Depuis, cette phrase fait partie
de l'histoire de notre famille. Cependant, je ne sais toujours pas pourquoi je
n'ai pas été arrêtée, d'autant plus que des articles ont été publiés à la fin
dans les journaux de Vologda sur "une certaine famille, venant d'un pays
capitaliste, qui corrompt la jeunesse soviétique." Dans ces années-là, ces
articles précédaient habituellement une arrestation.
J’ai peut-être été aidée par le
fait que j'étais allée en Géorgie pendant deux mois, à l'insistance de ma mère,
et avec la bénédiction de mon père spirituel, afin d'essayer d'obtenir un appartement
pour notre famille, pour avoir souffert des répressions staliniennes. Mais il
me fut interdit de retourner dans la province de Vologda, et afin de continuer
à travailler dans l'Église, j'ai dû déménager en Estonie.
Une page
du livre de Tchertkov,
Pourquoi c'est si Terrible.
Le texte
se lit comme suit :
Le Dieu
rusé a beaucoup de cachettes.
*
L'histoire ne s'arrête pas là, et, gloire à Dieu! Le fait est que,
après presque un demi-siècle, Mère Magdalena a appris le sort de l'ancien
prêtre. Elle devait se rendre à Riga pour un traitement médical, et elle a
rencontré la fille du prêtre Séraphim, qui servait dans cette ville.
*
Cette jeune femme aimable m'a
dit qu’avant que son père ne devienne prêtre (à l'époque soviétique), il était
lecteur dans l'une des églises de Riga, et que dans la même église, il y avait
un autre lecteur: Tchertkov. Comment est-ce arrivé? Tchertkov l’a raconté lui
même au Père Séraphim, et ce qui
manquait [dans l’histoire] à été complété par les paroissiens plus âgés.
Il s'avère que, lorsque la vague
de persécutions de Khrouchtchev s’arrêta, les autorités dirent adieu à ceux
"sincèrement égarés, mais qui finalement avaient vu la lumière," ces misérables
qui avaient voyagé dans tout le pays avec leurs conférences athées (et comme certains
d'entre eux sont morts terriblement ! Que Dieu nous en préserve!) et les
laissèrent comme de vieux chiffons
inutiles, dont on n’avait plus besoin.
Un jeune homme étrange a alors
commencé à fréquenter les églises de Riga. Il n'avait pas l'air malade, pas du
tout, simplement tourmenté. Pendant la Liturgie, il se tenait près du mur du
narthex, ne se signant pas, et pleurant seulement. Lorsque l'Hymne des
Chérubins commençait, quand le prêtre lisait la prière secrète concernant sa
propre indignité, ce jeune homme commençait littéralement à trembler, et quittait
l'église en larmes.
Cela dura un certain temps.
Puis, comme Père Séraphim le dit à sa fille, cet homme est venu voir
l'archevêque de Riga et lui a dit son nom: oui, c'était Tchertkov !
Il a raconté son histoire et … il s’est repenti. Il a demandé à ce que son sacerdoce soit restauré. L'archevêque
a informé le patriarche Alexis (Simansky) à ce sujet, et il a reçu de lui la
réponse suivante: Puisque cet homme a renoncé publiquement à sa foi et qu’il a renié
le Christ, il doit donc se repentir publiquement. Ici, nous devons réfléchir
pour savoir s’il aurait été possible pour Tchertkov de se repentir publiquement,
pour des raisons purement techniques: il ne pouvait guère avoir eu une telle
opportunité, et le gouvernement n'aurait guère répondu à son initiative pour
lui fournir un moyen de ce faire. De toutes façons, Tchertkov ne devint pas prêtre,
mais on peut espérer qu'il consacra le reste de sa vie au service sincère du
Christ et de Son Église en tant que lecteur. En effet, on avait grand besoin de
lecteurs à l'époque!
On dit que ce lecteur de l'Eglise
est mort dans les années 1990, et qu’il est enterré dans le cimetière de Riga. Que
le Royaume des Cieux lui soit accordé!
Pendant toutes ces longues
années, pour moi ,cette histoire est restée en quelque sorte inachevée. Triste,
tragique, intrigante, mais inachevée. D'une part, j'ai vu de mes propres yeux
un chrétien apostat, mais d'autre part, j'ai également vu la grande miséricorde
du Christ envers un homme repentant.
Tchertkov aurait facilement pu m’envoyer,
moi et toute ma famille, en prison ou en exil, il aurait seulement été
nécessaire de mettre le bon document sur la table au bon moment. Il ne l'a
pas fait. Lors de sa rencontre avec les militants athées, il ne se laissa pas aller
à se moquer du sacrement de la Communion, ce qui implique qu'il y avait quelque
chose qui lui permettait d’en appeler au Christ, de tendre la main vers Lui, et
le Christ lui-même à cause de cela, pouvait prendre sa main et le sortir de là.
Cela signifie que, après un demi-siècle, j’ai pu lire une histoire vivante de
l’Evangile sur le salut de Pierre dans les profondeurs de la mer de Galilée,
sur le repentir de Pierre!
Les voies du Seigneur sont au-delà de notre
compréhension, mais combien elles sont merveilleuses! Bien sûr, je prie pour
cet homme.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire