Rod DREHER
En 18 ans, comme journaliste professionnel, y compris en tant que critique de cinéma pour le New York Post et éditeur de la National Review, Rod Dreher s'est imposé comme l'un des commentateurs les plus intéressants de sa génération. Ses écrits sur la religion, la politique, le cinéma et la culture sont apparus à la fois dans la National Review et la National Review Online, The Weekly Standard, The Wall Street Journal, Touchstone, Men's Health, Los Angeles Times, entre autres publications. Il est actuellement chroniqueur au Dallas Morning News. Les commentaires de Rod ont été diffusés sur The All Things Considered de la Radio Publique Nationale et il a été analyste de CNN, Fox News, MSNBC, Court TV et d'autres réseaux. Rod écrit également Crunchy Con, l'un des blogs les plus populaires de Beliefnet.com. Il a été nommé plusieurs fois pour le prix Pulitzer.
Homme brisé, je suis venu à l'Orthodoxie en 2006. J'avais été un pieux catholique pratiquant et convaincu pendant plusieurs années, mais ma foi fut brisée en grande partie par ce que j'avais appris en tant que journaliste couvrant le scandale des abus sexuels [dans l’église catholique]. J'avais supposé que mes convictions théologiques protégeraient le noyau de ma foi de toute épreuve, mais la connaissance avec laquelle je luttais portait ma capacité à annihiler les affirmations de vérité ecclésiales de l'église romaine (j'ai écrit en détail sur ce drame). Pour mon épouse et moi, le protestantisme n'était pas une option, compte tenu de ce que l'on savait de l'histoire de l'Eglise et de nos convictions concernant la théologie sacramentelle.
Cela nous laissa l'Orthodoxie comme le seul refuge sûr dans la tempête qui menaçait de faire chavirer notre christianisme.
En vérité, j'avais désiré l'Orthodoxie pendant un certain temps, pour les mêmes raisons que, en tant que jeune homme, j'ai trouvé mon chemin dans l'Église catholique. Elle me semblait un roc de stabilité dans une mer turbulente de relativisme et de modernisme frappant le christianisme occidental. Et tandis que l'Église romaine jetait tant de son patrimoine artistique et liturgique dans la violence du Concile Vatican II, les orthodoxes se sont toujours attachés au leur.
Plusieurs années avant notre entrée en Orthodoxie, ma femme et moi avons rendu visite à des amis orthodoxes dans leur paroisse du Maryland. En tant que catholiques moralement et liturgiquement conservateurs, nous avons été émus et même envieux de ce que nous y avons vu. Nous avons dû partir tôt pour prendre la route de la paroisse catholique moderne des années soixante-dix la plus proche, pour respecter notre obligation [d’assistance à la messe] du dimanche. Le contraste entre les cérémonies liturgiques décousues à Notre-Dame de Pizza Hut, et ce que nous avions quitté dans la paroisse orthodoxe sur la route nous a littéralement conduits aux larmes. Mais la laideur, même un sentiment de désolation spirituelle, n'empêche pas la vérité, et nous savions que nous devions supporter la vérité - et donc Rome - malgré tout.
Si le catholicisme en Amérique avait été sain, peut-être que nous aurions pu tenir malgré les procès d’abus sexuels. Mais ma femme et moi étions inquiets depuis quelque temps sur la façon dont nous allions élever des enfants chrétiens fidèles étant donné l'enseignement moral laxiste des paroisses romaines. Nous nous considérions comme des catholiques orthodoxes, ce qui signifie que nous croyions vraiment ce qui était dans le catéchisme et nous luttions pour vivre ainsi. Nous avons échoué - tout le monde échoue - mais le fait est que nous avons cherché que l'Eglise nous fournisse une direction morale claire et nous aide à vivre la foi avec intégrité et joie. Voici le problème: il y a très peu d'orthodoxie dans l'église catholique des États-Unis, et au niveau de la paroisse, presque aucune reconnaissance qu'il existe une «foi droite». Ce n'était pas que je voulais exclure tous ceux qui ne «sont pas à la hauteur de l'enseignement catholique »- J'aurais été le premier à me faire montrer la porte si cela avait été vrai - mais je ne distinguais aucune orientation, et je ne croyais pas vraiment que les communautés paroissiales existent pour une autre raison que pour nous affirmer dans notre adéquation commune à la foi.
