"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 31 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint Saint Procope d’Oustioug



Saint Procope d’Oustioug (8 juillet)

Comme saint Isaac, Procope était un riche marchand. Il n’était ni russe, ni orthodoxe de naissance. Procope est né à Lübeck et faisait du commerce à Novgorod grâce au traité des villes hanséatiques. Il fut profondément touché par les enseignements de l’orthodoxie et, renonçant au catholicisme latin, il fut baptisé dans l’Eglise du Christ. Procope fut tellement influencé par l’idéal ascétique orthodoxe qu’il vendit ce qu’il possédait, distribua sa richesse aux pauvres et entra au monastère de Khoutyn, près de Novgorod. Après avoir grandi pendant un temps dans l’obéissance et la pureté spirituelle, le saint quitta le monastère et partit pour le grand Oustioug où il entra dans la voie de la folie pour le Christ.
Oustioug était une cité à moitié finlandaise où il y avait beaucoup d’églises orthodoxes. La cathédrale était une haute structure de bois avec un grand porche. Procope choisit ce porche comme refuge pour la nuit. Durant la journée, il marchait dans la cité avec l’apparence d’un fou et il supportait la dérision, les reproches et les coups de gens sans cœur. Les enfants se moquaient de lui et les adultes qui avaient moins de sens spirituel que les enfants faisaient de même. Saint Procope se retirait sous le porche de la cathédrale pour y prier toute la nuit. Il priait plus particulièrement pour tous ceux qui lui avaient fait du tort, répétant la prière miséricordieuse du Crucifié : «Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font».
Quand le saint était las, il s’étendait souvent pour se reposer sur un tas de fumier, une pierre ou sur la terre battue. Ses vêtements étaient de simples haillons et il affrontait, ainsi vêtu, les froids incroyables du nord de la Russie. Il n’acceptait la nourriture que des pauvres et de ceux qui craignaient Dieu, mais il n’acceptait rien de ceux qui s’étaient enrichis. Ses seuls véritables amis étaient le collecteur d’impôts mongol, Ivan Borga et son épouse Marie.
Autrefois, Ivan avait été sans foi ni loi, se permettant tout. Il avait enlevé Marie, fille d’un citoyen local et l’avait forcée à devenir sa concubine. Cependant, sous l’influence de Marie, Borga fut converti à la sainte orthodoxie, reçut le baptême et épousa Marie. Finalement, les gens se réconcilièrent avec lui et Ivan Borga changea de vie, vivant honnêtement avec son épouse. Les Borga vivaient sur la colline de Sokolya. Là, ils construisirent une église en l’honneur du Prodrome et, plus tard, un monastère.
Saint Procope rendait quelquefois visite aux Borga mais il ne s’autorisait jamais à utiliser le confort mis à sa disposition. Son confesseur était le bienheureux Cyprien, fondateur du monastère des Archanges d’Oustioug, mais le saint ne se reposa jamais, même chez lui.
Procope fut le premier des fols-en-Christ à suivre cette voie dans le monde. Il fut ainsi le premier Russe à imiter saint André de Constantinople, le plus renommé des fols-en-Christ. Il est frappant de constater que certains épisodes de la vie de Procope sont presque identiques à ceux de la vie de saint André. L’épisode qui suit est particulièrement intéressant…
Une nuit, il y eut un gel particulièrement cruel. Une forte tempête de neige entassait des congères autour des maisons et la froidure du vent du nord était si intense que les oiseaux tombaient morts depuis le ciel. Même le bétail et les gens gelaient. On peut imaginer combien ce froid était rude pour Procope qui était à moitié nu et passait ses nuits sous le porche de la cathédrale d’Oustioug. Tourmenté par le gel, il essaya de rentrer dans la cabane de pauvres gens afin de se réchauffer un peu, mais ils le chassèrent à coups de bâton et verrouillèrent la porte. L’exclu souffrant arriva dans un réduit où quelques chiens s’entassaient dans un coin. Il s’allongea près des chiens pour profiter de leur chaleur mais les chiens se levèrent et s’enfuirent loin de lui.
Le très souffrant ascète, voyant que, non seulement les humains mais les chiens même le méprisaient, se dit à part soi : «Béni est le Nom du Seigneur, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles !» et il retourna sous son porche pour attendre la mort. Tremblant de tous ses membres, il pria pour que Dieu prenne son âme. Il ressentit soudain une chaleur merveilleuse. Levant les yeux, il vit un ange de Dieu qui se tenait devant lui avec une belle branche à la main. Le messager céleste toucha le front de Procope avec la branche et une chaleur agréable envahit tout son corps. Saint Procope relata cet épisode au prêtre Syméon (père de saint Stéphane de Perm) à condition qu’il ne le répète pas avant la mort du fol-en-Christ.
Le lieu de contemplation préféré de saint Procope était une grande pierre sur le rivage de la rivière Soukhona. Là, regardant les bateaux qui passaient, il priait pour ceux qui confiaient leur sort aux éléments changeants.
A cause de ses grands combats ascétiques, le Seigneur accorda à Procope les dons de prophétie et de thaumaturgie. Un dimanche, saint Procope dit aux gens dans l’église : «Repentez-vous de vos péchés, frères ! Hâtez-vous de complaire à Dieu par le jeûne et les prières, sinon la cité sera détruite par une tempête de grêle» ! La plupart de ceux qui entendirent Procope se moquèrent de lui. Après la liturgie, saint Procope s’assit sous le porche, en larmes, et il pleura ainsi tout le jour et toute la nuit. Les passants lui demandèrent ce qui l’affligeait ainsi. Le saint répliqua : «Veillez et priez afin de ne pas encourir de désastre» ! Mais son prêche ne fut pas écouté.
Le troisième jour, tandis qu’il marchait dans la ville, Procope répéta, en pleurs : «Pleurez, mes amis ! Pleurez dans vos prières, priez pour que le Seigneur vous délivre de la colère de la vérité, qu’Il ne vous détruise pas comme Sodome et Gomorrhe, à cause de vos transgressions».
Mais les gens d’Oustioug ne prêtèrent pas attention à ce que disait le fol-en-Christ. Une semaine après le premier avertissement de Procope, un nuage noir apparut à l’horizon. Tandis qu’il approchait de la cité, il grandit en taille et en furie jusqu’à ce qu’enfin une terrible nuée noire soit suspendue au dessus de toute la région. Des éclairs en descendaient en lanières féroces et les terribles coups de tonnerre roulaient sans arrêt dans l’air. Les murs des bâtiments tremblaient sous les coups de tonnerre et on ne s’entendait plus avec les bruits assourdissants de la tempête. Soudain, les gens de la cité comprirent la vérité des avertissements de saint Procope et ils se précipitèrent à la cathédrale de la Mère de Dieu.
Saint Procope était déjà là, priant en larmes devant l’icône de l’Annonciation pour que la Mère de Dieu intercède devant le Christ pour ceux qui avaient péché. Les gens commencèrent à prier en sanglotant et en se lamentant sur leur salut, à cause de leurs mauvaises actions. Alors, un grand miracle de Dieu advint : une huile fragrante commença à ruisseler de l’icône. Sa fragrance emplit l’église. A ce moment, l’atmosphère changea. L’atmosphère suffocante se leva et le nuage, sa foudre et ses éclairs s’enfuirent au loin. Il fut découvert plus tard que des pierres rougies à blanc étaient tombées avec la grêle, brisant des arbres sur la vallée très boisée de Kotoval, à quelque vingt verstes1 d’Oustioug2. Cependant, ni les gens, ni les animaux ne furent touchés.
Pendant ce temps, tant de myrrhon avait coulé de l’icône que les vases de l’église en étaient remplis et ceux qui furent oints avec cette huile obtinrent la guérison de diverses maladies.
Saint Procope continua sa vie de folie pour le Christ comme auparavant et, par le biais de cette folie feinte, la Divine Grâce qui habitait en lui était cachée aux hommes. Il avait coutume de tenir trois tisonniers dans la main gauche. Il fut remarqué que lorsqu’il les portait tête vers le ciel, la moisson était bonne, mais que s’il les tournait vers le sol, il y avait alors pénurie.
Saint Procope reposa dans le Seigneur à un âge avancé, le 8 juillet 1303, aux portes du monastère des Archanges. Par respect pour ses dernières volontés, son corps fut enseveli sur le rivage de la rivière Soukhona, près de la cathédrale de la Dormition. La grande pierre sur laquelle il s’était si souvent assis près de la rivière, lorsqu’il priait pour ceux qui voyageaient sur les eaux, fut placée sur sa tombe.
En 1458, un certain Ivan, qui se déclarait lui-même comme un «pauvre homme», vint de Moscou à Oustioug et commença à rassembler les souvenirs des citoyens du lieu concernant Procope. Il fit peindre une icône du saint et érigea une petite chapelle sur sa tombe. L’icône fut mise dans la chapelle pour y être vénérée. Bientôt, des flots de miracles commencèrent à être manifestés pour les gens qui venaient sur la tombe du saint.
Dieu révélait la glorification de son saint.
En 1471, des troupes d’Oustioug participant à la campagne de Nijni-Novgorod furent menacées par une épidémie. Saint Procope apparut à plusieurs soldats avec la promesse de les aider contre cette horrible maladie. Après cette campagne, les soldats construisirent une église sur la tombe du saint et érigèrent un tombeau sur lequel ils placèrent une icône du bienheureux, en commémoration de sa protection. Depuis cette époque, la commémoration du saint commença à être célébrée régulièrement le 8 juillet.
Le concile de Moscou de 1547 confirma cette glorification et cette commémoration de saint Procope. Enfin, jusques à la Révolution, les reliques du saint reposèrent dans l’église qui lui était dédiée. En 1833, un nouveau tombeau avait été érigé avec des plaques de marbre qui portaient une inscription dorée.
Les miracles et intercessions de saint Procope furent régulièrement enregistrés de 1471 à la Révolution. Depuis la Révolution, la liste a été interrompue.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (16)




