"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 7 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Jacques de Borovitchi


Saint Jacques de Borovitchi
(22 mai)

De toutes les vies de saints russes, la plus inhabituelle est celle de Jacques de Borovitchi. On ne connaît rien de son combat spirituel dans sa vie terrestre, mais on sait qu’il continua son labeur de folie pour le Christ après sa mort. En fait, la période qui suivit sa mort constitue tout ce que l’on sait de lui. Il révéla aussi lui-même certains faits lorsqu’il apparut à plusieurs personnes pieuses.
Jacques arriva à Borovitchi déjà mort et dans des circonstances très miraculeuses. Ceci advint comme suit…
Le fleuve M’sta est très vif et son courant est très fort en toutes saisons de l’année. Au printemps cependant, il devient encore plus turbulent. Pendant la fonte des neiges, au printemps 1540, le Jeudi de la Pâques Lumineuse du Christ, plusieurs citoyens de Borovitchi remarquèrent avec étonnement qu’un énorme bloc de glace flottait dans le courant, à contresens du flot tumultueux. Leur étonnement s’accrut encore plus quand la glace arriva près des rapides écumants de Borovitsky et se mit à flotter calmement vers eux. Comme cela s’approchait de la rive, ils virent, encore plus stupéfaits qu’auparavant, un cercueil ouvert qui reposait sur le bloc de glace. Dans le cercueil, gisait le corps d’un garçon mort. Le voyant, les paysans furent alarmés. Ayant peur, ils s’emparèrent de longues perches et repoussèrent la glace loin de la rive. Mais la glace, mûe par une force invisible, revenait au même endroit sur le rivage. Les paysans en détresse, prirent alors des cordes, les fixèrent au bloc de glace et le halèrent dans le courant descendant, à environ deux verstes en contrebas du village.
Au lever du soleil, le jour suivant, le bloc de glace fut retrouvé au même endroit. Ils le poussèrent à nouveau au loin, en contrebas sur la rivière, mais il revint une troisième fois. De plus, cette nuit-là, le jeune homme décédé apparut à de nombreux hommes pieux et honorables de Borovitchi et leur fit des reproches, disant : «Puisque vous êtes vous-mêmes chrétiens, pourquoi me repoussez-vous sans pitié bien que je sois moi aussi chrétien ? Si vous désirez savoir mon nom, je suis Jacques, qui porte le même nom que le saint apôtre Jacques».
Au matin, ces hommes relatèrent la vision les uns aux autres puis ils se précipitèrent à la rivière pour sortir le cercueil de la glace. Une chapelle fut spécialement construite pour y mettre les reliques.
Ainsi, par ses voies insondables, le Dieu plein de Grâce choisit de glorifier son saint, accordant ses reliques honorables aux fidèles de Borovitchi afin qu’elles accomplissent des miracles et guérissent les maladies. Jacques vint, selon le chroniqueur local, pour affermir la foi des gens. Dans sa vie, il avait été fol-en-Christ et, à présent, par son arrivée inhabituelle à Borovitchi, ses saintes reliques continuèrent son combat spirituel et complétèrent leur ascèse.
Tout ceci fut rapporté par l’archevêque Théodose de Novgorod qui envoya un prêtre du nom d’Ivan et un diacre de la cathédrale de la Sagesse de Borovitchi pour examiner les reliques et les relations de miracles. Ayant observé les reliques, les représentants de Novgorod organisèrent des réunions pour parler de la vie du bienheureux et des guérisons et des miracles attribués aux reliques. Après enquête, les investigateurs se mirent à rassembler une liste complète des miracles manifestés sur le cercueil du saint.
Ayant reçu le rapport sur les résultats de l’enquête, rapport soumis le 2 juin 1544, l’archevêque Théodose en avisa le métropolite Macaire de Moscou et demanda des instructions. Le métropolite répondit par un décret stipulant «qu’une commission soit appointée pour effectuer une translation solennelle des reliques vers l’église proche du Saint-Esprit. Un higoumène d’un monastère honorable, un prêtre et un diacre doivent être choisis à cet effet. Les saintes et honorables reliques doivent être portées jusques à l’église nouvelle érigée de la Descente du Saint-Esprit1 et placées près des portes latérales au sud. Un service funéraire doit être célébré».
En réponse à ce décret, l’archevêque envoya, le 6 octobre 1544, Constantin, higoumène du monastère Saint-Antoine, les mêmes prêtre et diacre de la cathédrale de la Sagesse, et leur ordonna : «Invitez les higoumènes, les prêtres et les diacres des lieux environnants à se rassembler pour un service de commémoration devant le cercueil de saint Jacques». L’archevêque exigea que les reliques ne soient pas enterrées mais plutôt placées dans un sarcophage et dans un sanctuaire. Les saintes reliques du fol-en-Christ Jacques furent déplacées le 23 octobre 1544. Le métropolite Macaire ne permit pas l’établissement d’une fête pour le bienheureux Jacques parce que rien n’avait été révélé de sa vie. L’archevêque Théodose permit cependant la commémoration de la translation des reliques pour l’anniversaire de cet événement.
Après cela, de tels flots de miracles se mirent à sourdre des reliques qu’en 1572, l’archevêque Léonide de Novgorod envoya une nouvelle commission pour examiner «soigneusement et strictement» les rapports des miracles opérés par les reliques du bienheureux Jacques. La commission alla à Borovitchi le 1er février 1572 pour examiner les reliques et commencer l’enquête. L’issue de cette enquête dépassa tous les espoirs. Le 8 février, la commission rapporta à l’archevêque qu’il y avait effectivement beaucoup de guérisons par l’entremise des reliques du bienheureux Jacques. Après ce rapport, on institua un jour de fête pour le saint.
Le 21 février 1657, le patriarche Nicon transféra les reliques au monastère de l’Icône d’Iviron, à Valdaisky, monastère qu’il avait fondé. Les reliques reposèrent dans l’église de la cathédrale. Le canon2 à saint Jacques fut écrit par un certain Ivan (ceci est évident à cause de l’acrostiche dans l’écriture de l’office) qui était probablement prêtre de la cathédrale de la Sainte-Sagesse. Il avait présidé la toute première commission qui avait examiné les reliques.
Le saint est commémoré le 22 mai et le 23 octobre.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (23)



