Extrait du livre de Jean-Claude Larchet, L’Église, Corps du Christ, tome II, Les relations entre les Églises,
Éditions du Cerf, Paris, 2012
Les années 20 du xxe
siècle ont marqué un tournant important dans la façon dont le patriarcat de
Constantinople a compris ses prérogatives et a entendu les exercer au sein du
monde orthodoxe.
Ces années furent marquées par la constitution en
Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’une importante diaspora composée
d’abord par les Russes qui avaient été contraints de fuir leur pays à la suite
de la Révolution de 1917, puis par les Grecs chassés d’Asie mineure par la
politique du nouvel État turc.
De ce dernier fait, le patriarcat de Constantinople
se voyait, sur son territoire canonique, privé d’une grande partie de ses
fidèles; dans le pays où ils continuaient à résider, le patriarche voyait ses
droits et sa liberté d’action considérablement limités, un processus qui
s’accentua avec l’interminable conflit entre la Grèce et la Turquie.
D’un côté, le souci d’assurer sa subsistance dans
les conditions difficiles imposées par l’État turc a conduit le patriarche de
Constantinople, depuis ces années vingt à jusqu’à nos jours, à entreprendre et
à développer une action diplomatique tous azimuts, afin de s’assurer un
maximum de soutiens politiques auprès des différents États [[i]]. C’est en vue de s’assurer
aussi le soutien de l’importante Église catholique romaine et celui des diverses
communautés protestantes répandues dans le monde, qu’il a développé les
relations œcuméniques sous différentes formes et multiplié les tentatives
d’union [[ii]].
D’un autre côté, le souci de maintenir ses
prérogatives et son influence parmi les Églises orthodoxes (alors que ce qui
avait motivé leur octroi par les conciles Constantinople I et Chalcédoine, à
savoir la position politique de capitale de l’empire de la ville où résidait
l’évêque de Constantinople était désormais caduque) s’est traduit, premièrement
par la volonté d’étendre sa juridiction à l’ensemble de la diaspora [[iii]]; deuxièmement par une
tentative d’inclure dans sa sphère d’influence les Églises non chalcédoniennes
(en développant à leur égard une politique unioniste); troisièmement par un
interventionnisme intempestif (c’est-à-dire ne respectant pas l’indépendance
qui leur est garantie par les canons) dans les affaires internes de nombreuses
Églises autocéphales et par le soutien apporté à des groupes schismatiques ou
la constitution dans plusieurs pays (par exemple l’Ukraine, l’Estonie et la
Moldavie, et plus récemment l’Amérique du Sud) d’une hiérarchie parallèle,
dans le but principal d’étendre sa juridiction; quatrièmement par la prétention
à être – sur le modèle de la papauté – le centre d’unité [[iv]] et de communion [[v]] des Églises orthodoxes;
cinquièmement par la volonté de faire de sa primauté d’honneur une primauté
d’autorité et de pouvoir [[vi]], là encore en s’inspirant
du modèle de la papauté.
Cette politique a été étayée par une
réinterprétation des canons fondant les prérogatives du siège de
Constantinople. On a ainsi affirmé que le canon 3 de Constantinople I (381),
bien qu’il ne mentionne qu’une primauté d’honneur du siège de Constantinople à
la suite de celle de Rome, supposait l’existence d’une égalité de pouvoir [[vii]]. Le 34e
canon apostolique a été compris comme permettant que le patriarcat de
Constantinople soit responsable de l’ordre canonique dans les autres patriarcats
[[viii]]. Les canons 9 et 17 de Chalcédoine
ont été interprétés par les canonistes constantinopolitains comme lui
conférant à la fois un droit de juridiction universel (se caractérisant notamment
par la capacité de constituer une instance d’appel pour tout clerc d’une autre
Église qui serait en conflit avec le primat de sa propre juridiction) et un
droit stavropégiaque (se caractérisant par le pouvoir de créer des entités
dépendant directement de lui au sein des autres Églises autocéphales). Ces
canonistes ont même étendu la compétence du siège de Constantinople en matière
d’appel en le considérant comme l’héritier, depuis le schisme de 1054, des
prérogatives accordées au siège de Rome par le concile de Sardique conçues
comme « l’exercice extraterritorial du droit de recours [[ix]] ». Le canon 28 a été
interprété quant à lui comme instituant une juridiction du patriarche de
Constantinople sur la diaspora (les canonistes précédemment évoqués prenant
cependant soin, pour les raisons susdites, de préserver les
« droits » de l’Église de Rome [[x]]). Mais indépendamment de
la question de la diaspora, ces canonistes attribuent rétroactivement à
Constantinople un territoire qui va très au-delà de ses attributions canoniques
et semble relever de leur imagination, comme quand l’archimandrite Grigorios
Papathomas écrit que « le territoire patriarcal juridictionnel [du
siège de Constantinople], jusqu’à la fin du premier millénaire, est étendu et
déterminé historiquement et choro-géographiquement par quatre
mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique [[xi]]) ».
