"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 17 mars 2024

DIMANCHE DE LA Tyrophagie

St. Gérasime du Jourdain


Le calendrier des saints donne des jours fixes pour la commémoration de ces justes et saints, qui ne coïncident évidemment pas toujours avec un dimanche. 

Cette année, en cette période de pré-carême, un fil conducteur monastique a traversé ces commémorations et ce dimanche nous donne saint Gérasime du Jourdain. Il est né au début du Ve siècle en Lycie, en Cappadoce. Le Prologue d'Ochrid rapporte : "Ce saint bien connu a d'abord appris l'ascétisme dans la Thébaïde égyptienne, mais il s'est ensuite rendu au Jourdain et y a fondé une communauté d'environ soixante-dix moines qui subsiste encore aujourd'hui. Il formula une règle particulière pour son monastère : les moines passaient cinq jours par semaine dans leur cellule à tresser des paniers et des nattes ; ils n'avaient pas le droit de chauffer leur cellule ; pendant cinq jours, ils ne mangeaient qu'un peu de pain sec et quelques dattes ; les moines devaient laisser leur cellule ouverte, même lorsqu'ils sortaient, de sorte que chacun pouvait, s'il voulait quelque chose, le prendre dans la cellule d'un autre". Ils ne mangeaient ensemble que le week-end et c'était un repas de légumes bouillis. Ils buvaient aussi un peu de vin pour louer Dieu. Le Prologue rapporte également que "chaque moine apportait et déposait devant l'higoumène le travail qu'il avait accompli au cours des cinq jours précédents. Chaque moine n'avait qu'un seul vêtement. Saint Gérasime était un exemple pour tous. Pendant le Grand Carême, il ne mangeait rien d'autre que ce qu'il recevait dans la Sainte Communion". 

Les icônes de saint Gérasime le représentent toujours avec un lion. Cela rappelle l'histoire de la rencontre du saint avec un lion dans le désert. Le lion souffrait d'une épine à la patte. Le saint homme se signa, s'approcha et retira l'épine. Le lion s'apprivoisa tellement qu'il suivit le moine jusqu'à son monastère et resta avec lui. 

Concile de Chalcédoine

À la mort de saint Gérasime, le lion succomba à une maladie et mourut à son tour. Saint Gérasime démontre également que même les saints sont humains et ne sont pas infaillibles. À son époque, l'Église était troublée par l'hérésie monophysite (la négation des deux natures du Christ). 

Saint Euthyme le Grand

Le quatrième concile œcuménique, qui s'est tenu en 451, fut convoqué pour résoudre ce problème. Gérasime avait hésité et avait été tenté par l'hérésie. Il assista ensuite au concile de Chalcédoine et fut convaincu de la vérité de la doctrine orthodoxe par la prédication du grand saint Euthyme. C'est ainsi que saint Gérasime reçut sa récompense éternelle, en l'an 475, en tant que pilier de l'Orthodoxie et exemple pour nous tous.  

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Dans le livre The Lenten Spring, de Thomas Hopko, nous trouvons le paragraphe suivant au chapitre 4, qui a pour titre Return to the Father (Retour au Père).

"Les gens se sentent malheureux et ne savent pas pourquoi. Ils sentent que quelque chose ne va pas, mais ils n'arrivent pas à mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Ils se sentent mal à l'aise dans le monde, confus et frustrés, aliénés et éloignés, et ils ne peuvent pas l'expliquer.

 Ils ont tout et pourtant ils en veulent plus. Et lorsqu'ils l'obtiennent, ils restent vides et insatisfaits. Ils veulent le bonheur et la paix, mais rien ne semble le leur apporter. Ils veulent être comblés, mais cela ne semble jamais advenir. Tout va bien, mais tout va mal. 

En Amérique, il s'agit presque d'une maladie nationale. Elle est recouverte par une activité frénétique et une course incessante. Elle est noyée dans les activités et les événements. Elle est noyée dans les programmes télévisés et les jeux. Mais lorsque le mouvement s'arrête, que l'écran est éteint et que tout est calme (.....), l'effroi s'installe, l'absurdité de tout cela, l'ennui et la peur s'installent. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que l'Église nous dit que nous ne sommes vraiment pas chez nous. Nous sommes en exil. Nous sommes aliénés et éloignés de notre véritable pays. Nous ne sommes pas avec Dieu notre Père sur la terre des vivants. Nous sommes spirituellement malades. Et certains d'entre nous sont déjà morts".

Ce passage résume l'éthique de la société contemporaine qui nous entoure. Bien que Père Thomas se réfère à l'Amérique, où il vivait, la même description s'applique à la plupart des sociétés contemporaines. À l'approche du Grand Carême, nous avons réfléchi à la question du jeûne et il est facile de gémir et d'être morose à ce sujet. Les disciplines du Carême remontent à plusieurs siècles et c'est pourquoi il n'est pas question de café, de fumer ou de regarder la télévision, pour ne citer que quelques exemples qui étaient inconnus au premier millénaire.  Quelle est la vertu du jeûne ? Est-ce la substitution [de nos aliments]par des produits végétaliens ? Les jours de jeûne mis à part, lorsqu'on nous demande ce que nous aimerions manger, nous pouvons répondre : "J'aimerais un pâté de porc" ou "J'aimerais un sandwich au fromage". L'essence du choix est que j'aimerais cela. La décision est entièrement centrée sur l'ego. Pendant le Grand Carême, et les jours de pénitence en général, nous sommes invités à ne pas nous mettre à la première place, mais à être plus effacés et, par conséquent, à nous centrer sur Dieu.

