En référence au « sermon sur la
montagne » qui figure dans l’Évangile de saint Matthieu (Mt 5, 1 - 7, 29),
mais sous le titre plus modeste de « sermons au pied de la
montagne », le futur saint Nicolas Vélimirovitch a rassemblé deux série d’homélies
prononcées en 1912 et 1923.
On ne trouvera pas ici les sermons
routiniers, moralisateurs et ennuyeux que trop de prédicateurs livrent par
obligation, mais des réflexions inspirées, toujours originales, sur des
problèmes existentiels qui préoccupent l’homme moderne.
Les deux séries, bien que prononcées
à dix ans de distance, ont un objectif commun, qui est de renforcer la foi de
fidèles – dans plusieurs homélies on voit que l’auditoire est surtout constitué
de jeunes gens – qui, en ce début du xxe
siècle, doivent affronter les craintes engendrées par une Histoire passablement
troublée, incertaine, menaçante, inquiétante, déprimante (la première série se
situe à la veille de la première Guerre mondiale, la seconde série dans les
années où l’on souffre partout de ses effets), et doivent aussi affronter les
doutes suscités par les progrès de l’athéisme qui s’alimente au développement
d’une science qui a l’illusion de pouvoir répondre à toutes les questions de
l’homme, et d’une technique qui a l’illusion de pouvoir combler tous ses
besoins.
Face aux accusations
d’obscurantisme, saint Nicolas met en valeur les lumières du
christianisme ; face aux théories de l’évolution qui font de l’homme un
descendant du singe et le réduisent à son animalité, il rappelle son origine
transcendante et sa nature royale ; face à l’égoïsme ambiant, il rappelle
la beauté du sacrifice des mieux dotés en faveur des plus faibles ; face
au sentiment des chrétiens d’être en minorité dans un monde qui leur est de
plus en plus hostile, il rappelle que ce fut toujours la situation du Christ et
de Ses disciples. Fin (psych)analyste des désirs inavoués de l’homme, il invite
à débusquer dans le subconscient les pensées mauvaises ou mesquines et à les
contrôler pour les régénérer et initier ainsi une régénération spirituelle de
tout l’être. Il rappelle que l’héroïsme n’est pas une qualité des temps passés,
mais que les jeunes d’aujourd’hui, sous la conduite d’un idéal, y sont aussi
appelés et en sont aussi capables, quelle que soit la faiblesse qu’ils
ressentent, car l’héroïsme se manifeste dans les petites choses de la vie aussi
bien que dans les grandes. Il dénonce dans tous les domaines (économique,
politique, scientifique, mais aussi et surtout religieux) les « marchands
du temple ». Il comprend le pessimisme ambiant, mais donne des raisons
convaincantes d’être optimiste, et c’est d’ailleurs par un magnifique sermon
« sur la victoire finale du bien » que s’achèvent les deus séries de
sermons.
On verra qu’après près d’un siècle
et malgré la différence d’époque et de contexte historique, social et culturel,
les Sermons au pied de la montagne et
les Nouveaux sermons au pied de la
montagne n’ont quasiment rien perdu de leur actualité : les travers du
monde politique et économique analysés et critiqués avec pertinence par saint
Nicolas subsistent de nos jours, de même que la crainte de l’avenir qu’il
cherche à apaiser, et la fascination à l’égard de la science ou la séduction
par la technique contre lesquels il met en garde. Les fausses « assurances
sur la vie » dont il souligne les faiblesses sont même devenues aujourd’hui
une institution prospère, masquant à l’homme contemporain que la véritable
« assurance-vie » est celle qui lui permet d’être sauvé en Christ et
d’accéder, après sa mort inévitable, à la vie éternelle du Royaume des Cieux.
Considérés comme des œuvres spirituelles
majeures du « Chrysostome serbe », les Sermons et les Nouveaux
sermons au pied de la montagne restent captivants par l’intelligence de leur
contenu et la beauté de leur style, et sont stimulants par leur vision toujours
finalement optimiste de l’homme et du monde.
Jean-Claude Larchet
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