"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 4 juillet 2019

Archiprêtre Igor Fomine: Ne privez pas Dieu d'une occasion de vous sauver!

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Il y a quelque temps, nous avons reçu une question difficile, "Comment surmonter la peur de la mort". Nous avons demandé à l'archiprêtre Igor Fomine de répondre à cette lettre.

Archiprêtre Igor Fomin
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L'archiprêtre Igor Fomine, recteur de l'église Saint-Alexandre Nevsky dans les locaux de l'Institut d'État des affaires internationales de Moscou, répond à la question du lecteur.

J'ai lu cette lettre, et j'ai moi-même eu peur : peur pour son auteur. Il est évident qu'il a foi en Dieu, il le reconnaît, mais il ne fait pas l'essentiel : il ne Lui fait pas confiance. Par conséquent, il commence par la peur et se retire dans l'incrédulité. D'où les mauvaises conclusions : il se trompe sur beaucoup de choses. Et ces erreurs doivent être analysées.

Erreur #1 : Voir le but dans "l'arrangement" de sa vie éternelle et non dans l'acquisition de Dieu
C'est l'un des phénomènes courants, quand une personne rêve de sa vie future merveilleuse dans le Jardin d'Eden et non de son amitié avec Dieu. Ils se fixent sur eux-mêmes, sur la peur pour leur vie future : "aller au paradis" pour eux est synonyme de "ne pas aller en enfer". Vous savez, le hiéromoine Roman (Matyouchine) a dit ces paroless : "Dieu, avec Toi il n'y a pas besoin de paradis, avec Toi, Dieu l'enfer étroit est comme le paradis pour moi". Je ne suis donc pas prêt à aller au paradis si Dieu n'était pas là.

Il faut vraiment craindre de perdre l'amitié avec Dieu, de perdre la communion avec Dieu. C'est une peur positive, "divine". La peur de perdre son confort ou, au contraire, de ne pas le trouver dans l'avenir est un péché. C'est une peur animale, corporelle : être puni, ridiculisé et humilié.

Pour comprendre si votre peur est pécheresse ou "divine", il faut déterminer sa nature. Une personne est triple : elle a l'esprit, l'âme et le corps. C'est une sorte de pyramide. Tous les sentiments, y compris la peur, se développent dans la partie centrale de l'essence humaine : l'âme. La nature de la peur dépendra de la direction dans laquelle ces sentiments seront canalisés : soit sur le plan spirituel, soit sur le plan corporel.

Erreur #2 : Porter trop d'attention à son péché
L'auteur se trompe également sur l'évaluation qu'il fait de lui-même. Seul Dieu peut nous juger, et dire : "Je suis une canaille" signifie se fermer à Dieu. Beaucoup de gens pensent que la fixation sur notre propre péché est un signe de la pensée chrétienne sobre. Cependant, ce n'est pas le cas. Quand vous vous définissez comme une mauvaise personne, vous mettez  sur vous-même une étiquette que vous acceptez. Pourtant, Dieu ne peut pas agir là où une personne a définitivement décidé pour elle-même qu'elle est mauvaise.

Je dirai plus : il y a du narcissisme qui se cache derrière un amour-propre constant. Oui, la vanité n'est pas seulement quand on ne peut pas se détacher d'un miroir - ce n'est que le premier extrême. Le deuxième extrême, c'est quand on ne peut pas s'arracher à un miroir, mais quand on regarde et qu'on pleure : "Je suis si mauvais ! Je suis un véritable imbécile !" Je le répète, l'autodérision, c'est aussi de la vanité. Partout où il y a un "je", il est toujours vaniteux.

Pourtant, il est également nécessaire de comprendre la nature des mots et des actions causés par des sentiments d'amour ou de peur. Si une personne s'aime elle-même, ses actions visent le plaisir corporel : comment dormir, manger et s'habiller mieux. Au contraire, si une personne est spirituelle, elle veut que son prochain mange, dorme et s'habille mieux. C'est la différence entre l'amour sacrificiel et l'amour narcissique.

Il en va de même pour la peur. Si vous marchez dans la rue, voyez comment d'énormes brutes font mal à un petit garçon et que vous vous précipitez pour l'aider sans penser que vous pourriez vous-même être blessé : c'est la peur pour un autre, la peur sacrificielle. La peur pour soi-même est la peur narcissique.

Erreur #3 : Considérer les bonnes actions considérées comme un ticket pour le paradis
Vous avez tort si vous pensez que notre destin dépend du nombre de bonnes actions. Dès que vous vous concentrez sur ce point, les "bonnes" actions deviennent un sujet de comptabilité. Et ce sont les relations avec le marché : Je ferai quelques bonnes actions, et Tu me donneras le Royaume des Cieux plus tard.

Nous ne devons pas concentrer notre attention sur la bonne action en tant que telle, mais sur notre prochain, pour qui nous pouvons faire quelque chose. Quelqu'un peut même être surpris et demander : "Ai-je fait quelque chose de bien pour Dieu en particulier ?" Cependant, servir Dieu, c'est exactement cela : servir son prochain.

