Le 17
novembre 1915, la moniale Mitrodore reçut la tonsure du grand schème et le nom
de Rachel. Quand après cela, elle se tenait dans le jeûne et la prière, dans
l'église, la Mère de Dieu lui apparut de nouveau. Voir la Reine des Cieux
remplit la moniale du grand schème d'une extase spirituelle qui fit resplendir
son visage d'un éclat non terrestre.
Elle
reçut alors l'obédience d'aînée dans l'hospice. Elle s'y distingua par son
ardeur au travail et par sa sagesse: elle consolait, encourageait, préparait à
la mort qu'elle voyait par un don. Elle se distinguait par son amour envers
tous, spécialement les pauvres, les malades, les affligés.
Un
simple d'esprit, Paul, un muet venait la voir et elle le lavait, elle le
faisait aller à l'église, se préparer et communier. Il aimait beaucoup Mère
Rachel et l'appelait maman, c'était un des rares mots qu'il était capable de
prononcer.
C'est
à cette époque que les sœurs et les pèlerins du monastère commencèrent à
s'adresser à Mère Rachel pour lui demander conseil, et même un jour, quelqu'un
lui demanda sa bénédiction. Toute confuse, elle pria toute la nuit avec ardeur,
et le matin, sommeillant un peu dans un fauteuil, elle vit dans un rêve très
délicat la Mère de Dieu qui la bénissait en disant: "Tout ce que tu
demanderas pour les gens te sera accordé. Je bénirai Moi-même ceux que tu auras
bénis." La moniale Rachel s'ouvrit aussitôt de sa vision à la Mère
higoumène Angeline qui lui permit de recevoir les gens. C'était la bénédiction
pour le travail de staritsa, auquel le Seigneur avait préparé Sa servante
durant toute sa vie.
La
tradition du startchestvo ou guidance spirituelle au monastère du Saint-Sauveur
de Borodino était née avec la première higoumène, Marie (Toutchkou +1851].
Cette fille spirituelle du saint métropolite Philarète, au dire des
contemporains, "possédait le don rare de consoler et de soigner
les âmes malades." Après sa fin bienheureuse, la direction
spirituelle du monastère fut confiée à la moniale du grand schème Sarah
(Potiomkine 1908], fille spirituelle du fameux starets Zossime [Verhouskoy
1833]. C'est elle qui prédit à la moniale Mitrodore qu'elle la dépasserait. Et
effectivement, le startchestvo au monastère de Borodino connut son plus grand
épanouissement entre 1923 et I928, du temps de la moniale du grand schème
Rachel, au moment où s'effondrait la Sainte Russie, où les églises étaient
profanées, les âmes et les destins des hommes brisés. Dans la Russie en proie à
l'athéisme et à la cruauté, le service sacrificiel de Mère Rachel était une
prédication vivante de l'amour de Dieu et de Sa miséricorde qui pardonne tout.
Dans
les premières années de son startchestvo, peu nombreuses étaient les personnes
désireuses de recevoir ses conseils spirituels, ce qui lui laissait la
possibilité de s'isoler pour prier: elle allait alors dans la forêt, loin des
gens. Mais au début des années vingt, l'afflux de visiteurs qui voulaient être
consolés se fit considérable, ce qui lui compliqua la vie. Elle pensait à la
réclusion et pria la Reine des Cieux de lui indiquer la voie à suivre. Un soir
d'été de 1923, saint Théodose apparut de nouveau à Mère Rachel et la
réprimanda: "Pourquoi ne veux-tu pas recevoir les gens? Où veux-tu aller?
Ceux qui veulent te voir te sont envoyés par la Mère de Dieu Elle-même. Si tu
ne veux pas les recevoir, cela ira mal! Tu ne pourras pas franchir le seuil que
la Mère de Dieu te frappera, car c'est elle-même qui t'a ordonné de recevoir le
peuple qui souffre."
Dès
lors, disait elle-même Mère Rachel, je n'ai plus refusé à personne, je suis
restée toute la journée a la disposition des pèlerins pour les consoler et leur
offrir le thé.
Et
effectivement, dès Le matin on se pressait à la porte de sa petite cellule. Les
gens de toutes conditions venaient confier à Matouchka leurs chagrins, leurs
nécessités, leurs doutes, leurs questions, ils venaient se repentir de leurs
fautes. Matouchka les accueillait tous volontiers, les consolait, répondait à
leurs questions et parfois, sans même les entendre, donnait, en visionnaire,
les conseils, parlait en paraboles dans lesquelles nombreux étaient ceux qui se
reconnaissaient.
Parfois,
tombant à genoux, elle se mettait a prier avec les affligés: "Mère de
Dieu! Tu vois Toi-même les chaudes larmes de ces braves gens. Dirige Toi-même
leur vie dans le bien! Fortifie en eux la foi dans Ton Fils, Notre Seigneur
Jésus-Christ. Réchauffe-les par l'amour mutuel et par l'amour du prochain. Mère
de Dieu, je Te les confie, sois leur aide en toutes leurs œuvres, conduis-les
sur la voie droite! Mère de Dieu, bénis-les Toi-même par Ta droite toute
puissante, et non par ma main périssable comme Toi-même Tu me l'as
promis!"
Malgré
son âge très avancé, Mère Rachel était étonnamment vaillante et infatigable,
elle avait une mémoire excellente et sans lire les journaux, elle avait une
idée très exacte de la vie dans le monde, autant que de la vie spirituelle et
pouvait trouver comment parler à n'importe qui.
La
journée de Mère Rachel se passait comme suit: jusqu'à trois heures du matin
elle priait, de temps en temps se plongeait dans la contemplation. A ce moment
elle était souvent visitée par la Reine des Cieux en personne. Puis ensuite
Mère Rachel s'accordait quelques instants de repos dans un fauteuil et à quatre
heures du matin elle commençait à préparer le repas des pèlerins. A sept heures
le thé était déjà prêt et les premiers visiteurs arrivaient.
Toute
la journée, à la table de sa petite cellule, hommes et femmes et enfants,
riches et pauvres étalent à sa table. Elle les écoutait patiemment et leur
offrait à manger. La nourriture était extrêmement simple: soupe aux choux,
bouillie de gruau, pâtes, pommes de terre. Mais tout était remarquablement
nourrissant, comme le remarquaient tous ceux qui avaient le privilège de dîner
chez Mère Rachel. Et nombreux étaient ceux qui après avoir été reçus par elle,
guérissaient de leurs maux physiques. Pratiquant une ascèse extrême, Mère
Rachel elle-même ne prenait jamais place à table, se bornant à faire le service
et à donner des mandements sans jamais arrêter de prier. Le matin elle se
permettait de boire une tasse de thé et à midi cinq cuillers à café d'une
quelconque nourriture, sans beurre. Parfois au milieu de la journée elle était
épuisée et se reposait un quart d'heure ou vingt minutes dans un fauteuil. Mais
ensuite elle continuait de recevoir les gens.
Version française
Françoise Lhoest
que nous remercions chaleureusement
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