"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 1 mai 2023

Photios Kontoglou:La théologie véritable


Introduction

Photios naquit à Kydonies (Aivali) en Asie Mineure en 1895. Après la mort de son père, sa tutelle fut assumée par son oncle, le hléromoine  Steven Kontoglou, higoumène du monastère de Sainte Paraskevi. Photios termina ses études à Aivali et fit partie d'un groupe d'étudiants qui publiait le magazine "Melissa" ("Abeille"), que Kontoglou agrémentait de dessins. Il s'inscrivit à l'École des Beaux-Arts d'Athènes et se rendit ensuite à Paris (1914), où il étudia les différentes écoles de peinture. Après beaucoup d'errances et de nombreux voyages, il s'installa à Athènes. En 1923, il voyagea vers la Sainte Montagne, où il a découvrit l'iconographie byzantine ; depuis lors, il s'efforça de faire revivre cet art.

Photios Kontoglou




Les années 1950 le trouvent au sommet de son activité iconographique. En plus d'être un iconographe important, il fut aussi un auteur inégalé. Il écrivit une foule de livres et d'articles d'un haut niveau littéraire et d'une grande beauté combinés à des significations profondes. Il est cependant moins connu pour sa « troisième dimension ». Photios Kontoglou s'est distingué par sa foi profonde et ses connaissances ecclésiastiques et théologiques importantes. C'était un véritable confesseur de la foi orthodoxe, écrivant et parlant au nom de l'exactitude et de l'ordre de l'Église. Il s'opposa particulièrement à l'œcuménisme et au papisme, et n'hésita pas à réprimander directement, au moyen d'épîtres, les évêques et les patriarches qui s'écartaient de la bonne voie.


Théologie véritable

Nous avons dit comment, ici en Grèce, non seulement nous ne lisons pas, mais nous ne connaissons même pas l'existence des Pères mystiques qui ont illuminé l'Orthodoxie. Pour les théologiens, l'Orthodoxie est devenue un mot creux, car son essence mystique leur est inconnue, tout comme sa tradition. 

Nos théologiens reçoivent la lumière de l'Occident, parce que leur théologie est devenue une science, et leur vaingloire en est flattée. La foi, pour eux, n'a aucune signification. Vous me direz : « Théologie sans foi ? Est-ce possible ? » Je vous demande aussi, tout aussi perplexe : « Peut-on faire de la théologie sans foi ? » Néanmoins, dans les pays occidentaux et en Amérique, beaucoup de gens se sont tournés vers l'Orthodoxie, par soif de vérité. 

En Grèce, seules quelques personnes et quelques vieux calendaristes lisent les livres des Pères, à part Basile et Chrysostome, que les théologiens prennent pour des orateurs et philologues de la langue grecque antique. Les livres des Pères mystiques ne sont plus réimprimés et sont devenus rares. L'Église officielle imprime quelques textes de divers théologiens modernistes, sans aucune consistance, qui ne font que révéler l'incroyable nullité de leurs auteurs. Ce n'est que récemment que les publications du ministère apostolique ont commencé à imprimer la Patrologie de Migne.

Pourtant, même cette édition est pour les théologiens, non pour les fidèles, car elle est imprimée dans la langue ancienne. En outre, la publication de la Patrologie n'a aucune justification plus profonde, étant donné le caractère occidental de l'éducation générale de nos théologiens, qui n'ont pas une connaissance plus approfondie de l'essence de l'Orthodoxie ni de notre tradition. Ainsi, cette édition devient également un événement sans signification plus profonde, car il n'y a pas de terre orthodoxe appropriée pour qu'elle y prenne racine. Le mouvementnt des Occidentaux et des protestants vers les Pères de l'Orthodoxie était dans une large mesure dû aux théologiens russes blancs, qui se sont dispersés à l'étranger sur diverses terres et ont éclairé les âmes par leurs sages sermons, par la vertu de leur vie et par leur piété formelle - alors que les ecclésiastiques que nous envoyons dans les diverses communautés sont les plus ignorants de ce que signifie l'Orthodoxie, et que nos églises à l'étranger n'ont pas de destination spirituelle mais sont devenues des centres de rassemblement social de nos compatriotes chaque dimanche.