Le monde a besoin de preuves
Ton cœur se contente seulement
De ferveur et de foi

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mercredi 30 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint Isaac le Reclus



Saint Isaac le Reclus (14 février)

Pour autant que nous le sachions, Isaac fut le premier Russe à entrer dans la voie de la folie pour le Christ. Par sa vie, nous recevons aussi pour la première fois la manifestation de cette ruse spéciale de Satan appelée «prelest» en russe, «plani» en grec et illusion spirituelle en français.
Isaac vécut pendant la deuxième moitié du ixe siècle. Il avait été marchand prospère dans la ville de Toropets, mais avait ressenti un profond appel vers le monachisme. Isaac, dont le nom était Tchern avant sa tonsure, vendit tout ce qu’il avait, en donna le prix aux pauvres, prit sa croix et suivit le Christ. Le Seigneur conduisit son serviteur docile au monastère des Grottes de Kiev où saint Antoine, père du monachisme russe, le reçut et le tonsura.
Saint Isaac avait été choisi comme un instrument solide pour les travaux difficiles. Le nouveau moine mit une haire sous son rason1 et il commença à mener une vie très stricte. Plus tard, le saint prit une peau de chèvre fraîchement abattue, s’en fit une veste étroite et la porta par-dessus la haire. La peau de chèvre sécha sur lui et ainsi commença son combat puissant contre les passions.
Saint Isaac rechercha et obtint la bénédiction du staretz pour entrer dans la voie de la réclusion. Il s’enferma dans une petite grotte de cinq mètres où il pria Dieu dans les larmes. Pour nourriture, il n’avait que la prosphore2 du jour et une mesure d’eau. Saint Antoine lui-même lui apportait ces maigres provisions, les passant par une ouverture si petite qu’une main pouvait à peine y entrer. Le soir, il commençait à faire des prosternations sans arrêt jusques à minuit. Là, il devenait las et s’asseyait.
Pour l’instruction de tous les moines russes et pour des raisons connues de Lui seul, Dieu permit au Malin de tromper Isaac. Ceci arriva de la manière qui suit. Un jour, Isaac était assis, se reposant, et sa chandelle était déjà éteinte. Soudain, la grotte s'illumina d’une lumière vive. Deux silhouettes rayonnantes entrèrent : leurs visages brillaient comme le soleil. «Isaac, dirent-elles, nous sommes des anges et le Christ vient vers toi. Prosterne-toi devant Lui» ! Le saint ne comprit pas cette activité des démons et, sans se garder par le signe de la Croix ou le sentiment de sa propre indignité, il se leva et, allant vers elles, se prosterna jusques au sol devant la silhouette qui lui apparut alors, comme s’il s’agissait du Christ. Les démons s’écrièrent : «Tu es des nôtres, Isaac !», et ils le firent sortir, aller dans la cellule principale et ils s’assirent. Alors, toute la cellule et même le couloir de la grotte se remplirent de ces êtres qui semblaient des anges. Le démon qui était apparu en guise de Christ dit : «Prenez des flûtes, des cymbales, des psalterions et jouez ; qu’Isaac danse avec nous». Et ils commencèrent à jouer. Ils épuisèrent Isaac d’une telle manière qu’ils le laissèrent à peine vivant. Quand il eut atteint un état d’effondrement total, les démons sourirent avec mépris et le laissèrent là.
A l’aube, quand l’heure de rompre le jeûne arriva, saint Antoine vint, comme à l’accoutumée, à la petite fenêtre d’Isaac et répéta la prière1. Il n’y eut pas de réponse à l’intérieur et saint Antoine, supposant que le reclus était trépassé, envoya chercher saint Théodose et les frères au monastère. Ils entrèrent dans la grotte après avoir brisé la porte et en sortirent Isaac, pensant qu’ils n’avaient affaire qu’à un cadavre. Quand ils le sortirent à la lumière du jour, quelqu'un remarqua qu’il était encore vivant. «C’est là l’œuvre des démons !» dit saint Théodose. Ils mirent Isaac au lit, dans une des cellules du monastère. Saint Antoine prit soin du bienheureux ascète et le soigna de ses propres mains. Quand Antoine fut exilé à Tchernigov en 1068, l’higoumène saint Théodose amena Isaac dans sa propre cellule pour s’occuper de lui. Saint Isaac était dans un tel état d’épuisement qu’il fut incapable de bouger ou même de parler pendant plus de deux ans. Parce qu’il gisait constamment sur un côté, des vers se développèrent à plusieurs reprises sous l’os de sa hanche. Saint Théodose nettoyait la plaie et lavait le reclus de ses propres mains. Le doux higoumène priait sans discontinuer pour le rétablissement d’Isaac.
Pendant la troisième année, Isaac commença à parler et à entendre. Avec le temps, il se remit à marcher, mais comme un enfant qui fait ses premiers pas. Il ne voulut pas aller à l’église, mais on l’y conduisit de force. Puis on lui apprit à marcher jusques au réfectoire. Là, du pain fut placé devant lui, mais il ne le touchait point à moins qu’un des frères ne le mette dans sa main. Enfin saint Théodose dit : «Laissez-le apprendre à manger tout seul». Pendant une semaine, Isaac ne prit pas de pain. Puis, petit à petit, regardant les autres, il apprit à manger. Et ainsi, progressivement, il se rétablit après ce choc terrible.
Durant l’higouménat2 du père Stéphane qui succéda à saint Théodose, Isaac se rétablit complètement de sa maladie et recommença à mener une vie stricte. Il ne retourna plus à la grotte, mais il obtint du staretz la bénédiction pour entamer le combat spirituel de la folie en Christ. Il se revêtit à nouveau de la haire sur laquelle il porta une chemise ordinaire de paysan. Ses chaussures étaient complètement usées.
Isaac reçut l’obédience d’aide-cuisinier. Chaque matin, il arrivait avant tout le monde aux Matines et restait debout sans se mouvoir pendant tout l’office. Après les Matines, il allait à la cuisine pour préparer le feu.
Un des cuisiniers dont le nom était aussi Isaac, se moquait souvent du fol-en-Christ et le tourmentait. Considérant qu’Isaac était complètement fou, le cuisinier lui montra un jour du doigt un endroit vide et lui dit : «Isaac, il y a là un corbeau. Va l’attraper» ! Le bienheureux Isaac s’inclina devant son bourreau, alla à l’endroit indiqué et, ô miracle de Dieu, devant les yeux de tous, revint avec un corbeau dans ses mains. Les cuisiniers furent frappés de peur et d’étonnement et ils rapportèrent l’incident à l’higoumène et aux frères. A partir de ce moment-là, les moines se mirent à faire montre d’un respect marqué pour Isaac. Craignant la gloire du monde, le fol-en-Christ commença à se comporter d’une manière encore plus folle et à provoquer l’higoumène et les frères, à un point tel qu’il fut souvent vilipendé et même battu.
Pendant la période de l’higoumène Nicon, Isaac s’installa dans la grotte de saint Antoine et commença à accroître ses combats ascétiques.
Quand les enfants venaient à la grotte, le fol-en-Christ les habillait en moines. Les parents l’insultaient souvent à cause de cela, ou bien ils le frappaient.
De cette manière, le saint grandit en patience car il endurait tout avec douceur : les coups, les humiliations, et le froid qui le coupait à travers son vêtement sommaire et ses pieds presque nus.
Une nuit, le poêle était en mauvais état, les flammes se frayaient un chemin à travers les craquelures du haut. Comme il n’avait rien d’autre pour fermer ces orifices, Isaac les boucha en se tenant pieds nus sur eux et il resta ainsi jusques au moment où le poêle s’éteignit, faute de bois.
«Beaucoup d’autres choses ont été rapportées sur lui, et j’en ai vues quelques-unes moi-même», dit le vénérable Nestor, chroniqueur des Grottes de Kiev. Saint Isaac obtint enfin un tel pouvoir sur les démons qu’il réduisait à néant leurs apparitions et leurs terreurs. Il les considérait comme des mouches, leur disant : «Vous m’avez trompé autrefois dans les grottes parce que je ne connaissais pas votre ruse. A présent, mon Dieu, le Seigneur Jésus-Christ, est avec moi ainsi que le sont les prières de mon père Théodose. Et ainsi, j’espère vous défaire». Les démons lui faisaient néanmoins beaucoup de mal. «Tu es à nous, répliquèrent-ils. Tu t’es incliné devant notre maître et devant nous» ! «Votre maître est l’ennemi du Christ et vous êtes mauvais !», répondait-il en se gardant du signe de la Croix. Alors ils disparaissaient. Quelquefois ils revenaient la nuit et essayaient de le vaincre par la peur, ils lui apparaissaient encore comme une grande foule armée de pioches et clamant : «Creusons dans cette grotte et ensevelissons cet homme vivant» ! D’autres, prétendant lui être compatissants, lui disaient : «Echappe-toi Isaac, ils veulent t’enterrer vif» ! Mais il répliquait : «Si vous étiez bons, vous viendriez pendant la journée, mais vous appartenez aux ténèbres, vous marchez dans les ténèbres et les ténèbres sont votre lot». Et sur ce, il se signait avec la Croix et les démons disparaissaient. Finalement, il atteignit une telle maîtrise avec les démons qu’ils le laissèrent en paix et ne le troublèrent plus. Il dit lui-même que ce dernier combat continua trois ans.
Ses dernières années se passèrent dans une continence encore plus stricte, en jeûne et en veilles. Quand il tomba malade dans la grotte, il fut emmené au monastère où il reposa en Christ huit jours plus tard, le 14 février 1090, pendant la titulature de l’higoumène Jean.