Cette politique s’est traduite aussi, sur le plan de
l’organisation ecclésiale, contrairement aux canons et aux principes élémentaires
de l’ecclésiologie orthodoxe, par la multiplication d’évêques/métropolites
titulaires (c’est-à-dire ayant un titre ne correspondant à aucun diocèse ou
aucune éparchie réelle) selon une pratique identique à celle des cardinaux
catholiques, et qui n’ayant en charge aucun fidèle, ont une activité purement
diplomatique.
Cette politique universaliste et globalisante s’est
traduite également par un relativisme dogmatique et canonique qui n’est sans
doute pas sans rapport avec l’appartenance notoire de son principal initiateur,
le patriarche Mélétios IV Métaxakis (1921-1923) et de l’un de ses principaux
promoteurs, le patriarche Athénagoras Ier (1949-1972) au mouvement
maçonnique [[xii]].
Par cette politique, le patriarcat de Constantinople
est devenu au xxe
siècle une source importante de troubles au sein du monde orthodoxe. Par son
soutien apporté à la constitution de
hiérarchies parallèles dans divers pays – notamment en Estonie, en
Ukraine et en Moldavie –, par des tentatives, mal fondées théologiquement et
canoniquement, d’union avec les Églises non chalcédoniennes, par un dialogue
mené avec l’Église catholique sur la seule question de la primauté dans le but
manifeste de trouver une justification à une conception de sa propre primauté
qui s’est considérablement rapprochée de la conception catholique romaine du
second millénaire, le patriarcat de Constantinople est entré en conflit avec la
plupart des autres Églises autocéphales [[xiii]]; il a donné lieu à
l’émergence de schismes (dont celui des Vieux-calendaristes, né en Grèce comme
une conséquence directe de la politique réformiste et œcuméniste du patriarche
Mélétios IV Métaxakis [[xiv]], mais qui s’est maintenant
répandu dans tous les pays orthodoxes et dans la diaspora); il a provoqué un
développement considérable de la mouvance intégriste au sein du monde
orthodoxe.
Les reproches que faisait au patriarche de l’époque
le saint pape Léon Ier d’ « une ambition coupable qui désire ce qui ne
lui appartient pas, et cherche à s’accroître en diminuant les autres [[xv]] », et de « porter le désordre dans
des provinces tranquilles [[xvi]] » retrouvent à
travers ces faits une certaine actualité. Il est certain que le patriarcat de
Constantinople, tout en prétendant non seulement devenir au sein de
l’Orthodoxie le principal facteur d’unité mais être le centre de l’unité
ecclésiale, y est depuis quelques années le principal facteur de division.