Il y a même ceux qui ont cherché Dieu toute leur vie et qui ne l'ont pas vu dans leurs amis. Dieu dira à ces gens : Eloigne-toi de Moi, maudit sois-tu, car J'avais soif, mais tu ne m'as pas donné à boire, dans la mesure où tu ne l'as pas fait pour ton prochain.
Ne privez pas Dieu de l'occasion de vous sauver



Erreur #4 : Séparer Dieu et l'Église
L'auteur de la lettre croit présomptueusement que l'Eglise ne l'aidera pas, et qu'un prêtre ne peut accorder la rémission des péchés. La croyance que Dieu pardonne, et que l'Église ne pardonne pas, vient de l'analphabétisme, de l'ignorance de l'Écriture Sainte. Comprenez-moi bien : Dieu Lui-même nous a laissé l'Église pour nous aider ! L'Église nous donne la force dans les sacrements et nous guide dans la personne du clergé.

Tous les prêtres, à travers une chaîne d'ordinations, font remonter retracent leur succession des apôtres et ont le pouvoir d'accomplir un sacrement : être témoin de la rémission des péchés. Il y a une référence directe à cela dans l'Evangile : Si vous pardonnez les péchés de quiconque, ils leur sont pardonnés ; si vous retenez les péchés de quiconque, ils sont retenus (Jean 20:23).

Dans la prière d'absolution, le prêtre agit au Nom de Dieu (ce qui ne signifie pas "à sa place"). Et ici, sur terre, une personne est absoute des péchés dont elle se repent sincèrement : elle reçoit d'eux une libération spirituelle. Il n'y a plus de péchés, mais leurs conséquences, dont les remords et les cicatrices "spirituelles".

Pourtant, il m'est difficile d'imaginer une situation où une personne pèche pour se repentir plus tard. Cela n'est possible qu'à cause de l'incrédulité, de l'aversion pour Dieu. Les gens qui pensent qu'ils vont pécher et se repentir plus tard, finissent souvent soudainement leur vie sans avoir le temps de le faire. Après tout, c'est la repentance qui est l'une des conditions d'entrée dans le Royaume de Dieu.

Erreur n° 5 : ne pas croire que Dieu vous pardonnera
Il me semble qu'une situation où une personne ne veut pas faire confiance à Dieu est très semblable au péché de Judas. Ce n'est pas que Judas ait trahi le Christ : il s'en est repenti, a jeté les trente pièces d'argent. Cependant, il n'a pas accepté le pardon de Dieu. Selon la tradition, Judas a essayé de se pendre trois fois, mais il n'y est pas parvenu. Et il a réussi à le faire, seulement quand il ne croyait pas que Dieu l'aimait tellement qu'il lui pardonnait.

Oui, une personne a tendance à se concentrer sur elle-même : elle décide si elle est bonne ou mauvaise, si elle doit être pardonnée ou non, si elle doit espérer ou abandonner. Ainsi, elle ne permet pas à Dieu d'agir et se coupe de son chemin vers le salut. Une personne elle-même ne peut rien faire pour changer sa vie future : seul le Christ peut le faire.

Que nous reste-t-il à faire alors ? Observer Ses commandements et désirer être divin comme notre devoir naturel : faire le bien. Non pas pour discuter combien de bonnes actions doivent être faites pour arriver au Paradis, mais simplement  faire de son mieux. Dieu fera le reste : car, voyant les efforts et la repentance d'une personne, Il l'absout des péchés.

Erreur no 6 : Avoir peur de faire des erreurs

La méfiance à l'égard de Dieu et la compréhension des limites de Ses pouvoirs suscitent la peur. Par conséquent, vous ne pouvez rien affronter vous-même et ne laissez pas Dieu vous aider : cela ferme toutes les voies pour résoudre vos problèmes, mène à l'épuisement et au découragement.

Un croyant n'a pas cette peur, qui mène à une impasse, mais il y a une autre peur : la peur de faire une erreur et d'être laissé sans Dieu. Cependant, il ne nous est pas interdit de faire des erreurs. Rappelez-vous Paul l'Apôtre : étant Saul, il persécutait les chrétiens et croyait qu'il servait Dieu en faisant cela. Dieu, voyant sa sincérité, l'a retourné de 180 degrés et de persécuteur du Christ, Paul est devenu l'un de Ses plus grands prédicateurs.

Ainsi, nous devrions aussi espérer et croire que Dieu est toujours avec nous et ne nous quittera jamais : Il nous guidera sur la bonne voie si nous faisons une erreur.



Une alternative de conclusion : une recette de victoire sur la peur


L'apôtre Jean le Théologien a ces paroles : La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour. (1 Jean 4:18). Nous devons adhérer à ce principe : vaincre la peur avec amour.


Mon grand-père m'a raconté comment il a effectué des opérations dans un hôpital pendant la guerre. Deux soldats l'ont tenu par les bras, et s'il s'endormait - il y avait un tel accord - un coup au foie suivait. De cette douleur, il vit des étoiles et le sommeil s'en alla en un instant. Mon grand-père avait le choix : il pouvait plaider qu'il ne fallait pas opérer plus de 12 heures (c'est inefficace), mais alors quelqu'un mourait ; ou il pouvait continuer à opérer. Et il continua d'amputer, de couper et de disséquer, debout sur ses pieds pendant deux jours. Bien sûr, la peur de faire quelque chose de mal était présente, mais elle futconquise par l'amour pour son prochain.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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