L'histoire de l'indonésien orthodoxe Serge Gefaldo
Geraldio Lau Gefaldo
C'est samedi. La grande maison de la rue Kartajaya dans la ville indonésienne de Surabaya à Java est bondée. Tout le monde s'est rassemblé dans la cuisine, la partie la plus à l'est du bâtiment. En quelques heures, la salle à manger deviendra temporairement le saint des saints de chaque église orthodoxe : l'autel/sanctuaire.
Le prêtre installe soigneusement une table spéciale, la recouvre d'un linge, pose un antimension et l'Évangile dessus, y met une croix de bois et allume des cierges. À gauche de l'Évangile se trouve une icône de la Mère de Dieu, à droite une icône du Sauveur. C'est la partie principale du sanctuaire : la table du saint autel. Un acolyte de vingt ans nommé Sergius Gefaldo assiste le prêtre. Il prépare l'encensoir, plie les vêtements liturgiques et essuie les icônes. Ici, dans quelques heures, ils célébreront la Radieuse Résurrection du Christ !
Geraldio Lau Gefaldo est né et a grandi dans la ville de Surabaya, en Indonésie, dans une famille protestante. À l'âge de seize ans, il a été baptisé dans l'orthodoxie sous le nom de Serge, en l'honneur de saint Serge de Radonège. Pour lui, l'orthodoxie est devenue le point final de sa quête spirituelle. Écolier, il se disait occultiste, bouddhiste, hindou...
Aujourd'hui, Serge Gefaldo a vingt ans et il est acolyte à l'église de la maison Saint Jonas de Mandchourie, évêque de Hankou, dans la ville indonésienne de Surabaya. Son histoire raconte comment les Indonésiens orthodoxes célèbrent la fête chrétienne la plus importante : la résurrection du Christ.
La mission orthodoxe moderne dans la ville de Surabaya a commencé en 2007. Cette ville portuaire est située sur la côte est de Java. C'est un centre économique important; plus de trois millions de personnes vivent ici. La population est majoritairement musulmane (90 %) ; les autres sont catholiques, protestants, bouddhistes et hindous.
Il est très difficile de construire une église orthodoxe dans notre pays. Premièrement, le terrain est cher. Deuxièmement, vous devez rassembler de nombreux documents et obtenir les signatures d'au moins soixante personnes vivant dans la région, ce qui est irréaliste. Par conséquent, toutes les églises orthodoxes sont des églises de maison et, malheureusement, peu de gens les connaissent.
La paroisse de Saint Jonas de Mandchourie est la seule paroisse orthodoxe de la ville de Surabaya. Et ces jours-ci, nous traversons des moments difficiles. Auparavant, les offices étaient célébrés dans une église de maison : elle était située dans une grande salle, qui était mise à disposition gratuitement par l'un de nos paroissiens. Là, nous avions tout ce dont une église orthodoxe a besoin : une iconostase, un sanctuaire, les portes royales, un ambon, un chœur, une solea et un grand espace pour les paroissiens. Malheureusement, la pandémie a affecté nos vies, et en avril dernier, nous avons dû déménager.
Le recteur de l'église, le Père Kirill, a offert sa maison pour les offices. Désormais, notre communauté ne se réunit qu'une fois par semaine pour la liturgie dominicale. Et à chaque fois on fait une église dans la salle à manger : d'abord on range soigneusement la pièce, on lave le sol, on époussette et on sort tout ce qui est inutile. Ensuite, nous assemblons la table du saint autel, et plaçons les icônes et les cierges dessus. Au centre du sanctuaire nous plaçons la table de l'autel : une table quadrangulaire, consacrée et recouverte d'un linge. Père Kirill assemble toujours lui-même la table de l'autel. C'est le lieu le plus sacré de chaque église, un lieu de présence spéciale de la Gloire Divine.
