"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 13 octobre 2020

Jean-Claude LARCHET: Recension/Saint Nicolas Vélimirovitch, Sermons au pied de la montagne suivi de Nouveaux sermons au pied de la montagne.


 Vient de paraître : Saint Nicolas Vélimirovitch, Sermons au pied de la montagne suivi de Nouveaux sermons au pied de la montagne. Traduit du serbe par Lioubomir Mihailovitch, Éditions des Syrtes, Genève, 2020, collection « Grands spirituels orthodoxes du XXe siècle »).
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En référence au « sermon sur la montagne » qui figure dans l’Évangile de saint Matthieu (Mt 5, 1 - 7, 29), mais sous le titre plus modeste de « sermons au pied de la montagne », le futur saint Nicolas Vélimirovitch a rassemblé deux série d’homélies prononcées en 1912 et 1923.

On ne trouvera pas ici les sermons routiniers, moralisateurs et ennuyeux que trop de prédicateurs livrent par obligation, mais des réflexions inspirées, toujours originales, sur des problèmes existentiels qui préoccupent l’homme moderne.

Les deux séries, bien que prononcées à dix ans de distance, ont un objectif commun, qui est de renforcer la foi de fidèles – dans plusieurs homélies on voit que l’auditoire est surtout constitué de jeunes gens –  qui, en ce début du xxe siècle, doivent affronter les craintes engendrées par une Histoire passablement troublée, incertaine, menaçante, inquiétante, déprimante (la première série se situe à la veille de la première Guerre mondiale, la seconde série dans les années où l’on souffre partout de ses effets), et doivent aussi affronter les doutes suscités par les progrès de l’athéisme qui s’alimente au développement d’une science qui a l’illusion de pouvoir répondre à toutes les questions de l’homme, et d’une technique qui a l’illusion de pouvoir combler tous ses besoins.

Face aux accusations d’obscurantisme, saint Nicolas met en valeur les lumières du christianisme ; face aux théories de l’évolution qui font de l’homme un descendant du singe et le réduisent à son animalité, il rappelle son origine transcendante et sa nature royale ; face à l’égoïsme ambiant, il rappelle la beauté du sacrifice des mieux dotés en faveur des plus faibles ; face au sentiment des chrétiens d’être en minorité dans un monde qui leur est de plus en plus hostile, il rappelle que ce fut toujours la situation du Christ et de Ses disciples. Fin (psych)analyste des désirs inavoués de l’homme, il invite à débusquer dans le subconscient les pensées mauvaises ou mesquines et à les contrôler pour les régénérer et initier ainsi une régénération spirituelle de tout l’être. Il rappelle que l’héroïsme n’est pas une qualité des temps passés, mais que les jeunes d’aujourd’hui, sous la conduite d’un idéal, y sont aussi appelés et en sont aussi capables, quelle que soit la faiblesse qu’ils ressentent, car l’héroïsme se manifeste dans les petites choses de la vie aussi bien que dans les grandes. Il dénonce dans tous les domaines (économique, politique, scientifique, mais aussi et surtout religieux) les « marchands du temple ». Il comprend le pessimisme ambiant, mais donne des raisons convaincantes d’être optimiste, et c’est d’ailleurs par un magnifique sermon « sur la victoire finale du bien » que s’achèvent les deus séries de sermons.

On verra qu’après près d’un siècle et malgré la différence d’époque et de contexte historique, social et culturel, les Sermons au pied de la montagne et les Nouveaux sermons au pied de la montagne n’ont quasiment rien perdu de leur actualité : les travers du monde politique et économique analysés et critiqués avec pertinence par saint Nicolas subsistent de nos jours, de même que la crainte de l’avenir qu’il cherche à apaiser, et la fascination à l’égard de la science ou la séduction par la technique contre lesquels il met en garde. Les fausses « assurances sur la vie » dont il souligne les faiblesses sont même devenues aujourd’hui une institution prospère, masquant à l’homme contemporain que la véritable « assurance-vie » est celle qui lui permet d’être sauvé en Christ et d’accéder, après sa mort inévitable, à la vie éternelle du Royaume des Cieux.

Considérés comme des œuvres spirituelles majeures du « Chrysostome serbe », les Sermons et les Nouveaux sermons au pied de la montagne restent captivants par l’intelligence de leur contenu et la beauté de leur style, et sont stimulants par leur vision toujours finalement optimiste de l’homme et du monde.

 

Jean-Claude Larchet

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