"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 21 avril 2011

SAINT FULGENCE ÉVÊQUE DE RUSPES ( 1/14 janvier)



Fulgence (Fabius-Claudius-Gordianus-Fulgentius) né d’une famille noble (458), à Leptis (Feriana de Tunisie), en Afrique, et privé de son père dès son enfance, étudia les lettres grecques et latines par les soins de sa mère. Dans sa première jeunesse il suivit le barreau, et s’appliqua à l’éloquence ; plus tard, à l’âge de vingt deux ans, il fut nommé Procurateur de la Province romaine, c’est-à-dire Receveur-général des impôts de la Bysacène. Mais, homme d’un caractère doux, il se démit de cette charge lorsqu’on lui prescrivit d’exiger les contributions avec rigueur.
Fulgence, visitant les monastères qui, fondés par Saint Augustin, florissaient alors dans toute l’Afrique, conçut l’idée d’embrasser la vie monastique. C’est en se retirant souvent dans la solitude qu’il se prépara à suivre ce genre de vie. Bien que sa mère eût souvent essayé de l’attendrir par ses prières et par ses larmes, il ne changea pas de résolution et fut admis dans la communauté de l’évêque Faustus.
Extrêmement exact à observer l’abstinence, même dans une grave maladie Fulgence ne voulut jamais goûter de viande ni boire de vin. Revenu en santé, et obligé, à cause de sa faiblesse, à user de vin, il le détrempait d’eau de telle sorte que la saveur en était tout-à-fait évanouie.
Lorsque les Vandales eurent poussé leurs incursions jusque dans la province d’Afrique, persécuté par les Ariens, dépouillé, nécessiteux, Fulgence dut fuir et se cacher de retraite en retraite (490).
Il se retira dans un monastère dont Félix, qui en était l’abbé, voulut lui céder le gouvernement ; le Saint refusa cette charge. On parvint toutefois à le déterminer à en partager les fonctions ; Félix fut chargé du temporel et Fulgence de l’instruction.
La paix dont les deux abbés jouissaient fut troublée par une incursion des Numides, qui ravagèrent tout le pays. Forcés de sortir de leur monastère, ils se réfugièrent à Sicca Vénéria, ville de la province proconsulaire d’Afrique. Un prêtre arien du voisinage, informé qu’ils enseignaient la consubstantialité du Verbe, les fit arrêter et les condamna à être frappés rudement. Non content de cette barbarie ; il fit raser les cheveux et la barbe aux deux confesseurs meurtris de coups, puis les dépouilla ignominieusement et les renvoya dans un état affreux. Les Ariens eux-mêmes en furent indignés, et leur évêque offrit à Fulgence de punir le prêtre, s’il l’exigeait. Mais il répondit àceux qui lui conseillaient de demander vengeance de ces mauvais traitements, que la vengeance n’était pas permise à un Chrétien.
Fulgence se décida à se rendre en Égypte, où il savait que des moines vivaient d’une manière fort austère, et aborda en Sicile, où l’intérêt de la Religion lui fit changer de projet et prendre la route de Rome. Comme il passait un jour sur la place nommée Palma-Aurea, il aperçut Théodoric, roi d’Italie, élevé sur un trône superbement paré ; il était environné du sénat et de la cour la plus brillante, Rome n’ayant rien épargné pour recevoir ce prince avec la plus grande magnificence. — « Ah ! s’écria Fulgence à la vue de ce spectacle, si Rome terrestre est si belle, quelle doit être la Jérusalem céleste ! Si dans cette vie périssable, Dieu environne d’un si grand éclat les partisans et les amateurs de la vanité, quel honneur, quelle gloire, quelle félicité prépare-t-il donc à ses Saints dans le ciel ! »
Ceci arriva vers la fi n de l’année 500, lorsque Théodoric, qui avait toujours fait sa résidence à Ravenne, fit son entrée à Rome.