L’Église russe, dans les conclusions d’un concile
local tenu en 2008, après avoir constaté l’évolution inquiétante, inacceptable
du point de vue de la Tradition orthodoxe, de l’ecclésiologie du patriarcat de
Constantinople, et avoir rappelé ses principales caractéristiques, a adressé à
ce sujet une mise en garde au siège de Constantinople:
« Aujourd’hui,
l’unité est menacée non seulement dans l’Église orthodoxe russe, mais aussi
dans l’Orthodoxie universelle. Le danger vient de tentatives imprudentes de
revoir l’organisation séculaire des rapports entre les Églises locales fixée
dans les saints canons. Soucieux de la communion avec toutes les Églises
orthodoxes locales, et surtout avec le patriarcat de Constantinople, Église
mère à laquelle l’héritage de la Sainte Russie est inséparablement lié depuis
des siècles, le concile exprime sa profonde préoccupation devant les tendances
à altérer la tradition canonique qui apparaissent dans les déclarations et les
actes de certains représentants de la Sainte Église de Constantinople. Se
fondant sur une interprétation du 28e canon du ive concile œcuménique qui
n’est pas acceptée par l’ensemble de l’Église orthodoxe, ces évêques et
théologiens élaborent une nouvelle conception de l’ecclésiologie qui met en péril
l’unité de l’Orthodoxie. Selon cette conception: a) seules les Églises en
communion avec le siège de Constantinople appartiendraient à l’Orthodoxie
universelle; b) le patriarcat de Constantinople aurait le droit exclusif de
juridiction au sein de la diaspora orthodoxe; c) dans les pays ayant une
diaspora orthodoxe, le patriarcat de Constantinople représenterait lui seul
l’avis et les intérêts de toutes les Églises locales face aux pouvoirs publics;
d) tout évêque ou membre du clergé qui exerce son ministère hors du
territoire canonique de son Église locale se trouverait automatiquement dans
la juridiction ecclésiale de Constantinople, même s’il n’en est pas conscient,
et pourrait de ce fait être reçu dans cette juridiction sans aucune lettre
dimissoriale de son Église (comme ce fut le cas avec Mgr Basile, ancien évêque
de Serguéiévo); e) le patriarcat de Constantinople aurait la prérogative de
définir les frontières géographiques des Églises et, si son avis diverge avec
celui d’une autre Église, pourrait créer sur le territoire de cette Église ses
propres structures (comme ce fut le cas en Estonie); f) le patriarcat de
Constantinople déciderait unilatéralement quelle Église orthodoxe locale peut
participer aux manifestations interorthodoxes et interchrétienns.
Cette vision
qu’a le patriarcat de Constantinople de ses propres droits et prérogatives est
en contradiction manifeste avec la tradition séculaire sur laquelle s’est
édifiée la vie de l’Église orthodoxe russe et d’autres Églises orthodoxes locales,
et va à l’encontre de leurs devoirs pastoraux auprès de leurs fidèles dans la
dispersion.
Considérant
que les problèmes mentionnés ne pourront être résolus définitivement que par un
concile œcuménique de l’Église orthodoxe, ce concile épiscopal appelle la
Sainte Église de Constantinople à la prudence en attendant l’examen de ces
nouveautés par l’ensemble de l’Orthodoxie et à s’abstenir de gestes qui
pourraient faire exploser l’unité orthodoxe. Cet avertissement concerne
particulièrement les tentatives de revoir les frontières canoniques des
Églises orthodoxes [[xvii]]. »
Nous avons vu que le siège de Constantinople a été
constitué et ses prérogatives accordées relativement à un facteur purement
politique: le fait que Constantinople soit devenue la capitale de l’empire. Ce
fondement, reconnu par les canons de Constantinople I, de Chalcédoine et du
concile in Trullo, étant aujourd’hui
devenu caduque, la place et le rôle de Constantinople sont susceptibles d’être
remis en cause [[xviii]], et le facteur de l’importance
politique de Constantinople qui avait été autrefois mis en jeu dans un sens
pourrait aujourd’hui être mis en jeu dans l’autre sens.
Les canons qui ont défini la place du siège de
Constantinople font partie des canons qui n’ont qu’une valeur relative parce
qu’ils définissent l’organisation de l’Église en fonction de circonstances
historiques particulières ; si ces circonstances changent, ils peuvent
être abolis ou modifiés. Ainsi, le canon 28 de Chalcédoine prend des positions
tout à fait différentes du canon 6 de Nicée en ce qui concerne l’ordre des
Églises et la place du siège d’Alexandrie, et du canon 2 de Constantinople I en
ce qui concerne le statut des diocèses d’Asie, du Pont et de Thrace ; ou
encore, à la suite du schisme de 1054, le siège de Rome a perdu par rapport à
toutes les autres Églises toutes les prérogatives que les canons lui
accordaient.
