Georges Kordis, L’icône comme communion. Les idéaux et les principes de composition dans l’exécution d’une icône. Préface de Jean-Claude Larchet. Éditions des Syrtes, Genève, 2016, 134 pages, nombreuses illlustrations.
Georges Kordis est depuis plusieurs décennies, l’un des meilleurs iconographes du monde orthodoxe. Son style, reconnaissable entre tous jusque dans chaque détail (ce qui est la marque du génie), témoigne d’une originalité et d’une créativité remarquables, tout en s’insérant parfaitement dans la Tradition iconographique orthodoxe dont il respecte le critères fondamentaux.
Altérée à partir du XVIIe siècle par diverses influences de la peinture occidentale, l’iconographie orthodoxe à retrouvé ses sources et sa pureté au milieu du XXe siècle grâce aux travaux de plusieurs pionniers qui ont été à la fois des peintres et des théoriciens de l’icône, en particulier Photios Kontoglou dans le monde grec et Léonide Ouspensky dans le monde slave (et bien au-delà puisqu’il a eu, à Paris, des élèves venus du monde entier). Mais ceux qui les ont suivis à juste titre dans les voies d’un retour à la Tradition ont le plus souvent été soit des copistes serviles, soit des dessinateurs et des peintres incertains, et si l’iconogaphie a retrouvé dans l’ensemble du monde orthodoxe sa pureté originelle, elle reste souvent purement technique, formelle, et pour cela assez froide dans ses expressions.
Grâce à une parfaite maîtrise des techniques picturales (qu’il sait aussi manifester dans une grande variété de créations séculières qui l’ont également rendu célèbre dans le monde entier), mais aussi grâce à une compréhension et une appropriation en profondeur des modes de représentation des meilleurs maîtres et écoles de l’iconographie byzantine du passé, Kordis a su être le représentant d’une iconographie à la fois parfaite sur le plan technique, traditionnelle dans son contenu et ses intentions profondes, novatrice autant que les règles de base l’autorisent, et surtout expressive et vivante. Il est pour notre époque ce que fut en son temps un Manuel Pansélinos.
Ce caractère vivant de l’iconographie de Kordis est lié à une conception bien définie du dynamisme des lignes du dessin qui précède la peinture (et lui donne, comme il le dit lui-même, son existence et son sens), qu’il a su déchiffrer comme un dénominateur commun des grands maîtres du passé, comprendre, synthétiser, systématiser, appliquer et expliquer.
L’icône comme communion que viennent de publier les édtions des Syrtes fait depuis longtemps autorité en matière d’iconologie et a déjà été traduit en cinq langues. L’ouvrage présente une synthèse de la compréhension et de l’expérience de l’auteur. Il ne se propose pas seulement comme un manuel permettant aux iconographes d’apprendre ou de perfectionner leur art, mais comme le moyen pour tous ceux qui s’intéressent à l’icône, de comprendre en profondeur la façon dont sont élaborées les meilleures icônes pour réaliser au mieux les buts qu’elles poursuivent, dans une perspective où l’art est au service de la spiritualité.
De manière magistrale, avec une grande cohérence et une grande rigueur, Kordis montre comment la ligne, son dynamisme et son rythme – l’édition grecque originale du livre est Ἐν ῥυθμῷ, « en rythme » – sont les principes de base de l’iconographie, et comment ils définissent une forme à la fois unifiée et en mouvement, qui doit finalement réaliser le but principal de l’icône: ne pas rester enfermée sur elle-même dans sa surface mais faire entrer en communion la représentation avec le spectateur. Ce qui en un premier temps apparaît comme purement technique se révèle vite comme s’intégrant à la théologie et à la spiritualité orthodoxes de l’icône. Kordis rejoint ici le mouvement de la théologie néo-grecque qui a fortement insisté sur la dimension relationnelle et communionnelle de la vie spirituelle, et c’est tout naturellement que ses ouvrages (qui comportent des essais théoriques, des manuels pratiques et des catalogues) ont trouvé leur place aux éditions Armos qui, en Grèce, publient les représentants de ce courant (et de la revue Synaxis qui les a rassemblés). Mais Kordis a aussi été fortement marqué par la théologie patristique et par les enseignement et témoignages des grands spirituels grecs contemporains, auxquels s’est consacré avec brio Stylianos Papadopoulos, professeur à la faculté de théologie d’Athènes, auquel la dédicace de ce livre rend hommage.
Que Kordis ait parfaitement intégré dans la pratique les principes qu’il définit, et que ces principes s’enrichissent en retour de sa pratique, se voit de manière spectaculaire dans les icônes qu’il a réalisées en direct et en seulement quelques heures pour des étudiants de divers pays (Grèce, États-Unis, Canada, Russie, Ukraine…), les enregistrements de plusieurs de ses « performances » pouvant être visionnées sur plusieurs sites Internet. Mais cela peut se constater surtout dans les nombreuses icônes portables qu’il a réalisées et dans les fresques de nombreux monastères et églises qu’il a peintes. Une série de vidéos particulièrement impressionnantes ont suivi son travail lorsque, avec son équipe, il couvrait de fresques l’église de la Sainte-Trinité à Pittsburgh [1, 2, 3, 4, 5, 6].
