"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 11 février 2023

YULIA KHAKIMOVA: La bienheureuse Xenia de Saint-Pétersbourg


Xénia de Saint-Pétersbourg, qui vécut dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, gagna l'amour, l'estime et le respect des habitants de la capitale russe de son vivant. Mais elle ne fut déclarée sainte qu'en 1988.

En 1757, le colonel Andrei Fyodorovich Petrov du régiment des gardes Preobrazhensky mourut. Son épouse, Xénia, commença à porter son uniforme - un caftan vert et un pantalon rouge, puis annonça soudainement  à tout le monde que "Xénia Grigoryevna était morte". Elle demanda aux gens de l'appeler Andrei Fyodorovich.

Son époux était mort de façon inattendue, sans avoir eu le temps de recevoir les sacrements. Afin de solliciter le salut de l'âme de son mari, Xénia prit sur elle de suivre la voie d'une "sainte folle-en-Christ", c'est ainsi que ses contemporains se souviennent d'elle. C'est également ainsi qu'elle est représentée sur les icônes modernes - dans sa tenue rouge et verte de la "Transfiguration" (le nom du régiment, Preobrazhensky, vient du mot "Preobrazheniye" - "Transfiguration").


Reconstitution de l'apparence prétendue de Xénia - 

Musée de Sainte Xénia de Saint-Pétersbourg.

En recevant son héritage, cette veuve de 26 ans, issue d'une famille noble, renonça à ses biens matériels et les distribua aux pauvres. Elle signa un acte de donation de sa maison à Paraskeva Antonova, une veuve qui avait loué une chambre dans sa maison, et fit don de l'argent à l'Église "pour le repos de l'âme de Xénia".

Les proches de son défunt mari décidèrent que Xénia avait perdu la raison et demandèrent aux supérieurs d'Andrei Fyodorovich d'exercer une tutelle sur leur parente pour l'empêcher de donner ses biens et ses possessions en raison de sa déficience mentale. Après avoir convoqué la veuve pour un entretien, les fonctionnaires conclurent qu'elle était saine d'esprit et légalement respoonsable, et qu'elle avait le droit de disposer de ses biens et possessions comme elle l'entendait.


 

Pourquoi les tsars russes aimaient-ils les "saints fous" ?

Il convient de noter que l'attitude à l'égard des "saints fols-en-Christ" était stricte à l'époque. Pierre le Grand avait créé une base législative pour éradiquer les faux "saints fols-en-Christs" et les manifestations connexes de ce qui était considéré comme une frénésie hystérique. Son objectif était d'éliminer la tentation des charlatans de revendiquer un tel "saint" statut. 

En dehors des "saints fous" qui étaient véritablement fous ou qui avaient adopté la "folie volontaire" ou l'ascétisme, il y avait dans la vieille Russie plus d'un faux "fou" qui voulait simplement ignorer les conventions sociales, les lois et les convenances. Il s'agissait souvent de provocateurs cherchant à provoquer des troubles sociaux ou politiques sous le couvert de la faiblesse d'esprit ; il y avait aussi des mendiants à la recherche d'un enrichissement personnel. Par décret de Pierre le Grand, dès le début du 18e siècle, la "sainte folie" était punie par la torture et la prison. En ce qui concerne les actions de Xénia, cependant, avec sa noble origine et ses actes de charité, aucun corpus delicti ne fut jamais  trouvé.   

Elle renonça au confort mondain

Xénia ne quémandait pas d'argent auprès des habitants de la ville et refusait souvent l'aumône qui lui était offerte. Lorsqu'elle prenait quelques kopeks, elle les donnait immédiatement aux pauvres. Elle était douce, modeste et ne présentait pas le comportement désordonné caractéristique des malades mentaux. Le jour, elle errait dans les rues, faisant parfois appel à des connaissances, et la nuit, comme l'observèrent les policiers qui la suivaient, elle se rendait dans les champs à l'extérieur de la ville et passait des heures en prière. Parfois, elle était hébergée pour la nuit chez l'une de ses rares connaissances.

Portrait prétendu de Xenia

Domaine public

Avec le temps, les habitants de Saint-Pétersbourg remarquèrent que la vie avait tendance à s'améliorer pour ceux à qui elle accordait son attention. Les marchands du marché lui demandaient de passer dans leurs boutiques dans l'espoir que sa présence améliore les affaires. Les mères avec enfants se précipitaient vers Xénia et lui demandaient de bénir leur enfant, ou simplement de lui caresser la tête, croyant que cela guérirait l'enfant et lui porterait chance. 

Elle prédit la mort des Romanov

Juste avant Noël 1761, Xénia courut dans les rues en criant anxieusement "Faites des crêpes, faites des crêpes, bientôt toute la Russie fera des crêpes !". Les habitants de la ville sentirent que quelque chose n'allait pas, car dans la tradition orthodoxe, les crêpes sont un plat obligatoire lors des veillées funèbres. En effet, le 25 décembre, l'impératrice Elizaveta Petrovna mourut.

Icône de la Sainte et Bienheureuse Xenia 

de Saint-Pétersbourg

Domaine public


En 1764, elle prédit la mort de l'héritier du trône, Ivan VI (Ioann Antonovich), qui avait été arrêté à l'âge de deux ans avec toute sa famille. À partir de l'âge de 16 ans, Ivan fut maintenu en isolement dans la forteresse de Shlisselburg (il y sera tué six ans plus tard).

