"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 3 mars 2024

DIMANCHE DU FILS PRODIGUE


Saint Dosithée (ou Dorothée) de Gaza

En ce moment, Gaza fait malheureusement la une de l'actualité pour toutes les mauvaises raisons. Au fil des siècles, l'héritage chrétien de Gaza a été éclipsé par l'expansion de l'islam, mais aujourd'hui, la commémoration de saint Dosithée nous rappelle cet héritage. Né dans une famille riche, vers la fin du VIe siècle, il grandit dans le luxe, mais il suivit son père dans le service militaire. Dans sa jeunesse, Dosithée apprit des serviteurs de son père l'existence de Jérusalem et il désirait ardemment voir la ville sainte et vénérer les lieux saints associés au Seigneur. Son souhait se réalisa finalement. 

À Gethsémani, il contempla longtemps une icône représentant le Jugement dernier, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de la présence d'une femme qui se tenait près de lui. Elle lui expliqua le sens de ce qui était représenté et Dosithée demanda alors : "Comment peut-on éviter les tourments éternels ? Elle répondit : "Jeûne, ne mange pas de viande et prie constamment Dieu". Puis elle disparut. La tradition l'identifie comme la sainte Mère de Dieu. 

Dosithée fut tellement inspiré qu'il décida de suivre ce conseil céleste et demanda à être accepté dans le monastère dirigé par Abba Seridus. Il y rencontra les grands saints Dorothée, Barsanuphe et Jean. Après avoir été accepté au monastère, Dosithée se vit imposer l'obédience de travailler à l'infirmerie pour soigner les malades.  Sous la direction de l'abbé Dorothée, il fut formé à la discipline de l'abstinence et du jeûne, en diminuant progressivement la quantité de nourriture qu'il mangeait chaque jour. Dorothée libéra le jeune moine de la vexation et de la colère, en lui disant que toute parole désobligeante prononcée à l'égard d'un malade est adressée au Christ lui-même. Par son obéissance inconditionnelle, Dosithée libéra son âme des passions. 

Au bout de cinq ans, Dosithée tomba malade, mais il supporta patiemment ses souffrances, pria constamment et ne se plaignit jamais. Peu de temps avant sa mort, il demanda qu'un message soit envoyé à saint Barsanuphe : "Père, accorde-moi le pardon. Je ne peux plus vivre longtemps." Celui-ci lui répondit : "Prends patience, mon fils, la miséricorde de Dieu est proche." Quelques jours plus tard, Dosithée envoya un autre message : "Mon maître, je ne peux plus vivre." Le saint le bénit de partir vers Dieu et demanda au moine mourant de prier pour tous ses frères lorsqu'il se tiendrait devant la Sainte Trinité.

Sts Barsanuphe et Jean de Gaza

Les frères étaient étonnés que le grand Abba Barsanuphe demande les prières du jeune moine qui n'était au monastère que depuis cinq ans, sans aucun accomplissement ascétique (ils n'avaient pas vu ses vigiles de prière et son abstinence). Plus tard, un ascète expérimenté priait pour que la dernière demeure des pères défunts du monastère lui soit révélée. Dans un rêve, il vit le jeune Dosithée parmi ces pieux anciens. Il devint ainsi évident que Dosithée était compté parmi les saints pour sa parfaite obéissance à son staretz.

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La lecture de l'Évangile d'aujourd'hui est la parabole du fils prodigue (Luc 15, 11-32). Une fois de plus, le symbolisme est très poussé : l'homme aux deux fils représente Dieu et les deux fils représentent les deux caractéristiques humaines, les justes et les pécheurs. 

Les dons de Dieu sont nombreux et sont accordés à chacun d'entre nous. Le commentaire nous rappelle que toutes ces choses données par Dieu peuvent être considérées comme des biens et que cela inclut le ciel, la terre, l'ensemble de la création, la loi et les prophètes. La dernière génération pécheresse, symbolisée par le fils cadet, a fait du ciel un dieu, a adoré la terre, a rejeté la loi de Dieu et a persécuté les prophètes. Dieu nous accorde ses bénédictions à tous, mais n'oblige personne à Le servir s'il n'en a pas la volonté. S'il avait voulu nous contraindre, il ne nous aurait pas donné le libre arbitre. 

Les tribulations du Fils prodigue

Le fils cadet s'en alla dans un pays lointain. Lorsque nous nous rebellons contre Dieu, nous nous éloignons de lui. Alors que la vertu peut être une entité simple et unique, le vice opposé peut avoir de multiples facettes et être complexe ; une erreur en entraîne et en crée une autre. Le fils cadet a tout gaspillé par son propre choix. Il y eut alors une grande famine et le jeune homme commença à souffrir. La famine était une absence de pain, mais c'était aussi l'absence de tout ce qui était bon, à savoir les bénédictions de Dieu. C'est ainsi qu'il commença à être dans le besoin. Il nous est rappelé que ceux qui craignent l'Éternel ne manquent de rien (Psaume 33:9).

La description de la situation du fils cadet, qui s'est soumis à un étranger, vraisemblablement un païen, et qui vit avec des porcs, symbolise la profondeur de sa déchéance, en ce sens qu'il s'est éloigné du droit chemin autant qu'il est possible de le faire. 