Les questions insidieuses du monde
Ne prouvent pas que les réponses
De la foi humble et pure
Soient inutiles et vaines

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Nativité à la Trinité Saint Serge

mercredi 6 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Laurent de Kalouga



Saint Laurent de Kalouga (10 août)

Comment et quand saint Laurent commença son combat spirituel de folie pour le Christ, nul ne le sait. Il est mentionné dans le Livre de Mémoire de la noble famille Khitrov, sous la généalogie d’un certain Grégoire Khitrov, fils de Syméon, et c’est tout ce que l’on sait de sa parenté.
Laurent vécut à la fin du xve et au début du xvie siècles, pendant l’administration du prince Syméon de Kalouga, fils d’Ivan.
Le bienheureux marchait pieds nus, hiver comme été, portant seulement une longue chemise et une veste en peau de mouton. Il prit une part très active aux besoins et aux peines de ses concitoyens et, par ses prières, il les sauva souvent du danger et de la détresse. Quelquefois, Laurent vivait dans le palais du Prince mais, en général, il allait et venait à sa guise où il le désirait. La plupart du temps, il habitait une cabane dans les bois denses, à une demie verste de la cité, près du site actuel du monastère de Saint-Laurent. A cet endroit, il y avait une colline sur la crête de laquelle était une petite église de la Nativité du Christ. Laurent passait généralement la nuit entière à prier sur les marches de cette église.
A cause des grandes foules d’admirateurs et de gens qui recherchaient ses conseils et s’agglutinaient autour de lui dans l’église, Laurent creusa un tunnel depuis sa cabane jusques à l’église et ainsi il pouvait passer inaperçu et se tenir hors de vue du peuple. Il y avait des services quotidiens dans l’église et Laurent en manquait rarement un seul, sauf s’il vaquait ailleurs aux affaires de Dieu.
Dans les archives du monastère de Saint-Laurent, il est noté qu’en l’an 1512, les Agariens (Tartares de Crimée) s’abattirent sur la cité de Kalouga et le Prince fit une sortie contre eux avec une petite troupe. En ces temps-là, Laurent était dans la maison du Prince et, soudain, il s’écria : «Donnez-moi ma hachette ! Les chiens sont tombés sur le prince Syméon et je le défendrai contre ces chiens». Et le fol-en-Christ sortit en courant de la maison. Le prince Syméon avait alors rencontré les Agariens sur l’Oka et ils se battaient dans des barques. L’ennemi avait encerclé le Prince et l’avait coupé de ses troupes. Soudain, Laurent apparut, brandissant sa hachette et hurlant : «N’aie crainte» ! Aussitôt, l’issue de la bataille changea et le prince Syméon défit les envahisseurs.
Le Prince, revenu du combat, raconta comment les troupes de Kalouga furent complètement défaites et comment lui-même était en grave danger lorsque le bienheureux était soudain apparu et, par ses prières, l’ennemi avait été vaincu.
Le juste Laurent reposa dans le Seigneur le 10 août 1515 et fut enseveli dans la petite église de la Nativité du Christ. Quelqu'un, probablement le prince Syméon, bâtit une petite maison monastique sur le site de l’église, par gratitude pour avoir sauvé Kalouga des Agariens. Les reliques du saint reposent maintenant dans la chapelle qui porte son nom.
D’anciennes icônes du saint sont préservées dans les églises et les foyers de la région de Kalouga. Le 10 août, jour de son trépas, la mémoire de saint Laurent le fol-en-Christ est célébrée à Kalouga par une procession qui va de l’église de la cathédrale au monastère de Saint-Laurent.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (22)



