-Vous
dites, dans votre article écrit peu de temps après sa mort, que dans le prologue
de Pedro Cazas, il expose
quelques-unes des idées de base sur les arts, qu’il engagé à toujours respecter.
-Sur la base de ce prologue
et de quelque chose qu'il a dit dans son deuxième livre, Vasanta, j'ai écrit un article sur ces idées.
-Pouvez-vous
décrire l'une de celles-ci pour nous?
-Il a beaucoup insisté sur
la clarté et la simplicité du style, la sincérité et la vigueur. Ce sont ses
grands principes de la bonne écriture. Il a accepté le dicton français,
"Le style c’est l’homme," que le style est l'expression du caractère
d'un homme, de ses ressources intérieures. Il y croyait très fortement et a
fait remarquer que de nombreux écrits qui ont été publiés par d'autres,
manquaient de vigueur. Ses écrits ont une vigueur d'expression parce que c’était
un homme de caractère. Il pensait que la scène contemporaine en manquait. Les
anciens auteurs l'avaient: la clarté, la simplicité, la sincérité, la vigueur, une
bonne organisation, pas de choses mises ensemble à la hâte, vaguement écrites.
Il a également estimé que tout écrit doit contenir et transmettre une certaine
sagesse de l'auteur au lecteur.
-Disait-il
d’où vient principalement cette sagesse? Comment un écrivain pourrait-il acquérir
cette sagesse?
Par une bonne éducation et beaucoup
de lecture. Il croyait en la connaissance encyclopédique, savoir quelque chose
à propos de tout. Savoir quelque chose sur l'histoire, la géographie, ce que
les auteurs ont fait en dehors de la Grèce, votre propre tradition culturelle,
la tradition byzantine et la culture grecque antique. Tout cela a été englobé
dans la connaissance encyclopédique de Kontoglou. Il a pris l'ensemble de la
culture et de la tradition de la Grèce, depuis les anciens poètes, les
législateurs, les philosophes, jusques aux Byzantins, aux héros de la
révolution grecque de 1821, aux contemporains. Il admirait les gens héroïques.
Cette admiration était très forte en lui. Ceci a été poursuivi jusques à l'admiration
des martyrs et des ascètes chrétiens. Les individus les plus héroïques étaient
pour lui les grands martyrs et les grands ascètes. L'esprit héroïque fait
partie de la tradition culturelle grecque ininterrompue: il y a les héros d'Homère,
ceux de Marathon, et les martyrs anciens et les nouveaux martyrs. L’héroïsme a
commencé comme une sorte d'héroïsme moral et a évolué vers un héroïsme
spirituel. Ceci est quelque chose qui était très vivant chez Kontoglou, et il et
cela transparaît dans ses œuvres.
-Que
pensez-vous que Photios Kontoglou dirait aujourd'hui au sujet de ce qui est
arrivé à notre système éducatif? Il a beaucoup étudié et connaissait bien de
nombreux sujets.
-Kontoglou aurait dit que
notre système éducatif a rompu avec les classiques et le christianisme. Il connaissait
la langue grecque sous toutes ses formes historiques: antique, hellénistique,
patristique, moderne, à la fois puriste [katharevousa] et démotique. Dans ses
écrits, vous trouverez de nombreuses citations d’écrivains grecs anciens, de
l'Ecriture Sainte, des hymnes de l'Eglise orthodoxe, des Pères de la sainte
Église. Il avait accès à tous ces trésors parce qu'il connaissait la langue
dans laquelle ils sont écrits. Il savait aussi bien le français et avait lu Les Pensées de Pascal, qui sont une défense
de la religion chrétienne, et les éditions françaises de Dostoïevski Les Frères Karamazov (un autre classique
chrétien) et d'autres écrivains chrétiens importants, tels que Leonid Ouspensky
et Vladimir Lossky.
-Pourquoi
pensez-vous qu'il ait brisé le moule qui semblait s’être formé en Grèce à ce
moment-là? Il a suivi son propre chemin et a parlé contre la modernisation, n’est-ce
pas?
-Ce qui est arrivé avec les
célèbres intellectuels et écrivains grecs récents, tels que Kazantzakis,
Sikelianos et Seferis, était qu'il leur manquait la dimension la plus
importante de la culture grecque, qui est, l'Orthodoxie. Les Père de l’Eglise
byzantins orthodoxes et les saints ne furent pas assimilés par eux. Kontoglou
eut un contact étroit avec la dimension spirituelle de l'hellénisme qu'ils
avaient perdue. Il avait cette continuité en lui, qui englobe tous les trésors
de la tradition culturelle grecque, religieuse et profane.