Bien que je n'eusse pas encore de terme pour le décrire, j'étais fatigué de l'ersatz de christianisme que le sociologue Christian Smith appelle le «déisme thérapeutique moraliste». J'avais été tellement miné par le désespoir de tout cela en tant que catholique, que lorsque les forts vents du scandale des abus sexuels commencèrent à souffler, la structure de ma croyance catholique ne résista pas.
Je dis tout cela, non pour dénigrer l'Église catholique romaine - que j'aime toujours, et à laquelle je ne peux pas être assez reconnaissant de m'avoir fait connaître le christianisme antique et sacramentel - mais pour montrer pourquoi l'Orthodoxie était si attirante pour moi.
Quand je l'ai interviewé pour mon livre "Crunchy Cons," mon ami Hugh O'Beirne, converti du catholicisme à l'Orthodoxie, m'a dit que pour un catholique las des guerres culturelles qui se répandent dans le catholicisme américain, c’est une bénédiction de trouver l'Orthodoxie, où l’on n’est pas sur le «pied de guerre». Les types de problèmes qui déchirent beaucoup d'autres églises américaines ne sont pas de tels sujets de controverse dans la pratique orthodoxe. Bien qu'il soit stupide de prétendre que ces conflits n'existent pas dans les paroisses orthodoxes, ils ne représentent tout simplement pas un problème aussi important.
Et puis il y a la Liturgie et la musique. Il n'y a rien de comparable dans d'autres églises. C’est très beau et très profond, et c’est en grande partie la même Divine Liturgie (bien que dans la langue vernaculaire) que saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople du Ve siècle, a formalisée. La beauté de cette liturgie est entièrement exaltante, et la révérence qu'elle inspire est tonique. Et alors que me manquent d'anciens hymnes familiers (dans les offices orthodoxes, nous chantons des prières et des Psaumes), il y a beaucoup à dire de ne jamais avoir à supporter "On Eagle's Wings" et d'autres hymnodies sirupeuses endémiques du culte catholique américain moderne.[1]
La raison principale pour laquelle l'Orthodoxie est si attirante pour les convertis, du moins pour ce type de converti, est son sérieux au sujet du péché. Je ne veux pas dire que c'est une religion sévère – loin s’en faut! - mais plutôt que l'Orthodoxie considère la rupture de l'humanité avec un sérieux approprié.
L'Orthodoxie ne vous dira pas que vous allez bien. En fait, il faudra que vous vous considériez, comme saint Paul l'a décrit lui-même, comme le «premier des pécheurs». Et l'Orthodoxie va vous dire la Bonne Nouvelle: Jésus est mort et est revenu à la vie afin que vous aussi puissiez vivre. Mais pour vivre, vous allez devoir mourir à vous-même, encore et encore. Et ce ne sera pas indolore, et cela ne peut pas l’être, ou cela n’est pas véritable.
Pour cette raison, par toute sa beauté dramatique et sa richesse, l'Orthodoxie est beaucoup plus austère et exigeante que la plupart des chrétientés américaines. Les longues liturgies, les prières fréquentes, les jeûnes intenses - sont toutes des exigences sérieuses pour le croyant, surtout pour l’américain aisé de la classe moyenne comme moi-même. Ils nous appellent à nous dépasser, et à la repentance. L'Orthodoxie n’a aucun intérêt à ce que vous vous sentiez à l'aise dans vos péchés. Elle ne veut rien de moins que le fait que vous soyez un saint.
Il est commun parmi les convertis américains d'entendre que les hommes sont d'abord attirés par l'Orthodoxie, et que leurs épouses les suivent ensuite. Il n'est pas difficile de voir pourquoi. Beaucoup d'hommes sont las d'un christianisme doux et bourgeois qui ne les attire pas beaucoup, car il n'est pas très exigeant. Les hommes adorent le défi, et c'est exactement ce que l'Orthodoxie leur donne.
