"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 20 novembre 2010

Youri Maximov « Resplendir comme une étoile »: Quelques mots sur Père Daniel ( Syssoev)

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Saint prêtre martyr et confesseur Daniel

Le prêtre Daniel Syssoev a été tué le soir de 19 novembre 2009 dans l’église de l’Apôtre Thomas sur la rue Kantemirovskaya à Moscou. Un inconnu, portant un masque, est entré dans l’église et l’a assassiné d’une balle tirée à bout portant
Je connais le père Daniel depuis 10 ans, depuis octobre 1999. Nous avons fait connaissance pendant une conférence où tous deux nous devions intervenir. Il m’avait téléphoné le soir précédent et le jour de la conférence j’ai vu, marchant devant moi, un homme qui portait une soutane. J’ai tout de suite compris que c’était bien le « diacre Daniel Syssoev » à qui j’avais parlé au téléphone. Il y avait un rapport entre sa voix et sa démarche qui montrait à quel point il était unique, et qui le rendait reconnaissable même dans une foule, même de dos, et même pour quelqu’un qui ne le connaissait pas.

Dans une des dernières interviews avant sa mort le père Daniel a dit : « Nous devons marcher avec Dieu, comme le Seigneur a dit d’Enoch « Enoch marcha avec Dieu, puis Dieu l’enleva ». « Voilà, marcher avec Dieu, c’est ça la racine de la mission. »On pourrait brièvement caractériser le père Daniel par les paroles « il marcha avec Dieu ». D’un côté, ces paroles exprimaient son état d’esprit, entièrement tourné vers Dieu, mais en même temps, on voyait d’un façon concrète qu’il marchait avec Dieu, par sa démarche, par sa façon de parler, sans parler même de ses actions et de ses paroles.

Il marchait avec légèreté, comme quelqu’un qui sait où il va et pourquoi il y va, qui est tranquille dans le présent et ne s’inquiète pas pour l’avenir. Il avait confié tous ses soucis au Seigneur, qu’il savait proche comme un Père affectueux. Pendant ces dix ans j’ai souvent entendu le père Daniel dire qu’il voulait mourir en martyr. Je crains que, venant de moi, ces mots n’aient pas la même résonnance que lorsqu’ils sortaient de la bouche de père Daniel. Dans ses paroles sur le martyre il n’y avait pas de « ton funèbre », ou d’exaltation agitée, il parlait simplement et avec joie. En écoutant ses paroles je ressentais la même gêne et perplexité que lorsque je lisais les épitres du hiéromartyr Ignace d'Antioche proclamant son désir de souffrir pour le Christ. Tous les deux avaient le même esprit, et je ne comprends ni l’un ni l’autre.

Il y a deux ans nous sommes allés ensemble en Macédoine, je me rappelle que j’ai amené le père Daniel à l’amphithéâtre de la ville antique de Bitola. C’était l’endroit où, à l’époque de l’empire romain, le peuple trouvait son plaisir à regarder des lions manger des hommes. De nos jours entre les deux cotés de l’amphithéâtre, il y a deux petits enclos où, auparavant, les lions étaient gardés juste avant d’être lâchés dans l’arène. Au milieu il y avait un espèce de loge de la hauteur d’un homme, d’où sortaient les condamnés pour être déchirés par les lions. Il est connu avec certitude que dans cet amphithéâtre plusieurs martyrs de l’Eglise ancienne ont donné leur vie pour le Christ. 

Alors j’ai dit au père Daniel : « Voilà, Père, vous pouvez vous mettre là-bas, où les martyrs attendirent avant d’affronter la mort ». Et il entra dans cette loge sombre. Je me rappelle la gravité avec laquelle il s’y tenait, et de là, il regarda le ciel. C’est sûrement avec cette même quiétude qu’il regarda son assassin. Je reconnais que je me suis interrogé: le père Daniel n’a-t-il pas eu peur en ce dernier moment ? Car moi, j’aurais eu peur, et pour cette raison j’ai demandé au seul témoin du meurtre, à celui qui avait vu les faits de ses propres yeux, ce que le père Daniel fit quand, sortant de l’autel, il vit un homme masqué avec un pistolet dans les mains? La réponse vint sans hésitation : « Il est allé à sa rencontre. Directement à sa rencontre. »

Le prêtre Daniel Syssoev est né le 12 janvier, 1974. Il a été baptisé à l’âge de trois ans et a été élevé dans une famille religieuse. Je me rappelle comment il me raconta les souvenirs chaleureux de son enfance, comment sa mère lui lisait les vies des saints avant de le coucher.