Ton existence toute entière
N'est qu'un bref instant
Avant l'Eternité de Dieu

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

mardi 5 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Saint Isidore de Rostov



Saint Isidore de Rostov
(14 mai)

Le bienheureux Isidore vécut au milieu du xve siècle. Bien que slave par naissance, il vécut à Brannbor (Brandenbourg), une des plus anciennes cités de Prusse. En ces temps-là, les Slaves de cette région étaient durement persécutés par les Allemands afin de les convertir de force au catholicisme romain.
Quand il fut majeur, se sentant encerclé par la foi latine, Isidore résolut d’aller habiter un pays chrétien orthodoxe. Bien qu’il fût d’une classe de marchands prospères, Isidore se débarrassa volontairement de sa richesse et abandonna ses parents et son héritage pour l’amour du Christ.
Nous ne savons pas exactement quand Isidore arriva en Russie mais quand il y fut enfin, il se mit à voyager d’une ville à l’autre, jusques à atteindre la ville très peuplée de Rostov où il s’installa. Le fol-en-Christ trouva une aire marécageuse dans la cité, y choisit un site élevé au dessus de l’eau sur lequel il bâtit une petite hutte de broussailles. Cet abri ne le protégeait ni du chaud, ni du froid, car il n’était pas couvert : il ne faisait que dérober aux yeux des gens ses combats spirituels quand il priait. Saint Isidore passait son temps aux occupations habituelles des fols-en-Christ. La nuit, il priait sans cesse, s’accordant occasionnellement de courts laps de sommeil. Il passait ses journées dans les rues de la ville ou les marchés, à feindre volontairement la folie, reposant parfois son corps las sur un tas d’ordures ou de fumier. Il enseignait ceux qui pouvaient l’être, adressant des reproches aux méchants et il remit de nombreuses âmes sur le chemin du salut. La nuit, il priait pour ceux qui l’avaient offensé et pour ceux qu’il voyait engloutis dans les péchés.
«O, Isidore, l’entendait-on dire quelquefois, tu dois entrer dans le Royaume des Cieux à travers beaucoup d’épreuves» !
L’amour du Seigneur était très grand chez Isidore et le Seigneur l’aimait car il glorifia son serviteur par le don des miracles et de la prophétie.
Un jour, relate le biographe du saint, un marchand de Rostov était avec des amis en mer, durant une terrible tempête. Le bateau ayant probablement heurté un banc de sable cessa soudain d’avancer et commença à être brisé par les vagues. La forte puissance de la mer menaçait de le détruire. Tous ceux qui étaient présents sur le bateau en étaient conscients et, au désespoir, se préparaient à mourir. Mais alors, désespérés, imitant en cela ceux qui voyageaient avec le prophète Jonas, les voyageurs décidèrent de tirer au sort le nom des passagers, pensant que le bateau s’était arrêté à cause du crime de l’un deux. Le sort tomba sur le marchand de Rostov. L’équipage jeta immédiatement le marchand par-dessus bord avec un tronc d’arbre.
Ayant été précipité dans la mer en furie, l’infortuné marchand commença à se rendre à l’idée de la mort. Soudain, le bienheureux Isidore lui apparut, marchant sur la mer comme à pieds secs. Le saint prit le marchand par la main et lui demanda : «Me reconnais-tu» ? Le pauvre homme était à peine capable de respirer. «Je suis le serviteur de Dieu, Isidore». «Aide-moi» ! Le bienheureux Isidore mit le marchand sur le bois et, immédiatement, comme poussée par une main invisible, la poutre commença à suivre le bateau qui s’éloignait. Quand elle arriva à hauteur du bateau, le marchand se retrouva soudain debout sur le pont. Quand les autres voyageurs virent le camarade qu’ils avaient abandonné soudain présent au milieu d’eux, ils furent frappés de terreur et glorifièrent la miséricorde de Dieu.
