En tant que pasteur expérimenté, le Père créa tout un système
d'éducation pour les frères. Voyant que les citadins, surtout les jeunes,
étaient intrinsèquement infantiles, égoïstes et manquant d'initiative, le Père
Benoît conduisait les nouveaux arrivants par des obédiences de travail dans la
grange, les écuries, les poulaillers et d'autres installations agricoles, où au
fil du temps il mettait en évidence la diligence d'un homme, et ses qualités
spirituelles étaient révélées. "Ne cachez pas comment un homme interagit
avec un cheval, et comment il réagit par rapport à lui", aimait-il
répéter. "Si l'homme a un défaut caché, l'animal le ressentira
immédiatement, et cet homme ne l'admettra même pas." Il consacra beaucoup
d'attention aux nouveaux novices et aux candidats à la fraternité. Étant limité
dans son mouvement par sa santé, il appelait les frères dans sa cellule et
discutait avec eux pensivement, essayant de ne rien négliger de leurs vies
antérieures et essayant par la prière de comprendre la place d'une personne
spécifique dans l'Église, et son caractère personnel.
La situation dans les monastères modernes est telle que l'higoumène
porte la charge de la gestion administrative purement externe d'un organisme
aussi complexe. Il y a donc un danger que les questions financières et
économiques «externes», la participations aux longs offices, et la communication
inévitable avec le pouvoir séculier et les invités du monastère ne laissaient
pas à l'higoumène de place pour les questions intérieures, souvent très
compliquées de l'état spirituel de la fraternité. Le nombre des frères à Optina
s'est énormément multiplié, et l'higoumène introduisit un système spécifique de
«startchestvo», où les confesseurs expérimentés dans la vie monastique choisie
parmi les frères étaient responsables de dix à quinze frères. Confessant les
enfants spirituels qui leur étaient confiés, les pères spirituels résolvaient
les embarras émergents et multiples avec l'higoumène lui-même, qui, les convoquant
régulièrement, leur demandait brièvement qui vivait comment, et lui-même ne
confessait que les pères spirituels.
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Un tel système peut prendre la forme d'une «information» subtile, mais
le Père Benoît n'eut jamais eu l'intention d'asservir quelqu'un à lui-même - il
voulait seulement l'aider à vaincre diverses passions. Pour l'inconduite la plus
grave, les confesseurs incitaient le moine lui-même à aller révéler l'acte à
l'abba du monastère, qui, en avertissant paternellement l'offenseur, lui
imposerait une pénitence s'il le jugeait nécessaire. C'était étonnant qu'avec
les offenses les plus graves des frères, avec le repentir correspondant, le
Père Benoît n'appliquait pas de pénitence. Le péché lui-même était le poids que
le transgresseur portait.
Version française Claude Lopez-Ginisty
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