S’il s’avérait que l’action du siège de
Constantinople était plus nuisible qu’utile à l’Église orthodoxe dans son
ensemble, un concile à venir pourrait envisager une réorganisation de la structure de l’Église analogue à
celles auxquelles procédèrent les conciles de Constantinople I et de
Chalcédoine. Le patriarcat de Constantinople n’a plus en charge, en Turquie
même, que mille cinq cents fidèles environ [[xix]], qui pourraient être
confiés à un exarque de l’Église de Grèce, à laquelle pourraient être confiées
également les régions situées sur le territoire de la Grèce mais qui sont
actuellement sous la juridiction du patriarcat de Constantinople. Le retrait
du siège de Constantinople permettrait aussi de régler un grand nombre de problèmes
survenus dans la diaspora du fait de son interventionnisme intempestif, de sa
volonté de puissance ou du fait qu’il est venu y doubler les hiérarchies
existantes, autant de facteurs qui ont été jusqu’à présent des obstacles à la
constitution d’Églises locales [[xx]] ; il pourrait
permettre aussi de régler le problème de la multiplication de groupes schismatiques
intégristes dans les différentes Églises au cours de ces dernières années, et
qui est pour une grande part due au relativisme dogmatique et ecclésiologique
dans lequel le siège de Constantinople a entraîné les autres Églises à travers
des institutions et des mouvements dont il a été l’initiateur et l’animateur.
Toutes les Églises autocéphales orthodoxes
s’entendent à considérer que la juridiction du patriarcat de Constantinople
reste limitée au territoire qui lui a été traditionnellement reconnu par les
canons, à savoir, selon les dénominations actuelles : une partie de
l’actuelle Turquie, les métropoles du Dodécanèse, l’Église (semi-autonome) de
Crète, les « Nouveaux territoires » de la Grèce du Nord (Épire,
Macédoine, Thrace), les îles de l’archipel d’Égée, le Mont-Athos.
Elles reconnaissent au patriarche de Constantinople
des prérogatives d’honneur se traduisant concrètement par un rôle de
présidence lorsque plusieurs primats sont réunis ou lors d’une célébration
liturgique commune, par un rôle d’initiative (par exemple dans la convocation
d’un nouveau concile où la publication d’une encyclique exprimant de manière
unitaire des positions communes). Elles reconnaissent qu’il est habilité à
recevoir des appels et à en juger avec son synode, dans les limites prescrites
par les canons. Mais ces prérogatives doivent s’exercer dans le cadre de la
synodalité qui caractérise traditionnellement les processus de délibération
et de décision de l’Église orthodoxe, et dans le cadre du respect strict des
canons qui reconnaissent l’égalité fondamentale de toutes les Églises autocéphales
et l’indépendance de chacune. Le non-respect de la synodalité ne peut que
dégénérer en rivalités pour le pouvoir ou l’autorité au sein du monde
orthodoxe (comme on l’a vu ces dernières années entre le patriarcat de
Constantinople et le patriarcat de Moscou) selon un esprit et un mode de
fonctionnement de type politique propre aux États du monde déchu, mais
profondément étranger à l’esprit de l’Église, dont le Christ est le seul chef,
et où les relations sont régies par des vertus qu’inspire l’Esprit Saint, seule
source de paix, de concorde, d’harmonie et d’unité: l’amour et l’humilité.
NOTES
[i]. Dans leur étude sociologique (dont la méthodologie
exclut tout parti pris) M. Anastassiadou
et P. Dumont parlent d’ « une
stratégie d’ancrage dans le monde occidental qui semble aujourd’hui seule
capable d’assurer au Phanar les soutiens politiques nécessaires pour échapper à une mort par
asphyxie » (Les Grecs
d’Istanbul et le patriarcat œcuménique au seuil du xxie siècle. Une communauté en quête d’avenir,
Paris, 2011, p. 137).