Le bienheureux Isidore ne voulait pas de la gloire des hommes et avait donc strictement interdit au marchand de raconter ce qui était exactement arrivé.
Bien sûr, les autres passagers et l’équipage ne restèrent pas silencieux sur ce qu’ils avaient vu du miracle mais, quand ils supplièrent le marchand rescapé de donner des détails à ce sujet, il dit que Dieu l’avait sauvé par l’action particulière de sa grâce. Dès que le saint reposa en Christ, le marchand se précipita alors pour dire à tous les détails du grand miracle et toute la cité glorifia Dieu qui est «admirable dans ses saints».
Un autre épisode de sa vie témoigne aussi des dons prophétiques du saint.
Les Oblonsky et les Zubatys, deux branches des grandes familles nobles de la Russie, vivaient dans la province de Yaroslav, près de Rostov. Deux des jeunes princes, Sabbas Oblonsky-Yerlev et Syméon Zubaty-Zinoviev, étaient de proches amis et des compagnons d’armes dans la bataille avec Basile Chemyaka. Un troisième ami, le prince Syméon Nikititch-Lukhovak, qui avait été blessé, était à présent alité et les deux amis décidèrent de lui rendre visite.
A son chevet, ils rencontrèrent des parents du soldat blessé et la famille de son frère, le prince Basile Lukhovsky. Daria, fille du prince Basile, était une jeune beauté et elle ravit le cœur du prince Sabbas Oblonsky. Le prince Syméon était très heureux de la bonne fortune de son ami et il se mit immédiatement à organiser les cérémonies usuelles. Les fiançailles furent célébrées et un mariage d’une inhabituelle grandeur eut lieu, lors d’une somptueuse cérémonie.
Le jour de la fête du mariage, qui eut lieu au domicile de Syméon Lukhovsky, saint Isidore entra dans la maison. Les domestiques de Lukhovsky tentèrent de le jeter dehors, mais il les évita, les tançant ainsi : «Progéniture de Vaska Chemyaka !» et il courut bruyamment dans la salle des fêtes. Il avait dans les mains un couvre-chef tissé d’herbe et de fleurs sauvages. Allant vers le jeune marié, il lui tendit la coiffe à travers la table, en disant : «Voici une mitre d’archevêque pour toi» !
Ce don mystérieux et les étranges paroles du prophète remplirent de confusion le prince Sabbas et ses invités mais saint Isidore disparut rapidement de la salle et on l’entendit dans la rue qui criait avec les enfants.
Le don et les paroles prophétiques du fol-en-Christ ne furent pas vains car, plus tard, ils furent compris de tous. La princesse Daria fut enceinte et elle donna naissance à un fils en allant à Rostov. L’accouchement fut très difficile et causa la mort de la mère. La perte de son épouse bien-aimée ébranla le Prince d’une telle manière qu’il décida de quitter le monde et d’entrer au monastère de Saint-Théraponte. Il fut tonsuré sous le nom de Josaphat et devint plus tard archevêque de Rostov (1481-1489).
Le bienheureux Isidore entrait souvent dans les maisons des gens et, quand il le faisait, il en était souvent chassé sans cérémonie. Une anecdote a été conservée qui rapporte un tel incident…
Le prince Wladimir Andreyevitch de Rostov voulait que l’archevêque Bassien vienne bénir sa maison et prier pour toute sa maisonnée et il invita, pour ce faire, l’évêque à dîner chez lui, un dimanche. Ce jour-là, après la liturgie, le bienheureux Isidore se précipita à la demeure du Prince, bien avant tous les autres. Il entra et demanda à un domestique une boisson pour étancher sa soif. En fait, le fol-en-Christ ne voulait pas boire mais désirait le salut et la bénédiction du Seigneur sur la maison du pieux Prince car «Quiconque donne une coupe d’eau froide en mon Nom, dit le Seigneur, ne perdra pas sa récompense» !
