"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 26 novembre 2013

Vie de sainte Rachel moniale du grand schème du monastère du Saint-Sauveur à Borodino [1835-1928] (1)


Sainte Rachel [dans le monde Marie], Staritsa * du monastère du Saint-Sauveur à Borodino naquit en 1853 à Dorogobouge, chef-lieu de canton du gouvernement de Smolensk. Ses parents, Michel et Mélanie Korotkoff, étaient de riches négociants en thé. Dans son enfance, elle fréquenta l'école privée de Dorogobouge et aidait ses parents à trier le thé. La jeune Marie aimait particulièrement l'Eglise de Dieu et la prière. Douée d'un cœur compatissant, elle ne pouvait pas laisser passer les pauvres sans leur donner l'aumône, les nourrir, les vêtir. Elle aimait lire les vies des saints et écouter les récits des errants sur les saints lieux. A l'imitation des ascètes, elle essayait même de dormir sur des planches en bois sans couverture, mais ses parents le lui interdirent formellement.

A l’âge de 14 ans, Marie se rendit à pied, avec des amies, en pèlerinage à la Laure des Grottes de Kiev, où elle pria avec ferveur auprès des reliques de saint Théodose en lui confiant son désir de devenir moniale. Et là, dans une vision miraculeuse, le fondateur du monachisme russe, saint Théodose en personne lui apparut, la bénit et lui dit que sa prière avait été entendue par Dieu et que sa demande serait exaucée avec le temps.

Marie rentra chez elle confortée dans sa décision d'entrer au monastère. Or son père se préparait à la marier, c'est pourquoi il lui faisait donner des leçons de danse, de maintien, et lui achetait de belles robes. Mais cela l'intéressait peu, et les bonnes manières rentraient mal. A seize ans on la fit faire son entrée dans le monde et on lui chercha des prétendants. Mais elle refusait les partis, car en secret elle désirait consacrer sa vie à Dieu seul. En I851, Marie allait avoir 18 ans, on voulut la fiancer à un très riche marchand. Redoutant un mariage forcé, Marie, sous prétexte d'aller en pèlerinage à l'icône miraculeuse de la Mère de Dieu de Smolensk, quitta pour toujours la maison familiale.

En août-septembre de la même année, Maria Mikhaïlovna Korotkoff entra au couvent féminin de l'Ascension à Smolensk. Peu après, son père tout ému, qui recherchait sa fille, dont il était sans nouvelles, vint la voir. Sous l'influence de la Mère higoumène et de quelques sœurs qu'il connaissait, et qui le persuadèrent de laisser Marie au monastère, par crainte de s'attirer la colère de Dieu, il donna à sa fille sa bénédiction pour être moniale **.

Dès les premiers jours de la vie monastique, Marie s'acquitta avec zèle de toutes les obédiences, sans avoir peur du travail le plus sale. Tous les cadeaux et l'argent apportés par ses riches parents, elle les distribuait aux pauvres et aux sœurs. Pour mortifier son corps habitué au confort, Marie se couchait dans les orties et les épines sans vêtement de dessus.

A la fin de la septième année de son séjour au monastère de l'Ascension, Marie fut envoyée à la ferme du monastère pour y faire la cuisine. Certaines moniales l’enviaient et décidèrent de la compromettre. Un jour elles s'abstinrent de la prévenir que le lendemain il faudrait nourrir une grande équipe d'ouvriers venus faucher les prés et elles lui donnèrent une quantité nettement insuffisante de provisions. Voyant que ce qu'elle avait préparé ne suffirait pas pour les nourrir tous, Marie en larmes tomba à genoux et, levant les mains au ciel, s'écria: "Très Sainte Mère de Dieu, viens à mon secours, nourris toi-même les ouvriers!"; et miraculeusement, il y eut assez de nourriture pour tout le monde, et il resta plus que ce qui avait été préparé. On rapporta même plus de pain qu'on n'en avait apporté du monastère.

La nouvelle du miracle se répandit au couvent et en-dehors. Mais l'attention des gens centrée sur elle était lourde à supporter. En outre son père ne cessait de la pourvoir matériellement et comme fille d‘un riche marchand et donateur, elle était auprès de l'higoumène et n'avait pas à accomplir d'obédiences pénibles. Elle pensa donc qu'avec une vie pareille, elle ne pourrait faire son salut. Les paroles du Sauveur: " Celui qui veut aller à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. " [Matthieu 16:24) la confortèrent dans cette certitude. Son âme, qui avait soif d'exploits spirituels authentiques, y entendit l'appel à être errante et mendiante pour l'amour du Christ.

Après être restée sept ans au monastère de Smolensk, Marie le quitta en secret et se mit à errer, sans argent, sans bagage, sans papiers. Pour ne pas se montrer aux gens, Marle restait loin des villes bruyantes et des villages, empruntant les chemins les plus reculés et les plus déserts, passant la nuit en
prière dans les forêts, les ravins, les granges abandonnées. Ses vêtements s'usèrent tant que sa chemise cachait à peine son corps tout sombre et tout rude. Ses jambes étaient couvertes de plaies et d'égratignures, du fait qu'elle allait toujours pieds nus. Elle en garda de profondes cicatrices sur les plantes des pieds jusqu'à sa fin bienheureuse. Parfois de bonnes âmes l'accueillaient chez elles, la lavaient, l'abritaient quelque temps, lui donnaient de vieux vêtements, souvent d'homme, mais Marie ne restait pas longtemps chez elles et s'en allait bien vite.

Dès le début de son errance, Marie avait imploré la Mère de Dieu avec des larmes, pour garder sa virginité. La Reine des Cieux lui apparut et lui dit: "Marie, j'ai toujours béni tes entreprises, je t'aiderai aussi à garder ta virginité." Et gardée par la Toute Pure, l'errante parcourut près de six mille kilomètres, séjourna dans divers monastères, rencontra de grands ascètes de ce temps et en 1861, s'arrêta au monastère de la Dormition à Sviatogorsk, canton d'Izioum, gouvernement de Kharkov, où vivait un grand ascète et starets, le reclus Jean +1867). Il eut de longs entretiens avec Marie et voyant, comme un clairvoyant qu'il était, toute sa vie, il lui raconta bien des choses qui se réalisèrent ensuite. "Un jour viendra, lui dit-il, où tu n'auras même plus le temps de te signer, alors console le peuple, car il souffrira beaucoup."

On peut supposer que ce starets donna sa bénédiction à Marie pour qu'elle retourne dans un monastère, parce qu'en 1865, les registres indiquent sa présence au monastère de la Dormition à Voznesensk et deux ans plus tard au monastère Vladytchny [du Maitre] à Serpoukhov ou le métropolite Philarète de Moscou [canonisé en 1994] la tonsura et lui imposa le rasson et le nom de Paula. De là, elle se rendit à Moscou pour se perfectionner dans l'art culinaire qu'elle acquit à la perfection, avec la grâce de Dieu.

La moniale Paula demeura jusqu'en 1872 au monastère du Maître, puis elle fut transférée au Monastère du Sauveur de Borodino, canton de Mojaïsk, gouvernement de Moscou, à la demande de l'higoumène du grand schème Alexia, ancienne économe du monastère de Serpoukhov, qui accomplissait en secret des exploits ascétiques.



Version française

Françoise Lhoest

que nous remercions  chaleureusement




NOTES:

Toutes les dates sont données selon l'ancien calendrier.

* Féminin de starets. Femme douée d'un don de vision intérieure, à qui le peuple des croyants vient demander conseil ou consolation.


** La coutume russe voulait qu'une fille n'entre pas au monastère sans la bénédiction parentale.






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