"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 13 février 2017

Tudor PETCU: Interview de Son Eminence le Métropolite Sérafim [Joantă] sur le Père Séraphim Popescu



Pour commencer, j'aimerais que vous me disiez comment vous avez rencontré le Père Sérafim Popescu et ce qu'a signifié pour votre Eminence la rencontre avec ce grand père spirituel de l'Orthodoxie roumaine.

J'ai rencontré Père Sérafim Popescu du Monastère Brâncoveanu quand je suis allé comme un enfant avec les croyants de mon village natal (Boholt) à pied (environ 30 km) au pèlerinage de la Dormition au monastère de Sâmbăta. 

Depuis l'enfance et jusqu'à ce que je vienne étudier la théologie à Sibiu (1970), je n'ai gardé qu'une image idyllique du Père Sérafim. Le père m'a impressionné avec son beau visage pareil à celui d'un ange, une voix douce et un sourire permanent sur ses lèvres. Il paaissait une créature céleste, plus qu'humaine. Même si, à ce moment-là je me suis confessé à plusieurs reprises à lui, je ne compris pas le don spirituel élevé qu'il possédait. 

Seulement après avoir commencé à étudier la théologie, et par elle à en savoir plus sur moi-même avec toutes les ombres de l'âme, j'ai trouvé en Père Sérafim ses qualités en tant que père spirituel qualifié, gentil, patient et sympathique, face à l'impuissance humaine. Avec une conscience scrupuleuse, peut-être trop scrupuleuse, le père Sérafim essayait de «tempérer» en moi une tendance à voir plus les péchés que les côtés et les dons positifs de Dieu. 

Avec l'aide du Père Serafim, qui fut mon premier confesseur, mais aussi avec l'aide de nombreux autres confesseurs, j'en suis venu, par le don de Dieu, à toujours penser positivement, à comprendre l'impuissance de l'homme, et à éviter, autant que je le peux, de juger mon prochain. Sans aucun doute, les pèlerinages à Sâmbăta et des rencontres avec le Père Sérafim, et même avec Père Teofil, ont marqué ma vie, en ce sens que l'image de beaucoup de leurs enseignements est restée à jamais gravée dans mon cœur. Et maintenant, 25 ans après la disparition auprès du Seigneur du Père Sérafim, je le sens très proche, comme s'il était encore avec nous. C'est pourquoi je prie, pour le repos de son âme, mais aussi je le prie d'intercéder pour moi, avec confiance dans le fait qu'il a reçu ce don de Dieu.

Comment décririez-vous la personnalité du Père Sérafim Popescu et que pensez-vous que soit son caractère unique dans l'éventail spirituel roumain?

Père Sérafim est moins connu que d'autres grands pères spirituels de Roumanie. C'est aussi parce qu'il s'est endormi dans le Seigneur peu après la chute de la dictature communiste, quand nos pères spirituels ont commencé à être assaillis surtout par les jeunes. A une époque où le père Arsenie (Boca) était à Sâmbăta (jusqu'en 1948), le père Séraphim vivait un peu dans son ombre. Les gens recherchaient Père Arsenie, écoutaient ses sermons, et celui qui parvenait à lui parler, posait des questions au sujet de ses propres problèmes. 

Père Sérafim écoutait les gens dans le silence du sacrement de la confession. Il avait une structure spirituelle distincte de celle du Père Arsenie. Père Teofil (Părăian) dit que le Père Arsenie était le "cerveau" et le père Serafim le "cœur". Père Sérafim était un homme vraiment chaleureux, humble et réservé, même s'il était demandé par de nombreux croyants du pays de Fagaras. Les gens le recherchaient parce qu'ils trouvaient le repos en lui, parce qu'ils sentaient que sa prière et son conseil étaient utiles. Cela ne signifie pas nécessairement qu'ils repartaient avec leurs problèmes résolus, mais ils rentraient chez eux, différents de la façon dont ils étaient allés au monastère, élevés dans l'âme et avec plus de courage pour faire face à des difficultés. 

Une grande tentation du Diable est tout simplement de nous décourager, et de nous faire croire que nos péchés et les fardeaux de la vie dépassent nos pouvoirs pour y faire face. Donc facilement nous abandonnons la lutte et nous paralysons notre volonté. Tout bon père spirituel inspire courage à son fils spirituel. Dans ce domaine, le père Sérafim était excellent: non seulement il encourageait pendant la confession, mais simplement par une rencontre avec lui. Ses paroles: "Bătute-ar binele!” ["Que le Bien soit toujours avec toi ], proférées avec un sourire, sonnaient comme un leitmotiv dans les discussions avec chaque croyant. Elles mettaient en rapport avec votre état intérieur et vous donnaient du courage. Je ne pense pas que quiconque ait été accueilli par le Père Sérafim sans recevoir de lui au moins un minimum de joie. À cet égard, et sans doute dans beaucoup d'autres domaines, le père Sérafim ressemblait à saint Séraphim de Sarov, qui comme vous le savez, accueillait ses visiteurs avec les mots: "Ma joie, le Christ est ressuscité!". Voilà pourquoi nous avons toujours appelé Père Sérafim un père spirituel de joie.

Quel est le conseil spirituel le plus important que vous ayez reçu de Père Serafim Popescu et qui a contribué à votre évolution spirituelle?

Père Sérafim était un homme d'une grande pureté spirituelle. Tout le monde s'en rendait compte. C'était aussi un homme de prière et d'abnégation. Chaque père spirituel enseigne à ses disciples les vertus qui le caractérisent. Dans le cas contraire, les disciples ne peuvent pas suivre ses conseils. 

Bien que je ne puisse pas me considérer comme un disciple du Père Sérafim, parce que je me suis rarement confessé à lui, il a affecté ma vie avec quelques conseils que j'ai tenté, comme je le pouvais, de prendre en considération. De telles exhortations: "Conservez la pureté de l'âme et du corps, car une fois que vous les perdez, vous ne pouvez pas les acquérir à nouveau" ou "Priez plus, parce que la prière vous protège contre toutes les tentations" ou "Pour un prêtre est nécessaire avant tout l'amour de la prière et le service désintéressé. Si le prêtre ne cherche pas de biens matériels, mais spirituels, Dieu lui donne l'un et l'autre. " 

Ce sont des paroles de textes patristiques! Sur l'importance de la prière, le père Sérafim répétait souvent les paroles d'un moine roumain qui s'était perfectionné à la Sainte Montagne: "Conserve la règle de prière où que tu sois, parce que sinon tu finiras démoniaque". En d'autres termes, ayez une règle de prière quotidienne que vous respectez à tout prix.

De toutes les rencontres que vous avez eues avec le Père Sérafim, laquelle était la plus représentative pour votre Eminence?

Je ne peux pas répondre à cette question parce que mes rencontres avec le Père Sérafim étaient non planifiées et n'avaient pas un objectif précis. Malheureusement, alors que le père était vivant, je ne pouvais pas tirer pleinement parti de sa présence au milieu de nous.

A quel point est important et significatif, selon l'opinion de votre Eminence, l'héritage spirituel laissé par le Père Sérafim Popescu?

Bien que ce fut un bon théologien (il avait étudié à Athènes, Berlin et Vienne, envoyé par le métropolite Nicolae Bălan qui voulait faire de Sâmbăta un monastère d'intellectuels), le père Sérafim n'a écrit qu'un livre de sermons: "Ieşit-a semănătorul" [Le Semeur est sorti, cf. Marc 4: 1-9] et plusieurs articles dans la "Revista téologica" [Revue Théologique] à Sibiu et "Telegraful Roman  [Télégraphe Roumain]. 

Sa thèse de doctorat, est restée sous forme de manuscrit, le livre traite du Triodion dans la vie liturgique de l'Église. Sachant même le grec ancien, il a traduit de nombreux textes des Pères ascétiques, et il fut avec le père Arsenie aux côtés du Père Dumitru Stăniloae pour la publication du premier volume de la Philocalie. 

Dans une autobiographie, il a avoué: "Si dans l'écriture j'ai été un peu moins audacieux, j'ai laissé la parole s'exprimer dans les sermons que j'ai donnés ici, chaîne ininterrompue au cours des années." 

Dans la même autobiographie, Père Sérafim avoue que trois personnes ont marqué sa vie: Père Dumitru Stăniloae, Père Benoît Ghiuş et Père Arsenie Boca. 

L'héritage du père Sérafim est discret, comme celui de la plupart de nos grands pères spirituels, qui, avec leurs efforts ascétiques se sont faits inhabitation de l'Esprit Saint, et guides des moines et des fidèles. Dans les livres de Père Ioanichie Bălan sur la spiritualité roumaine, "Conversations Spirituelles" et "Le Patericon roumain," nous trouvons le Père Sérafim Popescu avec des indications qui peuvent être d'une grande utilité pour ceux qui les lisent attentivement et avec un désir de les suivre dans la vie. 

Ceux qui ont connu le père Sérafim, conservent en eux son visage toujours joyeux et une tendresse rare. C'est, à mon avis, de ce dont les gens ont le plus besoin aujourd'hui: la joie et la bonté.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
la version italienne

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