La veille de la mort du jeune homme, Xénia ne pouvait s'arrêter de pleurer et, lorsqu'on lui demanda ce qui n'allait pas, elle répondit : "Du sang, du sang, du sang... Les rivières regorgent de sang, les canaux sont pleins de sang, il y a du sang, du sang...". Quelques semaines plus tard, Ivanfut poignardé à mort lorsque ses partisans tentèrent de le libérer de sa captivité. 

Elle changeait la vie des gens

Parfois, Xénia donnait des conseils inattendus et énigmatiques qui finissaient par changer la vie de ses interlocuteurs. Se présentant sur le pas de la porte de son ancienne maison, elle dit à la nouvelle propriétaire, Paraskeva Antonova, que "Dieu lui avait envoyé un fils" et qu'elle devait se rendre sans tarder au cimetière de Smolenskoye. La femme s'empressa de se rendre là où elle avait reçu l'ordre de se rendre. Près du cimetière, elle vit une foule et appris qu'un chauffeur de fiacre avait renversé une femme en état de grossesse avancée, qui avait accouché sur place et était morte peu après. Paraskeva prit l'enfant et, ayant compris que ses proches ne viendraient pas le chercher, l'appela Andrei et l'adopta.

I. Ganzenko. Preuves des miracles 

de la Sainte etBienheureuse Xénia de Pétersbourg. 2021

Musée de Sainte Xénia de Saint-Pétersbourg

Une autre fois, Xénia annonça à une femme célibataire que "son mari enterrait sa femme à Okhta" (un quartier de Saint-Pétersbourg). La femme s'y rendit et trouva un enterrement en cours. Elle fit la connaissance d'un veuf inconsolable, dont la femme était morte en couches. Dans l'année qui suivit, la femme l'épousa et vécut avec lui dans la paix et l'harmonie jusqu'à un âge avancé.

Un autre homme demanda à Xénia de prier pour lui, elle lui donna une pièce de monnaie et lui dit : "Accroche-toi au cheval ! Tu iras loin dessus !" (Le revers des pièces de un et deux kopeks représentait saint Georges sur un cheval). Il devint riche peu de temps après. 

Elle aida à construire une église

La construction d'une église en briques commença au cimetière de Smolenskoye en 1786. Les ouvriers remarquèrent vite remarqué que des briques apparaissaient sur le chantier pendant la nuit. Il s'avéra que, après le crépuscule et avant l'aube, la vieille Xénia apportait les briques et les déposait sur les murs en cours de construction.

Sainte Xénia monte des briques 
sur le clocher de l'église Notre-Dame de Smolensk. 
Extrait du livre d'E. Rachmanin
Bienheureuse Xénia, servante de Dieu
Musée de Sainte Xénia de Saint-Pétersbourg.

"Quand est-ce que tu dors, Andrei Fyodorovich ?" demandèrent les bâtisseurs. "Nous aurons largement le temps de dormir dans la tombe", fut sa réponse.

Xénia tenait à ce que la maçonnerie de briques soit particulièrement solide : "Elle aura beaucoup à supporter, mais elle tiendra bon... Elle fera l'affaire..." En 1824, le cimetière fut dévasté par une inondation. Un grand nombre de croix et de tombes furent emportées, et les registres du cimetière furent détruits, mais l'église tint bon. Xénia, qui mourut à l'âge de 71 ans, fut enterrée près de cette même église, dans le cimetière de Smolenskoye. 

Elle intercéda même après sa mort

La tombe de Xénia devint rapidement un lieu de pèlerinage. Les personnes qui venaient demander son intercession emportaient une poignée de terre, et c'est pourquoi le monticule qui surmonte la tombe dut être remplacé deux fois. 

On raconte qu'au début des années 1870, l'impératrice Maria Feodorovna demanda à Xenia d'aider son mari, le futur empereur Alexandre III, à se remettre du typhus. Selon la légende, un valet lui donna du sable provenant de la tombe de Xénia, et la Grande-Duchesse le plaça sous l'oreiller du malade. Cette nuit-là, elle eut une vision de la vieille femme, qui lui prédit la guérison d'Alexandre et l'arrivée d'une fille qui s'appellerait Xénia. Le couple obéit et exécuta son souhait. 

La chapelle de la Bienheureuse Xénia de Pétersbourg 

fut construite en 1902.

Paroisse de l'église de l'icône de la Mère de Dieu à Smolensk.

En 1902, une chapelle fut construite sur la tombe de Xénia avec un iconostase en marbre et une pierre tombale. Le 24 septembre 1978, Xénia de Saint-Pétersbourg fut glorifiée par l'Église orthodoxe russe hors frontières, et le 6 juin 1988, elle fut déclarée sainte par le Conseil local de l'Église orthodoxe russe [du Patriarcat de Moscou].

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Russia Beyond


NB: Le terme de bienheureuse utilisé pour sainte Xénia, est le terme habituellement utilisé pour les Fols-en-Christ. Il n'y aucun rapport avec le terme utilisé par les catholiques romains dans leurs hiérarchie des saints.

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