L'Eglise orthodoxe professe préserver la foi de l'Eglise apostolique. Partout où un pieux évêque orthodoxe marche dans les empreintes spirituelles des Pères, là est toute l'Eglise du Christ. Partout où il y a des partisans du roc de la confession de Saint-Pierre, du Christ comme Fils du Dieu Vivant, là est l'Orthodoxie. Et partout où les traditions de l'Église et les Pères sont gardées fidèlement, comme saint Paul nous exhorte à le faire, nous trouvons notre Foi. La succession spirituelle, la foi vivante des saints, l'unité de Dieu, inspirée des traditions liturgiques et spirituelles, l'unicité du témoignage orthodoxe dans le Baptême et la Communion, ceci exprime notre foi.
Mais maintenant, nous trouvons, en particulier en Amérique et en Europe de l'Ouest, un nouveau type d'Orthodoxie, fondé sur l'innovation, les notions néo-papistes "d'officialité", la critique d'étudiants de deuxième année des Pères et des pratiques liturgiques de l'Église, et un relativisme qui soumet la fidélité aux diktats humanistes de l'œcuménisme au-dessus des exigences de la conscience chrétienne.
Nous voyons des ecclésiastiques et des universitaires mal convertis créer, au sein de plusieurs pays modernes, une "église" qui est loin d'être celle des Pères. Cette nouvelle orthodoxie s'est manifestée sous deux formes. D'une part, il y a une prétendue tendance "intellectuelle" dans les milieux modernistes, en remplacement de l'étude pieuse des Pères qui marque la véritable théologie de l'Eglise orthodoxe, avec les traditions de la critique textuelle, souvent marquée par un esprit sarcastique de doute et d'impiété inconnus dans la spiritualité orthodoxe. L'expertise de l'érudition latine est souvent élevée au-dessus de celle des pieux théologiens orthodoxes: "superstitions des Grecs simples d'esprit", comme le fit remarquer récemment un professeur de séminaire. C'est ainsi qu'un autre instructeur de séminaire dans une juridiction moderne en proie à cet esprit de dédain peu édifiant pour la tradition orthodoxe, a commencé un cours sur la Liturgie avec ce commentaire incroyable: " Maintenant, nous allons voir comment la Liturgie est entrée dans son état de décrépitude actuel..."
Il n'est pas étonnant que ces mêmes "intellectuels" clament qu'ils vont créer un monachisme qui est méconnaissable pour nous orthodoxes traditionnels, car compromis par l'innovation, une spiritualité du cerveau et non du cœur, et par un minimalisme qui rejette l'ascèse orthodoxe traditionnelle avec un discours malavisé à propos de ses abus, plutôt que de ses siècles de triomphes, un monachisme de romantisme et de service social communs vécu, parfois, par des déséquilibrés plus à plaindre qu'à imiter. Pas étonnant, aussi, que ces cercles intellectuels aient créé une Liturgie "réformée" dérivée des données de la recherche historique, plutôt que du témoignage organique vivant d'une Liturgie totalement en adéquation avec ceux qui sont véritablement immergés dans la vie spirituelle qui l'a formée.
D'autre part, nous voyons l'exemple humble et effacé de nos Saints, balayé par l'égoïsme pompeux et emphatique des bateleurs "évangélistes" de la Bible, qui sont entrés dans les diverses juridictions modernistes avec une compréhension de la piété traditionnelle orthodoxe si minime que l'on rougit en y pensant. Les rubriques de la pop-psychologie et la tactique des "fous de Jésus" des années 1960, sont désormais ouvertement prêchées au nom de l'Eglise orthodoxe, parfois avec d'arrogantes dénonciations des ethnies traditionalistes et "arriérées" de l'Eglise où ces individus malavisés sont entrés par la porte arrière. Loin d'eux, est la sûre guidance des principes spirituels basés sur des siècles d'expérience spirituelle-la Sainte Tradition.
On pourrait, bien sûr, se délecter à l'idée d'un véritable renouveau patristique dans l'Église orthodoxe, un véritable mouvement intellectuel vers le corps brillant de la sagesse contenue dans les Pères. Nous avons désespérément besoin d'une telle chose. Mais un tel mouvement doit être fondé sur l'érudition véritable, et non pas sur des commentaires sarcastiques glanés sur des matériaux secondaires (et généralement non-orthodoxes) par ceux qui ne peuvent que très peu lire les Pères dans le texte de toute façon. Et certes, un tel mouvement ne peut pas séparer une étude des Pères de la piété traditionnelle, du respect profond de ce qu'ils nous ont transmis, y compris la Divine Liturgie dans sa forme actuelle, et de la civilité commune qui doit caractériser les vrais savants, aspect qui comprend le respect de nos Pères de l'Église et de nos aînés dans la foi.
