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Son Éminence le Métropolite Nicolas (Hatzinikolaou) de Mésogaïa et Lavreotiki, Président du Comité de bioéthique du Saint Synode de l'Église orthodoxe grecque, ancien physicien et employé de la NASA, puis moine athonite, parle des traditions athonites pour la célébration de la Nativité du Christ.
A Karoulia. Photo : Rick Findler/The Guardian
-Votre Eminence ! Où se trouve, à votre avis, le point culminant de la terre ?
-Je comprends que votre question est liée au titre du livre que j'ai écrit sur la Sainte Montagne, sur mon expérience de vie là-bas. Bien sûr, c'est une façon de parler : "Le point le plus élevé sur terre" peut être un cimetière, ou peut-être un aéroport, un hôpital, un lieu de joie, ou une église, et le point le plus élevé sur terre peut être la Sainte Montagne, un lieu de rencontre avec le Christ. Dans la mesure où nous parlons maintenant de la Nativité du Christ, j'ai vraiment vécu une merveilleuse Nativité sur l’Athos en 1988 ; elle est inoubliable pour moi.
Il y a un autre livre, Souvenirs du jardin de la Théotokos [Génitrice de Dieu], écrit par un homme merveilleux, qui raconte comment il a célébré la Nativité, si je me souviens bien, en 1940, dans le désert. Je dirai que dans les monastères athonites, il n'y a aucune idée d'arbres de Noël décorés, d'une variété ennuyeuse et somptueuse de friandises et de cadeaux sans fin, et de chants de Noël. Mais il y a autre chose, complètement dépourvu de cette idée. Et, bien sûr, certains peuvent se demander : "Comment pouvez-vous célébrer la Nativité sans ces attributs extérieurs familiers ?" Je vous assure : Une telle Nativité vous transporte dans un autre monde.
Dans le monastère où j'ai vécu sur le Mont Athos, la veille de Noël est un jour de jeûne strict : Il n'y a pas de repas au réfectoire après l'office, mais le cellérier distribue, comme le prescrit la charte, des petits morceaux de pain bénis et des figues. Du miel est servi, et chacun peut prendre une cuillerée de miel. La veille de Noël, l'homme existe en prévision des plats du lendemain qui viennent, bien sûr, avec un bon repas à la fin. Les pères chantent des chants glorieux dans un chant lent ; chacun reste immobile à sa place, et après le service tout le monde quitte l'église et va manger, après quoi ils partent dans leurs cellules.
Dans mon livre, je mentionne une histoire que j'ai lue sur les ascètes et qui m'a beaucoup inspiré sur la célébration de la Nativité dans la grotte de la Nativité du Christ à Karoulia. C'est un endroit éloigné. Vous pouvez atteindre plusieurs des cellules le long des chaînes suspendues ou monter les marches, fortifiées dans la roche à un angle de quatre-vingt-dix degrés. C'est dangereux ! Et un jeune homme décrit son expérience : Il était laïc à l'époque et il est allé voir un célèbre père spirituel athonite pour voir comment il célèbrait la Nativité. Le soir, les ascètes ont commencé à descendre – l’un d’eux par les chaînes, un autre sur les marches, un troisième appuyé sur les rochers. Arrivés sur place, ils se sont croisés, se sont prosternés, sont entrés dans l'église, c'est-à-dire dans la grotte même, et se sont assis en prévision de la Vigile. Il n'y avait là rien d'autre que l'anticipation de la Vigile ! Et la Vigile commença. Ces dix personnes vivaient dans une atmosphère purement spirituelle.
Un des pères n'avait même pas de chaussures, ses pieds étaient enveloppés de toile de jute. Il avait très froid et la nuit était glaciale. Il s'est approché du poêle (il y avait un poêle à bois) et n'a pas remarqué que la toile de jute avait pris feu. Il y a un commentaire à cette histoire : Trois jeunes moines se précipitèrent vers lui et éteignirent le feu, tandis que les moines âgés étaient tellement immergés dans la prière qu'ils ne remarquèrent rien. Le jeune homme en fut inspiré : Il vit comment quelqu'un peut vivre les événements de façon mystique, en allant au-delà des limites des sensations humaines. Quand la Vigile s'est terminée, ils se sont assis et ont bu une tasse de café, puis il y a eu un modeste repas de riz et de morue salée apportée de la skite des frères. Puis ils ont tous rendu grâce et sont partis. Ce fut toute la fête ! Rien d'autre ! Servir Dieu et essayer de Le rencontrer. Une grande action !
-J'ai entendu beaucoup d'histoires sur le pouvoir de la prière. Avez-vous personnellement rencontré Dieu dans la prière ?
-Ce n'est pas seulement sur la Sainte Montagne que l’on peut rencontrer Dieu. On peut rencontrer Dieu dans diverses circonstances : Dans le visage des pauvres, dans le sentiment d'une grande joie ou d'une profonde tristesse, dans des situations d'impuissance, dans une bénédiction apparemment écrasante. Mais pour rencontrer et reconnaître Dieu, il faut avoir un peu d'authentique souffrance et d'humilité. Je souhaite que tous sentent que c'est la plus grande chose que la foi donne - une rencontre avec Dieu - Sa présence dans nos vies - et rien d'autre dans le monde !
-L'étoile de Bethléem, est-ce une réalité ?
-Au planétarium Evgenidion [à Athènes], on présentait tout un spectacle sur " l'étoile la plus brillante de la Nativité ", que ce soit une comète, l'éclair d'une supernova ou une constellation. Tout le monde s'accorde à dire que c'était un événement surnaturel. Origène et saint-Jean Chrysostome (ils ne composaient pas de livres sur l'astronomie) y voyaient un phénomène inhabituel. Saint Jean Chrysostome écrit que c'était un ange, voulant dire que quelque chose d'inédit s'est produit.
-Les Trois Mages avec leurs dons ont trouvé leur chemin ?
-Ils ont trouvé leur chemin, mais c'était quelque chose de différent. Ils n'ont pas trouvé leur chemin sur terre. Ils ont trouvé leur chemin vers Dieu. Ils ont cherché quelque chose de différent. Dans ma vie, j'ai aussi cherché et trouvé cette étoile. Je ne la cacherai pas : Je suis heureux d'être apparu dans ce monde, dans cette vie. Je suis le troisième enfant de ma famille ; deux sont nés avant moi - j'aurais pu ne pas naître. Je suis heureux non pas parce que j'ai étudié, que j'ai eu la possibilité de gagner de l'argent, que j'ai rencontré des personnes exceptionnelles, mais parce qu'il m'a été donné de sentir Sa présence dans ma vie, à travers une expérience authentique et mystique de Dieu, que l'Eglise donne.
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
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