Joseph après son baptême
Pour revenir à mon histoire, je suis à New Delhi, dans un
bus. Et après une heure ou deux assis à l'étroit, dans l'air étouffant et dans l’odeur aigre d’urine, on entend les freins se libérer, le bus étire finalement
ses articulations arthritiques et avance lentement vers l’avant en craquant.
Il
roule, tête la première, vers la route principale. Pendant quinze minutes on
tousse et pétarade sur la route, loin de mon refuge sale, mais grandement
aimable de Manju Ka Tilla, une sorte de camp de réfugiés tibétains sillonné de
fil de téléphone, de ruelles humides et étroites remplies de chiens et de bébés
en langes, et de poliomélyte. Les rues pavées et les boulangeries, les bibelots
et les bras de cuivre, c'est le premier endroit sur terre, où j'ai rencontré la
lèpre, et sa sœur la poliomyélite. Le début de mon combat spirituel...
Je les ai vues souvent ensemble, toutes deux, la
poliomyélite et de la lèpre, assemblées dans un environnement de baril de
chiffons aux couleurs flamboyantes, dans les mains de ténèbres passées au
rimmel, comme du pain mâché, et des dents jaunes et craquelées.
Je vois un garçon attaqué, dans un enchevêtrement de fourrure, de sang et de gémissement, par un chien méchant maigre avec de longs poils mouillés et des yeux fous - il ressemble à un renard rouge et jaune –. Les chauffeurs de taxi, dans l'attente de leurs clients de l'après-midi près des bennes à ordures puantes, se lancent après le monstre dans un raid terrible de folie et de ténèbres. Ils chassent la chose avec des briques détachées des marches de l'épicerie voisine, laissant le garçon chaud et humide dans son propre sang, une dent du chien rompue à l'intérieur de sa jambe.
Je vois un garçon attaqué, dans un enchevêtrement de fourrure, de sang et de gémissement, par un chien méchant maigre avec de longs poils mouillés et des yeux fous - il ressemble à un renard rouge et jaune –. Les chauffeurs de taxi, dans l'attente de leurs clients de l'après-midi près des bennes à ordures puantes, se lancent après le monstre dans un raid terrible de folie et de ténèbres. Ils chassent la chose avec des briques détachées des marches de l'épicerie voisine, laissant le garçon chaud et humide dans son propre sang, une dent du chien rompue à l'intérieur de sa jambe.
Là est la souffrance, et la personne humaine en puissance,
et le sacrifice...
Il a l'air jeune, mais son visage ne montre aucun signe
d'innocence. Ses yeux noirs me suivent que je me lance quelques mètres plus loin
pour ramasser une bouteille d'eau, puis quand je reviens. Nous nous regardons.
Ses longs bras et ses doigts pendants ont commencé à frotter la surface de la
peau qui s’est ouverte et jaillit un liquide étrange pourpre.
Les pieds atteints de podoconiose*, et l'odeur âcre des
ordures traînent dans l'air. Les vaches striées de vomissures cherchent de la
nourriture et du lait gâté dans des cartons à proximité des bennes à ordures.
Il attend un médecin, mais il n’arrive jamais. Je ne sais pas quoi faire
d'autre. Le garçon me transperce du regard, partant en boitant dans une ruelle
et disparaissant dans l’obscurité redoutable.
Je vais vivre ici un total de cinq mois et demi. Je suis
arrivé ici ayant pratiqué le bouddhisme et l'hindouisme pendant onze ans,
et je repartirai chrétien...
J'ai pensé que peut-être je rejoindrai un monastère
bouddhiste, ou que je serai découvert par un grand sage dans les montagnes, passant
le reste de ma vie dans l'Himalaya en faisant l’expérience du mystère exotique
et de l'illumination.
J'ai lu des dizaines de sutras écrites par divers bouddhas,
j’avais une copie soulignée et bien usée de la Bhagavad-Gîtâ et des Upanishads,
et je lisais tous les gars de Californie, Bhagavan Das, Ram Das, Krishna Das,
et j’avais même rencontré la plupart d'entre eux, toutes les idoles des "hippies" des
années 60 qui ont abandonné l'acide et qui sont partis en Inde pour aller "trouver leur gourou". J'ai lu Be Here and Now (Sois ici maintenant) et j’ai connu toute la scène de la drogue,
mais en dépit de toutes les statues colorées et de la marijuana et du tantra, peu importe la façon dont je
suis devenu "vide", je n’étais pas rassasié et j'ai senti... comment puis-je le
dire... que quelque chose n'allait pas.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Joseph Magnus
in
Death to the World
Orthodox Zine
Issue Number 24
Note:
*Maladie géochimique touchant les personnes marchant pieds nus (NdT).
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