La Sainte Eglise commémore saint Isaac à la date de son trépas. Les reliques du saint reposent, à la vue de tous, dans la grotte de saint Antoine.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (15)




Ne théorise pas
Au sujet de Dieu et de la foi
Entre dans la prière
Et écoute l'Esprit

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mardi 29 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint & juste Thomas de Syrie


Le juste Thomas de Syrie (24 avril)

Le saint et juste Thomas commença le combat monastique en Syrie. Il mena une vie exceptionnellement vertueuse mais il avait crainte de tomber dans l’orgueil, à cause de la louange des autres. Afin de cacher sa vertu, saint Thomas prit sur lui de se soumettre à l’épreuve de la folie pour le Christ. Quoique l’on pensât que Thomas était sans le sens commun et imbécile, l’higoumène du monastère connaissait son combat secret et lui donnait à accomplir des obédiences simples et qui, parfois même, requerraient une certaine responsabilité.
Pendant l’une des ces obédiences, Dieu révéla la gloire de son serviteur. Thomas fut un jour envoyé à Antioche pour recevoir les marchandises qui constituaient les provisions annuelles pour le monastère, provisions qui étaient données par le Patriarche d’Antioche. La visite de saint Thomas coïncida avec une épidémie de peste qui avait frappé la région. Tandis que le saint attendait à Antioche, il approchait fréquemment un certain clerc âgé, nommé Anastase, et il demandait l’aumône pour le monastère en contrefaisant la folie. Le père Anastase donna au fol-en-Christ un grand coup au visage. Quand ceux qui étaient présents protestèrent contre l’offense, le fol-en-Christ les calma et dit : «A l’avenir, je ne recevrai plus rien et Anastase ne donnera plus rien». La prophétie fut bientôt accomplie car le père Anastase mourut le lendemain. Saint Thomas reprit le chemin du retour mais tomba malade dans la ville de Daphné aux environs d’Antioche. Il reposa dans le Seigneur peu de temps après, dans l’église de saint Euthyme où il était allé prier et ses reliques furent enterrées dans le cimetière des étrangers de passage, dans une rangée où se trouvaient d’autres corps, y compris ceux de femmes.
Par un grand miracle de Dieu qui choisit de glorifier son saint d’une manière qui reflétait sa vie, la terre se souleva et fit jaillir les autres corps de la fosse commune. Cet incident fut relaté au patriarche Ephrem qui fit faire une enquête. Les corps furent remis dans la fosse d’où ils furent à nouveau rejetés. Entendant cela, le Patriarche ordonna que le corps du moine Thomas soit exhumé. Quand le corps fut découvert, il fut trouvé incorrompu et fragrant. Le Patriarche ordonna alors que les reliques soient rapportées à Antioche en festive procession. Les pieux citoyens de la ville sortirent dans les rues pour accueillir les saintes reliques avec des cierges et des bannières. Elles furent mises en un tombeau spécialement construit pour elles et il fut noté que, ce jour-là, la peste cessa dès que les reliques entrèrent dans la ville.
Cette procession des reliques eut lieu le 24 avril de la dernière année de la titulature du très révérend patriarche Ephrem (527-545) et la mémoire du fol-en-Christ est célébrée en ce jour.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (14)




