Saints Pierre et Fébronie
(Peinture d'Alexandre Prostev)
Tout a commencé avec nos ancêtres, Adam et Eve. Ils ont reçu un commandement au Paradis de ne pas goûter de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (cf. Genèse 2:17). Le commandement de ne pas "goûter de ceci ou cela" est bien connu de tout chrétien orthodoxe. C'est le commandement de jeûner, le plus ancien, facteur du début de la vie de famille…
Comme nous le savons, la première famille a été tentée par Satan, l'ancêtre de tous les maux. Cet envieux ne pouvait pas regarder tranquillement leur vie heureuse. Adam et Eve ont enfreint le commandement de ne pas manger. Le Seigneur les a appelés à rendre des comptes. Alors, ils ont essayé de placer leur propre faute sur quelqu'un d'autre, comme s'ils n'étaient pas du tout coupables. Non seulement cela, mais Adam a blâmé son épouse, que, comme il l'a souligné, il avait reçue de Dieu. C'est ainsi que la chute dans le péché est arrivée, et les gens ne se sont pas repentis de ce qu'ils avaient fait. Le Seigneur les a privés du Paradis, et leur a donné une pénitence.
Rappelons brièvement les paroles de cette pénitence de Dieu. Il fut dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. (Genèse 3:16). Pour le mari, le Seigneur a dit: à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. (Genèse 3:19).
Les souffrances sont entrées dans la vie des êtres humains. L'endurance à la souffrance est une partie importante de l'ascétisme.
Notre tâche est de nous rappeler que les peines sont venus à la suite des péchés. Nous devons les supporter sans colère, sans murmurer contre Dieu. Il est pénible d'être malade, douloureux de mourir (pour retourner à la poussière). Ce sentiment de la douleur doit être fondu dans la repentance. Ensuite, ces pensées d'oppression de la mort peuvent devenir exaltées; elles peuvent devenir souvenir de la mort.
Après la chute, Adam a dû non seulement travailler: il a dû travailler dur. Voilà comment c'était dans sa vie, et c'est ainsi dans la nôtre. Chaque homme doit réfléchir à la façon dont il se nourrira lui-même et sa famille. Il doit parfois faire un travail qui est à la fois difficile et triste.
L'Archimandrite Serge (Chevitch) a souvent trouvé que ses paroissiens ont parfois été écrasés par le travail qu'ils avaient à faire chaque jour. Père Serge leur a souligné que les travaux pour une personne mariée est le même que l'obédience pour un moine. Comme nous le savons, les moines ne choisissent pas leur obédience selon leur propre goût. Le moine fait tout ce qu'il doit faire pour lequel il a reçu la bénédiction. Qu'elle soit inintéressante et ennuyeuse, l'obédience habitue néanmoins un moine à couper sa propre volonté, et, en conséquence, à faire la volonté de Dieu. Pour Adam et ses descendants, la volonté de Dieu est de vivre après la chute dans des conditions non paradisiaques, de ne pas se plaindre à ce sujet, et de se repentir. Ils devraient aussi espérer en Dieu, qui conduit le peuple à Son Royaume.
Pour une femme, un moment d'épreuve particulier est la grossesse. Elle doit penser davantage à son enfant qu'à elle-même, à accorder une attention particulière à sa santé, maintenir à un régime, et, peut-être laisser un emploi lucratif pour le bien de son enfant, renoncer à son évolution de carrière prévu. C'est son ascèse de maîtrise de soi. Ceci sans parler de la douleur de l'accouchement, et des soins sans interruption et des tracas engendrés par le nouveau-né.
Les parents du bébé doivent se priver du repos de base, et sont privés de sommeil. Ils s'inquiètent de leur petit enfant, et prient pendant les périodes d'anxiété pour le bien-être de leur enfant: "Seigneur, tu sais toutes choses, et Ton amour est parfait. Prends l'âme de (Nom), et fais ce que je veux faire, mais que je ne puis pas faire."
Et si l'enfant est né handicapé... Quelle foi en la Providence de Dieu est nécessaire pour supporter cette lourde croix!
Presque immédiatement après la naissance d'un enfant un grand travail commence: l'éducation de l'enfant. Même si nous prenons le côté non-religieux de la question, nous savons que nous ne pouvons pas nous en tirer sans l'aide de Dieu. Père Gleb Kaleda avait raison quand il insistait pour que le fondement de l'éducation et de l'enseignement soit placé dans la famille, tandis que l'école et l'université ne servent qu'à compléter ce qui a été fait dans la famille. Le supplément est important, mais il ne fait que renforcer la chose principale.
Souvent, nous voyons qu'à l'école les enfants sont tenus de mémoriser des informations, mais on leur apprend très peu comment penser par eux-mêmes. On leur enseigne encore moins la morale. Que faire dans ce cas? La famille doit pallier les insuffisances de l'éducation et d'une éducation impersonnelle et commerciale, ceci si les parents prennent au sérieux le bien de leur enfant, et non pas seulement ses besoins physiques, mais aussi à ses besoins affectifs. Tout cela prend beaucoup d'années de patience.