[ii]. Cf. ibid.,
p. 137-138.
[iii]. Comme le souligne le patriarche Alexis II dans
sa lettre intitulée Paix, diaspora et
division dans l’Église : le canon 28 du ive
concile œcuménique, adressée le 28 mars 2002 au patriarche Bartholomée Ier, la prétention du patriarcat de Constantinople à avoir
juridiction sur la diaspora est récente et remonte, comme nous avons dit, aux
années 20 du XXe
siècle : « Des faits historiques indiqu[e]nt que jusque dans les
années vingt du XXe
siècle il n’y avait aucune autorité de fait du patriarche de Constantinople sur
toute la diaspora orthodoxe dans le monde entier, et qu’il ne prétendait pas
non plus à une telle autorité. À titre d’exemple, en Australie la diaspora
orthodoxe était initialement desservie par Jérusalem et le patriarcat de
Jérusalem y envoyait des prêtres. En Europe occidentale, dès le commencement,
les paroisses et les communautés orthodoxes dépendaient canoniquement de leurs
Églises mères et non pas de Constantinople, de même que dans d’autres parties
du monde où pour suivre l’enseignement du Christ (Mt 28, 1-20) des
missionnaires zélés des Églises locales orthodoxes, y compris celle de
Constantinople, prêchaient l’Évangile et baptisaient les aborigènes qui
devenaient enfants de l’Église, qui les avait éclairés par le baptême. Pour ce
qui est de l’Amérique, dès 1794, l’Orthodoxie sur ce continent a été
représentée exclusivement par la juridiction de l’Église russe qui en 1918
regroupait 300 000 orthodoxes de nationalités différentes (Russes, Ukrainiens,
Serbes, Albanais, Arabes, Aléoutes, Indiens, Africains, Anglais); y
appartenaient également les Grecs orthodoxes recevant l’antimension pour
leurs paroisses de la part des évêques russes. Une telle situation était
reconnue par toutes les Églises locales qui pour les paroisses américaines
envoyaient leur clergé dans la juridiction de l’Église orthodoxe russe. Le
patriarcat de Constantinople aussi s’en tenait à cette même pratique. Par
exemple, lorsque en 1912 les Grecs orthodoxes d’Amérique adressèrent une
requête pour l’envoi d’un évêque grec à Sa Sainteté le Patriarche de
Constantinople Joachim III, le Patriarche ne l’a ni envoyé lui-même, ni n’a
adressé cette requête à l’Église orthodoxe de Grèce mais il a recommandé d’en
référer à l’Archevêque Platon d’Aléoutie et d’Amérique du Nord afin que cette
question soit tranchée par le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe. »
[iv]. Comme l’affirme par exemple le métropolite Stéphanos de Tallinn, « Le 28e
canon du ive concile
œcuménique et la diaspora orthodoxe », page Internet sur le site http://www.orthodoxa.org. Sur ce point, voir aussi
les remarques de E. Mélia,
« Pentarchie et primauté », dans La
Primauté romaine dans la communion des Églises, Paris, 1991, p. 102.
[v]. Sur ce dernier point, voir par exemple
l’affirmation du canoniste attitré du Phanar, V. Phidas, selon laquelle le patriarcat de Constantinople est
« le garant de la communion ecclésiale de l’Église orthodoxe »
(« Le Primat et la conciliarité de l’Église dans la tradition
orthodoxe », Episkepsis, 671,
2007).
[vi]. C’est en faveur d’une telle primauté que milite
le métropolite Jean (Zizioulas) de
Pergame, « Recents Discussions on Primacy in Orthodox
Theology », dans W. Kasper
(éd.), Il ministero petrino. Cattolici e
ortodossi in dialogo, Rome, 2004, p. 249-264 ; « Les conférences
épiscopales comme institution “Causa nostra agitur” ? Point de vue
orthodoxe », dans L’Église et ses
institutions, Paris, 2011, p. 170-171 ; « Là où il y a
l’eucharistie, il y a l’Église catholique », dans L’Église et ses institutions, p. 233-234.