Par ta prière en l'Eglise
Tu rejoins sûrement
Les anges les prophètes
Et les saints de Dieu

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

lundi 28 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint Syméon






Saint Syméon d’Emèse (21 juillet)

Saint Syméon naquit vers 522 pendant le règne de Justinien dans la ville d’Edesse. Il était d’une famille noble et riche. A l’âge de trente ans, le saint partit pour Jérusalem pour vénérer la Très Vénérable Croix du Sauveur et, de là, il alla au monastère de saint Gérasime. L’higoumène Nicon lui conféra la tonsure du grand schème angélique. Après une année, il quitta secrètement le monastère, de nuit, et s’installa dans le désert, près de la Mer Morte, où il s’adonna au combat ascétique, souffrant de grands maux et cruautés de Satan et des hommes pendant environ trente ans. Par ce combat, il devint si étranger aux passions que sa chair était aussi insensible que le bois qui n’a nul désir.
En 582, à l’âge de soixante ans, saint Syméon quitta le désert pour «admonester le monde». Mais avant d’entreprendre le combat spirituel de la folie pour le Christ, il revint à Jérusalem pour vénérer la Croix du Sauveur. De Jérusalem, saint Syméon alla à Emèse et commença son ascèse de folie en Christ.
L’historien Evagre, contemporain de saint Syméon, écrit : «Cet homme avait renoncé à la vaine gloire au point que, pour ceux qui ne le connaissaient pas, il semblait fou, même s’il était rempli de sagesse et de la grâce de Dieu. La plupart du temps, il vivait tout à fait seul, ne laissant personne voir quand et comment il priait, mangeait et quand il jeûnait.
Quelquefois, il apparaissait sur les routes et les places principales en extase, semblant être privé de bon sens, fou. Quelquefois, souffrant de la faim, il entrait furtivement dans une auberge et commençait à manger la première nourriture qui était à portée de sa main. Si quelqu'un lui manifestait du respect par un enclin, il partait contrarié en toute hâte, craignant que ne soit révélée sa vertu».1
Dans la biographie détaillée du saint qui fut traduite dans les temps anciens en slavon, il est raconté qu’un jour, le bienheureux trouva un chien mort sur un tas d’ordures, à l’extérieur de la ville. Il prit la corde qui le ceignait et l’attacha au chien qu’il traîna ainsi dans toute la ville. Quelques enfants se mirent à crier en le voyant : «Un moine fou ! Un moine fou !» et ils lui jetèrent des pierres et le frappèrent avec des bâtons. Le jour suivant, jour du Seigneur, il mit des noix dans le creux de sa chemise, entra à l’église pendant la Divine Liturgie et se mit à éteindre les cierges avec des noix. Quand des gens essayèrent de le chasser, il courut à l’ambon et se mit à bombarder les femmes. Il fut chassé de l’église et tandis qu’il courait dans les rues, il renversa les tables sur lesquelles étaient mis les pains à vendre. Les vendeurs de pain le battirent presque à mort.
Un jour, un marchand qui suivait l’hérésie de Sévère vit le bienheureux oisif et crut qu’il pourrait le faire travailler pour un prix dérisoire. «Pourquoi es-tu oisif, vieil homme ? Viens travailler pour moi au marché» ! Syméon accepta mais, une fois en charge de son étal, il commença à donner les marchandises gratuitement à tous les pauvres qui passaient par là. De plus, il commença à manger lui-même ces denrées sans les payer. Quand le marchand revint pour inspecter l’étal, il fut content de voir que son stock avait presque disparu, mais quand il vit qu’il n’avait pas gagné d’argent, que les marchandises avaient été données, il battit violemment le saint et le chassa.
Le bienheureux avait quelques amis proches avec lesquels il se comportait normalement et sans sa folie feinte. Un de ces amis était domestique et avait commis un acte honteux avec une servante et l’avait rendue enceinte. Quand le maître força la jeune fille à nommer le responsable de son état, elle clama que c’était Syméon qui l’avait rendue enceinte. Elle affirma ce mensonge sous serment. Quand Syméon entendit cela, il ne nia point, il dit seulement que son corps était un vase fragile. Quand ces paroles se répandirent partout et déshonorèrent complètement Syméon, il n’apparut plus en public, à cause de sa honte supposait-on.
Cependant, quand vint le temps de la délivrance pour la femme, les douleurs de l’enfantement devinrent des tourments excessifs d’une force intolérable qui mettaient sa vie en danger. Syméon apparut alors d’une manière inopinée et quelqu'un le supplia de prier pour la jeune fille à la torture. Il annonça à la cantonade que cette femme n’accoucherait pas tant qu’elle ne donnerait pas le nom véritable de l’homme avec lequel elle avait conçu cet enfant. Dès qu’elle le fit, l’enfant naquit promptement et sans efforts.
A une autre occasion, il fut remarqué que Syméon entrait dans la maison d’une femme de mœurs dissolues et, ayant fermé la porte derrière lui, il resta quelque temps avec elle. Puis il ouvrit la porte et sortit en hâte, regardant dans toutes les directions si quelqu'un le voyait. Cela accrut encore plus la suspicion, si bien que ceux qui l’avaient vu appelèrent la femme et lui demandèrent pourquoi Syméon était chez elle et pendant combien de temps. La femme témoigna sous serment qu’elle n’avait pas pris de nourriture pendant trois jours à cause de sa pauvreté. Saint Syméon lui apporta de la viande, du pain et du vin et, ayant fermé la porte, lui dit de manger tout son soûl. Quand elle eut fini, le saint prit le reste et partit.
En 588, il prédit un tremblement de terre qui secoua la côte de Phénicie et ravagea plus particulièrement les villes de Beyrouth, Biblos et Tripoli. Plusieurs jours avant le tremblement de terre, Syméon prit un fouet et commença à frapper certains piliers sur lesquels reposaient des bâtiments, disant aux uns : «Restez fermes, le Seigneur vous l’ordonne !», aux autres : «Ne restez pas debout et ne tombez pas» ! Et, pendant le tremblement de terre, tous les piliers à qui il avait demandé de rester fermes restèrent entiers et ne bougèrent pas. Tous les autres tombèrent et furent réduits en gravats avec les bâtiments qu’ils soutenaient. Ceux à qui il avait dit de ne pas rester debout et de ne pas tomber, craquèrent de haut en bas et s’écroulèrent au centre, mais ils ne tombèrent pas.
Dix jours avant son trépas, le saint eut une conversation avec son ami le diacre Jean. Il l’instruisit pour le salut de son âme et il lui annonça sa fin prochaine. Le diacre promit de venir dans la «porcherie» où vivait le saint après deux jours. Saint Syméon resta dans sa hutte jusqu’à sa mort. Enfin, des mendiants qui étaient amis du fol-en-Christ, remarquèrent qu’ils ne l’avaient pas vu depuis deux jours et allèrent vérifier qu’il ne soit pas malade. Ils le trouvèrent mort sous sa couche. Celui qui avait vécu comme un fou, mourut comme un fou sous son lit au lieu d’être dessus. Il rechercha l’humilité jusques dans la mort.
Sans cérémonie, les mendiants prirent le corps du serviteur de Dieu et l’emportèrent au champ du Potier local pour y être enterré. Ils portèrent les reliques et passèrent ainsi devant la maison d’un juif nouvellement baptisé et, tandis qu’ils passaient, le nouvel illuminé entendit un chant angélique. Il se précipita à sa fenêtre pour voir ce qui arrivait mais il n’aperçut que deux mendiants portant le fol-en-Christ mort vers sa sépulture de pauvre. Mais les voix des merveilleux chantres continuaient. Les anges de Dieu accompagnaient les reliques sacrées du fol-en-Christ qui avait été élevé plus haut que les anges. Une grande fragrance remplit l’air et le nouveau chrétien, glorifiant Dieu, se hâta de rejoindre l’humble procession. Il enterra les saintes reliques de ses propres mains et parla à tout le monde du chant miraculeux et de l’ineffable fragrance qui avaient accompagné les reliques du saint.
Le diacre Jean arriva trop tard à la hutte pour trouver les reliques du saint. Il rechercha en larmes le cercueil du saint, voulant lui donner une sépulture honorable. Quand le cercueil fut ouvert, il n’y avait cependant aucun corps à l’intérieur ! Dieu avait déjà accompli la translation des reliques en un lieu ignoré. C’était un trésor trop grand pour l’homme. Ils comprirent alors seulement que ce «fou» était en réalité le plus sage de tous les sages.
Le saint et juste Syméon s’endormit dans le Seigneur le 21 juillet, vers 590. Les détails de sa vie furent collectés par le diacre Jean qui les donna à saint Léonce, le grand évêque de Néapolis de Chypre. Saint Léonce publia la vie du saint pour l’édification des fidèles.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (13)