Cette année, nous avons commencé les préparatifs du service pascal festif du samedi matin. Lorsqu'il n'y avait plus aucune trace de la cuisine (à part un réfrigérateur dans le coin le plus éloigné), nous nous sommes habillés. Le prêtre poussa une exclamation qui marqua le début du service. Il y avait beaucoup de monde — nous étions une trentaine — et environ la moitié étaient des catéchumènes. Ce sont des jeunes, des étudiants et des diplômés universitaires. Il est d'usage dans notre paroisse que ceux qui sont récemment venus à l'Eglise suivent une catéchèse pendant un an, assistent activement aux offices religieux et se fassent baptiser ensuite.
Pendant le service pascal, nous ne pouvons pas avoir une procession religieuse à part entière car nous ne sommes pas autorisés à attirer l'attention des autres personnes dans la rue. Par conséquent, nous marchons symboliquement et solennellement en cercle dans la pièce. Malheureusement, nous ne chantons pas non plus le Canon pascal. Nous n'en avons toujours pas de traduction en indonésien.
Nous chantons le Tropaire pascal trois fois : en indonésien, en slavon et en grec. Nous avons également une version javanaise. Il existe de nombreux dialectes en Indonésie : la langue officielle est l'indonésien, mais sur l'île de Madura on parle la langue maduraise, à Bali le balinais, à Jakarta le Betawi, à Banten (la province la plus occidentale de Java) le sundanais. Le javanais est parlé dans la partie orientale de l'île où nous vivons. Nous avons chanté le Tropaire pascal en javanais pour la première fois cette année. Je me suis préparé à l'avance : j'ai trouvé le texte sur Internet, je l'ai traduit, j'ai imprimé la partition et je l'ai montrée à tout le monde. Et notre chorale, ce sont nos paroissiens. Nous lisons l'Évangile en sept langues : indonésien, javanais, slavon, grec, latin, français et néerlandais.
Nos paroissiens portent des vêtements de fête pour Pâques – les hommes portent toujours des chemises en batik. Le batik est un tissu peint à la main avec des peintures et compositions spéciales. En indonésien, « batik » signifie littéralement « une goutte de cire ». Il s'agit d'une technique de peinture spéciale qui a été inventée par les Indonésiens. En 2009, le batik a été ajouté à la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO.
Les femmes portent très rarement des robes et des jupes, même lorsqu'elles vont à l'église. Le plus souvent, leurs vêtements sont une chemise ou un chemisier en batik et un pantalon, et un foulard sur la tête.
Nous avons également une tradition de teinture d'œufs pour Pâques. Nous utilisons deux couleurs : rouge et vert, ou les laissons simplement blancs. Nous dessinons une croix et écrivons « XB » (abréviation de « Christ est ressuscité » en slavon d'église). Et nous préparons aussi des gâteaux de Pâques. Nous avons tous les ingrédients nécessaires ici en Indonésie.
Pâques est une occasion pour les gens de se rassembler. A Pâques, il y a un sentiment de paix tranquille, que la joie de la Résurrection rayonnante du Christ nous apporte !
Un repas
Après la liturgie pascale de saint Jean Chrysostome, nous nous réunissons pour un repas. Cette année ne faisait pas exception. Nous avons convenu à l'avance de la nourriture que chacun de nous apporterait. Nous avons un proverbe javanais : « Si nous ne mangeons pas de riz, alors nous ne mangeons rien du tout. » Nous utilisons du riz avec tous les plats et nous adorons les brochettes de poisson et de mouton.
Comparé aux églises en Russie, nos services sont encore incomplets ici. Nous manquons de traductions indonésiennes des textes. Pour moi, la chose la plus difficile dans l'orthodoxie est de vivre dans un pays non-orthodoxe.
Il existe six religions reconnues en Indonésie : l'islam, le protestantisme, le catholicisme, l'hindouisme, le bouddhisme et le confucianisme. Je crois que si nous avons une grande église à Surabaya, le nombre de fidèles augmentera rapidement. L'Orthodoxie deviendra alors une religion officielle. Je veux vraiment ça !
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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