Non seulement le domestique refusa une boisson au saint, mais il le chassa même en lui faisant des reproches. Le saint lui pardonna tout et quitta la maison sans une parole. Mais Dieu daigna glorifier le saint et affermir la foi des pieuses gens. Quand l’archevêque arriva, le Prince et tous ceux qui étaient présents s’installèrent à table pour dîner. Vint le temps de servir les vins. Les serviteurs trouvèrent les récipients vides. Avec crainte, ils allèrent informer le Prince. Celui-ci fut étonné et il alla vérifier leurs dires.
S’inquiétant de savoir qui était allé et venu pendant la journée, le Prince apprit de son majordome que le bienheureux Isidore était venu à la maison avant le dîner, avait demandé à boire, et avait été chassé.
Le Prince comprit le miracle comme une punition pour le rejet du mendiant par le serviteur sans miséricorde. Il envoya immédiatement des messagers pour rechercher le saint et le supplier de revenir chez lui. Mais on ne trouva Isidore nulle part. Le dîner touchait à sa fin et il n’y avait toujours pas de vin. Le Prince était triste et confus. Soudain, Isidore entra, tenant une prosphore dans ses mains. Il avança vers l’archevêque et lui donna la prosphore que, disait-il, il venait de recevoir du métropolite, dans l’église de la Sainte-Sagesse1, à Kiev. Entre-temps, le majordome trouva les récipients remplis. Il informa le Prince et tous les gens présents furent étonnés et glorifièrent Dieu qui accomplit des miracles par son saint caché.
Cet incident dans la maison du prince arriva peu de temps avant la mort de l’ascète de Dieu.
Le bienheureux Isidore reposa en Christ le 14 mai 1474, ayant su d’En-Haut qu’approchait son dernier jour, celui auquel il aspirait ardemment. Le saint ne quitta pas sa hutte pendant les derniers jours de son existence, passant son temps à prier avec force larmes jusques à l’instant de son juste repos.
Au moment où il s’endormit dans le Seigneur, une fragrance inhabituelle se répandit dans toute la cité. Tous furent étonnés et cherchèrent à savoir quelle en était la source. On découvrit que plus on approchait de la hutte du fol-en-Christ et plus la fragrance devenait forte. Un homme s’aventura à jeter un œil à l’intérieur et il vit l’ascète, gisant sur le sol, visage au ciel, bras croisés sur la poitrine. Il annonça à tous la mort de l’homme de Dieu. Le saint fut enterré sur place, à l’endroit même où il s’était endormi.
Le marchand qui avait été sauvé en mer par le fol-en-Christ était à l’ensevelissement. Enfin libéré de son lien de silence, il commença à sangloter et raconta à tout le monde son sauvetage miraculeux. Ayant reçu une bénédiction de l’évêque, ceux qui aimaient et révéraient saint Isidore érigèrent une chapelle de bois près de sa tombe, elle fut dédiée à l’Ascension du Seigneur parce que le saint avait rendu son âme sainte au Ciel la veille de cette fête.
En 1566, par ordre du tzar Ivan Vasilievitch, l’église de pierre actuelle fut construite à la place de l’église de bois. Les reliques de saint Isidore reposaient, scellées dans l’église. Un reliquaire d’argent fut fait en 1815. Un flot continu de guérisons commença à sourdre des reliques du saint.
La célébration du jour de fête du saint commença le jour même de son repos. Treize ans plus tard, son nom apparut dans le calendrier russe. Au commencement du xvie siècle, la fête du saint était célébrée dans toute la Russie. Le concile du 26 février 1547 qui demanda que soient écrits des services liturgiques pour vingt-trois saints, ne mentionne pas saint Isidore dans sa liste, mais nous pouvons en déduire qu’un service complet existait déjà pour lui, avant cette date, et il n’y avait donc nulle nécessité pour le concile de le mentionner.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (21)



La foi n'a nul besoin de preuves
Mais de l'Amour
Et de la douce certitude
Du salut à venir

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

lundi 4 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Jean d'Oustioug


Прокопий и Иоанн Устюжские

Saint Jean d’Oustioug ( Avec Saint Jean Baptiste)
(29 mai)

Au-delà de la rivière Soukhona, dans le village de Pykhov, près du Vieil Oustioug, vivaient Sabbas et Marie, pieux couple d’un certain âge. Un fils leur étant né, ils se souvinrent d’Elisabeth et de Zacharie et le nommèrent Jean. Il advint que ce nom soit prophétique, car le nouveau Jean se révéla imitateur du Prodrome.
Très tôt dans son enfance, Jean commença à mener une vie stricte ; il ne mangeait rien le mercredi et le vendredi tandis que, les autres jours, il ne prenait généralement que du pain et de l’eau. Quand sa mère lui demanda pourquoi il jeûnait aussi sévèrement alors qu’il n’était qu’un enfant, il répondit : «Afin d’être délivré des péchés. Personne, si ce n’est Dieu, n’est exempt de péché. Je ne vais pas commencer à nourrir la chair afin qu’elle puisse devenir mon ennemie».
Finalement, sa famille déménagea à Orlets mais, peu après, Sabbas mourut. Marie entra au couvent de la Sainte-Trinité et son jeune fils vécut avec elle, tout en continuant son combat silencieux. Plus tard, il suivit la voie de la folie pour le Christ et sa mère le laissa en paix faire la volonté de Dieu.
Jean retourna au Grand Oustioug et là, près de l’église de la Dormition, il vécut dans une cabane construite pour lui par le dévoué André Mishnev. Il passa là ses nuits en prière mais, dans la journée, il errait dans les rues avec toute l’apparence d’un fou, à demi-nu, vêtu d’une seule chemise liée à la taille par une ceinture. Suivant l’exemple du juste Procope, Jean, lorsqu’il était las, se reposait souvent sur un tas de fumier. Il se reposait cependant rarement car il priait toute la nuit et accomplissait son combat spirituel de folie pour le Christ pendant la journée, se soumettant constamment à la dérision, aux insultes et aux coups. Il endurait tout cela avec une humilité véritable.
Saint Jean cachait sa vie de prière aux yeux des hommes, de peur que la gloire mondaine ne détruise son âme, mais il ne pouvait cacher sa sainteté à quiconque. Le père Grégoire, pieux prêtre de l’église de la cathédrale était curieux de savoir comment le fol-en-Christ passait ses nuits… Une fois, durant l’hiver, il rampa jusques à la cabane de Jean et l’observa par une crevasse dans le mur. Saint Jean priait, les bras levés aux cieux. Pendant plusieurs heures, il pria pour tous ceux qui lui avaient causé du tort ou l’avaient blessé. Ayant complété ses prières, le saint commença à remuer les charbons de son feu. Se signant, il dit à voix haute : «Que la lumière de ta Face brille sur nous, Seigneur !» et il s’étendit paisiblement sur les charbons ardents. Le père Grégoire fut horrifié. Perdant contrôle de lui-même, il se précipita dans la cabane. Le saint sortit du feu, regarda sévèrement le prêtre troublé et dit : «Je t’interdis de raconter à quiconque ce que tu as vu jusques à ma mort» ! Le prêtre promit d’obéir.
A une occasion, la princesse Marie, femme du gouverneur d’Oustioug, le prince Théodore Krasny, tomba malade avec une sérieuse fièvre. Un serviteur fut envoyé pour trouver le bienheureux Jean et demander ses prières pour la Princesse. Le messager trouva le fol-en-Christ allongé sur un tas de fumier mais, avant même qu’il ne puisse l’approcher, saint Jean demanda : «Et comment va le bon prince Théodore et sa Princesse» ? Quand il fut retourné à la maison de son maître, la Princesse était déjà rétablie.
Saint Jean reposa dans le Seigneur le 29 mai 1494 et fut enterré près de l’église de la cathédrale où il avait passé les premières années de sa vie en combats spirituels agréables à Dieu.
La commémoration de saint Jean fut approuvée par le concile de Moscou de 1547. Ses reliques reposent dans l’église de la Procession de la Croix-Très-Vénérable qui fut construite sur le site de sa tombe.
Le service pour le saint fut écrit par un certain Théophane d’Oustioug, durant le règne du tzar Ivan le Terrible, fils de Basile.
La victoire des Russes à Sapyga, en 1610, et la délivrance d’Oustioug du joug polonais, en 1613, furent attribuées à l’intercession des thaumaturges d’Oustioug Procope et Jean.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (20)



Dans le cœur
Il n'y a ni temps ni lieu
Mais l'éternité
Et la plénitude du Royaume

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

dimanche 3 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Michel de Klopsko


Михаил Клопский

Saint Michel de Klopsko
(11 janvier)