Père Daniel a eu une foi consciente et profonde dès sa tendre enfance. D’après ce qu’il m’a dit, depuis l’âge de douze ans il demandait toujours à ses parents une explication biblique de toutes leurs exigences. Quand ceux-ci lui expliquaient le fondement biblique de leurs exigences, il obéissait sans murmurer. A cette époque Daniel montra déjà son désir le plus profond – toujours et en toutes choses chercher la volonté de Dieu et la suivre. Il préféra Dieu à tout, et la volonté de Dieu à toute autre chose.

J’ai connu beaucoup de bons prêtres en Russie. Mais je n’ai jamais rencontré chez nous une personne qui aima Dieu si fortement, si ardemment, avec une abnégation telle que celle dont L’aima le père Daniel. Justement, peu avant sa mort, pendant un entretien de catéchèse que donna le père Daniel, je me suis dit : seule une personne qui a un amour profond peut parler uniquement de Dieu sans arrêt pendant deux heures et demie, et parler d’une façon telle que tout le monde dans la salle écoute pendant ces deux heures et sans bouger.

Déjà pendant l’époque soviétique le père Daniel chantait dans le chœur. En 1991, il commença des études au Séminaire de Moscou. Il m’a avoué avoir toujours voulu être prêtre, il n’a jamais même envisagé devenir quelqu’un d’autre. Ce désir est né dans son enfance pendant une mort apparente, quand il vit un ange lui remettre l’âme dans le corps.


Dès lors, il commença sa riche vie de prédicateur et de missionnaire. Il va enseigner le catéchisme au lycée Orthodoxe de « Iassenevo ». Je me souviens d’une histoire qu’il m’a racontée de cette époque. Il donna à ses élèves le sujet de dissertation suivant : « Qu’est-ce qui restera après mon départ ? Qu’est-ce que j’emporterai avec moi ? » Plusieurs parents vinrent vers lui inquiets, disant, « Peut-on vraiment donner des thèmes pareils aux enfants ? Il ne faut pas les faire penser à la mort ». Le père Daniel répondit : « Vos enfants sont donc immortels ? » Le père Daniel était convaincu que, puisque la mort est inévitable, il faut que chacun s’y prépare le mieux possible. Le Chrétien possède tous les moyens dont il a besoin pour s’y préparer, et plus il commence tôt, mieux c’est.

Depuis 1996 le père Daniel mena des entretiens missionnaires au Métochion de Kroutitski. En outre, il fut le compagnon d’armes du père Anatoli Berestova dans la création du Centre de Réhabilitation Saint Jean de Cronstadt. Le père Daniel allait à la rencontre des adeptes des sectes et des pratiques occultes. Il s’entretenait avec eux, leur révélait la vérité et les convertissait à l’Orthodoxie.

Je ne connais personne, à l’exception du père Daniel, capable d’entrer dans n’importe quelle salle et, sans crainte, commencer un entretien avec des gens de convictions religieuses les plus diverses. Et toujours pour proclamer des vérités substantielles. Il fut un missionnaire véritable et il aimait parler du Christ aux gens. Il aimait allumer dans le cœur des autres le feu évangélique qui brûlait dans le sien.
Le père Daniel avait une grande vénération pour son saint patron – le Prophète Daniel. En fait, comme le père Daniel me l’a confié, sa vocation missionnaire lui est venue justement du prophète Daniel. Pendant qu’il lisait le livre du Prophète Daniel, il s’est arrêté sur les mots: « Les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les étoiles, pour toute l’éternité. » (Dn. 12 :3). "Et je me suis dit : chouette alors ! Resplendir comme une étoile ! "

Je sais qu’il pratiquait la prière de Jésus, considérait la communion fréquente comme très importante, avec la préparation nécessaire, bien entendu. Par ailleurs, il lisait la Bible constamment ; il me semble qu’il la connaissait en grande partie par cœur. La prière, l’Eucharistie et la Parole de Dieu étaient pour lui les trois bases principales de la mission.

