Résistance
Sans
jamais ouvertement s’opposer aux autorités soviétiques, le Père Tavrion ne leur
cédait en rien. Par exemple, en 1977, pour le soixantième anniversaire de la
révolution, on avait ordonné à toutes les églises de célébrer des offices
d'intercession pour le bien-être des autorités. Ces offices furent célébrés et des
sermons prêchés dans toutes les églises. Le staretz marqua l'événement avec le
plus bref des sermons: «Donc, vous voyez combien il est bon, très tôt le matin,
que nous glorifiions Dieu à la Divine Liturgie. Mais que font-ils maintenant
dans les villes? Ils crient « Gloire ! Mais gloire à qui? » Bien
sûr, il ne célébra pas d’offices d'intercession.
Pourquoi
le gouvernement toléra-t-il l'existence d'un tel monastère? Il y avait
plusieurs raisons:
Tout
d'abord, il y avait l'extraordinaire capacité du père Tavrion de parler aux
représentants du gouvernement. Un jour, le staretz fut soudainement convoqué à
Moscou. Tout le monde était bouleversé et pleurait. Ils pensaient qu'ils ne le
reverraient jamais plus. Il fut interdit à quiconque de voyager avec lui.
Cependant, une moniale, qui jusque-là avait fortement détesté le staretz et
avait même porté plainte contre lui auprès de l’higoumène, était maintenant
plus bouleversée que quiconque et secrètement elle partit dans le même train
que le père Tavrion.
L'accusation
contre le père Tavrion était complètement ridicule. Apparemment, certains
pèlerins s’étaient plaints que le staretz avait pris de l'argent de leur part pour
des commémorations et ne leur avait pas donné un reçu. L'idée du KGB était que
le staretz se troublerait, serait incapable de répondre et qu’il serait alors
arrêté. Cependant, comme s'il s'attendait à leur plan, il fit semblant d'être
un fonctionnaire soviétique exemplaire: «Bien sûr. J'ai apporté exprès tous les
livres de comptes avec moi, s'il vous plaît, vérifiez. » Et ils dûrent le
laisser partir.
La
deuxième chose qui a préservé le couvent était l'argent. Trois diocèses
(Lettonie. Lituanie et Estonie) étaient soutenus financièrement par d'immenses
sommes venant de toute la Russie. Les moniales ont raconté que des camions
entiers de farine de sarrasin, etc étaient envoyés au monastère voisin de
Piukhtitsa en Estonie. Tous les chauffeurs de taxi connaissent le couvent et
conduisaient joyeusement «au petit staretz qui donne beaucoup.»
En
général, le staretz réussissait à obtenir tout ce dont avait besoin le Couvent
des autorités avides d'argent. Par exemple, en Union soviétique, il était
interdit de construire des églises ou autres bâtiments dans les monastères et les
couvents. Le staretz, selon ses propres termes, «avait l’habitude d’attendre
des occasions favorables». Il invitait les fonctionnaires et, tout en leur
donnant quelque chose à manger, disait qu'il avait besoin de construire un
établissement de bains. Les Lettons, qui étaient très propres et soignés, donnaient
l'autorisation pour un établissement de bains et la construction commençait.
Inaperçu, un deuxième étage était ajouté à la petite maison de bains, où les
pèlerins pouvaient passer la nuit. De la même manière un réfectoire et une
cuisine gigantesque furent construits sur le bûcher.
La
troisième raison pour laquelle la vie du couvent était paisible était l’exceptionnellement
bonne attitude de l'évêque diocésain envers le staretz. Le staretz n’enseignait
jamais aux gens la haine des communistes, mais la haine de l'esprit communiste,
l'esprit de l'Antéchrist. Ainsi, quand les gens venaient au couvent des
paroisses modernistes, il les réprimandait beaucoup plus qu’il ne le faisait
pour les communistes, dont les mères et les épouses venaient souvent en visite.
Un
jour les deux artistes qui faisaient de l’art abstrait sont venus. Le staretz ne
leur dit rien pour eux personnellement, mais dans son sermon du soir (il donnait
le sermon deux fois à la Liturgie, une fois après l'Evangile, une fois à la fin
du service, puis deux fois dans la soirée), il déclara: «Nous devons garder les
règles de l'Église sur la manière de recevoir la Communion, comment jeûner et
ainsi de suite. Mais si vous ne voulez pas les garder, alors que dois-je, moi prophète, vous dire? Et en regardant
directement les artistes, il a presque crié. «Hors de l'église. L'un d'eux est
parti le lendemain, l'autre resta un peu plus longtemps, mais il respecta
toutes les règles du couvent. Lorsque, dans ses dernières années, le staretz reçut
des lettres de ces modernistes, il grogna presque: «Brûlez les lettres, brûlez-les! Ayez pitié
de moi, je suis malade, je n'ai pas le temps. » Mais en même temps, pour
les lettres de gens simples, croyants ou qui voulaient croire, il avait à la
fois la force et le temps de répondre.
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