"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 8 octobre 2020

Gevorg Kazaryan: LE STARETZ DU MONASTÈRE DU SAINT ESPRIT TIMOTHÉE († 23 SEPTEMBRE 2020)

Père Thimothée

Le 23 septembre 2020, l'archimandrite mégaloschème Timothée (Sakkas), higoumène du monastère du Saint-Esprit-Consolateur (Paraklitos), près d'Oropos (région de l'Attique, en Grèce), rejoignit  le Seigneur après un cancer du foie.

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Le futur staretz naquit en 1933 à Voronège, en Russie, dans une famille de Grecs, de Georges et Despina Sakkas. Il passa son enfance à Еvpatoria (ouest de la Crimée).

En 1944, les autorités soviétiques donnèrent le choix aux Grecs de Crimée : soit accepter les passeports soviétiques, soit s'exiler. La famille Sakkas refusa d'accepter les passeports. Comme nous l'a dit le staretz, ils devaient se préparer à être envoyés en exil pendant la nuit. Mais finalement, ceux qui refusèrent eurent de la chance, car ils furent envoyés dans le chaud climat d'Ouzbékistan, et les Grecs qui prirent la citoyenneté soviétique furent envoyés en Sibérie. C'est ainsi que les Sakkas se retrouvèrent en Ouzbékistan, à Kokand.

Géronda a raconté l'histoire suivante à partir de ses souvenirs d'enfance : En ces temps de famine et de pauvreté, sa mère Despina fabriquait des "bonbons" - des graines d'abricot trempées dans un sirop sucré. Un jour, alors qu'il ramassait des noyaux, il se rendit dans le jardin d'un certain Ouzbek. L'homme attrapa le garçon, pensant qu'il volait les abricots. Quelle ne fut pas sa surprise quand il s'avéra que le garçon ne faisait que ramasser des noyaux, sans un seul abricot dans son sac ! Étonné par une telle honnêteté, l'homme remplit lui-même le sac de l'enfant avec des abricots et l'escorta dehors. "Les Ouzbeks sont un peuple juste", disait le staretz.

Le père Timothy (à gauche) lors de la fondation du monastère du Saint-Esprit, le 20 juillet 1963

En 1948, la famille Sakkas put émigrer en Grèce, et des possibilités complètement différentes s'y ouvrirent pour le futur serviteur du Seigneur. 

En 1959, il obtint son diplôme de fin d'études secondaires et s'inscrivit au département de théologie de l'université d'Athènes. En 1962, il fut tonsuré moine et ordonné au diaconat. Deux ans plus tard, le père Timothée fut ordonné prêtre et reçut le rang d'archimandrite, devenant recteur de l'église du saint mégalomartyr et guérisseur Pantéléimon dans la banlieue d'Athènes, à Keratsini.

En 1966, l'archimandrite Timothée fut nommé recteur de la paroisse de langue russe de la cathédrale de la Sainte Trinité à Athènes, sur la place centrale Syntagma (Constitution) d'Athènes. 

Le jeune et énergique recteur insuffla une nouvelle vie à cette paroisse de migrants en déclin. C'est lui qui lança la pratique des agrypnies [veillées nocturnes de fête liturgiques] qui devinrent populaires dans toute la Grèce. Pour que la jeune génération d'immigrés russes ne perde pas ses liens avec la paroisse, le père Timothée introduisit la pratique des offices bilingues - en grec et en slavon. L'une des œuvres les plus importantes du Père Timothée fut la fondation de la maison de retraite russe dans la banlieue d'Argyroupoli, avec une église dédiée à Saint Séraphim de Sarov. En 1976, la diaspora russe d'Athènes décerna au père Timothy un gramota [témoignage écrit de reconnaissance] en signe de gratitude pour sa contribution significative à la vie de la communauté.

Cathédrale de la Sainte Trinité

Dans les premières années de sa vie en Grèce, le futur staretz fit la connaissance du moine athonite Père Cherubim (Karambelas) -  futur archimandrite et fondateur d'abord de la confrérie monastique et ensuite du monastère du Saint-Esprit-Consolateur. Le père Chérubim  devint son confesseur et son guide dans la vie spirituelle. Ainsi, le chemin de vie de l'archimandrite Timothée fut inséparablement lié au monastère du Saint-Esprit. En 1980, il fut élu higoumène du monastère. Géronda resta dans ce ministère pendant quarante ans !

