Ses vêtements rouge et or baignés dans la lueur des
cierges, le premier prêtre orthodoxe continental chinois ordonné depuis six
décennies, a officié un service de Pâques
dimanche - un des fruits les plus surprenants du réchauffement des liens
entre Moscou et Pékin.
Alexandre Yu Shi a dit des prières en langue slave et
en mandarin, à côté de l'église de la Sainte-Protection [Pokrov], au Nord-Est
dans la ville de Harbin, entouré par les fidèles du lieu.
"C’est un jour heureux. Nous accueillons la
résurrection," dit-il. "Et pour l'Église orthodoxe orientale de
Harbin, c’est aussi une résurrection."
La petite communauté orthodoxe de personnes âgées- la
plupart descendants de Chinois et de Russes qui se mariaient entre eux, à l’apogée
cosmopolite de la ville il y a un siècle,
manquaient de prêtre depuis 15 ans.
Yu, ancien directeur de banque à la voix douce, est le
premier chinois à avoir étudié dans un séminaire orthodoxe avec le soutien du
Parti communiste ouvertement athée de Chine.
"Avec l'aide des gouvernements des deux pays, je
fus en mesure d'apprendre la théologie systématiquement," a-t-il déclaré à
l'AFP dans son bureau, assis en dessous de photos de lui, aux côtés de sommités
barbues de l'Eglise russe.
Shi, qui a des grands-parents bouddhistes, s’est converti
tout en étudiant les affaires à Moscou dans les années 1990. Il en est revenu
il y a quelques années, pour s’inscrire au séminaire théologique de
Saint-Pétersbourg.
Ordonné l’année dernière, il a dirigé la fête la plus
importante du calendrier de l'Eglise pour la première fois.
Shi a présidé la cérémonie à l'autel d'une église
catholique en face de sa paroisse, car son Eglise de la Sainte Protection
[Pokrov] est en cours de rénovation, soutenue par l'État.
Il a mené une procession jusques à la structure
revêtue d'échafaudages, balançant un encensoir d'encens et déclarant haut et
fort en chinois: "Le Christ est ressuscité !"
"Nous avons tous souffert"
Alors que l’intonation calme, et insistante du slavon
de Shi vient en écho vers le bas des bancs d’église, environ 60 fidèles – à peu
près la moitié chinoise et le reste des expatriés russes, s’incline à plusieurs
reprises, et fait le signe de croix.
"Ceci est très significatif", a déclaré Alla
Lin, 50 ans, membre de la chorale, qui portait un foulard blanc et a chanté en
mandarin. Son père était à moitié russe.
Harbin était autrefois connu comme le "Paris de
l'Orient" en raison de sa population internationale, y compris des
dizaines de milliers de Russes et plus de 20 églises orthodoxes.
Mais après que le parti communiste ait pris le pouvoir
en 1949, de nombreux Russes ont fui ou ont été rapatriés, et les croyants sont
entrés dans la clandestinité, les bâtiments de l'église étant démolis pendant
la Révolution culturelle chaotique lancée en 1966 par Mao Tsé Toung.
Pendant cette période, "mon père a été accusé
d'être un espion soviétique. Tous ceux qui avaient du sang russe ont souffert,"
a déclaré Lin.
Maintenant, il reste seulement deux églises- y compris
l’ancienne cathédrale à bulbe vert, utilisée comme musée de la ville.
Les offices orthodoxes ont repris dans les années 1980
après la mort de Mao, mais il n'y eut pas d’ordinations, laissant les habitants
incapables d’avoir des offices après que le prêtre âgé de la ville soit mort en
l’an 2000.
Le Parti communiste se méfie toujours de la religion,
avec le président Xi Jinping il rappelait le mois dernier aux croyants d’obéir
au parti. Plusieurs voitures de police surveillaient la vigile de Pâques.
Mais les croyants orthodoxes du pays, que l’on estime
être 10.000, sont éclipsés par une population protestante en plein essor de
quelque 60 millions.
L’Orthodoxie a reçu un coup de pouce surprenant de
l'alliance naissante entre Moscou et Pékin, nourrie par des accords
énergétiques, et la suspicion mutuelle des Etats-Unis.
Xi a rencontré Vladimir Poutine - qui a des liens
étroits avec l'Eglise orthodoxe - plus de dix fois, ainsi que le chef de file
de l'église le patriarche Cyrille qui célébra un office historique à Pékin en 2013.
Un prêtre de Hong Kong fut ordonné un an plus tard,
mais l'ordination de Shi a marqué un "changement majeur dans l'attitude de
la Chine envers le christianisme orthodoxe", a déclaré le journal Global Times, lié au Parti Communiste.
"C’est un moyen facile pour Pékin pour attirer
les faveurs de Poutine", a déclaré un chercheur en religion d’un
think-tank chinois à l’AFP, refusant d'être identifié. "Pékin perçoit les
risques comme étant faibles, parce que la population orthodoxe est
minuscule."
A l’office de vigile pascale, un chœur de Russes
expatriés a facilement noyé la foule chinoise, qui a chanté des chants
orthodoxes traduits.
Mais Yu Maosheng, ingénieur électricien à la retraite
dont la femme a une grand-mère russe, a déclaré qu'il espérait être baptisé par
Shi.
"C’est grâce aux gouvernements des deux
côtés", a-t-il dit, interrogé sur la renaissance de l'Eglise.
Shi a ajouté: "[...]Depuis que je fais des
offices, les gens ont commencé à retourner à l'église. Nous aurons de nouveaux
croyants"
Après une cérémonie marathon de quatre heures et
demie, il a aspergé de l'eau bénite des œufs durs [symboles de la résurrection]
et bien plié ses vêtements liturgiques.
"Parce que nous avons la foi correcte, l'Orthodoxie
orientale prendra racine en Chine et se développera," a-t-il prédit.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
Pravoslavie.ru
Citant
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Salutation pascale en Mandarin
基督復活了 他確實復活了
(Jidu fuhuo-le! Ta queshi fuhuo-le!)
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