Il avait perdu la raison en rejetant tout ce qu'on lui avait enseigné depuis son plus jeune âge. Pourtant, les yeux de son esprit se sont ouverts. Il est revenu à lui lorsqu'il a pensé que même les serviteurs à gages recevaient de la nourriture. Nous voyons ici symbolisés ceux qui rejettent leur foi et renoncent à Dieu ; car même les catéchumènes, qui n'ont pas encore reçu le sacrement du baptême, sont nourris spirituellement par l'écoute de la Parole de Dieu. 

Le fils cadet dit : "Je me lèverai et j'irai vers mon père". Les premiers mots sont significatifs : Je me lèverai. Décidé à ne plus se complaire dans la saleté et l'apitoiement, il s'arrache à la fange et se lève. C'est ainsi qu'il a commencé à se repentir. Lorsqu'il se comportait mal, son père ne l'observait pas. Ainsi, lorsqu'un homme pèche, il agit comme s'il n'était pas sous le regard de Dieu. 

En retournant chez son père et en admettant ses fautes, le jeune homme fut accueilli avec joie. Son père l'embrassa et le serra dans ses bras en signe de pardon et de réconciliation.  Les serviteurs, symbolisant ici les anges, ont servi le jeune pénitent et lui ont rendu sa robe, qui peut être considérée soit comme le vêtement d'incorruptibilité, que nous portions avant notre premier péché, soit comme le vêtement honoré du baptême, qui est la première chose que nous avons reçue après être entrés dans l'Église de manière sacramentelle. 

Le frère aîné entre maintenant dans l'histoire. Il a entendu la nouvelle du retour de son frère cadet et de la réaction de son père. La question qui se pose est la suivante : comment le fils, qui a été loyal dans son service à son père, peut-il céder à une telle envie apparente ? La réponse se trouve dans le contexte dans lequel cette parabole fut racontée. Regardez les événements précédents et les paraboles qui ont été racontées auparavant en réaction aux Pharisiens, qui se considéraient comme purs et justes, et qui ont donc critiqué avec indignation le Seigneur pour avoir accueilli des prostituées et des publicains. Il est parfois difficile de comprendre le jaillissement de la compassion de Dieu. 

Dans son commentaire, Théophylacte observe : Dans cette parabole, le Seigneur dit donc aux pharisiens des paroles comme celles-ci :  "Supposons que vous soyez aussi justes que le fils aîné et que vous plaisiez au Père, je vous prie, vous qui êtes justes et purs, de ne pas vous plaindre, comme l'a fait ce fils aîné, de la joie que nous manifestons pour le salut du pécheur, qui est aussi un fils.

Le message de la parabole aux Pharisiens, et en fait à nous tous, est de ne pas être contrariés lorsque la miséricorde est manifestée à l'égard des pécheurs, de peur que nous soyons perçus comme remettant en question les jugements de Dieu, Qui seul peut sonder nos cœurs et nos esprits. Notre Dieu miséricordieux peut en effet voir une vertu secrète qui n'est pas apparente pour les autres, mais qui est la cause pour laquelle Dieu regarde favorablement cette âme.

Dans le kontakion de ce dimanche, nous lisons : Quittant follement ta gloire paternelle, dans le mal j'ai dispersé la richesse que Tu m'avais donnée- Et je Te dis les paroles du fils prodigue: J'ai péché contre Toi, Père compatissant! Reçois-moi qui me repens. Et fais de moi l'un de tes serviteurs.

Le retour du Fils prodigue ( Rembrandt)

Le kontakion est chanté dans le Canon à Matines. Aujourd'hui, nous ne pouvons manquer de remarquer que, bien que le sujet soit, en théorie, le fils prodigue de la parabole, tout le texte du Canon est exprimé à la première personne. Cela doit nous faire réfléchir. 

Le retour du Fils dans l'Amour du Père




La parabole a été racontée comme une instruction aux Pharisiens. Récemment, dans les lectures de l'Évangile du dimanche, nous avons beaucoup entendu parler de leurs attitudes de jugement. Nous savons combien il est facile d'adopter cette mentalité. Dans l'histoire de ce pays, nous avons vu le puritanisme être confondu avec la pureté. 

Ste Marie l'Egyptienne


Ce dimanche, l'exemple du repentir du fils prodigue nous est donné, mais le concept n'est pas spécifique à un sexe. Au milieu du Grand Carême, nous entendrons la lecture liturgique de la vie de sainte Marie d'Égypte, autre exemple d'égarement dans la jeunesse et de repentir subséquent.

L'Église nous donne toutes ces choses pour notre instruction et nous pouvons y voir un thème continu. Alors, pourquoi le Canon est-il à la première personne ? La réponse est que nous sommes mis en garde contre la mentalité du pharisien qui aurait pu dire : "Dieu, je Te remercie de ne pas avoir passé ma jeunesse comme le fils prodigue".

Voici quelques citations tirées du Canon :

J'étais esclave de l'étranger, exilé dans le pays de la corruption, et j'étais rempli de honte. Mais maintenant je reviens, Seigneur miséricordieux, et je crie vers Toi : j'ai péché. (extrait de l'ode 5)

J'ai gaspillé dans une mauvaise vie les richesses que le Père m'avait données, et maintenant je suis réduit à la pauvreté. Je suis rempli de honte et esclave de pensées stériles. C'est pourquoi je crie vers Toi Qui aimes les hommes : Prends pitié de moi et sauve-moi. (extrait de l'ode 6)



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