauvreté et
l'abandon dans son enfance assez difficile, il connaissait très bien cet état,
mais il était tout aussi familier du sens de l'aide de Dieu et du havre du Père
céleste aimant, par lequel ses larmes de désespoir sont finalement passées.
"Vous sentez Son aide lorsque vous ressentez dans votre esprit le souvenir
de la mort, quand vous gardez à l'esprit que vous êtes poussière et que poussière,
vous redeviendrez. Vous sentez Son aide lorsque vous ressentez la peur de
l'enfer et des tourments éternels. Vous sentez Son aide chaque fois que le
désir de bénédictions célestes vient à vous. Vous sentez Son aide lorsque vous
ressentez la mort et le chagrin pour vos péchés, et la paix et la joie pour les
vertus qui sont en vous. Vous sentez Son aide quand même dans les troubles et
les attaques vous affligeant injustement, votre conscience est réconfortée.
"
Les thèmes constants des contemplations de l'ascète de
Zadonsk étaient les dogmes chrétiens à l’insondable grandeur et l'omnipotence
de Dieu, Son omniscience, et Sa bonté et Son souci sa grande attention pour
l'homme. Tout cela suscitait chez lui de saints sentiments de gratitude,
d'espoir, de patience et d'amour. Au cours d'une de ses visites du monastère depuis
Zadonsk au monastère de Tolchevsk, le saint, priant dans la solitude de l'église
vide, se tenait sur ses genoux dans une prière fervente devant l'autel vers
minuit, et suppliait le Seigneur de lui montrer le bonheur préparé pour lui,
ayant enduré les peines terrestres jusqu'à la fin, et le Seigneur n'a pas
tardé. Vladyka vit les cieux ouverts et la lumière qui brillait en eux, et il entendit
la voix: « Voici ce qui est préparé pour ceux qui aiment Dieu. » Le saint
hiérarque tomba au sol, et quand la vision prit fin, il réussit à peine à
atteindre sa cellule, à cause du choc extrême et d’une trépidation bénie.
S'élevant de plus en plus spirituellement, le saint
devenait de plus en plus faible physiquement avec chaque jour qui passait. Les
maladies qui l'avaient forcé à se retirer lui revinrent. Sentant sa mort
imminente, Vladyka Tikhon se retira en réclusion, d'où, par son amour vigilant, il répondit seulement
par lettre à ses enfants spirituels. Il reposa en Dieu dans sa
cinquante-neuvième année de vie dans un esprit paisible, ayant fait ses adieux
à ses amis et à ses proches. Les dernières lettres de ce père spirituel
reflétaient pleinement cette paix bénie du cœur accordée à tant de personnes
qui ont souffert après de nombreuses années de labeur, de mélancolie
inexplicable et de l'ascèse d’un l'esprit douloureux. Ce n'est pas par hasard
que les gens se tournent souvent vers lui dans la prière avec des demandes
d'aide pour surmonter le découragement et le désespoir et trouver l'équilibre
émotionnel dans des circonstances difficiles.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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