Icône des nouveaux martyrs de Jasenovac
victime de la barbarie oustachie et romaine
L’auteur des lignes qui suivent est Smilja Tišma, aujourd’hui retraitée, qui a perdu dans les camps oustachis ses deux parents, ainsi que quinze membres de la famille de sa mère.
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Tout a commencé ce 19 mai 1941. Ma sœur cadette Dese et moi-même sommes parties jouer dans une petite forêt, distante de la maison d’environ un kilomètre. J’étais alors âgée de neuf ans et demi et ma sœur, de huit ans et demi. De retour à la maison, nous avons eu un choc : la porte d’entrée était grande ouverte, et la maison était vide. Nous ayant aperçus, notre voisin croate nous a expliqué, visiblement troublé, que ma mère, mon frère et ma sœur avaient été emmenés par les oustachis. Il nous a exhorté à les rejoindre, en nous écriant : « Les enfants, courrez, courrez, vous les rattraperez ! »
Tout cela s’est passé dans un village de Slavonie appelé Zrinska. Les oustachis étaient entrés dans le village et avaient pris avec eux tous les habitants serbes : hommes, femmes, enfants et même les nouveaux nés.
Au bout de plusieurs heures de marche, nous avons rejoint la colonne interminable de plusieurs milliers de prisonniers. Nous avons réussi à retrouver notre mère Mara, accompagnée de notre frère Nicolas, âgé de sept ans, et la petite Marie, âgée de trois ans. Nous avons été très heureuses de retrouver notre mère qui, elle, pleurait amèrement. Elle seule savait ce qui nous attendait. Elle nous embrassait en sanglotant et répétait : « Mes enfants, c’est Sainte Parascève qui vous sauvera ! » (…).
Nous avons alors été conduits au camp d’extermination de Jasenovac, où nous avons été placés dans un recoin, à ciel ouvert, sans possibilité de nous protéger du soleil. Nous entendions, jour et nuit, les cris terrifiants des gens égorgés ou assassinés. La peur nous paralysait. Nous étions muettes. Les têtes rasées, nous ressemblions à des cadavres vivants.
Au bout de quelque temps, pour des raisons inconnues, nous fûmes transférées au camp de Stara Gradiška, où le martyre a continué. Nous ne pouvions pas dormir à cause des cris des enfants, qu’on entendait jour et nuit. Nous avons appris plus tard que l’on enduisait leurs lèvres de poison et que ces enfants mouraient dans des souffrances atroces.
Après avoir été transférés dans un autre camp, de nouvelles atrocités nous attendaient. Ils décidèrent de séparer les mères de leurs enfants. Cela s’est passé le jour même de la fête de sainte Parascève, en 1942. Des cris effrayants et désespérés déchiraient l’air et c’est à peine si nous pouvions entendre les paroles de notre mère, qui nous caressait et nous embrassait, en disant : « Mes enfants, c’est sainte Parascève qui vous sauvera ! » Cela a été la dernière fois que nous avons vu notre mère, et nous ignorons tout de son sort.
Nous, les enfants, avons été transférés au camp de Jastrebarsko (1). Au tendre soin de notre mère s’est substituée la protection de la sainte et, en effet, après des années passées dans les camps, nous avons réussi à en sortir, à l’aide de quelques personnes courageuses, parmi lesquelles notre voisin croate, qui s’est porté garant pour nous. De retour au village, nous avons trouvé toutes les maisons serbes incendiées et rasées.
Ce récit a été publié par le journal « Vesti » du 28.9.2011.
Version française Danica Le Caro
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(1) Le camp de Jastrebarsko était destiné aux enfants serbes âgés de 1 mois jusqu’à quatorze ans. Il fut ouvert durant deux mois en 1942. Au cours de ces deux mois, 1018 enfants moururent dans ce camp, qui était gardé par les sœurs de la Congrégation de la Charité!!!
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