"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 23 mai 2015

Putna à la lumière des Chroniques



Le monastère de Putna

Dans la chronique anonyme de la Moldavie, il est dit que, après que la Forteresse de Chilia ait été conquise en janvier 1465, Etienne le Grand revint avec son armée à Suceava, ordonnant à l'archevêque, aux évêques et au reste des prêtres de "remercier Dieu pour la victoire qui lui avait été accordée..." Le 10 juillet 1466, Etienne le Grand posa les fondations du monastère de Putna, avec le jour de la dédicace de "La Sainte Vierge Mère de Dieu."

L'église fut achevée à la fin de 1469, mais les campagnes que le voïvode entreprit en Transylvanie, ainsi que les incursions des Tartares de 1469 et 1470 l'empêchèrent de le dédier jusqu'au 3 Septembre 1470. Lors de la cérémonie le fondateur lui-même et sa famille étaient présents, ainsi que les écuyers du grand Conseil et une grande assemblée de fidèles.

A environ 10 minutes de marche du mur oriental du monastère, dans le cimetière du village de Putna, se dresse l'église en bois attribué au voïvode Dragos. On dit qu'il a  construit cette église en bois à Volovat en 1353, et " vers 1468, Etienne le Grand l'a apportée de Volovat et reconstruite à Putna, où elle se trouve jusqu'à ce jour". Dans le passé, l'église en bois était également appelée "Le vieux monastère de Putna".

Depuis ses débuts, un atelier de broderie a été créé dans le monastère, qui  utilisa or et d'argent, soies coûteuses et pierres précieuses dans ses œuvres. Il y avait aussi un scriptorium célèbre dans tout le sud-est de l'Europe, pour lequel le papier parchemin et le papier filigrané étaient amenés d'Europe occidentale. Dans le même temps, il y avait plusieurs ateliers de potiers et d'orfèvres, tous nécessitant des conditions particulières de sécurité accrue et un espace de travail adéquat, qui furent sans aucun doute fournis par le monastère sur ses propres terrains.

L'année 1490 est un point culminant dans l'histoire du monastère, quand il a reçu les dons et les privilèges les plus importants jusqu'à cette époque. Par une série de titres de propriété, Etienne le Grand lui affilia 16 églises et leurs prêtres des comtés de Suceava et Cernauti, donnant à l'higoumène de Putna le droit de juger ces prêtres.

Outre les domaines et privilèges accordés au monastère, le voïvode ne cessa jamais de doter sa nécropole de précieux trésors spirituels: manuscrits enluminés reliés, vêtements sacerdotaux et autres objets ecclésiastiques de grande valeur artistique, faits avec de l'artisanat par les mains souvent anonymes des "moines toujours pécheurs", comme ils avaient l'habitude de se qualifier dans leur humilité, dans les inscriptions sur leurs splendides œuvres qui ont rendu Putna si célèbre à travers les âges et les frontières.

Ayant mené une vie aux proportions épiques, et sentant que sa fin était proche, Etienne le Grand émis le 2 février 1503, un document avec ses dernières volontés et son testament, dans lequel les privilèges du monastère de Putna, à partir du moment de ses fondations jusqu'à cette date étaient à nouveau mentionnés et il souligna:

"Et après que nous soyons morts, quiconque dirigera ce pays, les descendants de nos enfants ou de nos parents, ou toute personne que Dieu peut choisir pour être le chef de ce pays, en Moldavie, il ne doit pas démentir notre héritage et notre legs, mais le renforcer et le maintenir. "

Un mardi, à 4 heures, le 2eme jour de juillet 1504 le glorieux héros alla  reposer dans le sein d'Abraham, après avoir gouverné la Moldavie pendant 47 ans et 3 mois. Le prince toujours fidèle le voïvode Etienne, fils du voïvode Bogdan, fut enterré dans le monastère qu'il avait construit, à Putna. "Cette année, avant sa mort, il y eut un dur et morne hiver, ce qui n'avait jamais été vu jusque-là. Et l'été amena de fortes pluies et de grandes inondations et beaucoup de gens se noyèrent à cause des hautes eaux ".