Le Catholicon du monastère du Saint-Esprit

P. Timothée en train de plâtrer le trône du catholicon du monastère 

Au fil des ans, le monastère du Saint-Esprit passa d'un petit bâtiment résidentiel avec une maison-église à un immense complexe monastique avec une skite [dépendance] sur le Mont Athos et une telle gloire dans le monde orthodoxe, que le Père Timothée peut à juste titre être appelé un véritable bienfaiteur du monastère. 

Géronda Timothée établit l'édition de livres dans le monastère. Merveilleusement à l'aise en langue russe, le staretz commença lui-même  à traduire la littérature spirituelle du russe au grec. Il fut le premier à faire connaître aux lecteurs grecs saint Séraphim de Sarov, et c'est lui qui commença à traduire les œuvres de saint Théophane le Reclus et d'Ignace (Brianchaninov). La liste des livres traduits et publiés par Géronda est vraiment grande. Une autre branche importante du commerce du livre du monastère consistait à réimprimer des livres en langue russe datant de la période pré-révolutionnaire et à les envoyer en Russie. La génération post-soviétique, qui est entrée dans l'Église au début des années 1990, se souvient de la réimpression de la littérature spirituelle marquée "Publication du monastère du Saint-Esprit, Oropos, Attique".

Avec son abbaye, le staretz continua à diriger la paroisse de langue russe de la cathédrale de la Sainte-Trinité [à Athènes]. Il servit pendant trois générations dans la paroisse, si bien que, comme il l'a dit lui-même, au cours des décennies, il baptisa dans les mêmes fonts les représentants de trois générations - grand-mères, filles, petits-enfants.

Le père Timothy dans les catacombes sous la cathédrale de la Sainte Trinité

En 2003, lors de sa visite au monastère du Saint-Esprit, Sa Sainteté le Patriarche Alexei II de Moscou et de toute la Russie décerna à l'Archimandrite Timothée l'Ordre du saint Prince Vladimir III, Egal aux Apôtres, pour ses mérites au service de l'Eglise orthodoxe russe. En 2006, le staretz reçut également  la croix d'or de l'Église orthodoxe grecque et la médaille du saint Apôtre Paul pour ses nombreuses années de labeur et de ministère d'amour de Dieu auprès de l'Église du Christ.


Visite de Sa Sainteté le Patriarche Alexis II au monastère du Saint-Esprit, 22 juin 1992

Visite de Sa Sainteté le Patriarche Alexis II au Monastère du Saint-Esprit, 22 juin 1992

Le staretz de bienheureuse mémoire, suivait strictement les principes monastiques. Il pensait que, bien qu'il y ait de nombreuses obédiences dans un monastère, les gens prononcent des vœux monastiques dans un seul but : devenir des hommes de prière "professionnels" : C'est la prière qui est le sens de la vie monastique. Géronda était très strict en ce qui concerne le noviciat : il ne voulait pas tonsurer quelqu'un avant qu'il n'ait accompli au moins trois ans de noviciat. Les exceptions étaient très rares. Grâce à cette approche, de nombreuses personnes qui aspiraient au monachisme finirent par fonder des familles, et la fraternité du monastère du Saint-Esprit est vraiment composée des moines les plus choisis. 

Le staretz était avant tout strict avec lui-même et ses moines, mais condescendant envers les laïcs. Ses conseils n'étaient jamais déconnectés de la réalité, ils étaient toujours terre à terre. Géronda écoutait quelqu'un jusqu'au bout et ne donnait des conseils qu'ensuite. Souvent, un seul regard suffisait au père Timothée pour comprendre qui se tenait devant lui. Tout cela reflétait sa vaste et longue expérience de la communication avec les gens et de la pastorale.

"Nous devons vivre avec une main qui s'accroche au ciel", disait le staretz.

Envoi d'un autre lot de littérature spirituelle

Le père Timothée se distinguait par sa modestie et son évitement prudent de la notoriété : il n'accordait pas absolument pas sa bénédiction pour que son nom soit rendu public ou que des documents le concernant soient publiés, et il n'aimait même pas être photographié. Malgré ses maladies, il ne se découragea jamais, ne perdit jamais son entrain. Il servit les longs services de carême et les vigiles nocturnes pratiquement jusqu'à son repos en Christ. 

Des milliers de personnes en Grèce, en Russie, en Pologne, en Bulgarie, en Géorgie et dans d'autres pays qui eurent la bénédiction de rencontrer le staretz et de recevoir ses conseils pleins de grâce garderont toujours son souvenir lumineux dans leur cœur.

Bénédiction des pèlerins au monastère, 2018

Puisses-tu hériter du Royaume des Cieux, cher Père Timothée ! Et prie pour nous...

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHOCHRISTIAN


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