Au cours de sa vie le père Daniel a baptisé plus de quatre-vingts musulmans et il a converti plus de cinq cents protestants à l’Orthodoxie. Le père Daniel allait aux conférences protestantes et, se fondant sur la Bible, prêchait l’Orthodoxie chez les protestants. Il participait à des débats publics avec les « vieux-croyants » et les « néo-païens », mais il est plus connu comme missionnaire auprès des musulmans et comme polémiste avec l’Islam.

Le père Daniel recevait des lettres et des téléphones de menaces venant de la part des musulmans. Un an et demi avant son meurtre, le journaliste musulman H. Hamdullina avait demandé au procureur d’assigner le père Daniel en justice pour avoir attisé la haine religieuse et ethnique. Le procureur n’accepta pas la requête, mais dans les médias musulmans on commença une véritable campagne de dénigrement contre le père Daniel. Les orthodoxes ne sont pas au courant de cette action simplement parce qu’ils ne prêtent pas attention aux médias musulmans.

Tout récemment, trois jours avant le meurtre, le père Daniel me raccompagna en voiture jusqu'à ma maison et nous avons évoqué en riant des histoires datant de dix ans. A l’époque il me disait que de toutes les religions, l’Islam lui semblait la moins intéressante et qu’il n’avait pas l’intention de s’en occuper. Je lui ai alors rappelé une conversation que nous avions eue en rentrant du Métochion de Kroutitski et qu’il s’était réjoui d’apprendre que j’écrivais des articles en défense de l’Orthodoxie vis- à-vis de l’Islam. Il m’avait alors dit : « C’est bien, comme ça je n’aurai pas besoin de m’en occuper». Mais Dieu, à travers diverses circonstances, arrangea les choses de telle façon que le père Daniel se retrouva en présence des musulmans et dut affronter l’Islam. Et il alla là où le Seigneur l’envoyait. Pour le père Daniel c’était ça le plus important.

En l’an 2000, il termina l’Académie Ecclésiastique de Moscou en soutenant sa thèse, intitulée : « Anthropologie des Témoins de Jéhovah et des Adventistes du Septième Jour. » Un livre a été publié plus tard. En outre, il a écrit d’autres ouvrages dont : « Promenade dans une église orthodoxe avec un protestant. » Ce livre, très original, se référant toujours à la Bible, parle de la construction et de la splendeur de l’église ainsi que des offices orthodoxes. Les livres « Chronique du commencement » et « Qui est comme Dieu, ou combien de temps dura un jour de la création » sont consacrés à la défense de l’enseignement patristique de la création, comme a dit le père Daniel. Dans ces livres le père Daniel explique pourquoi un chrétien orthodoxe ne peut pas accepter la théorie de l’évolution. « Mariage avec un musulman » est un livre consacré à l’une des questions les plus difficiles posées par la coexistence des chrétiens et des musulmans dans notre société. L’idée de ce livre est venue du forum – « Questions au prêtre » que j’ai ouvert sur le site « Orthodoxie et Islam », on pouvait y poser des questions au père Daniel. 

J’ai été étonné par la quantité énorme de lettres venant de femmes, baptisées orthodoxes, qui soit avaient l’intention de se marier avec un musulman et nous demandaient si c’était admis par la discipline de l’Eglise, soit venaient de femmes orthodoxes déjà mariées avec un musulman et qui demandaient des conseils face aux problèmes qu’elles rencontraient. En outre, dans sa pratique pastorale, le père Daniel avait rencontré plusieurs femmes russes qui, sous la pression de ces mariages mixtes, avaient renié la foi chrétienne pour pouvoir devenir musulmanes. Après avoir souffert dans le mariage musulman, ces femmes avaient compris leur faute et avec l’aide du père Daniel, avaient pu se repentir et revenir à l’Eglise. Tout cela a incité le père Daniel à écrire ce livre, dans lequel il explore la question jusqu’en ses profondeurs, nous rappelant que d’après les règles de l’Eglise, il n’est pas permis d’épouser un hétérodoxe. 