Lors de la liturgie du Dimanche du Carnaval, nous avons entendu la lecture d'un passage de l'Évangile dans lequel le Christ mentionne des actes de bonté tels que nourrir les affamés et visiter les malades. Cela pourrait être compris comme signifiant que la chose la plus importante est de faire quelque chose. Bien sûr, c'est important, mais deux semaines plus tôt, nous avons entendu, dans la lecture de l'Évangile, l'histoire du pharisien qui faisait ce qu'il fallait, c'est-à-dire jeûner et faire l'aumône, mais qui était critiqué à cause de ses motivations. C'est là que nous voyons le thème émerger. Aucune de ces leçons et aucun de ces avertissements ne sont isolés, mais ils font partie de quelque chose de beaucoup plus large et ne doivent pas être pris hors contexte. La parabole du Fils Prodigue constitue un élément central de ce thème en développement. Il a été distrait par les plaisirs du monde, mais lorsqu'il a repris ses esprits, il a dit : "Je me lèverai et j'irai vers mon père". Nous voyons ici la pensée qui sous-tend les textes liturgiques du Triode et la raison pour laquelle les expressions sont souvent à la première personne. Je me ressaisirai, j'abandonnerai les plaisirs du monde, je ferai l'effort de revenir à Dieu. Une vie égocentrique est facile, mais je dois dire à mon âme que la vie théocentrique [centrée sur Dieu] est la seule qui mène au salut. Je dois donc agir en conséquence.

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Saint Théophylacte


Le Grand Carême commence demain et nous sommes dans la dernière phase de notre préparation. La lecture de l'Évangile d'aujourd'hui (Matthieu 6, 14-21) est brève et tellement explicite que même le commentaire de Théophylacte est assez bref. Le chapitre 6 de l'Évangile selon saint Matthieu commence par les paroles du Christ sur l'aumône, dont il dit qu'elle doit être faite discrètement. Les donateurs qui font d'importantes donations charitables sous les feux de la rampe sont récompensés par les louanges du monde. 

Il nous est enseigné de ne pas rechercher les honneurs du monde, mais plutôt de faire ce qui plaît à Dieu. Le chapitre se poursuit par l'enseignement aux disciples de la prière, avec les paroles que nous connaissons sous le nom de "Notre Père". Nous arrivons ensuite aux versets qui sont lus dans la liturgie d'aujourd'hui.  Le commentaire attire notre attention sur la tristesse feinte des hypocrites, qui se sont grimés le visage. Ce stratagème théâtral, destiné à suggérer la douleur, est rejeté comme étant sans valeur.  Il y a ensuite une référence à l'huile, manifestement de l'huile d'olive. Une note de bas de page du traducteur, plus haut dans le commentaire, dit : ..... En grec, les mots pour "olive" et "miséricorde", elaias et eleos, sont très similaires à l'oreille, bien qu'ils ne soient pas liés par l'étymologie. Ces deux mots sont souvent associés l'un à l'autre. C'est un exemple où une nuance dans une langue peut être rendue, difficilement, dans une traduction. Ainsi, la référence à l'onction implique de faire preuve de miséricorde, ce qui s'exprime par l'aumône. La lecture se termine par le sujet qui est revenu plusieurs fois auparavant, la question des biens matériels. Qu'aimons-nous le plus, les choses de Dieu ou les choses de ce monde ? Le Seigneur dit : "Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur".                              

Les textes liturgiques d'aujourd'hui prennent pour cadre l'histoire d'Adam, mais nous retrouvons l'utilisation grammaticale de la première personne. Ici, on nous apprend à regarder l'essence plutôt que le récit. La base de l'histoire est la volonté de désobéissance, qui est aggravée par une tentative de rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre. Lorsqu'on vous reproche une transgression, combien de fois n'avez-vous pas utilisé l'excuse suivante : "Ne me blâmez pas parce que.....ceci, cela ou autre chose" ? 

Dans le Canon et les autres textes liturgiques d'aujourd'hui, le pronom de la première personne est utilisé parce que je ne devrais pas examiner les fautes ou pointer du doigt la responsabilité d'une autre personne, Adam ou qui que ce soit d'autre, mais je m'accuse moi-même. 

Cette approche est démontrée à la fin des vêpres du dimanche après-midi, lorsque nous avons le rite du pardon mutuel. Nous nous demandons mutuellement pardon pour tous nos manquements, lorsque nous n'avons pas été à la hauteur de notre vocation chrétienne. Nous nous humilions devant nos frères et sœurs en Christ en reconnaissant nos propres faiblesses. 

Ce n'est que par une véritable humilité que nous pouvons nous rapprocher de Dieu.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après


in Mettingham. 

ENGLAND 


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