Grégoire de Nysse, Trois oraisons funèbres et Sur
les enfants morts prématurément. Texte grec d’A. Spira (GNO IX) et de H.
Hörner (GNO III.2). Introduction, traduction et notes de Pierre Maraval,
« Sources chrétiennes » n° 606, Paris, Éditions du Cerf, 2019, 211 p.
Ce volume réalisé avec compétence par Pierre Maraval, présentateur et traducteur déjà de plusieurs œuvres du même auteur parus dans la même collection, propose quatre œuvres courtes de saint Grégoire de Nysse ayant comme thème commun la mort.
Les trois discours funèbres ont été prononcés par Grégoire à Constantinople. Le premier est l’éloge funèbre prononcé lors des funérailles de l’évêque d’Antioche Mélèce, qui mourut à la fin du mois de mai 381 alors qu’il présidait le concile qui se tenait dans la capitale. Bien que Grégoire de Nysse n’occupât pas un siège important, sa renommée déjà établie comme théologien et le fait qu’il soit le frère du grand Basile de Césarée lui valurent d’être invité à parler par Grégoire de Nazianze qui était alors l’évêque de Constantinople, et peut-être par l’empereur lui-même qui l’appréciait beaucoup.
L’empereur Théodose lui demanda d’ailleurs quelques années plus tard de prononcer un discours funèbre – qui figure également dans ce volume – lors des funérailles de sa fille Pulchérie, décédée à l’âge de 6 ou 7 ans.
L’épouse de Théodose, Flacilla, mourut peu de temps après lors d’un voyage qui devait la conduire à la ville thermale de Skotoumis en Thrace, et c’est alors Nectaire, successeur de Grégoire de Nazianze comme évêque de Constantinople, qui l’invita à prononcer un discours (c’est le troisième éloge funèbre de ce volume).
Les trois discours obéissent à des règles conventionnelles de la rhétorique de l’époque et comportent des lieux communs propres à leur genre, mais comme le note un commentateur, Grégoire a su « élever sur le plan de la foi, aussi bien les motifs rhétoriques de louange que les arguments philosophiques de consolation ». Au delà des motifs de consolation que l’on trouve aussi dans la littérature païenne (il faut se réjouir plutôt que s’affliger de la mort, qui nous permet d’échapper aux désagréments de la chair, ceux surtout de la vieillesse), il met en particulier en valeur les vertus chrétiennes de Mélèce comme évêque, et celles de Flacilla et Pulchérie comme femmes qui contribuent positivement, chacune à sa place, au rayonnement de la maison impériale.
C’est dans l’éloge de Pulchérie que l’on trouve les considérations spirituelles les plus édifiantes, et des thèmes qui seront plus largement abordés dans le traité sur les enfants morts prématurément. À cette époque où l’espérance de vie était en moyenne de 25 ans, de nombreux enfants mouraient au moment de leur naissance ou dans les premières années de leur enfance. La mort de ces jeunes enfants et leur avenir dans l’au-delà suscitaient de nombreuses interrogations qui subsistent de nos jours quand de telles situations – heureusement beaucoup moins nombreuses mais à cause de cela beaucoup plus frappantes – se produisent.
Dans le traité Sur les enfants morts prématurément (environ 35 pages) Grégoire répond à ces questions d’un certain Hiérios : pourquoi les méchants vivent-ils parfois longtemps, alors que des innocents meurent à peine nés (autrement dit, comment justifier, dans l’économie divine, « l’inégalité des vies humaines ») ; quel est le sort des innocents dans la vie future (seront-ils soumis au Jugement divin, leur sort sera-t-il heureux) ?
En réponse à la deuxième question, Grégoire considère que les petits enfants, n’ayant pu accomplir aucune action bonne ou mauvaise, ne sauraient être soumis à un quelconque Jugement et à une quelconque rétribution dans l’au-delà, et que donc « un sort heureux attend tout de suite ceux qui sont morts prématurément ». Cette position tranche avec celle qui sera, quelques décennies plus tard, celle de saint Augustin (affirmant que les enfants sont par nature, dès leur naissance, marqués par le péché originel, et sont donc voués aux peines de l'enfer s'ils n'ont pas été baptisés), et celle des Pères latins qui le suivront – par exemple Jérôme, Fulgence, Avit de Vienne et le pape Grégoire le Grand, lequel affirmera que « même les enfants qui n’ont jamais péché par leur propre volonté iront dans les tourments éternels ».
En réponse à la première question, Grégoire de Nysse pense que, Dieu, dans sa prescience, préserve d’une vie mauvaise ceux dont il autorise la mort prématurée, tandis qu’il accorde à d’autres qui ont péché une vie longue pour leur offrir longuement la possibilité de se repentir et de se purifier. Grégoire parvient à cette réponse par le détour d’une réflexion, concernant tout le genre humain, sur la finalité de la vie humaine et sur le rôle de la vertu dans la participation à Dieu.
En réponse à la première question, Grégoire de Nysse pense que, Dieu, dans sa prescience, préserve d’une vie mauvaise ceux dont il autorise la mort prématurée, tandis qu’il accorde à d’autres qui ont péché une vie longue pour leur offrir longuement la possibilité de se repentir et de se purifier. Grégoire parvient à cette réponse par le détour d’une réflexion, concernant tout le genre humain, sur la finalité de la vie humaine et sur le rôle de la vertu dans la participation à Dieu.
Dans sa conclusion de l’éloge de Pulchérie, Grégoire avait également élargi à l’ensemble des hommes sa réflexion en expliquant ainsi le sens positif de la mort : « Pour les hommes, la mort n'est rien d’autre qu’une purification de la disposition au mal. Parce que notre nature, au commencement, a été créée par le Dieu de toutes choses comme un vase capable de recevoir le bien, mais que l’ennemi de nos âmes, par ruse, a versé le mal en nous, le bien n’eut plus de place. À cause de cela, pour que le mal implanté en nous ne dure pas éternellement, par une providence meilleure, le vase est brisé un moment par la mort, pour que le genre humain, une fois le vice chassé, soit reconstitué et, pur de tout mal, soit rétabli dans son état originel. C’est cela la résurrection, le retour de notre âme dans son état d'origine. Si donc il n’est pas possible que la nature soit transformée en un état meilleur sans résurrection – or si la mort ne la précède pas, il ne peut y avoir de résurrection –, la mort est bonne, étant pour nous le commencement et le chemin de la transformation vers le bien. Donc, mes frères, rejetons la tristesse au sujet de ceux qui se sont endormis, que seuls éprouvent ceux qui n’ont pas d’espérance. »
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