En même temps, le père Daniel donne des conseils concrets pour faire face aux problèmes qui peuvent survenir si un tel mariage a déjà eu lieu. D’ailleurs le père Daniel a encore écrit une brochure sur ce sujet, « Mariée à un non-croyant » Le père Daniel a également écrit le livre « Pourquoi vous n’êtes toujours pas baptisé ? », dans lequel il analyse les objections les plus typiques contre le baptême, celles qu’on entend quotidiennement chez les gens de la rue. Pour les personnes baptisées mais qui ne vont pas à l’Eglise, le père Daniel a écrit la brochure « Pourquoi il faut aller à l’Eglise chaque dimanche », et puis un livre que nous avons écrit ensemble pour ceux qui y vont régulièrement: « De la communion fréquente au Corps et au Sang du Christ».

Peu de temps avant sa mort, le père Daniel m’a dit que parmi ses livres, son préféré, pour lui le plus précieux, était « Entretiens au sujet du livre Le Cantique des cantiques. » Il est composé des enregistrements, pris pendant plusieurs années, dans lesquels le père Daniel explique les textes bibliques, en se basant sur les interprétations patristiques.

Finalement, son dernier livre est intitulé « Instructions pour les immortels, ou quoi faire si vous êtes quand même morts.» Dans ce livre on trouve les paroles suivantes : « La meilleure mort pour un chrétien, bien sûr, c’est la mort en martyr pour le Christ Sauveur ; en principe c’est la meilleure mort qu’une personne puisse avoir.

Après le meurtre de trois moines au monastère d’Optina Poustyn certaines personnes ont envoyé des condoléances, mais en fait pour un chrétien c’est une joie immense d’être un martyre. Dans l’Eglise ancienne, on n’envoyait jamais de condoléances quand quelqu’un était tué en martyr. Au contraire, toutes les églises envoyaient immédiatement des félicitations. (Imaginez vous) !* Elles se réjouissaient d’avoir gagné un nouveau protecteur dans les Cieux ! La mort en martyr efface tous les péchés à l’exception de l’hérésie et du schisme… »

Beaucoup de gens admiraient le courage du père Daniel, même parmi ceux qui n’ont pas toujours été d’accord avec lui sur l’une ou l’autre question. Il n’y a pas longtemps un ami qui est prêtre m’a téléphoné et m’a raconté qu’il avait vu des photos montrant le père Daniel, seul, dans une salle remplie de musulmans, derrière une tribune. Il y parlait du Christ avec une grande joie, disant que puisque l’Islam nie que le Christ est Dieu-homme il ne peut pas être une religion véritable. « Je n’arrive pas à faire rentrer ça dans ma tête – dit mon ami – Quel cœur il faut avoir pour y entrer comme ça et s’y mettre à parler parmi eux. »

Les images évoquées par mon ami viennent de la première discussion publique avec les musulmans. Certains chrétiens orthodoxes ont critiqué la participation du père Daniel à ces réunions contradictoires*. Or les initiateurs de ces discussions publiques ont bel et bien été des musulmans. Ils ont publiquement invité le père Daniel à y participer. Comment un témoin de Christ aurait-il pu refuser de rendre compte de son espérance ? Pour ceux qui l’avaient invité un tel refus aurait eu valeur d’argument dans leur propagande pour répandre l’Islam.

Plus tard père Daniel m’a dit qu’il était convaincu qu’on le tuerait dès la fin (de la première réunion contradictoire) ; à la veille de la réunion publique, il éprouva une forte crainte et angoisse. Cette nuit-là, il eut une vision. Il se voyait devant un labyrinthe fait des pierres, telles que celles qu’on trouve dans le nord. Passant par ces chemins, il arrive au milieu du labyrinthe où se trouve un autel. Sur l’autel repose une victime qui vient juste d’être torturée et immolée. Là père Daniel comprend qu’il s’agit d’un autel de Satan, à qui le sacrifice vient d’être offert. Le père Daniel se mit en colère et renversa l’autel d’un coup de pied. A ce moment Satan apparut sous la forme d’un joker portant son bonnet, à l’image de ceux qu’on voit sur les jeux de cartes. Il y avait une haine sauvage dans ses yeux, il se rua sur le père Daniel qui se mit à prier : «Très Sainte Mère de Dieu, protège moi ! Saint Nicolas, aide moi ! » invoquant aussi d’autres saints. Et alors une sorte de mur invisible s’étendit devant lui. Satan se jeta contre le mur qu’il n’arriva pas à franchir, rebondissant à chaque assaut. En regardant Satan, le père Daniel se laissa surprendre par la vanité et tout de suite Satan enfonça le mur et attrapa le père Daniel à la gorge. Le père Daniel implora : « Très Sainte Mère de Dieu, pardonne moi, j’ai péché, délivre-moi de lui ! » Alors Satan disparut, mais au sujet de la discussion publique le père Daniel entendit: « Tu ne perdras pas, mais tu ne gagneras pas non plus. »

