"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 19 février 2025

Père Raphael [Noïca] : Chaque Crise Nous Emmène Plus Loin


Père Raphael


J'ai observé que non seulement les enfants naissent dans la douleur, mais que chaque douleur est la naissance d'un enfant, et cet enfant, c'est vous, qui supportez la douleur, qui traversez la crise.

Peu de temps après mon retour à l'Orthodoxie, j'ai ressenti un appel au monachisme, qui était une réponse aux questions que je posais depuis mon enfance. Au fil du temps, j'ai compris que la mort détient le sens de la vie. Je vois maintenant que notre existence ici-bas, sur terre, n'est rien d'autre que la deuxième étape de notre passage du non-être à ce à quoi Dieu nous appelle - l'être de Dieu - c'est-à-dire l'éternité.


La première étape était notre vie dans le ventre de notre mère. C'était une gestation « mécanique » où ce système, ce corps, apte à vivre dans l'existence terrestre que Dieu nous donne, fut formé. Dans cette existence, une deuxième gestation a lieu : nous sommes morts pour pouvoir naître ici, nous sommes morts à notre vie antérieure dans le ventre de notre mère, et maintenant commence notre dialogue avec Dieu, à partir du moment où notre personnalité se forme. À partir de maintenant, Dieu ne fait plus rien dans notre vie, sauf si nous le permettons, si nous disons « Amen » à Sa Parole, si nous Lui faisons confiance. Dieu nous appelle, nous donne foi en Lui, nous montre ce qu'Il peut et veut faire de nous à travers toutes les formes qu'Il nous a données dans l'histoire, et à travers ce dialogue entre notre âme et Dieu, notre Père céleste continue la création de l'homme, cette fois pas sans la volonté de l'homme. 

Il ne fait rien sans notre volonté (cette notion de liberté de l'homme est très importante) ; Dieu fait appel à notre liberté et nous enseigne dans cette vie qu'elle aussi est une « gestation » pour la vie à venir, c'est-à-dire la vie éternelle. Dans le ventre de notre mère, Il a formé nos membres corporels, dont nous n'avions pas besoin là-bas. Que devait faire les mains et les pieds là-bas ; qu'avons-nous à voir avec notre nez, avec nos yeux et notre bouche ? Ceux-ci, cependant, étaient destinés à la vie qui devait être après celle-là [dans l'utérus].


Beaucoup de nos intellectuels se trompent eux-mêmes et ne croient pas à la prière, ou à la spiritualité, et cela semble normal ; avec l'intellect qui reste dans les limites de cette vie, nous ne pouvons pas voir de raison pour les choses spirituelles, parce qu'elles sont les membres de la vie à venir. Cependant, contrairement à l'état avant la naissance, Dieu ne forme pas ces membres pour nous, sauf par notre libre arbitre, et ce libre arbitre est exprimé par la foi que Dieu nous encourage à avoir et cultive quotidiennement en nous. 

Je dis que Dieu la cultive en nous plus que nous ne la cultivons. Ainsi, répondant à Dieu avec notre libre choix, nous Lui donnons le pouvoir de poursuivre Sa création en nous ; Dieu nous enseigne dans cette vie à commencer à couper par nous-mêmes le cordon ombilical entre nous-mêmes et le ventre de cette vie. Et ici commence, dans l'état déchu de l'homme, la douleur et la tragédie de la vie spirituelle, qui doivent être vues du point de vue de la vie éternelle. Et tout comme le bébé ne sait rien dans le ventre de sa mère, mais laisse la nature faire ce qu'elle sait avec lui, nous aussi, dans le ventre de cette vie, devons nous confier complètement à Dieu.


Et nous devons réellement collaborer, par la prière et la participation aux sacrements de l'Église, qui sont les énergies de la vie à venir. Commençant par le baptême, que saint Paul dit être déjà une mort en Christ, nous descendons dans la mort, dans les eaux baptismales, et nous en sortons renouvelés dans la vie nouvelle en Christ ; par les efforts ascétiques de notre vie, nous apprenons, petit à petit, à nous éloigner, à nous détacher, à mesure que nous sommes capables, des éléments de cette vie et à goûter quelque chose de vie éternelle, c'est-à-dire la troisième étape. À la fin, nous mourrons physiquement, nous mourrons irrévocablement à cette vie, afin que nous puissions naître irrévocablement dans la vie à venir.



Père Raphael, quelle a été votre crise la plus puissante ?


Je continue à réfléchir, mais je n'ai pas encore trouvé de réponse complète. Ce que je veux vous dire maintenant n'est pas une réponse mathématique. Chaque crise, quand elle arrive, est la plus puissante. Je me souviens du dicton du père Sophrony, qui dit que « le chemin du salut est une ascension du Golgotha ». Et à chaque pas, vous rencontrez le même effort pour grimper plus haut, vous rencontrez la même difficulté, à laquelle s'ajoute, je dirais l'épuisement.


Chaque crise qui se présente à une personne est pour la première fois, et cette question m'intéresse parce que maintenant je commence à réaliser que chaque crise était, vraiment, une continuité du chemin. C'est un fait très important qu'il n'y a pas de crise qui ne vienne pas sans profit. Et je remercie celui qui m'a posé cette question, surtout parce que cela m'a fait prendre conscience de ce profit. Tout ce qui est douloureux dans cette vie n'est rien d'autre qu'une naissance, à commencer par le tout premier remède que l'homme a subi après la chute. Dieu a dit à Eve qu'elle donnerait naissance à des enfants dans le douleur.


J'ai observé - et maintenant c'est de plus en plus clair - que non seulement les enfants naissent dans la douleur, mais que chaque douleur est la naissance d'un enfant, et cet enfant, c'est vous, qui supportez la douleur, qui traversez la crise. Un professeur de théologie à Paris explique le fait que la notion de « crise » vient du mot grec krisis qui signifie jugement. En cas de crise, Dieu juge ma vie. Ainsi, une crise est un jugement que Dieu me manifeste à moi ou à une nation (ce professeur a parlé des crises et des dangers qu'Israël traversait dans l'Ancien Testament, de l'esclavage dans d'autres nations, etc.), par lequel Dieu m'invite à juger aussi ma propre vie.


Par une crise, la pensée de Dieu est de voir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas dans ma vie. Ainsi, une crise est un moment où nous aussi pouvons nous juger, dans lequel le jugement de Dieu se manifeste. Je regrette qu'en roumain, il n'y ait pas de mot comme « defy » ou « challenge » [défier en français] dans la langue anglaise ; il y a un terme proche de la provocation, qui est plus péjoratif que dans les langues occidentales ; ainsi, c'est à la fois une provocation et une invitation de Dieu à aller plus loin. Et, par conséquent, chaque crise est un pas de plus ; chaque crise, parce que vous ne l'avez pas dépassée, est la plus grande. Et en ce sens, avec tremblement, vous attendez de voir ce que la vie vous apportera comme autres crises ; et je dirais que moi aussi, j'attends. Mais j'attends aussi avec espérance, avec d'autres gains, et je reste avec la prière : « Seigneur, comme tu le sais, aie pitié de nous tous. »

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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