On pourrait aussi se contenter de cris de joie au retour des évangélistes protestants à la foi orthodoxe. Les évangéliques sincères, profondément enracinés dans un christianisme biblique et ayant le respect de la rectitude morale, comment pourraient-ils faire autre chose que d'agir selon leur foi et embellir notre Église par leur retour à l'Orthodoxie? Mais de tels chrétiens sont à des kilomètres des fumeurs de cigares, distributeurs de tracts et pourvoyeurs du "produit religieux" qui souhaitent à présent utiliser l'Orthodoxie pour "évangéliser" l'Amérique. Les vrais évangéliques comprendraient vraiment le besoin d'auto-perfection en tant que chemin d'accès à l'évangélisation. Et certes, ils seraient entrés dans l'Église, et non pas grâce à l'innovation et aux "deals", mais par une humble soumission à la tradition de l'Église orthodoxe, y compris le baptême, qui est requis pour l'entrée dans l'Église orientale, sauf dans des cas rares et particuliers. En voyant tout ce qu'est cette nouvelle orthodoxie, ainsi que ce qu'elle n'est pas, on est invités à se poser la question: "En effet, cette foi de nos Pères, est-elle la foi pour laquelle beaucoup d'entre nous se sont sacrifiés, même au point de verser notre propre sang? "
Un témoignage inauthentique
La majorité de l'Église orthodoxe souffre sous le joug du communisme et de l'oppression ennemie. Les modernistes-une poignée d'orthodoxes en Europe occidentale et aux Amériques (moins de 20% de l'Orthodoxie mondiale) et les produits, pour la plupart, de la réforme du calendrier des années 1920, toutefois, profitent de la liberté et de la richesse de l'Occident. Ils ont utilisé ces avantages pour établir leurs points de vue de minorités, pour favoriser les innovations non-orthodoxes qui pérorent sur leur territoire, et attirer l'attention de la presse dans le Nouveau Monde. Ils ont effectivement privé de voix le corps des orthodoxes véritables. Avec leur argent, ils ont même repris plusieurs anciens Patriarcats mourants, ou ont cherché la légitimité de Sièges en captivité soucieux d'avoir une voix en Occident. De médiocres théologiens et ecclésiastiques, plus marqués par leur expérience dans la salle de réunion d'entreprise que dans les cellules des monastères, terrains d'entraînement pour les chefs spirituels traditionnels, ont vomi des notions de l'Orthodoxie qui, bien que peut-être nouvelles et fascinantes pour un public hétérodoxe naïf, ont des relents de l'esprit novateur de ceux qui ont peu de guidance [spirituelle] et d'expérience du mode de vie qu'ils prétendent enseigner.
Nous voyons des convertis et d'ancien gréco-catholiques (uniates) rejeter les traditionalistes orthodoxes comme des fanatiques et des "éléments marginaux" hors de l'Eglise, tout en violant tous les Canons fondamentaux de l'Eglise Orthodoxe, en invitant à la prière commune avec ceux qui sont hors de l'Eglise-hors de l'Eglise, non pas par vertu de la polémique traditionaliste, mais par les décrets des Pères et des Conciles qui guident notre foi. Tout cela caractérise cette nouvelle église: une religion inauthentique enracinée dans une déviation de la tradition authentique et pleine, parfois, d'un esprit malheureux d'arrogance, une église alimentée par l'hostilité envers les orthodoxes de tradition authentique; [une hostilité]en vers les ethnies qui ont, pourtant parfaitement ou imparfaitement gardé cette tradition, après l'apostasie de l'Occident et envers tout ce qui appelle l'Orthodoxie, et non à un témoignage des valeurs de ce monde, mais à la succession spirituelle et à l'honnêteté.
Tristes conséquences
Une des tristes conséquences de l'ascendant de cette Orthodoxie inauthentique par rapport à la véritable Orthodoxie est, qu'à un moment où les chrétiens occidentaux ont de plus en plus faim de nourriture spirituelle nouvelle, ils se voient offrir la pierre dont parle l'Ecriture à la place du pain apostolique de l'Orthodoxie. L'ersatz d'Orthodoxie fait une victime de l'Occident qui a faim.
L'Orthodoxie enseigne que le Christ a établi une Eglise et que l'Eglise orthodoxe incarne cette véritable Eglise. Il y a des mystères dans cette Église, le Baptême et l'ordination entre autres-qui n'appartiennent qu'à elle. Elle est le critère de la vérité et en elle est la plénitude de la foi chrétienne. Elle est l'ancre que beaucoup de chrétiens occidentaux recherchent.
