J'ai fini les trucs de la maison du "client difficile," afin qu'il puisse y vivre pour le week-end. J'étais en retard pour arriver à la Liturgie vespérale, alors à la place, j'ai décidé d'aller à Home Depot (*) pour avoir des trucs pour le week-end.
Comme je garais mon camion, j'ai vu parmi la douzaine ou plus de personnes charger leurs voitures avec des trucs, une jeune fille avec un bébé se frayer son chemin à travers les voitures garées. Je pensais qu'elle était seulement une autre cliente à la recherche de sa voiture.
Je me suis garé et suis sorti de mon camion et j'ai entendu une voix étouffée derrière moi: "Monsieur... Monsieur...".
Je me retourne et c'est une jeune fille.
Elle est mince, petite, mesure peut-être un mètre soixante, et semble avoir quinze ans, mais son visage a un aspect fatigué, un air battu qui révèle plus d'années que ça. Ses yeux sont bleu acier et brillants. Son rimmel maladroit a coulé. Son nez, les sourcils et sa lèvre supérieure sont percés et comme elle essuie ses yeux avec le dos de son poignet, je vois des tatouages sur sa main, son poignet et son bras.
Elle tient un bébé, probablement d'environ un an. Son nez est souillé de croûte de morve sèche. Sur ses bras il y a des "tatouages pour enfants", le genre que vous achetez au magasin où tout est à un dollar ou que l'on obtient avec 25 cents dans des distributeurs de chewing gums. Il aurait besoin d'un bain, mais il n'est pas assez sale pour paraître négligé. Elle le hisse sur sa hanche avec son bras gauche, tandis qu'elle essuie ses yeux avec sa main droite.
"Monsieur…" Elle s'étrangle. "S'il vous plaît..."
Je vais vers elle et met mon bras autour de son épaule. "C'est OK, mon petit. Quel est le problème?"
"Nous venons d'arriver de l'Ohio. Si je n'ai pas 38 dollars dans dix minutes ils vont mettre toutes mes affaires sur le trottoir."
"Qui est ce ils?"
"Le Motel Six là-bas..." Elle pointe son doigt à travers l'autoroute.
J'ai une courte conversation avec elle. Elle est seule, pas de petit ami, de mari ou de famille. Je me demande comment elle nourrit le bébé et elle dit qu'elle a des bons d'alimentation.
"Que feras-tu demain?"
"Je ne sais pas."
"Dis-moi ton nom."
"Cindy".
"Quel est ton numéro de chambre au motel afin que si je peux trouver quelqu'un pour t'aider, je puisse te trouver?"
Elle me regarde. Je vois un éclair de soupçon dans ses yeux. Puis elle dit, "238".
Je lui donne quarante dollars. Elle commence à pleurer.
"Merci, monsieur... je vous remercie. Je ne veux pas être impolie, mais je dois y aller maintenent parce qu'ils sont en train de jeter mes trucs dehors." Elle remonte le bébé et traverse en courant le parking vers le motel. Je me tourne dans la direction opposée et j'entre dans le Home Depot et je ne regarde pas en arrière.
Je ne veux pas savoir si elle est effectivement allée au Motel Six ou non. Je ne veux pas savoir si elle a payé un abri pour la nuit pour son petit garçon ou un coup de crystal meth (**) pour elle-même. Je ne veux pas savoir si j'ai été arnaqué par une bande de gitans ou une jeune fille apprenant les ficelles de la mendicité.
Tout ce que je veux savoir en ce jour, le jour de la Nativité de Dieu, est ce que signifie que d'aimer sans cynisme, aimer ceux qui vous arnaqueront, vous rejetteront et vous tueront, donner sans attendre de récompense ou de rétribution, et voir l'image de Dieu sous les cicatrices et les marques de la fragilité et de la futilité humaines.
Je veux savoir ce que signifie espérer.
Si je peux obtenir tout cela pour quarante dollars, je suis celui qui est béni.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
(*) Célèbre magasin de bricolage et de matériel ouvert 24h sur 24 aux USA!
(**) Drogue
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