Sache écouter
Souvent Dieu te parle
Par la voix de tes frères

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

dimanche 27 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint Bissarion le Thaumaturge

Crucifixion Russe
+
Saint Bissarion le Thaumaturge
(6 juin)

Saint Bissarion venait d’Egypte. Dans la biographie du saint, il est dit : «Dès sa jeunesse, il aima Dieu et la lumière de la grâce de Dieu brillait en son cœur». Au temps de sa jeunesse, il y avait beaucoup de grands ascètes au Proche-Orient et Bissarion alla en Palestine pour apprendre la voie du véritable combat spirituel chrétien. Après un arrêt à Jérusalem pour vénérer les lieux saints, le jeune ascète rendit visite à saint Gérasime du Jourdain et il conversa également avec beaucoup d’autres ascètes.
Il fut si grandement édifié spirituellement par les Pères de Palestine qu’il décida de s’y installer et de se placer sous l’obédience de l’un d’entre eux. Des affaires domestiques requerraient cependant son retour en Egypte. Peu après son retour dans sa patrie, Bissarion rencontra le bienheureux Isidore de Péluse et devint très proche de lui. Quand les parents de Bissarion moururent et qu’il fut à même de choisir librement sa vie future, il distribua son bien aux pauvres, fut tonsuré et partit pour le désert de Scété.
Bissarion entreprit l’ascèse et le combat pour purifier son âme, le cœur enflammé de zèle et d’amour pour Dieu. Il jeûnait totalement pendant de longues périodes de temps. Saint Bissarion s’adonnait également à l’ascèse qui consistait à ne pas dormir. Il était si ravi dans sa prière au Sauveur qu’il ne pouvait supporter d’en perdre un seul instant dans le sommeil. Quand la faiblesse du corps le forçait à se reposer, il refusait de s’allonger, il faisait un court somme, soit debout, soit appuyé sur quelque chose ou alors assis, le dos droit.
Le Seigneur voyant la bonne volonté du saint, l’affermissait dans toutes ses œuvres et Il le glorifia en lui donnant de devenir thaumaturge.
Saint Bissarion marchait un jour le long de la mer avec son disciple Thula. Il faisait très chaud et son disciple eut très soif, mais leur gourde était vide. Il commença à se plaindre à Bissarion. Le staretz se mit face à la mer et commença à prier. Il fit ensuite le signe de la Croix sur la mer et dit à Thula : «Au Nom du Seigneur, prends de l’eau de la mer et bois» ! Le disciple puisa de l’eau de la mer et la goûta. Elle était pure et fraîche. Il but. «Et puis, raconta Thula, je versai de l’eau dans la gourde. Quand le staretz vit cela, il me demanda pourquoi j’avais rempli la gourde. Je répondis : “Pardonne-moi, Père, peut-être que je voudrai boire encore en chemin”. Le staretz répondit : “Dieu est ici, et Dieu est partout” !».
De telles choses arrivaient souvent et, plusieurs fois, des sécheresses cessèrent par les prières du staretz. L’Abba fut même vu marchant sur le Nil comme si c’était sur la terre ferme !
Le pouvoir d’Abba Bissarion sur les démons était connu et les gens possédés lui étaient amenés de fort loin. Saint Bissarion était très miséricordieux et opposé au jugement du prochain. Un jour, un moine de Scété fut chassé de l’Eglise pour quelque péché par le presbytre, parce qu’il était indigne d’être avec les autres. Abba Bissarion se leva et il sortit avec le moine, disant : «Moi aussi, je suis pécheur» !
Le saint alla de lieu en lieu comme un fugitif, comme un vaisseau dans le désert. Il enseignait les hommes à la manière d’un fou dont les actions et les paroles étaient incompréhensibles à ceux auxquels il s’adressait. Ses disciples dirent qu’il vécut toute sa vie sans agitation aucune, complètement libéré des soucis du corps, nourri par l’espoir du futur, et affermi dans la forteresse de la foi. Il recevait ce dont il avait besoin de Dieu et ne voulait rien d’autre que ce qu’il recevait.
Le staretz Bissarion, fol-en-Christ, reposa dans le Seigneur à un âge très avancé vers la fin du ve siècle. Sa mémoire est célébrée au 6 juin.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (12)



Que tes paroles soient louanges
Tes gestes bénédictions
Et tes pensées prières
Et ta vie sera féconde

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

samedi 26 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint Sérapion le Syndonite


Saint Sérapion le Syndonite (14 mai)

