"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 1 décembre 2018

Le Journal LA CROIX a propos de la crise: Constantinople bouleverse la carte de l’orthodoxie européenne


Le Saint Synode a décidé l’intégration et le rattachement des paroisses de l’archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale aux différentes métropoles du Patriarcat de Constantinople dans les pays où elles se trouvent.



Par un communiqué publié le 28 novembre, le Patriarcat de Constantinople a annoncé avoir décidé dans sa session du 27 novembre de « révoquer le tomospatriarcal de 1999 » par lequel il octroyait « le soin pastoral et l’administration des paroisses orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale à son archevêque-exarque ». Dans les faits, cette révocation signe la disparition de cet archevêché, et le rattachement de ces paroisses aux métropoles du Patriarcat de Constantinople dans les pays où elles se trouvent.
Issue de l’émigration russe blanche en Europe occidentale à l’époque de la révolution bolchevique de 1917, l’archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale est rattaché au Patriarcat œcuménique de Constantinople depuis 1931. Clercs et fidèles émigrés avaient à l’époque refusé de demeurer sous l’autorité d’un Patriarcat de Moscou perçu comme soumis au pouvoir soviétique. Marquées par l’exil, ces paroisses avaient conservé une tradition spirituelle russe, et célèbrent tout ou partie de la liturgie en slavon.

Renforcer le lien avec Constantinople

Reconnu comme exarchat temporaire par Constantinople en 1931, l’archevêché des églises russes en Europe occidentale avait été élevé en 1999 au statut d’exarchat permanent par un tomos (décret) de l’actuel patriarche Bartholomeos. C’est cet acte qui a été révoqué par le Saint Synode du Patriarcat œcuménique réuni à Istanbul du 27 au 29 novembre.
« Les circonstances historiques ayant conduit à la création d’une telle structure au lendemain de la Révolution russe d’octobre 1917 (…) ont profondément évolué », affirme le communiqué du Synode. « La décision d’aujourd’hui a pour but de renforcer encore plus le lien des paroisses de tradition russe avec l’Église mère du Patriarcat de Constantinople. »
Le Saint Synode a déclaré vouloir « rassurer » les fidèles de ces paroisses en précisant avoir décidé leur intégration et leur rattachement « aux différentes saintes métropoles du Patriarcat œcuménique dans les pays où elles se trouvent », tout en continuant à « assurer et garantir la préservation de leur tradition liturgique et spirituelle ». Les paroisses françaises se trouveront ainsi intégrées aux paroisses de la métropole orthodoxe grecque de France, dirigée par Mgr Emmanuel Adamakis. Le communiqué ne précise pas dans quel cadre et selon quelles modalités sera assurée cette préservation

Trouble dans l’archevêché

L’annonce inattendue a pourtant jeté un trouble profond dans l’archevêché, qui a précisé dans un communiqué qu’une telle décision « n’a aucunement été demandée », et que l’archevêque Jean, qui a appris cette décision lors d’un entretien privé avec le Patriarche à Istanbul, « n’a pas été consulté préalablement ». L’archevêché a annoncé une réunion de son conseil « dans les jours qui viennent » afin de débattre de la question, et appelle d’ici là ses clercs et ses fidèles à « garder leur calme » et à « se recueillir dans la prière ».
Au trouble se mêle la perplexité des observateurs, qui peinent à discerner les motifs derrière la décision du Patriarcat de Constantinople. « Je suis très étonné par cette décision », avoue Yves Hamant, professeur émérite des universités, « cela va être difficile à avaler pour les paroissiens de l’archevêché, qui célèbrent la liturgie en slavon, accordent une grande place aux laïcs, et sont très attachés à leur autonomie ». Une autonomie qui s’était ouvertement manifestée par un désaccord entre le conseil de l’archevêché et le Patriarcat au moment de l’élection d’un nouvel archevêque en 2013, et qui « ne reçoit pas l’approbation unanime du Patriarcat de Constantinople », note Jivko Panev, maître de conférences à l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge à Paris. « Difficile de déterminer dans quelle mesure cette autonomie a motivé la décision du Patriarcat de Constantinople », nuance-t-il cependant.

Primauté et fidélité

Car outre la volonté de réduire l’autonomie de l’archevêché, aurait également pesé dans cette décision l’ambition pour le Patriarcat de Constantinople d’affirmer plus encore sa primauté honorifique et pratique dans le monde orthodoxe, actuellement mise à mal du fait de graves tensions avec le Patriarcat de Moscou depuis la reconnaissance en octobre par Constantinople de l’autocéphalie du Patriarcat de Kiev.
Cette assertion de la primauté de Constantinople pourrait toutefois avoir un prix. « C’est une manœuvre extrêmement périlleuse, il n’est pas garanti que tous les paroissiens de l’archevêché rejoignent la métropole grecque de France » tranche Antoine Nivière, professeur de civilisation russe à l’Université de Lorraine, rejoint sur ce point par Yves Hamant. Avec en tête l’exemple de la paroisse de Florence, qui a voté le 28 octobre son départ de l’archevêché pour rejoindre l’Église orthodoxe russe hors-frontières (EORHF) administrée par le métropolite Hilarion d’Amérique et de New York.

Pierre Sautreuil

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