« Et c’est ainsi que cela se passa» m’a dit père Daniel. Il ajouta que après cette vision, il cessa d’avoir peur des musulmans et de leurs menaces. Ayant vu Satan lui-même et ayant été témoin de son impuissance devant Dieu, le père Daniel ne craignait plus la haine des hommes, toujours inférieure à celle de Satan.

Pendant la deuxième discussion publique, le père Oleg Stenyaev et moi secondions, en tant qu’adjoints, le père Daniel. A mon avis la discussion se passa bien (même si tout n’était pas parfait). Il faut noter qu’après cette deuxième discussion quelques musulmans, qui avaient participé à l’organisation de ces rencontres, se sont convertis à l’Orthodoxie. 

Etant lui-même à moitié Tatar, par sa mère, le père Daniel s’intéressa particulièrement à la diffusion de l’Evangile et à l’affermissement de l’Orthodoxie parmi le peuple Tatar. Il fut le premier prêtre, et il me semble le seul, qui avec la bénédiction de la hiérarchie ecclésiastique, célébra les offices (en partie) en langue tatare pour les Tatars orthodoxes. En outre, le père Daniel a publié, à ses frais, le livre de prière en langue tatare. Avec ses adjoints, il alla au « Sabantuy », la fête nationale des Tatars, pour y prêcher l’Evangile, ils allèrent également au centre culturel Tatar.

En Egypte, le père Daniel passa des heures à instruire son guide musulman de l’Evangile, et à la télévision égyptienne, il disputa de la foi avec des muftis. Il acquit une réputation scandaleuse auprès de musulmans. Cette célébrité gêna et effraya certains chrétiens orthodoxes, mais pas le père Daniel. Il disait que sa célébrité l’aidait dans sa mission, et il avait raison, car grâce à elle, les musulmans, qui s’intéressaient tant soit peu au christianisme, savaient à qu’ils pouvaient s’adresser. Ils ne se trompaient pas, car ils étaient toujours écoutés et accueillis avec amour. Chez le père Daniel, ils trouvaient toujours des réponses à leurs questions. Il arrivait que des musulmans viennent chez le père Daniel pour le convertir à l’Islam, et ils repartaient après avoir été baptisés par lui.

J’ai rencontré des gens étranges, prétendument orthodoxes, qui prétendaient que le père Daniel ne devait pas prêcher aux musulmans, que cela ne servait à rien, et qu’il fallait plutôt manifester du respect pour l’Islam. Or, le père Daniel considérait, comme l’avaient fait le Seigneur, les apôtres et tous les saints, qu’il faut respecter ceux qui sont dans l’erreur et non l’erreur. Il n’y a qu’une seule vérité et ce qui contredit et nie la vérité est un mensonge. Et respecter le mensonge, revient à mépriser la vérité. 

Les gens qui considèrent la vérité avec indifférence, ne peuvent pas comprendre cette idée simple et à cause de cela, ils n’ont pas compris Père Daniel, même si, peut-être, ils lui doivent la vie. Le père Daniel a converti des wahhabites, parmi lesquels se trouvaient un pakistanais qui avait l’intention de devenir « chahîd » ( martyr en arabe)et une femme qui se préparait à faire un attentat-suicide. Aurait-il mieux valu que le père Daniel ne convertisse pas ces gens et les abandonne à la réalisation de leurs projets : faire exploser un avion, un immeuble ou un train? Peut-être un de ces critiques du père Daniel aurait-il pu se trouver dans ce même train.