Durant le règne du grand Prince Basile, fils de Dimitri du Don, et le pontificat du métropolite Photius, alors que Théodose était higoumène du monastère de la Sainte-Trinité à Klopsko, apparut soudain le bienheureux Michel et ce, dans des circonstances très inhabituelles. C’était le 23 juin 1408 et l’on célébrait les Matines dans l’église du monastère pauvre et peu connu de la Trinité de Klopsko. Pendant le chant de la neuvième ode du Canon, le hiéromoine Macaire qui encensait l’église alla également encenser sa cellule fermée à clé mais, quand il y arriva, à sa grande surprise, la porte était ouverte et il y avait à l’intérieur un homme en habit monastique. Un cierge était allumé sur le bureau et il copiait le livre des Actes des Apôtres.
Effrayé, Père Macaire parla immédiatement de cela à l’higoumène. Quand les Matines furent finies, l’higoumène et les frères allèrent à la cellule du père Macaire. Trouvant la porte fermée, et verrouillée de l’intérieur, ils la forcèrent et, à leur étonnement général, trouvèrent le moine calmement et paisiblement occupé à continuer son écriture. Quand l’higoumène voulut savoir qui il était et quel était son nom, l’étranger répondit d’une manière folle par les mêmes questions. Cependant, pendant la Divine Liturgie, l’étranger chanta avec les autres moines et il lut même l’épître. Pendant le repas au réfectoire, il lut la vie du saint du jour d’une manière très intelligible et édifiante.
L’higoumène lui donna une cellule, mais toutes les tentatives pour savoir d’où il venait et qui il était restèrent vaines. Le saint s’installa dans le monastère en 1408 et y resta jusqu’à sa mort. C’était un jeûneur strict qui ne mangeait que du pain et ne buvait que de l’eau une fois par semaine. Il avait l’esprit de non-possession et n’avait donc rien dans sa cellule, pas même une natte sur laquelle dormir.
Quand les frères le virent mener une vie tellement agréable à Dieu, dans le jeûne, la prière et la continence, ils commencèrent à l’honorer comme quelqu'un d’important et de saint. Afin de se défendre de l’orgueil et de la gloire du monde, le saint commença à se faire passer pour un fou en toute occasion. Il poursuivit sa vie de folie pour le Christ et de continence jusques au cercueil ! Un jour, pour la fête de la Transfiguration de notre Seigneur, la princesse et le prince Constantin Dimitrievitch visitèrent le monastère de Klopsko. Après la liturgie, le Prince dîna avec les pères au réfectoire. L’higoumène demanda au saint de lire la vie du saint prophète Job le très-souffrant. A l’instant où le prince Constantin entendit la voix du lecteur, il se leva, alla vers lui avec profonde attention, s’inclina devant le moine sans nom. «C’est notre parent, Michel Maximovitch», dit le Prince en se tournant vers l’higoumène.
«Pourquoi cachez-vous votre nom ?» demanda l’higoumène à Michel, respectueusement. «Dieu le sait !» répondit le saint. Il confirma qu’il était bien de l’illustre famille Maximovitch. Les pères commencèrent à trop honorer Michel, mais la renommée et l’honneur des hommes sont ce qu’il désirait le moins et il redoubla donc sa folie pour le Christ.
Néanmoins, la grâce de Dieu qui continuait à croître dans l’âme du juste athlète spirituel fut souvent manifestée visiblement devant tous.
Quand l’archevêque Jean reposa en 1410, le bienheureux Michel dit à l’higoumène Théodose : «Tu seras aussi dans la maison du maître1, mais tu ne seras pas capable d’être à sa table». Après le repos du bienheureux Syméon, en 1420, le peuple de Novgorod élut l’higoumène de Klopsko, Théodose, comme archevêque. Et, conformément à la prophétie de Michel, Théodose fut installé dans la maison du maître mais il n’y passa que deux ans car le conseil communal le força ensuite à se retirer au monastère.
Le prince Constantin avait été privé de son patrimoine par son frère, mais il n’en était pas devenu amer pour autant et il restait un chrétien charitable, très pieux et très prodigue de ses deniers. En 1419, il visita à nouveau le monastère. «Prie pour moi ! dit-il à Michel. Je suis affligé par la perte de mon héritage parental». «Ne t’afflige pas, Prince, le réconforta Michel, mais crois sincèrement en la Très-Sainte Trinité et construis une église de pierre au Nom de la Vivifiante Trinité. Alors, non seulement tu recevras ton patrimoine, mais tu hériteras aussi une demeure céleste et tes frères t’accepteront avec honneur». Le prince Constantin engagea immédiatement des bâtisseurs qui complétèrent en deux mois la construction de l’église qui fut consacrée le 24 septembre 1419. Le jour de sa consécration, le Prince annonça à saint Michel et à l’higoumène qu’il avait reçu son patrimoine.