Sérapion était moine depuis sa jeunesse. Il lisait la Sainte Ecriture avec tant d’assiduité qu’il la connaissait par cœur. Egyptien de naissance, il fut nommé le Syndonite car, toute sa vie, il ne porta que la tunique de lin sans manches que les Egyptiens appellent «syndon».
Très zélé dans son ascèse de dépouillement, le saint n’avait ni maison ni abri et il passait sa vie comme un oiseau du ciel en vagabondage constant. Ayant atteint la perfection dans le dépouillement, il s’efforça d’atteindre un but plus élevé. Dieu lui accorda enfin l’absence de passions1. On trouvait souvent le saint qui pleurait amèrement sur la route, à l’extérieur du village. Quand on lui demandait la cause de ses lamentations, le saint répondait : «Mon maître m’a confié sa fortune et je l’ai dilapidée et, à présent, il me tourmente». Les gens ne comprenaient pas ses paroles et pensaient qu’il parlait d’or et d’argent. Ils lui donnaient souvent de l’argent, du pain ou des légumes en lui disant : «Prends ceci, frère, mais ne te lamente pas sur la perte de la richesse. Dieu est capable de te la redonner». Sérapion dédia toute sa vie au salut du prochain. Alors qu’il était encore jeune, il se plaça dans une famille d’acteurs païens pour vingt pièces et il resta avec eux, jeûnant sévèrement et prêchant sans discontinuer la Parole de Dieu jusqu’à ce qu’il convertisse toute la famille au Christ et qu’il les convainque de quitter le théâtre. Le père de famille prit un emploi honorable et libéra Sérapion de ses liens, disant : «A présent, frère, nous te donnons la liberté puisque toi-même tu nous as libérés d’un esclavage honteux».
Sérapion partit alors pour Alexandrie. Sur la route, il rencontra un mendiant en haillons qui tremblait de froid. A la vue du pauvre homme, Sérapion enleva son vêtement et le donna à celui qui souffrait. Puis il s’assit sur le bord de la route, tenant en ses mains le saint Evangile. A ce moment, une connaissance vint à passer et lui demanda : «Père Sérapion, qui t’a dévalisé» ? L’ascète montra du doigt l’Evangile et dit «C’est ceci qui m’a dépouillé» !
Un autre jour, Sérapion vit un débiteur que l’on traînait en prison. Il n’avait rien à donner à ce pauvre homme alors il vendit son Evangile et paya sa dette. Quand il retourna à sa cellule, son disciple lui demanda où était l’Evangile. Le staretz répondit : «Mon fils, il m’a sans cesse admonesté de vendre ce que j’avais et de le donner aux pauvres. J’ai tenu compte de cette injonction et j’ai obéi afin que, par cette obéissance, je puisse recevoir grande hardiesse devant Dieu».
Saint Sérapion voyageait constamment. Un jour, arrivé en Grèce, il alla à Athènes. Pendant trois jours, il vagabonda dans la ville et personne ne lui donna même un morceau de pain. Le quatrième jour arriva et il n’avait pas mangé pendant trois jours pleins. Le saint alla à l’Acropole où se rencontraient les autorités de la cité et il commença à sangloter et à frapper dans ses mains, disant : «Athéniens, au secours» ! Les gens s’assemblèrent autour de lui pour lui demander ce qui n’allait pas. «D’où es-tu ? Qu’as-tu ?», demandèrent-ils avec le désir d’aider l’homme en détresse. «Je suis moine égyptien, répondit-il, et, ayant quitté mon propre pays, je suis tombé aux mains de trois créanciers. Deux d’entre eux m’ont quitté car ils ont reçu leur dû et n’ont plus de raison de me poursuivre. Le troisième ne me quitte pas et je n’ai pas de quoi le satisfaire».
Quelques-uns des Athéniens furent touchés de compassion et voulurent aider Sérapion à payer sa dette. «Où sont ces créanciers qui t’affligent et qui sont-ils ?» demandèrent-ils.
«Depuis ma jeunesse, répondit le fol-en-Christ, j’ai été tourmenté par l’amour de l’argent, le désir charnel et la gloutonnerie. J’ai été délivré de l’amour de l’argent et du désir charnel… ces passions ne me tourmentent plus. Mais je ne puis me libérer de la gloutonnerie. Cela fait quatre jours que j’ai faim et le créancier cruel qu’est l’estomac me tourmente sans cesse, demandant son dû habituel et il ne me laissera pas vivre si je ne le paie pas».
On donna de l’argent à Sérapion qui acheta un pain et quitta immédiatement la ville.
A Lacédemone, Sérapion entendit parler d’un homme pieux qui était manichéen. L’ascète s’attacha à lui et, en deux ans, réussit à le détourner de l’hérésie et à le ramener à la Sainte Eglise. Sérapion enseigna à cet homme et à sa famille la piété véritable puis rendit l’argent qui lui avait été donné et partit. Bien qu’il n’ait rien eu en sa possession, Sérapion s’embarqua sur un navire et s’assit sur le pont, attendant qu’il fasse voile. L’équipage et les passagers prirent le repas du soir et le capitaine du bateau, remarquant que Sérapion ne mangeait pas, supposa qu’il avait le mal de mer. Il en fut de même cependant les deuxième, troisième et quatrième jours. Quand on remarqua qu’au cinquième jour Sérapion ne mangeait rien, le capitaine demanda : «Mon cher ami, pourquoi ne manges-tu pas» ? «Je n’ai rien à manger», répondit-il. Quand il entendit cela, il commença à demander à ses officiers qui d’entre eux avait amené à bord les vivres de Sérapion. Quand il fut certain que personne n’avait embarqué quoi que ce soit pour le voyageur, le maître commença à lui faire des reproches. «Comment as-tu pu embarquer sans nourriture ? Comment mangeras-tu pendant la traversée ? Et comment paieras-tu ton voyage» ? Sérapion répondit calmement : «Je n’ai rien si ce n’est mes haillons. Retourne me jeter là où tu m’as embarqué» !
«Avec le bon vent et la navigation, grâce à Dieu, répliqua-t-il, nous ne retournerons pas au port même si tu nous offrais cent pièces d’or». Ainsi Sérapion resta tranquillement sur le bateau et le capitaine le nourrit jusqu’à ce qu’ils atteignent Rome.
A Rome, saint Sérapion rencontra un vertueux ascète nommé Dominique qui était un grand combattant de l’ascèse et qui avait le don d’accomplir des miracles. Sérapion resta avec lui et fut instruit par lui puis il alla à la recherche d’autres ascètes. Il entendit parler d’une certaine jeune fille qui pratiquait le silence et avait vécu en recluse pendant vingt-cinq ans, ne recevant jamais personne. Sérapion alla au logis de cette ascète et dit à la femme âgée qui la servait : «Dis à la vierge qu’un moine désire la voir de toute urgence» !
La syncelle1 répondit que la recluse ne recevait pas de visiteurs et qu’elle n’avait vu personne depuis des années. Sérapion insista : «Dis-lui que je dois la voir car Dieu m’a envoyé vers elle». Elle ne lui prêta pas plus attention que la première fois. Ce ne fut qu’après trois jours que Sérapion réussit enfin à être mis en présence de l’ascète. «Que fais-tu là à rester assise ?», demanda Sérapion. «Je ne suis pas assise, je suis en chemin» ! «Où vas-tu ?» demanda le fol-en-Christ. «Vers mon Dieu !» fut la réponse. «Es-tu morte ou vivante» ? «Je crois, dit-elle, que pour mon Dieu je suis morte au monde car celui qui vit selon la chair ne montera pas vers Dieu».
«Si tu veux savoir si tu es vraiment morte au monde, répondit à cela saint Sérapion, fais ce que je fais».
«Demande seulement ce qui est possible, dit-elle, et je le ferai».
«Pour quelqu'un qui est mort comme toi, continua Sérapion, tout est possible, sauf l’impiété. Descends et va te promener au dehors».
«Je n’ai pas quitté ce lieu depuis vingt-cinq ans, objecta la vierge. Comment puis-je sortir à présent» ?
«N’as-tu pas dit que tu étais morte pour le monde ? Peut-être est-ce parce que le monde n’existe pas pour toi. S’il en est ainsi, quelqu'un qui est mort ne ressent rien et tout doit t’être égal : sortir ou ne pas sortir» !
La vierge sortit. Quand ils atteignirent une certaine église, Sérapion lui dit : «Si tu veux savoir si tu es vraiment morte, et que tu ne vis plus pour les gens, alors enlève tes vêtements comme moi et, les plaçant sur ton épaule, va par la ville. Je marcherai nu moi aussi devant toi». La recluse protesta : «Mais si je fais cela, je tenterai beaucoup de gens par une telle absence de vergogne et on dira que je suis folle ou possédée».
«Qu’est-ce que cela peut te faire si on dit cela ? demanda le fol-en-Christ. Tu as dit que tu étais morte au monde et quelqu'un qui est mort ne se soucie point qu’on lui fasse des reproches ou qu’on se moque de lui, car un mort est insensible à tout cela».
Se sentant reprise à cause de son orgueil, la vierge répondit : «Je n’ai pas encore atteint un tel degré de perfection, mais je prie seulement de pouvoir y atteindre».
«Ma chère sœur, lui dit gentiment Sérapion, ne te réjouis pas d’être plus sainte que les autres et ne te vante pas d’être morte au monde. Tu viens de découvrir que tu es encore vivante et que tu te soucies de plaire aux gens»… La leçon de Sérapion apprit à la vierge la grande humilité et grâce à cela, l’éleva vers une perfection plus grande.
Un ermite vint rendre visite à Sérapion. Selon la coutume, le staretz offrit de prier avec lui. L’ermite lui répondit que ses propres péchés étaient si grands qu’il était indigne non seulement de prier avec le staretz mais même de respirer le même air que lui. Sérapion voulut lui laver les pieds mais l’ermite ne le permit pas pour les mêmes raisons déjà évoquées. Saint Sérapion parvint à convaincre l’ermite de manger avec lui. Il lui donna ensuite cet enseignement : «Mon fils, si tu souhaites te bonifier, alors reste assis dans ta cellule et sois attentif à ce que tu fais car dans la jeunesse il est plus utile de pécher dans sa cellule que d’en sortir».
L’ermite écouta cet enseignement, devint triste et changea de contenance si bien que son chagrin ne pouvait être caché du staretz. Sérapion lui dit : «Tu viens de dire que tu es pécheur, tu t’es accusé d’être indigne de l’image monastique même ! et maintenant tu te mets en colère quand je t’enseigne avec amour ! Si tu veux être humble, apprends à supporter les offenses des autres avec magnanimité et garde-toi de l’oisiveté».
L’ermite se repentit devant le staretz et le quitta ayant reçu un grand bienfait spirituel.