Peu après, Fulgence revint en Afrique, et malgré tous ses efforts, fut élu évêque de Ruspes (Sbéah en Tunisie). Il fonda des monastères où il maintint toujours la règle primitive de Saint Augustin relativement
à l’habit et à la nourriture. Il n’avait, soit pendant l’hiver, soit durant l’été, qu’une tunique, et des plus grossières, sans aucun des insignes de l’épiscopat; une ceinture de cuir entourait ses reins amaigris
; allant le plus souvent les pieds nus, il ne se servait à l’autel ni d’ornements d’or ou de soie, ni de ceux dont une couleur éclatante aurait pu relever le tissu. Il n’offrait le saint sacrifi ce qu’avec sa simple tunique, faite en forme de la chasuble qui entourait, à cette époque, le corps tout entier ; dans ce vêtement, il prenait encore le peu de sommeil qu’il était forcé d’accorder à son corps épuisé. Il disait que durant le sacrifi ce, c’était plutôt le coeur que les vêtements qu’il fallait changer. Pour se délasser il faisait, avec des feuilles de palmier, des éventails en grand usagedans ces pays chauds.
Ce fut alors (508) que, par un décret rigoureux du roi arien Trasimond, Fulgence fut déporté en Sardaigne avec d’autres évêques d’Afrique, dont il devint la parole la plume et l’expression vivante. Il arriva à Cagliari le 11 octobre, chargé des ossements de Saint Augustin et de beaucoup de reliques d’autres Saints, trésors qu’il avait recueillis avant son départ.
Le Martyrologe des religieux augustins relate qu’il avait pareillement apporté la mitre et le bâton épiscopal du patriarche de leur Ordre. Rappelé à Carthage, après dix-huit ans d’exil, par Trasimond lui-même, il y disserta sur la religion catholique avec tant de ménagement et d’autorité tout ensemble, qu’il transporta d’admiration ce tyran. Les Ariens, effrayés d’une si grande puissance d’éloquence, poussèrent Trasimond à le reléguer de nouveau en Sardaigne (520). La réputation de sa sainteté et de son savoir se répandit dans ce pays, où il persuada à plusieurs d’embrasser la vie monastique.
A la mort de Trasimond, on obtint du roi Hunéric le rappel de Fulgence en Afrique (522). Il fut reçu à Carthage par les Catholiques comme un triomphateur et avec les plus affectueuses félicitations, et de retour à Ruspes, il s’occupa attentivement, pendant dix ans, de la conduite de son troupeau.
Un an avant sa mort, il interrompit ses occupations administratives, et pour s’occuper de Dieu plus librement, se retira avec quelques personnes dans l’île Circina (Kerkenech en Tunisie). Mais sollicité par les prières de ses ouailles, il revint à Ruspes, où, peu après, il tomba gravement malade. Au milieu de douleurs cruelles : il disait : « Seigneur, donne-moi la patience ici-bas, et le pardon là-haut ! » Il donna ordre de distribuer aux pauvres tout l’argent qui était disponible dans le trésor de l’église, et sur le point de mourir, il se tourna vers ses confrères et leur dit : « Pendant que j’ai été chargé du salut de vos âmes, si je vous ai paru dur et peu affable, je vous en demande pardon. » Puis, fi xant les yeux au ciel, il expira (533), au milieu des pleurs et des gémissements, en la vingt-cinquième année de son épiscopat et la soixante-quinzième de son âge.
Saint Fulgence a laissé beaucoup d’écrits où l’on remarque autant d’érudition que de piété, et qui ont jeté un grand jour sur la doctrine catholique. L’extrait suivant de son discours sur les économes du Seigneur, qui a pour texte le verset 42 du chapitre 24 de l’Évangile selon Saint Matthieu, pourra donner une idée de son éloquence et de sa manière d’exposer les vérités de la Religion. Ii commence ainsi :