Les parents sont également appelés à s'occuper des besoins spirituels de leur enfant. Il serait bon d'enseigner au petit enfant à prier (dans la majorité des écoles et des universités, on ne lui enseignera pas à prier à Dieu). Mais pour ce faire, les parents eux-mêmes ont besoin de savoir comment prier avec attention, afin de comprendre le langage de la prière, et d'expliquer de manière accessible l'essence des offices de l'église à leur enfant. Lorsque l'enfant grandit jusqu'à l'âge scolaire, il devrait être prêt pour sa première confession. Comment les parents peuvent-ils lui expliquer ce qu'est le péché, et pourquoi il a besoin de confesser au prêtre ses péchés. Là, un exemple personnel est nécessaire, les efforts personnels des parents sur le chemin spirituel. Si la mère amène l'enfant à la Communion, mais qu'elle-même n'approche pas du calice ou ne va pas à la confession, si le père ne va que rarement à l'église, alors il sera très difficile de convaincre l'enfant que nous avons tous besoin des sacrements de l'Église.
Dans la maison où il n'y a pas de compréhension des temps du petit-déjeuner, du déjeuner et du dîner, où tout le monde mange quand il le veut (et même quand il ne veut pas), il est difficile pour un enfant d'assimiler le concept de jeûne. "Vous ne pouvez pas amener les enfants à jeûner s'ils sont autorisés à manger quand ils le veulent, s'ils sont autorisés à courir à travers la maison avec un morceau de pain et de saucisse ou un biscuit. La régularité de la prise d'aliments est, si vous voulez, le début de l'ascèse chrétienne... Par la prière avant le repas une personne apprend à tout commencer par la prière. S'il y a des visiteurs dans la maison et qu'il n'est pas possible de prier en face d'eux, il est important que tous les membres de la famille se signent ne serait-ce que mentalement... Il est nécessaire de cultiver à la fois les formes évidentes et secrètes de la vie chrétienne de tous les jours," disait Père Gleb Kaleda. [*] La vie domestique peut devenir un bon soutien de la vie spirituelle, mais elle peut aussi devenir une obstruction profonde à celle-ci.
La passion de la philautie [amour de soi] se distingue comme le pire ennemi de la famille. L'égoïsme est un ennemi dangereux.
Quand dans un couple marié, l'un ne veut pas céder à l'autre dans quoi que ce soit, chacun gardant morbidement son propre orgueil; si chacun décompte en permanence les fois où il a fait quelque chose pour la famille, alors la famille va peu-à-peu s'écrouler. Si les couples laissent facilement place à la colère, argumentent pour des bagatelles, et ne peuvent pas vivre en paix avec les parents proches de chacun d'entre eux, alors ils se sentent malheureux, et leurs enfants absorbent leur mauvais exemple. Comme il est difficile d'élever des enfants par notre propre exemple!
Un véritable travail ascétique est requis des parents afin de ne pas laisser l'éducation de leurs enfants à la télévision, aux groupes de l'internet, ou aux rues. C'est la première chose, d'autre part, les enfants ne doivent pas être torturés avec un excès de soin. Après tout, un excès de soin conduit à l'infantilisme, à l'introversion, et parfois même à la rébellion contre les parents.
La famille est une école d'amour.
Toute l'ascèse chrétienne est dirigée vers l'acquisition de l'amour. Le Christ Sauveur résumait tous les commandements à deux: l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Saint Théophane le Reclus compare l'amour à un feu: si nous ne jetons pas des bûches dans le feu, il s'éteint; si l'amour entre mari et femme n'est pas alimenté avec des gestes d'amour, il finira par mourir. Et quels sont ces actes d'amour? Ce sont les actes de soins de base pour les autres, des signes évidents et non évidents d'attention. C'est la capacité pendant les querelles de surmonter les flambées de colère et d'être le premier à venir faire la paix. C'est la possibilité de prendre vos penchants égoïstes en main, de corriger vos actions, en pensant toujours en vous-même: "je ne suis pas seul."
Père Gleb Kaleda décrit très bien et en détail dans son livre L'Eglise Domestique** [Домашняя Церковь], la vie ascétique dans une famille. Son livre est fermement soutenu par la tradition orthodoxe qui s'est transmise à travers les âges, mais il ne ferme pas les yeux sur les détails complexes de la vie chrétienne de notre temps.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Note:
[*]Père Gleb Kaleda, professeur à l'Université d'Etat de Moscou, a vécu à Moscou à l'époque soviétique, et il a été secrètement ordonné prêtre. Dans son milieu, il était souvent dangereux de dire des prières avant les repas et de se signer en présence de personnes non proches de la famille, car on ne savait jamais qui rapporterait cette manifestation de la foi chrétienne aux autorités.
[**] Le livre du Père Gleb Kaleda est paru aux Editions du Cerf (Dans la Collection "Catéchèse Orthodoxe") en l'an 2000, sous le titre L'EGLISE AU FOYER. Voir notice ICI
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Pour la vie de sainte Fébronie et de saint Pierre, voir le site du moinillon
Icône de saint Pierre et sainte Fébronie
(moine et moniale sous les noms de David et Euphrosyne)
Couvent de la Trinité de Mourom
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Les moniales du couvent de la Sainte-Trinité recensent depuis les années 1990 les miracles effectués par les prières des saints Pierre et Févronia : les parents stériles ont la joie de donner naissance à un âge avancé, les couples en instance de divorce se réconcilient.
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