Telle fut la vie de notre saint père Sérapion le fol-en-Christ, homme sans passions et qui ne possédait rien. Mais nous avons, à partir d’une abondance de faits, relaté peu de choses car innombrables furent les œuvres miraculeuses et salvifiques de cet homme.
Saint Sérapion reposa au désert d’Egypte dans la soixantième année de son âge. La Sainte Eglise célèbre sa mémoire le 14 mai.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (11)






Ne dialogue jamais avec tes pensées
Adresse ta prière à Dieu
Et écoute en ton cœur
Sa réponse silencieuse

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 25 décembre 2009

Fols-en-Christ: saint André de Constantinople



Saint André de Constantinople
sur l'icône du "Pokrov"
(2 octobre)


Saint André était scythe de naissance et, dans son enfance, il fut amené à Constantinople comme esclave. Comme il était doué et bien élevé, son maître décida de lui donner une éducation. André se révéla d’une intelligence exceptionnelle et il maîtrisa très vite la lecture et l’écriture en langue grecque. Il commença très tôt à lire les livres saints et, plus particulièrement, les vies des saints et des martyrs. André devint chrétien orthodoxe et se mit à aller à l’église et à y prier de plus en plus fréquemment. Un jour, alors qu’il priait, saint André se sentit las et il s’allongea pour se reposer. Il s’endormit et fit un rêve dans lequel il vit deux armées : d’un côté, il y avait des régiments de saints et, de l’autre, une multitude de démons qui défiaient les saints, les poussant à se battre avec un des leurs, un géant effrayant. Alors André vit une silhouette rayonnante descendre du ciel, tenant en ses mains trois couronnes de grand prix. L’apparition proclama que ces trois couronnes étaient destinées à celui qui serait vainqueur du géant. André décida de se battre contre cette créature effrayante et demanda à la Personne rayonnante de l’aider. Celui qui apparaissait alors était notre Sauveur Lui-même et, avec sa bénédiction, saint André défit le démon, mais non sans un grand combat. Notre Sauveur examina le jeune vainqueur et lui dit : «A partir de ce jour, tu es notre ami et notre frère ; commence ton combat salvifique ; sois fou par amour pour Moi» !

Saint André comprit cette injonction et il entra dans la voie de la folie pour le Christ.

Le maître d’André fut très affecté du changement soudain du jeune homme et il pensa qu’il était réellement devenu fou. Saint André fut amené dans l’église dédiée à la mémoire de la sainte mégalomartyre Anastasie1 afin que des prières soient dites pour qu’il recouvre la santé. Là, André reçut confirmation du combat qu’il devait mener. Il vit sainte Anastasie conversant avec saint Jean Chrysostome. Quand saint Jean demanda : «Anastasie, ne vas-tu pas guérir cet André ?», la sainte martyre lui répliqua : «Il n’a nul besoin de guérison. Il a été guéri par Celui qui lui a dit “Sois fou par amour pour Moi” !».

A une autre occasion, saint Jean le Théologien2 apparut au fol-en-Christ, l’encourageant et promettant de l’aider. Dans une troisième vision, l’ascète se vit soudain dans les chambres du Roi. Le Roi lui donna quelque chose de très amer à goûter et dit : «Telle est la voie de ceux qui Me servent dans la vie présente» ! Puis Il donna au fol une autre nourriture qui était plus douce que la manne, en disant : «Telle est la nourriture que je donne à ceux qui œuvrent pour Moi et qui supportent tout courageusement jusques à la fin» !

Quand le maître de saint André vit que sa condition mentale ne changeait pas, il le libéra de sa servitude avec grand chagrin. Le saint commença à errer dans les rues de la cité impériale avec l’apparence d’un fou, supportant toutes sortes d’insultes, de moqueries et de privations. Saint André passait ses nuits en vigiles orantes, priant pour lui-même, pour le monde entier et, plus particulièrement, pour ceux qui l’avaient offensé ou blessé.

Saint André était complètement exclu de la société. Les gens s’écartaient de lui à son passage dans les rues et personne jamais ne lui donna un gîte pour s’abriter. Même les chiens le repoussaient, le mordant ou s’enfuyant à son approche.

Par toutes ces souffrances et ces privations pour le Seigneur, par les vigiles nocturnes et les prières, par son ascèse constante, l’ascète acquit une pureté de cœur telle qu’il devint de moins en moins homme et de plus en plus ange. De plus, André reçut beaucoup de grâces de Dieu. Il put contempler l’Invisible, avait la faculté de lire dans l’âme humaine et il lui fut accordé le don de prophétie afin de sauver les pécheurs.

Malheureusement, tout le monde ne prêtait pas attention aux exhortations du fol-en-Christ. Un pilleur de tombes qui déterrait les cadavres, prenant leurs vêtements et les bijoux qui avaient pu être ensevelis avec eux, décida un jour de cambrioler la tombe d’une femme riche qui venait d’être mise en terre. Sur le chemin de son forfait, le voleur rencontra saint André. Connaissant l’intention maligne de l’homme, saint André le regarda fixement dans les yeux et dit : «Ainsi parle l’Esprit jugeant celui qui vole la vêture de ceux qui gisent au tombeau : Tu ne verras pas le soleil, tu ne verras ni le jour, ni face humaine ; les portes de ton logis seront fermées pour toi et ne s’ouvriront jamais plus».

Le voleur entendit ces mots mais il n’y prêta pas attention et continua son chemin. Saint André poursuivit l’homme continuant sa folie feinte, espérant trouver un moyen de le détourner de son péché. Ses paroles furent vaines. Quand vint le soir, le voleur força la tombe. Il prit les vêtements et les ornements onéreux et il allait partir lorsqu’il remarqua la tunique sur le corps. Il décida de la prendre aussi, laissant le cadavre complètement nu. Alors que ce voleur allait quitter le tombeau, se retournant, il sentit comme un coup violent porté à sa tête. Il devint instantanément aveugle. Depuis ce jour, le pilleur de tombes aveugle mendiait dans les rues, demandant l’aumône et relatant la prophétie que lui avait faite saint André le fol-en-Christ.

Un moine menait une vie de prière très stricte. A cause de la sainteté de sa vie, beaucoup venaient le voir pour être conseillés et certains d’entre eux laissaient des offrandes. Saint André vit en vision un esprit de lumière et un esprit de ténèbre qui se disputaient l’âme du moine.

«Il est à moi, disait l’esprit de ténèbre, car il vit possédé par l’amour de l’argent».
«Non, répondait l’esprit de lumière, il est mien car il continue son combat spirituel» !
Une voix céleste intervint, parlant à l’esprit de lumière : «Laisse-le, il s’est livré lui-même à Satan» !
En peine pour l’âme du moine, saint André lui montra — en privé — la condition de son âme et le supplia de changer de vie. Le moine se repentit et donna tout l’argent qu’il avait amassé. On lui apporta de nouveau de l’argent, lui demandant de le distribuer aux pauvres. Mais il ne voulut plus l’accepter et répliqua : «En quoi peut-il m’être utile de distribuer les épines des autres» ?

A cause de la sainteté de sa vie, saint André, comme l’apôtre Paul, fut transporté au ciel. Pendant un hiver particulièrement dur, le saint était sur le point de mourir de froid et il était déjà aux portes de la mort. Il fut ressuscité par un ange qui lui apparut tenant une branche du jardin du Paradis. Saint André fut alors ravi en esprit au troisième ciel et vit notre Sauveur Jésus-Christ face à face. Là, le saint entendit des paroles ineffables qui ne se peuvent exprimer en langage humain.

Saint André servit Dieu comme fol-en-Christ dans les rues de Constantinople, dans un long combat de dures privations pendant soixante-six ans. Pendant ce temps, il fut jugé digne de nombreuses visions. Sa dernière vision servit de base à l’établissement, dans l’Eglise, de la fête de la Protection de la Mère de Dieu Très Sainte (Pokrov). Cette vision intervint ainsi.

Pendant le service de vigile nocturne dans la crypte du Palais des Blachernes, saint André arriva. Son ami, le jeune et noble Epiphane était aussi présent. Le saint avait l’habitude de se tenir debout pendant l’Agrypnie1 — quelquefois jusques à minuit, quelquefois jusques à l’aube — jusques au moment où ses forces l’abandonnaient. Pendant la quatrième heure de l’office, saint André vit une apparition de gloire. La Très Sainte Mère de Dieu apparut, entra par les Portes Royales2 de l’église. Le Prodrome Jean Baptiste et saint Jean le Théologien l’accompagnaient et une longue théorie de saints la précédaient. Tandis qu’Elle s’approchait de l’ambon, saint André se tourna vers Epiphane et lui demanda : «Vois-tu la Maîtresse du Monde» ? Le jeune homme répondit : «Oui, Staretz» !
Tandis qu’ils La regardaient, la Mère de Dieu s’agenouilla à l’ambon et pria avec des larmes. Puis Elle se leva, entra dans le sanctuaire et pria de nouveau. Quand Elle eut fini ses prières, Elle enleva l’homophore de sa tête et, le tenant à deux mains, Elle l’étendit sur les fidèles tandis qu’Elle s’élevait dans les airs.

Saint André et Epiphane La virent là un long moment, rayonnants de gloire céleste. Ce fut la grande révélation de la protection de tous les fidèles par la prière de la Mère de Dieu.
Cette vision fut accordée à saint Epiphane par l’intermédiaire de son staretz André. Peu après cet événement, le saint fol-en-Christ reposa auprès du Seigneur.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie 10)



Dieu est présent sans cesse
Au centre de ton cœur
Souvent tu l'ignores
Et tu te désoles de Son absence

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

jeudi 24 décembre 2009

Fols-en-Christ: sainte Isidora




Sainte Isidora, nommée Varankis en copte, était une grande ascète qui, à cause de sa rare humilité et de son insigne abaissement volontaire, avait choisi pour elle-même le combat spirituel singulier de la folie en Christ.

A cause de son étrange comportement, les autres moniales du couvent de Tavena-Min la dédaignaient au point de ne pas vouloir même s’asseoir en sa compagnie et elles la traitaient comme quelqu'un de complètement insensé. Cependant, Isidora accomplissait ses obédiences monastiques comme si elle était l’esclave personnelle de chaque sœur. Elle était prête à accomplir n’importe quelle tâche. Cette vierge bénie devint comme l’ordure du monastère et, par là, elle accomplit la parole de l’Ecriture : «Que nul ne s’abuse. Si quelqu'un parmi vous pense être sage dans ce siècle, qu’il devienne fou afin de devenir sage» (1 Co 3. 18). Au lieu de porter une coiffe et des souliers ou des sandales, sainte Isidora couvrait sa tête de haillons et marchait pieds nus. Des quatre cents moniales du monastère, pas une seule ne se souvenait l’avoir vue manger un repas véritable. Elle se nourrissait des miettes de la table et des restes dans les assiettes qu’elle lavait.

De nombreuses moniales se mettaient en colère contre la bienheureuse moniale et elle supportait leur mépris avec patience et en silence. Personne ne l’entendit jamais faire une réplique grossière ou grommeler : plus elle était traitée cruellement, rabaissée et vilipendée et plus elle se réjouissait en esprit, s’exerçant dans cette «sage folie de la Croix du Seigneur». Sa vertu cachée n’était connue que de Dieu seul et Il choisit de la glorifier dès cette vie. La sainteté de cette ascète fut révélée à l’ermite Pitirim, célèbre athlète qui était lui-même disciple de saint Pacôme le Grand.

Un jour, alors que saint Pitirim était dans la solitude du désert de Porphyre, le Seigneur permit qu’il fût saisi par des pensées de vaine gloire.
"Qu’est-ce qui te fait penser que tes combats soient si excellents ? demanda un ange qui lui apparut. Aimerais-tu voir une femme plus pieuse que toi ? Va au monastère de Tavena et tu trouveras une moniale qui porte un haillon sur la tête. Elle est supérieure à toi parce qu’elle s’adonne à son combat spirituel au milieu des gens ; elle sert tout le monde et bien que tout le monde se moque d’elle et la vilipende, elle n’a jamais détourné son regard de Dieu en son cœur. Mais toi, assis ici-même dans le désert, tu pèches par tes pensées dans la ville où elles te portent".

Saint Pitirim se hâta d’aller au monastère de Tavena et demanda à voir les moniales. Toutes s’assemblèrent, sauf Isidora. «Nous sommes toutes là, sauf la folle qui est dans la cuisine».
Le staretz demanda qu’elle lui soit amenée. Isidora fut amenée de force, résistant à chaque pas. En la voyant, saint Pitirim tomba à ses pieds et dit «Bénis-moi Amma [Mère]» ! La bienheureuse vierge tomba à ses pieds et demanda en suppliant sa bénédiction à lui. Tout le monde fut étonné et quelqu'un dit : «Abba, ne te couvre pas de honte, c’est une folle» !
«C’est vous qui êtes folles, répliqua le staretz. Elle est spirituellement plus élevée que vous et moi ; elle est notre mère et je prie d’être trouvé égal à elle au Jour du Jugement» !
Quand les moniales entendirent ceci, elles tombèrent en larmes aux pieds d’Isidora, confessant leurs offenses contre elle et se repentant sincèrement. Saint Pitirim pria pour elles et quitta le couvent. Plusieurs jours plus tard, Isidora quitta le monastère, fuyant la gloire et l’honneur qui lui avaient été accordés.

Nul ne sait où elle alla, où et quand elle mourut.

+

Saint Ephrem le Syrien († 373) recueillit la vie de sainte Isidora après avoir visité les déserts d’Egypte en 371. Le monastère de Tavena-Min fut fondé par la sœur de saint Pacôme le Grand.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976