« Notre-Seigneur, voulant nous apprendre ce que sont les fonctions spéciales de ceux d’entre ses serviteurs qu’il met à la tête de son peuple, dit ces paroles : Que pensez-vous que doive être cet économe fidèle et prudent que le Maitre établit dans sa famille pour qu’il y donne à chacun, au temps opportun, sa mesure de froment ? Bienheureux ce serviteur qui, lorsque son maître viendra, sera trouvé dans l’exercice de ses fonctions !
« Quel est ce Maître, mes frères ? C’est Jésus- Christ, sans aucun doute, lui qui a dit à ses disciples : Vous m’appelez votre Maitre et votre Seigneur…(1), et vous dites vrai, car je le suis en effet. — Quelle est encore la famille de ce Maître ? Certes, c’est celle que ce Maître a rachetée lui-même des mains de l’ennemi, et qu’il a acquise en toute propriété ; cette famille est la sainte Église catholique, qui est répandue par tout l’univers avec une féconde abondance, et qui se glorifie d’avoir été rachetée du sang de son Seigneur.— Quel est cet économe, et comment il doit être fidèle et prudent, l’Apôtre Saint Paul nous l'apprend, lorsque, parlant de lui-même et de ses collaborateurs, il dit : Il faut que tout homme nous regarde comme les ministres de Jésus-Christ et les économes des mystères de Dieu.
« Ici on demandera que tout économe soit trouvé fidèle. Mais pour que nul de nous, négligeant les devoirs de la milice spirituelle et, serviteur paresseux, s’endormant dans la mauvaise foi et l’impudence, ne pense que les Apôtres aient été seuls établis les économes en question, le saint Apôtre lui-même nous apprend que les évêques sont aussi ces économes là, lorsqu’il dit : Il faut qu’un évêque ne soit pas soupçonné, comme il convient à un digne économe de Dieu. « Nous sommes donc les serviteurs du Père de famille, et nous recevons la mesure de froment que nous vous partageons. Nous donnons à chacun de vous sa part de froment, au nom du Seigneur, lorsque, éclairés par le don spirituel de la grâce, nous prêchons suivant les règles de la vraie foi ; et toutes les fois que vous écoutez la parole de vérité que les serviteurs de Dieu vous font entendre, vous recevez de la main des économes du Seigneur cette distribution de froment. Nous en sommes tous nourris, suivant le partage que Dieu nous en fait. Nous y trouvons l’aliment d’une sainte vie pour que nous puissions parvenir aux récompenses
éternelles.
« Mettons donc notre foi, notre espérance, tout notre amour au-dessus de tout et de tous, en Celui qui s’offre lui-même à nous comme aliment, pour que nous ne venions pas à défaillir dans la route, et qui nous conserve une récompense pour que nous nous réjouissions dans la patrie. Car Jésus-Christ est notre nourriture ; Jésus sera notre récompense; Jésus est le viatique et la consolation des voyageurs dans le chemin ; il est la satiété et l’allégresse des Bienheureux qui jouissent du repos éternel. »
Les ouvrages de Saint Fulgence sont nombreux et presque tous polémiques ; on y retrouve le style et la manière de Saint Augustin dont il avait fait une étude particulière. En voici les titres :

+ Les trois livres des deux Prédestinations, contre Monème;
+ Réponse aux dix objections des Ariens proposées par le roi Trasimond ;
+ Trois livres sur divers points de foi, adressés au même prince ;
+ Livre de la foi orthodoxe, à Donat ;
+ Livre de l’Incarnation du Fils de Dieu ;
+ Livre de la Trinité, à Félix ;
+ Deux livres de la Rémission des péchés ;
+ Trois livres de la Vérité de la Prédestination et de la grâce de Dieu ;
+ Le livre de la Foi ;
+ Dix Sermons et Homélies
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Saint Fulgence, prie Dieu pour nous et pour les enfants de la terre d'Afrique du Nord!

D'après
Victor Bérard
Les Saints de l'Algérie
Valence 1857



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