Destiné à devenir une nécropole princière, l'église du monastère de Putna avait été ouverte en tant que telle depuis Décembre 1477, lorsque la princesse Maria Mangop, deuxième épouse du voïvode, fut enterrée sur le côté gauche du caveau. Puis vint, à son tour, les sépultures du Métropolite Théoctiste I en 1478, Bogdan en 1479, et Petru en 1480; ils étaient tous deux jeunes fils d'Etienne le Grand, et ils trouvèrent leur lieu de repos sous la même pierre tombale à côté de la tombe de Maria Mangop.

Les processions funéraires y eurent lieu pour d'autres membres de la famille du voïvode: la Princesse Maria Voichita, sa troisième femme, enterrée en 1511 à côté de la tombe de son mari; Bogdan Vlad III, leur fils, enterré en 1517; Maria Cneajna, fille d'Etienne, enterrée à côté de Bogdan III, son frère, en 1518; le voïvode Stefanita, fils de Bogdan III, enterré en 1527, et la dernière de tous, la princesse Maria, seconde épouse de Petru Rares, enterrée en 1529. Après cette date, aucune sépulture princière n'est enregistrée soit dans les inscriptions à Putna, ou dans les vieilles annales et chroniques.

Après la mort d'Etienne le Grand, de moins en moins de gens firent des dons à Putna, bien que ses descendants immédiats aient encore apporté leurs offrandes au monastère. Bogdan III fit don de huit cents zlotys, d'objets ecclésiastiques précieux et de tissus liturgioques, dont le fameux rideau des Portes Royales de l'autel en 1510; Stefanita-Voda renforce ses anciens privilèges et les terres à nouveau, et Petru Rares augmente sa richesse en offrant, entre autres, le village de Petrecanii sur le Baseu et une grosse cloche, nommé Userul, qui a été conservée jusques à nos jours.

Le 13 Novembre 1750, Jacob Pruteanul, l'un des membres du clergé roumains les plus brillants de tous les temps, devint l'évêque métropolitain. A cette époque, le monastère de Putna était presque en ruine. Sous son office, une nouvelle ère de splendeur fut annoncée pour Putna, amenant le monastère d'Etienne le Grand au premier plan de l'histoire culturelle roumaine du XVIIIe siècle.

Après sa retraite en 1760, Jacob continua, jusqu'à la fin de sa vie, l'excellent travail de restauration et d'élévation spirituelle de l'ancien monastère. Il fit consolider les murs de l'église, le porche du beffroi au-dessus de la nef fut re-construit dans le style baroque, le toit réparé, les larmes du parquet remplacées, la grande cloche appelée Buga refaite, ainsi que la construction d'un nouvel iconostase, que l'on peut encore voir aujourd'hui.

Parallèlement à ces travaux de réparation, avec l'archimandrite Bartholomée Mazareanu, remarquable chercheur, écrivain et traducteur prolifique du slavon et du russe, Jacob Pruteanul initia, organisa et dirigea plusieurs écoles, parmi lesquelles "une école supérieure de théologie pour le clergé de Moldavie et un Académie Théologique sur le modèle de l'Académie Théologique de l'évêque Métropolite de Kiev Pierre Moghila.

Le 7 mai 1775, ayant le consentement de l'Empire ottoman, l'Empire d'Autriche saisit la province roumaine de Bucovine, et en 1783, sous le règne de l'empereur Joseph II, tous les ermitages et les monastères dans cette partie du pays étaient dissous, à l'exception de Putna, Sucevita et Dragomirna.

Le 14, 15 et 16 août 1871, le festival de Putna eut lieu. Il fut dédié à la mémoire du grand voïvode, et environ 3.000 Roumains de toutes les provinces du pays prirent part à l'événement. Parmi eux se trouvaient Mihai Eminescu, Ioan Slavici, Mihail Kogalniceanu, A.D. Xenopol, Grigore Tocilescu, Dimitrie Gusti, Ciprian Porumbescu, Epaminonda Bucevschi, et bien d'autres.

Pour commémorer les quatre cents ans de la mort d'Etienne le Grand, en 1904, le peintre Costin Petrescu peignit une peinture à l'huile grandeur nature du glorieux voïvode, inspirée par la célèbre miniature du Livre des quatre Evangiles d'Humor. Fabriquée à des milliers d'exemplaires, l'image fut répandue dans tout le pays, "faisant que, pendant une longue période,  les gens imaginèrent Etienne le Grand d'après ce portrait."

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna

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