La publication de ce livre original et fort, qui permet de comprendre en profondeur – non dans la simple constatation d’un état mais dans le dynamisme d’une pratique – la composition passée et actuelle des meilleures icônes en rapport avec leur fonction spirituelle, est un événement de première importance dans un domaine où rien d’équivalent n’avait encore été publié.
Né en Grèce en 1956, Georges Kordis a étudié la théologie à l’Université d’Athènes. Il a ensuite poursuivi des études en théologie et en esthétique de la peinture byzantine à l’École supérieure de théologie de Holy Cross à Boston (USA), où il a obtenu une maîtrise en théologie. En 1991, il a reçu le titre de docteur en théologie de l’Université d’Athènes. En 2003, il a été chargé de cours, et en 2008 nommé professeur d’iconologie et d’iconographie dans cette même faculté. Il a en outre été professeur invité aux universités de Yale (Connecticut) et de Caroline du Sud, à l’École supérieure de théologie à Holy Cross à Boston (Massachussetts) et à l’Université de Notre-Dame à South Bend (Indiana), aux facultés de théologie de Cluj-Napoca et de Bucarest (Roumanie), à l’Université pédagogique d’Odessa (Ukraine), à l’Institut de théologie et d’arts sacrés de Saint-Pétersbourg (Russie) et au Centre nord-américain d’art byzantin à Ottawa (Canada).
Auteur de nombreuses icônes portatives, dont certaines ont été exposées dans plusieurs pays (Grèce, Crète, États-Unis, Bulgarie, Canada, France) il a peint les fresques de plusieurs églises et monastères (neuf en Grèce, une au Mont-Athos, cinq aux États-Unis, deux au Liban, une en Australie, une en Allemagne), Georges Kordis est reconnu comme l’un des meilleurs iconographes actuels. Il est parallèlement l’auteur d’une œuvre artistique séculière multiforme (peintures sur différents supports, gravures, lithographies…), inspirée de certains éléments de l’art byzantin, qui a fait l’objet d’expositions internationales (en Grèce, aux États-Unis, au Canada, en Italie et en France) et l’ont fait reconnaître, dans le domaine de l’art figuratif également, comme l’un des artistes les plus inspirés et originaux de notre époque.
Les lecteurs anglophones pourront trouver ici une recension de la version anglaise du livre, et ici une interview très intéressante de l’auteur.
Georges Kordis est depuis plusieurs décennies, l’un des meilleurs iconographes du monde orthodoxe. Son style, reconnaissable entre tous jusque dans chaque détail (ce qui est la marque du génie), témoigne d’une originalité et d’une créativité remarquables, tout en s’insérant parfaitement dans la Tradition iconographique orthodoxe dont il respecte le critères fondamentaux.
Altérée à partir du XVIIe siècle par diverses influences de la peinture occidentale, l’iconographie orthodoxe à retrouvé ses sources et sa pureté au milieu du XXe siècle grâce aux travaux de plusieurs pionniers qui ont été à la fois des peintres et des théoriciens de l’icône, en particulier Photios Kontoglou dans le monde grec et Léonide Ouspensky dans le monde slave (et bien au-delà puisqu’il a eu, à Paris, des élèves venus du monde entier). Mais ceux qui les ont suivis à juste titre dans les voies d’un retour à la Tradition ont le plus souvent été soit des copistes serviles, soit des dessinateurs et des peintres incertains, et si l’iconogaphie a retrouvé dans l’ensemble du monde orthodoxe sa pureté originelle, elle reste souvent purement technique, formelle, et pour cela assez froide dans ses expressions.
Grâce à une parfaite maîtrise des techniques picturales (qu’il sait aussi manifester dans une grande variété de créations séculières qui l’ont également rendu célèbre dans le monde entier), mais aussi grâce à une compréhension et une appropriation en profondeur des modes de représentation des meilleurs maîtres et écoles de l’iconographie byzantine du passé, Kordis a su être le représentant d’une iconographie à la fois parfaite sur le plan technique, traditionnelle dans son contenu et ses intentions profondes, novatrice autant que les règles de base l’autorisent, et surtout expressive et vivante. Il est pour notre époque ce que fut en son temps un Manuel Pansélinos.
Ce caractère vivant de l’iconographie de Kordis est lié à une conception bien définie du dynamisme des lignes du dessin qui précède la peinture (et lui donne, comme il le dit lui-même, son existence et son sens), qu’il a su déchiffrer comme un dénominateur commun des grands maîtres du passé, comprendre, synthétiser, systématiser, appliquer et expliquer.
L’icône comme communion que viennent de publier les édtions des Syrtes fait depuis longtemps autorité en matière d’iconologie et a déjà été traduit en cinq langues. L’ouvrage présente une synthèse de la compréhension et de l’expérience de l’auteur. Il ne se propose pas seulement comme un manuel permettant aux iconographes d’apprendre ou de perfectionner leur art, mais comme le moyen pour tous ceux qui s’intéressent à l’icône, de comprendre en profondeur la façon dont sont élaborées les meilleures icônes pour réaliser au mieux les buts qu’elles poursuivent, dans une perspective où l’art est au service de la spiritualité.
De manière magistrale, avec une grande cohérence et une grande rigueur, Kordis montre comment la ligne, son dynamisme et son rythme – l’édition grecque originale du livre est Ἐν ῥυθμῷ, « en rythme » – sont les principes de base de l’iconographie, et comment ils définissent une forme à la fois unifiée et en mouvement, qui doit finalement réaliser le but principal de l’icône: ne pas rester enfermée sur elle-même dans sa surface mais faire entrer en communion la représentation avec le spectateur. Ce qui en un premier temps apparaît comme purement technique se révèle vite comme s’intégrant à la théologie et à la spiritualité orthodoxes de l’icône. Kordis rejoint ici le mouvement de la théologie néo-grecque qui a fortement insisté sur la dimension relationnelle et communionnelle de la vie spirituelle, et c’est tout naturellement que ses ouvrages (qui comportent des essais théoriques, des manuels pratiques et des catalogues) ont trouvé leur place aux éditions Armos qui, en Grèce, publient les représentants de ce courant (et de la revue Synaxis qui les a rassemblés). Mais Kordis a aussi été fortement marqué par la théologie patristique et par les enseignement et témoignages des grands spirituels grecs contemporains, auxquels s’est consacré avec brio Stylianos Papadopoulos, professeur à la faculté de théologie d’Athènes, auquel la dédicace de ce livre rend hommage.
Que Kordis ait parfaitement intégré dans la pratique les principes qu’il définit, et que ces principes s’enrichissent en retour de sa pratique, se voit de manière spectaculaire dans les icônes qu’il a réalisées en direct et en seulement quelques heures pour des étudiants de divers pays (Grèce, États-Unis, Canada, Russie, Ukraine…), les enregistrements de plusieurs de ses « performances » pouvant être visionnées sur plusieurs sites Internet. Mais cela peut se constater surtout dans les nombreuses icônes portables qu’il a réalisées et dans les fresques de nombreux monastères et églises qu’il a peintes. Une série de vidéos particulièrement impressionnantes ont suivi son travail lorsque, avec son équipe, il couvrait de fresques l’église de la Sainte-Trinité à Pittsburgh [1, 2, 3, 4, 5, 6].
La publication de ce livre original et fort, qui permet de comprendre en profondeur – non dans la simple constatation d’un état mais dans le dynamisme d’une pratique – la composition passée et actuelle des meilleures icônes en rapport avec leur fonction spirituelle, est un événement de première importance dans un domaine où rien d’équivalent n’avait encore été publié.
Né en Grèce en 1956, Georges Kordis a étudié la théologie à l’Université d’Athènes. Il a ensuite poursuivi des études en théologie et en esthétique de la peinture byzantine à l’École supérieure de théologie de Holy Cross à Boston (USA), où il a obtenu une maîtrise en théologie. En 1991, il a reçu le titre de docteur en théologie de l’Université d’Athènes. En 2003, il a été chargé de cours, et en 2008 nommé professeur d’iconologie et d’iconographie dans cette même faculté. Il a en outre été professeur invité aux universités de Yale (Connecticut) et de Caroline du Sud, à l’École supérieure de théologie à Holy Cross à Boston (Massachussetts) et à l’Université de Notre-Dame à South Bend (Indiana), aux facultés de théologie de Cluj-Napoca et de Bucarest (Roumanie), à l’Université pédagogique d’Odessa (Ukraine), à l’Institut de théologie et d’arts sacrés de Saint-Pétersbourg (Russie) et au Centre nord-américain d’art byzantin à Ottawa (Canada).
Auteur de nombreuses icônes portatives, dont certaines ont été exposées dans plusieurs pays (Grèce, Crète, États-Unis, Bulgarie, Canada, France) il a peint les fresques de plusieurs églises et monastères (neuf en Grèce, une au Mont-Athos, cinq aux États-Unis, deux au Liban, une en Australie, une en Allemagne), Georges Kordis est reconnu comme l’un des meilleurs iconographes actuels. Il est parallèlement l’auteur d’une œuvre artistique séculière multiforme (peintures sur différents supports, gravures, lithographies…), inspirée de certains éléments de l’art byzantin, qui a fait l’objet d’expositions internationales (en Grèce, aux États-Unis, au Canada, en Italie et en France) et l’ont fait reconnaître, dans le domaine de l’art figuratif également, comme l’un des artistes les plus inspirés et originaux de notre époque.
Les lecteurs anglophones pourront trouver ici une recension de la version anglaise du livre, et ici une interview très intéressante de l’auteur.
Jean-Claude Larchet
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