Ainsi, l'Orthodoxie, c'est-à-dire la première forme non défigurée de l'Église, est redevenue la règle de la foi chrétienne et le soutien de tous les hommes qui cherchent un havre de salut. En Europe et en Amérique, ils ont traduit, en diverses langues, la Philokalie, ce grand et merveilleux livre, qui à Athènes ne se trouve que dans les collections de bibliophiles, posé inutilement sur une étagère comme un objet archéologique ; l'Evergetinos ; les épîtres de saint Basile et d'autres Pères ; les sermons de Syméon le Nouveau Théologien ; quelques-unes des œuvres de son disciple Nicetas Stethatos, et d'autres encore. . Nous sommes (hélas !) préoccupés par la manie de paraître scientifiques et plus européens que les Européens. Seul un homme "obsédé par l'Eglise", attardé, selon ces perroquets modernistes, lit de tels livres.

Les sermons de saint Syméon le nouveau théologien ont été traduits en français, en allemand, en anglais, en plus du russe, dans lequel ils ont été traduits lorsqu'ils ont été imprimés pour la première fois en grec à partir des manuscrits anciens. 

Il y a une merveilleuse traduction en grec démotique faite avec piété "par le très révérend Dionysos de Zagora, qui vivait en ascèse sur l'île du désert appelée Piperi, en face de la Sainte Montagne", imprimée àSyros en 1886. Comment pouvons-nous nous abaisser à lire de telles choses, traduites en fait par un moine analphabète qui avait l'habitude de s'asseoir et d'écrire sur un rocher, sur l'île désertique de Piperi, avec les mouettes ? Nous, nous lisons les professeurs sages et respectables qui écrivent assis dans des fauteuils, dans les Paris et les Berlin ! Nous n'entendons pas ce que Dieu dit par la bouche du Prophète : « Sur qui vais-je porter mon regard, si ce n'est sur celui qui est humble et d'un esprit contrit, et qui tremble à ma parole ? » (cf. Is. 66.2, —transl.). Comment pourrions-nous soupçonner la richesse mystique qui se cache dans de telles âmes saintes ?

Eh bien, depuis lors, cette traduction n'a pas été réimprimée en Grèce, où toutes sortes de bêtises sont imprimées, ce qui montre dans quelles ténèbres spirituelles nous sommes, clergé et laïcs. En raison des progrès que nous avons réalisés, nous avons mis "la lumière sous le boisseau" et sur le lampadaire, nous avons mis le non-sens profond imprimé que j'ai mentionné, et nous nous attendons à ce que cela nous éclaire. Quant aux mystagogues plus profonds qui sont apparus dans le monde, nous les considérons dignes d'être lus uniquement par un vieux calendariste. Nous, les gens intelligents et modernes, avons mis notre intelligence même dans les mystères de la religion, et nous aimons les grandes paroles et les paroles scientifiques, ce que cet athée dit du Christ, ou ce que dit un blasphémateur camouflé, parce que ces choses nourrissent notre égotisme. Et nous arrêtons nos oreilles pour ne pas entendre l'apôtre Paul crier : « Dieu n'a-t-il pas rendu folle la sagesse de ce monde ? »

Néanmoins, à côté des pourritures dont je parle, il y a aussi une multitude d'hommes qui ressentent profondément l'essence de notre religion, la grande importance du culte et de notre tradition sacrée. 

Pour tous ceux qui n'ont pas de livres patristiques, comme ceux que nous avons mentionnés ci-dessus (et ce sont presque tous les Grecs, parce que l'indifférence de ceux qui sont chargés de ce travail a privé le peuple d'une telle nourriture incorruptible et divine), je vais essayer, avec mes maigres moyens, de leur donner tout ce que je peux de ces trésors ancestraux méprisés qui sont les nôtres. Puisque les théologiens sont devenus philosophes et scientifiques, devenons nous-mêmes théologiens, sans aucun autre ressource que notre foi, selon les paroles profondes de saint Nilus qui dit : "Si tu pries vraiment, tu es théologien". [1].

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Bibliographie

[1]. Unshakable Foundation (Ἀσάλευτο Θεμέλιο). Athènes : Akritas Publications, 1996.

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