Plus personne ne répare rien. Tout est remplacé ; un amour par un autre, une vie par une autre, un monde par un autre, une voie par une autre.
Mais nous les remplaçons aussi par d'autres choses, exactement comme nous changeons de vêtements.
Je me souviens de ma mère qui prenait l'aiguille et réparait la vie là où elle voyait qu'elle était déchirée. Sans parler de l'amour entre elle et mon père. C'était plein de raccommodages. Mais on pouvait dire que c'était neuf et que c'était comme ça jusqu'à la fin.
Il en était de même pour l'amour entre grand-mère et grand-père. Il en était de même pour le monde dans lequel ils vivaient. Ils le lavaient le soir avec du savon fait maison pour le reprendre propre le matin de la corde à linge. C'était leur monde, ils n'en voulaient pas d'autre. Ils étaient satisfaits de celui qu'ils avaient, il sentait toujours bon, même s'il se décolorait au col et que la couture s'amincissait aux poignets.
Si, dans notre monde d'aujourd'hui, il y avait dans chaque rue un atelier pour réparer l'amour et la vie, personne n'y entrerait. Nous avons pris l'habitude de les remplacer. C'est pourquoi nous n'aimons jamais jusqu'à la fin, car nous commençons à mourir dès l'enfance, car nous vivons toujours la vie des autres et, où que nous allions, nous n'arrivons souvent nulle part.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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