Cette nouvelle «orthodoxie», cherchant à obtenir la reconnaissance du monde et à donner à des croyances erronées et non-orthodoxes, la saveur de la primauté Orthodoxe historique, a changé cet enseignement. Elle a, en accord avec l'œcuménisme politique, commencé à déclarer que l'Eglise Orthodoxe n'est pas l'unique et véritable Eglise, le critère du christianisme, mais que, dans un esprit de profond amour, elle accepte les sacrements et les usages des autres chrétiens. Ils ont fait de l'Eglise Orthodoxe qui était une ancre, une voile qui ballotte le canot de leur église auto-créée çà et là, au gré des caprices de l'œcuménisme contemporain.
C'est ainsi que le mouvement œcuménique est le plus souvent privé du témoignage véritablement orthodoxe-bien que nous mettions l'accent ici très clairement sur le fait qu'il y a encore quelques voix traditionnelles dans les Eglises orthodoxes et modernistes parmi leurs représentants au sein du mouvement œcuménique, et que l'inauthenticité de ce que ces modernistes ont créé ne les a certainement pas dépouillés de l'orthodoxie dans le sens canonique et technique. Dans les rencontres œcuméniques, les hétérodoxes se heurtent inévitablement au clergé romain rasé en habit ecclésiastique. Le témoignage des apôtres et des patriarches orthodoxes incarné par le costume traditionnel, ils ne le voient que dans les Hiérarques, dont beaucoup sont représentés, et non pas comme des égaux parmi les nombreux évêques, mais comme les équivalents des "cardinaux", des "Princes de l'Eglise", et ainsi de suite. Peu d'œcuménistes voient les représentants orthodoxes à leur divers rassemblements s'abstenir de viande et de produits laitiers, les mercredis et vendredis, et peu, bien sûr, se rendent compte que leurs invités mangeurs de steak orthodoxes, qui ignorent ces prescriptions canoniques, violent les disciplines spirituelles de base de la religion qu'ils prétendent représenter.
Les œcuménistes apprennent de la plupart de ces représentants orthodoxes modernistes que les traditionalistes-la majorité-sont une minorité, empreinte d'un esprit de fanatisme et de "légalisme" incompatible avec l'esprit œcuménique. Ils n'apprennent jamais que nous, qui tenons fermement aux principes de notre foi, le faisons avec un profond désir de l'unité des chrétiens et avec un profond amour pour nos frères et sœurs chrétiens hors de l'Eglise Orthodoxe. Ils n'apprennent pas que nous nous en tenons à notre foi apostolique parce que nous croyons que les non-orthodoxes reviendront un jour à elle, trouver dans l'orthodoxie la réalisation de leurs propres aspirations chrétiennes sincères et honorables. Ils ne savent pas que notre "légalisme" est fondé sur l'adhésion sincère aux enseignements de notre Eglise et que notre «fanatisme» n'est rien de plus une fidélité qui nous conduit pas à la haine pour les non-orthodoxes, mais à un amour profond pour eux.
Si les œcuménistes hétérodoxes sincères pouvaient entendre nos voix, ils entendraient à la fois une voix sévère et aimante une sévère et aimante. Et ils risquent de rencontrer une Orthodoxie d'une puissance beaucoup plus grande que l'Orthodoxie inauthentique qui dit: "Avec vous, nous trouverons l'Église". En effet, ils pourraient se réjouir de l'honnêteté rafraîchissante d'une Orthodoxie qui dit: "Nous sommes ce que vous fûtes, et avec nous, vous pouvez retourner à une unité qui appartient à nous tous, qui ne fut jamais vraiment perdue, et qui a préservé l'Eglise des Apôtres."
L'esprit œcuménique de la Foi de nos Pères est basé sur un amour honnête et sans concession, et non pas sur un amour créé par la facticité et les machinations de l'homme.
Un obstacle à l'unité
Un autre effet tragique de l'ascendant de l'orthodoxie inauthentique est la séparation des orthodoxes eux-mêmes. Ce qui est inauthentique est menacé par ce qui est authentique. L'inauthentique s'efforce de masquer la foi. Ainsi, les mouvements modernistes se sont trouvés de plus en plus séparés de la véritable Orthodoxie. Même quand ils vont dans des endroits comme le Mont Athos, ils cherchent ceux qui les tolèrent, et non pas ceux qui peuvent les conduire, les corriger, et les conseiller. Si nous pouvons arrêter le cours de l'innovation orthodoxe et persuader les innovateurs de quitter leurs voies fausses, alors nous orthodoxes, nous trouverons l'unité. Cela exige de nous traditionalistes à la fois une attitude intraitable et une attitude d'amour et d'ouverture. Mais cela demande des innovateurs une chose qu'ils n'ont pas: la sincérité et l'humilité. Ils doivent se détourner de leurs erreurs, admettre ces erreurs, et avouer honnêtement qu'ils ne sont pas ce qu'ils devraient être.
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
reprenant
Orthodox Tradition,
vol. 6, n ° 4, 1989, p. 1-2.
Christ Silence Saint
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