Le père Daniel eut encore plus de succès lorsqu’il prêcha parmi les protestants. Quand, avec la bénédiction du Métropolite Vladimir, il alla en Kirghizie, accompagné de ses missionnaires, il visita les réunions protestantes et convertit des protestants à l’Orthodoxie. Les conversions se produisaient en si grand nombre que même des pasteurs se convertirent ; à cause de cela certains dirigeants des sectes religieuses, qui ne pouvaient pas affronter le père Daniel par la parole, interdirent à leurs fidèles de se réunir pendant la durée de la visite du père Daniel en Kirghizie. Ainsi, ils ont tenté de s’opposer à la prédication du père Daniel aux réunions, en annulant celles-ci.

Le père Daniel fut très préoccupé par la mission dans le monde entier. Nous sommes allés ensembles deux fois en Macédoine pour prêcher auprès des vieux-croyants qui se trouvaient là-bas. Il fit des recherches sur les moyens de prêcher auprès des catholiques d’Europe Occidentale et d’Amérique de Sud. Il espérait aller en Thaïlande en décembre 2009 pour prêcher aux tribus du nord de Thaïlande.
Étant lui-même un missionnaire, il adorait les missionnaires et essayait de rencontrer tous ceux qui prêchaient l’Evangile du Christ. Il aida beaucoup de gens. Il apporta sa contribution en argent à la construction d’une église en Indonésie, fit des dons pour la scolarisation des enfants orthodoxes des familles pauvres au Zimbabwe, accueillit chez lui des orthodoxes chinois, thaïlandais, et même des orthodoxes amérindiens.

Avec la bénédiction du Patriarche Alexis II, le père Daniel créa une école pour missionnaires orthodoxes. Il enseigna aussi la missiologie au Séminaire de Nikolo-Perevinskaya- Il y a lieu aussi de s’étonner et d’admirer le fait que son activité missionnaire n’empêcha en aucun cas le père Daniel d’assumer ses devoirs et obligations envers sa paroisse. En 2001, il fut ordonné prêtre. En 2006, dans une région au sud de Moscou, il construisit une petite église en bois, dont il fut le recteur, consacrée à l’Apôtre Thomas. Le père Daniel voulait construire une grande église en l’honneur de son saint protecteur le Prophète Daniel. Comme il me l’a confié, l’idée de construire une basilique lui est venue pendant sa visite à l’église de Saint Démètre à Thessalonique.

Tous les jeudis, le père Daniel organisait à l’église des discussions sur la Bible, inspirées par l’enseignement patristique. A chaque fois, il expliquait un chapitre de l’Ancien Testament et un chapitre du Nouveau Testament. Chaque vendredi, il organisait des entretiens de catéchèse, auxquels assistaient tous les adultes désirant être baptisés. Et chaque dimanche, il enseignait le catéchisme aux enfants. Souhaitant que tous comprennent les offices, le père Daniel a publié les textes des Vêpres et de la Liturgie et a demandé aux employés de l’église de les distribuer avant chaque office. Il a aussi introduit le chant collectif. Reconnaissants, les fidèles l’ont remercié, disant qu’enfin ils avaient pu comprendre le sens de ce qu’on chantait à l’église.

Il officiait avec une grande concentration, surtout pendant cette dernière année. Il aimait beaucoup prêcher et donnait deux ou trois sermons après chaque office. Peu avant la mort du père Daniel, un ami, qui sert à l’autel à l’église du père Daniel, m’a avoué son étonnement de voir à quel point le père Daniel, sans repos, sans ménagement pour lui-même, se dévoua aux autres, surtout à ses paroissiens.

Effectivement, le père Daniel ne s’épargnait pas. Je me souviens qu’une fois il s’était cassé la jambe et on ne trouva pas de prêtre pour le remplacer. Le père Daniel, avec sa jambe dans le plâtre, alla lui-même à l’église et célébra l’office, surmontant la douleur. Tous ses amis et ses paroissiens se souviennent du père Daniel comme de quelqu’un de jovial et de joyeux, mais peu de gens savent que le père Daniel souffrait de graves douleurs, de maux de tête et de douleurs cardiaques. Pourtant, le père Daniel n’a jamais laissé voir ses souffrances, il a toujours été attentif à ses très nombreux paroissiens, les écoutant et les conseillant.