[vii]. Cf. P. Polakis,
Présupposés historiques du primat de
l’évêque de Constantinople, Athènes, 1954, p. 82 (en grec) ; Maxime de Sardes, Le Patriarcat œcuménique dans l’Église orthodoxe, Paris, 1975, p.
131, 138 ; G. Mpoumès,
« La Primauté de pouvoir des sièges de Rome-Constantinople. L’exégèse du
canon 3 du IIe Concile œcuménique, Theologia,
53, 1982, p. 1084-1101.
[viii]. Métropolite Jean
Zizioulas, « La primauté dans
l’Église, une approche orthodoxe », dans L’Église et ses institutions, Paris, 2011, p. 224. L’auteur affirme
parallèlement que, conformément au même canon, le patriarche de Constantinople
ne pourrait pas interférer dans les affaires des autres patriarcats, mais ces
deux exigences sont manifestement contradictoires.
[ix]. Voir G. D. Papathomas,
« Les différentes modalités d’exercice de la juridiction du Patriarcat de
Constantinople », Istina, 40,
1995, p. 379. Cet article qui, sur plusieurs sujets qu’il aborde, se joue des
réalités historiques et géographiques, a été sur certains aspects critiqué par
D. Struve, « Réponse au P.
Grégoire Papathomas », Le Messager
orthodoxe, 141, 2004, p. 73-88.
[x]. Voir par exemple G. D. Papathomas,
« Les différentes modalités d’exercice de la juridiction du Patriarcat de
Constantinople », Istina, 40,
1995, p. 369-385.
[xi]. Ibid.,
p. 372 et 380.
[xii]. Sur l’appartenance de Mélétios Métaxakis à la
franc-maçonnerie, voir A. Zervuldakis,
« Meletios Metaxakis », Tektonikon
Deltion : Organos tès Megalès Stoas tès Hellados [Bulletin maçonnique:
Organe de la Grande Loge de Grèce], 71, 1967, p. 49-50. La politique réformiste
de Mélétios Métaxakis (qui est loin de se limiter à l’introduction du nouveau
calendrier) fut inspirée par le président grec Vénizélos, lui-même franc-maçon,
selon un programme très précis (voir D. Kitsikis,
« Les Anciens calendaristes depuis 1923 et la montée de l’intégrisme en Grèce », Cahiers d’études sur la Méditerranée
orientale et le monde turco-iranien, 17, 1994, p. 3-5). Entre Mélétios et
Athénagoras, le patriarche Basile III (1925-1929) fut également franc-maçon
(voir V. A. Lambropoulos, Dokoumenta tis Ellinikis Masonias, éd.
Yannis V. Vasdhekis, 4e éd., Athènes 1990, p. 340).
[xiii]. Les conflits et tensions les plus récents avec les
Églises de Grèce, de Russie et de Roumanie sont évoqués dans l’étude
sociologique de M. Anastassiadou
et P. Dumont, Les Grecs d’Istanbul et le patriarcat œcuménique au seuil du xxie siècle. Une communauté en quête
d’avenir, Paris, 2011, p. 135-137, 149-155.
[xiv]. Voir D. Kitsikis,
« Les Anciens calendaristes depuis 1923 et la montée de l’intégrisme en Grèce », Cahiers d’études sur la Méditerranée
orientale et le monde turco-iranien, 17, 1994.
[xv]. Lettre 114, aux Pères du concile de
Chalcédoine.
[xvi]. Lettre à Pulchérie.
[xvii]. Déclaration du
concile épiscopal (25-29 juin 2008) sur l’unité de l’Église orthodoxe, trad. fr. dans le Messager de l’Église orthodoxe russe, 10, juillet-août 2008, p.
24-26.