Ne vous trompez pas. L'Orthodoxie ne consiste pas principalement en règles et en pratiques. Plus je progresse dans mon Orthodoxie, plus il est clair pour moi que l'Orthodoxie est avant tout une Voie. Ce n'est pas une institution, un ensemble de doctrines, ou une collection de rituels, bien qu'elle contienne les trois. C'est plutôt une façon de voir le monde, et notre place en lui, et une carte de la sainteté, paradoxalement à la fois ancienne et étonnamment nouvelle, du moins pour la sensibilité occidentale. C'est la Voie de la libération.
Certes, il est possible de trouver une vie de paroisse morne dans l'Orthodoxie américaine, souvent parmi les paroisses anciennes orientées vers l'ethnie qui se considèrent plus comme une tribu en prière. Et parce que les églises orthodoxes sont pleines de gens américains ordinaires, elles sont également remplies de problèmes américains ordinaires.
Quiconque viendra dans une église orthodoxe en s'attendant à la perfection sera déçu. Ce que vous trouverez, cependant, est la vérité et la beauté présentées d'une manière qui peut être à couper le souffle pour les américains modernes, et une voie ancienne fondée sur la stabilité doctrinale, la réalité sacramentelle et la mystique chrétienne pratique - un mysticisme marginalisé dans la plupart des autres églises américaines.
J'ai trouvé dans l'Orthodoxie ce que je pensais trouver lorsque je suis devenu catholique romain. Pour saint patron en Orthodoxie, j'ai choisi saint Benoît de Nursie, cher aux deux Eglises, et signe de l'unité que nous avions, et que nous pourrions encore avoir à nouveau. […]
Je prie, je prie vraiment, [espérant] que je vivrai pour voir cette unité revenir. Jusqu'à ce moment-là, je suis reconnaissant à Dieu de ce qu'il m'ait donné une deuxième chance avec l'Orthodoxie et m'ait montré la Voie que j’ai recherchée toute ma vie. Quand je suis arrivé à la porte, spirituellement totalement brisé, je pensais qu'il serait impossible pour moi d'apprendre à supporter ces longues liturgies, cette prière intense, ces prosternations, le jeûne strict et, comment le dire? - la rareté du christianisme orthodoxe dans un contexte américain. Cinq ans plus tard, je ne peux pas imaginer comment j'ai vécu sans cela. Vous ne pouvez pas trouver votre voie vers l'Orthodoxie par les livres. Vous devez venir voir [ce qu’elle est] par vous-même.
J'ai trouvé dans l'Orthodoxie ce que je pensais trouver lorsque je suis devenu catholique romain. Pour saint patron en Orthodoxie, j'ai choisi saint Benoît de Nursie, cher aux deux Eglises, et signe de l'unité que nous avions, et que nous pourrions encore avoir à nouveau. […]
Je prie, je prie vraiment, [espérant] que je vivrai pour voir cette unité revenir. Jusqu'à ce moment-là, je suis reconnaissant à Dieu de ce qu'il m'ait donné une deuxième chance avec l'Orthodoxie et m'ait montré la Voie que j’ai recherchée toute ma vie. Quand je suis arrivé à la porte, spirituellement totalement brisé, je pensais qu'il serait impossible pour moi d'apprendre à supporter ces longues liturgies, cette prière intense, ces prosternations, le jeûne strict et, comment le dire? - la rareté du christianisme orthodoxe dans un contexte américain. Cinq ans plus tard, je ne peux pas imaginer comment j'ai vécu sans cela. Vous ne pouvez pas trouver votre voie vers l'Orthodoxie par les livres. Vous devez venir voir [ce qu’elle est] par vous-même.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
[1] Musique profane… Phénomène proche de ce que rapportait Alexandre Vialatte parlant de la pratique latine après Vatican II : un curé catholique romain faisait chanter à ses paroissiens « Auprès de l’hostie qu’il fait bon prier… » sur l’air de Auprès de ma blonde !(NdT)
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