Il faut dire que le père Daniel n’imposait jamais, de façon dictatoriale, ses opinions à ceux qui l’entouraient. Il écoutait toujours attentivement les objections des autres, et il changeait d’avis si ces objections lui paraissaient bien fondées, c’est-à-dire s’il voyait qu’elles correspondaient à la vérité.

Souvent il m’invitait, avec d’autres personnes à qui il faisait confiance, pour discuter ses diverses idées, pour nous demander s’il avait tort ou non. S’il comprenait qu’il n’avait pas raison, il n’hésitait pas à l’admettre et à abandonner son opinion erronée. Il estimait que seule la vérité est importante, et non ses opinions personnelles. Il traitait avec respect toutes les personnes qu’il côtoyait.

Il y avait encore une particularité qui semblait à beaucoup de gens être un défaut de caractère chez le père Daniel – c’était la façon catégorique avec laquelle il exprimait sa pensée. Elle venait d’un amour ardent pour la vérité. Le père Daniel tentait d’aller jusqu’au fond de chaque question pour arriver à la vérité, et s’il arrivait au fond de la question, il proclamait la vérité directement et nettement. Dans notre monde « politiquement correct » la façon directe avec laquelle s’exprimait le père Daniel était semblable à un rayon perçant qui traverse les ténèbres. Cette manière tranchante de parler attirait certains, tandis qu’elle en repoussait d’autres.

Le père Daniel était une personne profondément honnête et exemplaire. Il était de ces personnes sur lesquelles on pouvait toujours compter. On savait d’avance que si on avait besoin de lui, il ne nous refuserait jamais son aide. Pour moi il était l’idéal même du prêtre. Tout ce qu’il faisait, il le consacrait au Christ, il accomplissait tout en Son Nom.

Il me reste encore beaucoup de souvenirs personnels. Je me souviens de la visite que le père Daniel m’avait faite à l’hôpital et qu’il est venu me présenter sa fille Dorothée, deux ou trois jours après sa naissance. Je me souviens encore quand il m’a appris à conduire une voiture.

Je me souviens de nos voyages, en particulier du dernier, en Serbie, d’où nous sommes rentrés une semaine avant sa mort en martyr. Pendant ce voyage il m’a confié qu’en des moments d’épreuves particulièrement dures, ou quand la vie lui semblait devenue insupportable, il se sentait comme soulevé par une immense main qui le portait à travers tous les malheurs.

Le dernier jour terrestre du père Daniel commença par la Liturgie, qu’il servit, et au cours de laquelle naturellement il communia. Après, il baptisa un enfant, et ensuite il réconcilia avec l’Eglise Orthodoxe un homme qu’il avait sorti de l’occultisme. Quelques heures plus tard, comme d’habitude, il commença des entretiens bibliques, et puis à la fin des entretiens, il discuta avec tous ceux qui le souhaitaient jusque tard dans la nuit. Enfin, quand il ne restait presque personne dans l’église, il entra au sanctuaire pour confesser un de ses enfants spirituels. Pendant ce temps-là l’assassin s’était introduit dans l’église, il tirait et hurlait : « Où est Syssoev ? » Le père Daniel sortit intrépidement du sanctuaire à la rencontre de son assassin et accepta le martyre en Christ.

Je me souviens que le père Daniel m’a souvent dit que les textes de l’Evangile qu’on lit pendant les offices n’arrivent jamais par hasard, qu’ils sont toujours incroyablement actuels et contemporains. Le jour de sa mort, le passage de l’Evangile qu’on a lu à la Liturgie contenait les paroles : « Je vous le dis à vous, mes amis : Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps et après cela ne peuvent rien faire de plus… « Je vous le dis, quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu ».


Comme le patriarche Cyrille de Moscou et de Russie l’a dit dans ses condoléances à l’occasion du décès de père Daniel : « Le Seigneur a appelé Son serviteur fidèle, lui donnant la possibilité de devenir confesseur de la foi et martyr pour la bonne nouvelle évangélique. »

Version française 
Aviv SALIOU-DIALLO & Charles HABEL
que nous remercions

1 commentaire:

Henri Barthas a dit…

Merci pour ce merveilleux texte sur la vie du père Daniel. Merci pour votre blog.
Dieu vous bénisse.