[xviii]. C’est ce que suggère avec finesse le patriarche
Alexis II dans sa lettre intitulée Paix,
diaspora et division dans l’Église: le canon 28 du ive concile œcuménique adressée au patriarche
Bartholomée Ier : « Historiquement, il convient
également de constater qu’aussi bien la primauté d’honneur établie par le canon
3 du IIe Concile œcuménique, que les pouvoirs juridictionnels dans les trois
diocèses ont été donnés à l’Église de Constantinople uniquement pour des
raisons politiques, à savoir parce que la ville où se trouvait son siège a
acquis le statut politique de capitale, est devenue “la ville de l’empereur et
du sénat”. Ainsi le 28e canon stipule: “Nous prenons la décision au
sujet de la préséance de la Très Sainte Église de Constantinople, la Nouvelle
Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l’ancienne Rome la
préséance parce que cette ville était la ville impériale. Mus par ce même
motif, les 150 évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au Très
Saint Siège de la Nouvelle Rome, pensant à juste titre que la ville honorée de
la présence de l’empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils
que Rome, l’ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur
qu’elle dans les affaires d’Église, tout en étant la deuxième après elle.” Nous
n’avons pas pour le moment l’intention de nous lancer dans une discussion sur
ce thème. Toutefois, il convient de ne pas oublier un fait évident : la
situation actuelle de Constantinople après la chute de l’empire byzantin ne
justifie absolument pas un recours trop insistant à ce canon, sans parler
d’interprétations excessivement élargies à son sujet. »
[xix]. Autour de deux mille selon M. Anastassiadou et P. Dumont, Les Grecs d’Istanbul et le patriarcat œcuménique au seuil du xxie siècle. Une communauté en quête
d’avenir, Paris, 2011, p. 21-22; mais tous ne sont pas orthodoxes
pratiquants.
[xx]. Un exemple typique est celui de l’Amérique du
Nord, où l’Église, fondée par l’Église russe, avait trouvé les moyens de
constituer une Église locale, quand le patriarcat de Constantinople est venu
s’y installer, compromettant ce projet. Comme l’explique le patriarche Alexis
II dans sa lettre intitulée Paix,
diaspora et division dans l’Église : le canon 28 du ive concile œcuménique adressée au
patriarche Bartholomée Ier : « Le pluralisme
juridictionnel en Amérique du Nord a commencé en 1921, lorsque a été créé
l’“Archevêché grec d’Amérique du Nord et du Sud” sans l’accord de l’Église
orthodoxe russe, qui n’en avait pas été informée. C’est justement à ce
moment-là qu’apparaît ce que vous décrivez : “En dépit des Saints Canons, les
Orthodoxes, en particulier ceux qui vivent dans les pays occidentaux, sont
divisés en groupes ethnico-raciaux. Les Églises ont à leur tête des évêques
choisis pour des considérations ethnico-raciales. Souvent ces derniers ne sont
pas seuls dans chaque ville et parfois n’entretiennent pas de bonnes relations
et se combattent”, ce qui “est une honte pour toute l’Orthodoxie et la cause
de réactions défavorables qui se retournent contre elle”. Comme nous le voyons,
la faute de cette triste situation n’incombe pas à l’Église russe. Au
contraire, s’efforçant de faire entrer l’Orthodoxie américaine dans le sillage
canonique, en tant qu’Église Mère, en 1970, elle a accordé l’autocéphalie à son
Église Fille. Par cet acte, l’Église russe a agi dans les limites de sa
juridiction canonique, ayant en vue une future décision panorthodoxe
concernant le rétablissement d’une Église orthodoxe locale unique en Amérique.
Nous pouvons remarquer que, déjà en 1905, un projet de création de cette Église
avait été présenté au Saint Synode par le saint Patriarche Tikhon qui était
alors l’archevêque d’Aléoutie et d’Amérique du Nord. Il est triste de constater
que la Très Sainte Église de Constantinople n’a pas soutenu l’acte de 1970 et
n’a pas contribué à l’union tant souhaitée. Jusqu’à présent, cela reste une
cause de discorde et de mécontentement qu’éprouvent de nombreux Orthodoxes en
Amérique en ce qui concerne leur statut. »
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