-Ne
pensez-vous pas qu'un écrivain contemporain essayant d'écrire un roman inspiré
par la tradition orthodoxe, pourrait ressembler à Kontoglou comme exemple moderne
de quelqu'un qui a réussi fidèlement à combiner tous ces éléments avec
l'Orthodoxie au centre?
-Oui. Cependant, de
nombreux écrivains qui ont essayé de l'imiter dans sa langue et son style n'ont
pas réussi parce que c’était seulement une imitation et cela n'a pas surgi de
l'intérieur, de la source. Avec Kontoglou, cette vigueur d'expression, cette
sincérité, cette appréciation des trésors de la tradition grecque n’était pas
une simple imitation, elles étaient réelles, il les vivait. Un autre écrivain
peut essayer d'imiter quelque chose stylistiquement dans Kontoglou, mais il n'a
pas vraiment le pouvoir qu’a Kontoglou. Le romancier Kazantzakis était un grand
admirateur de Kontoglou. Il l'admirait pour son style, non pas pour ce qu'il disait
ou ce qu'il croyait, mais pour la seule puissance de son expression. Il a
également été admiré pour son style par des auteurs comme le poète Sikélianos
et le romancier Prévélakis, qui s’étaient coupés de l'héritage byzantin. C'est
une chose importante pour Kontoglou; il a insisté sur ce point avec moi.
Une fois que j'appris qu'il
écrivait pour le journal quotidien athénien Eleutheria, je m’y suis
immédiatement abonné et j’ai renouvelé mon abonnement jusques à sa mort. À une
occasion opportune, je lui ai dit que je pensais qu'il écrivait trop de fois au
sujet des pirates et des histoires de mer. Kontoglou a dit: "Je dois le
faire parce que sinon le journal n’imprimera pas mes articles religieux. Ils
disent que les gens n’aiment pas les articles religieux. Mais ce qui se passe
est que, en lisant ces histoires, ils commencent aussi à lire mes écrits
religieux. "Ils admiraient donc tellement son style qu'ils commençaient à
lire ses articles religieux, aussi, juste pour profiter du style de Kontoglou.
Pourtant, ils ont également commencé à absorber le contenu religieux des écrits
de Kontoglou.
-Que
dirait Kontoglou au sujet de quelques-uns des défis réels auxquels fait face l'Eglise
aujourd'hui? Que dirait-il à propos de la modernisation ou de l'œcuménisme?
Comment abordait-il cela?
-Nous discutions souvent de
cela. J'ai toute une collection de lettres où il discute du modernisme et de l'œcuménisme.
Kontoglou était un homme lucide. Il savait ce qu'il croyait et ce qu'il ne
croyait pas, très fortement, très clairement. Il n'avait pas l’esprit brouillé.
-Certaines
personnes pourraient dire qu'il est trop noir et blanc, qu'il y a plus de gris
dans le monde.
-Certains diraient qu'il
est fanatique, extrémiste, étroit d'esprit, possédant une mentalité de "Vieux
Calendariste", et qu’il lui manque le progrès de l'homme contemporain.
-Qu'est-ce
que vous répondez à cela?
-Je mentionne certaines de
ces choses dans mon livre Rencontres avec
Kontoglou [Meetings with Kontoglou]. Il n'était pas effrayé par ces
épithètes. Il poursuivait son chemin. Il croyait en ce qu'il faisait, et si les
gens pensaient qu'il avait tort, il ne se fâchait pas.
Kontoglou n'était pas motivé par l'argent, mais il aurait pu être fabuleusement riche, comme Picasso. Picasso est devenu très riche parce que, comme Kontoglou l’a dit, "Picasso nourrissait des troupeaux d'âmes décadentes." Kontoglou ne voulait pas sacrifier sa foi, ses croyances, ses convictions juste pour réussir financièrement. C'est un point très important.
Kontoglou n'était pas motivé par l'argent, mais il aurait pu être fabuleusement riche, comme Picasso. Picasso est devenu très riche parce que, comme Kontoglou l’a dit, "Picasso nourrissait des troupeaux d'âmes décadentes." Kontoglou ne voulait pas sacrifier sa foi, ses croyances, ses convictions juste pour réussir financièrement. C'est un point très important.
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Pravoslavie.ru
d'après
Pravoslavie.ru
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire