Plusieurs mois avant la mort de Père Innocent, je lui ai rendu visite (Ce que je faisais souvent, pour voir comment il allait, pour l'aider ou pour bavarder) et je l'ai trouvé pris d'une horrible terreur. Je lui demandé: "Père Innocent, que se passe-t-il?" Il parlait avec nervosité et rapidement à travers ses larmes, " La mort, j'ai ressenti une telle peur de la mort. Bientôt je serai mort." Le reste de ses paroles était presque incohérent, mais il répéta deux fois la dernière phrase. Peu de temps après, il tomba malade, pourtant tout le monde croyait qu'il était devenu faible à cause de son jeûne trop rigoureux, ce qui en partie était vrai. Les frères essayèrent de lui faire prendre du poids, mais il refusait tout, alors les autres et moi-même nous le réprimandions souvent pour cela. Sa condition empira; nous nous tournâmes vers les docteurs, mais ils ne purent nous dire ce qui n'allait pas chez lui. A la fin ils comprirent qu'il avait un cancer et qu'il était incurable. Sa fille vint d'Australie.
Pendant sa maladie, il souffrit beaucoup des attaques des esprits malins, pourtant le Seigneur "vint à son secours" comme le dit le Psalmiste. Il lui fut dit de se battre et de ne pas abandonner. Dieu merci, il sortit du combat vainqueur, comme cela fut attesté à la fois avant et après son enterrement par le fait qu'il apparut à des personnes à qui il dit souvent:" Gloire à Dieu! Gloire à Dieu pour tout!"
Trois personnes différentes virent Père Innocent dans des rêves. Il apparut d'abord à Père Méthode son frère hiérodiacre. Père Méthode me raconta plus tard," Je l'ai vu dans le réfectoire, je pense, et je lui ai demandé, alors comment vas-tu là-bas? Et il a répondu * Bien...Très bien...A présent tout va bien... Et il était si rayonnant et si joyeux."
Ceci arriva trois jours avant la mort de Père Innocent. Après, j'ai entendu qu'il était aussi apparu en rêve à un séminariste. Le séminariste vit Père Innocent dans l'église, déjà dans son cercueil, habillé de blanc. pourtant pour quelque raison, le cercueil était tourné vers le peuple (il était à l'envers) et Père Innocent bougeait à l'intérieur du cercueil. Père Wladimir (Sukhobok) fit ce commentaire: " Il s'est beaucoup battu contre les démons ici et il se bat encore contre eux là-bas, mais il ne le fait plus pour lui, mais pour nous."
La troisième fois, Père Innocent apparut à une femme venue en pèlerinage au monastère. Elle le respectait profondément et l'aimait. Il était resplendissant et joyeux.
Quand il fut ramené de l'hôpital, et que nous l'habillions, je remarquai que son visage était très serein. Pendant deux nuits on lut le psautier près de lui et durant la seconde nuit en particulier, j'ai remarqué combien il était agréable de lire et combien on se sentait bien dans l'église. L'archevêque Laure (Plus tard Métropolite) officia pour l'office de pannikhide avec plusieurs archimandrites et hiéromoines. Il n'y avait pas beaucoup de gens présents, pourtant on pouvait dire que l'église était pleine. Pendant tout l'office, je pensais à toutes les épreuves, les tentations, les exploits ascétiques et les difficultés qu'il avait traversés et comment il avait tout enduré. Il ne jugeait pas les autres, pardonnait à ceux qui l'avaient offensé, était toujours aimable; peu de personnes l'avaient jamais vu malheureux. Et comme tout le monde le savait, il avait beaucoup d'amour en lui.
Quand ils descendaient déjà son cercueil en terre, une pensée traversa mon esprit comme l'éclair. " Dieu montrera-t-il que son âme a été acceptée [parmi les élus]? Lorsque je répondis à cette pensée par ces paroles, " Que tout soit selon la volonté de Dieu", une magnifique feuille d'automne tomba d'un arbre, exactement au milieu de la croix sur le couvercle de son cercueil. Les autres n'y firent peut-être pas attention, mais je remarquai aussi qu'à ce moment-même, un oiseau se mit à chanter. Après douze prosternations, j'accompagnais à pied sa grâce [l'higoumène Laure], car je faisais office de sous-diacre. Mais les personnes qui restèrent dirent qu'après vint un essaim d'abeilles. Elles se mirent en cercle autour de la tombe et se posèrent sur le cercueil. Les ouvrières de Père Innocent venaient dire adieu à leur maître aimant.
Le soir, après vêpres et matines, juste avant le repas du soir, j'allai à la tombe du Père Innocent méditant et priant. Soudain, je vis un chat qui s'approchait lentement de la tombe. Le chat la renifla, creusa le monticule avec sa patte et puis commença à courir comme s'il jouait avec quelqu'un. Alors arriva un autre chat, puis un troisième et puis un quatrième. Ils jouaient joyeusement, nullement gênés par ma présence. Je fus touché et remerciai Dieu de m'avoir permis de voir un tel miracle.
"Béni sont ceux que Tu as élus et amenés vers Toi, ô Seigneur!" Cher Père Innocent, repose-toi de tes nombreux labeurs et prie Dieu qu'il sauve nos âmes! "
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après le Patéricon de Jordanville
du moine Vsévolod F.
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