Une sécheresse terrible arriva aux frontières de Novgorod et dura trois ans. Toutes les sources et même le fleuve Veryaj qui fournissait de l’eau au monastère furent taris. Quand le sacristain du monastère sortit à la recherche d’eau, il vit Michel qui écrivait quelque chose dans le sable, sur le rivage de la rivière à sec. Quand l’higoumène en fut informé, il alla à l’endroit indiqué et lut les paroles qui étaient écrites : «J’accepterai la Coupe du Salut ; à cet endroit apparaîtra une source». Quand l’higoumène demanda ce que cela signifiait, Michel se contenta de répéter les mots qu’il avait écrits. L’higoumène et le saint commencèrent à creuser dans la terre craquelée et, soudain, une source d’eau se mit à couler et produisit assez d’eau pour la population des environs.
Après la sécheresse, il y eut une famine dans le territoire de Novgorod. Des foules de pauvres commencèrent à venir au monastère pour avoir du pain. Comme les réserves s’amenuisaient, l’higoumène commença à s’inquiéter, craignant qu’ils ne soient complètement démunis. «Si cinq mille, sans compter les femmes et les enfants, furent nourris avec cinq pains, dit le saint, et quatre mille furent nourris avec sept pains, devons-nous repousser ceux qui nous supplient de les nourrir» ? Et il pria l’higoumène de nourrir tous ceux qui viendraient. Beaucoup de frères commencèrent à se plaindre que tout le pain était donné, mais saint Michel conduisit l’higoumène et les frères à la remise et ils virent avec étonnement que les réserves de pain n’avaient pas diminué, malgré tout ce que l’on avait déjà donné !
Un jour, alors que l’higoumène était debout dans l’église, pendant la Divine Liturgie, Michel vint vers lui en gloussant et lui dit : «Des invités veulent venir à nous» ! A la fin du service, tandis qu’il quittait l’église, l’higoumène vit trois étrangers dans la cour. «Fais-les venir au réfectoire» dit Michel. L’higoumène les fit entrer. «Nos compagnons sont à l’extérieur du monastère» dirent les visiteurs et l’higoumène ordonna qu’ils soient également invités. Les «compagnons» se révélèrent être trente-trois bandits armés. Le saint les conduisit au réfectoire et ils s’assirent tous pour manger — à l’exception de deux d’entre eux qui surveillaient et ne mangeaient rien. «Pourquoi ne mangez-vous pas, dit Michel, vous pouvez être certains que vos mauvaises intentions ne se réaliseront pas». Ces paroles frappèrent tellement les deux hommes qu’ils tombèrent au sol et furent incapables de prononcer un mot.
Les autres devinrent aussi terrifiés et, craignant que la même chose ne leur advienne, ils firent à l’higoumène une donation, demandèrent qu’il prie pour leurs compagnons qui avaient été projetés au sol et ils s’enfuirent du monastère. Après peu de temps, les deux voleurs commencèrent à revenir à eux. L’un demanda à l’higoumène de devenir moine, l’autre quitta en hâte le monastère. L’higoumène eut peur de tonsurer le bandit repentant mais saint Michel lui conseilla de le faire. Il fut donc tonsuré et mourut peu de temps après.
Le regard clair de saint Michel pénétrait profondément dans le futur et il vit la chute prochaine de Novgorod la Grande qui était pourtant au pinacle de son pouvoir et de sa grandeur.
Un jour, alors que saint Michel était au monastère de Vyashetsky-Nicolaï, le second archevêque Euthyme, fondateur du monastère, y vint en visite. Le bienheureux Michel apparut soudain dans le beffroi, sonnant les cloches aussi vite qu’il le pouvait. Les gens se demandaient ce que cela signifiait. «Aujourd’hui est jour de joie à Moscou», dit le saint à la manière d’un fou. «Un fils est né au grand Prince, son nom est Ivan. Et quel fils ! Il héritera de tout l’empire russe et sera terrible pour les contrées avoisinantes. Il prendra possession de votre Novgorod et abolira votre indépendance». Le 22 janvier 1440, le prince Ivan, fils de Basile (Prince qui fut surnommé le Terrible) naquit. Homme à la volonté de fer, il conquit et humilia cruellement Novgorod en 1471.
Saint Michel censurait aussi librement les puissants. Le premier archevêque Euthyme (1428-1442) avait été décrit comme «plein de convoitise, ayant accablé le monastère à cause de l’usure qu’il pratiquait à son encontre». Rencontrant l’avide hiérarque un jour, le bienheureux Michel fixa sur lui son regard et lui dit sévèrement : «Les lois autorisent-elles le berger à piller son troupeau ? Sais-tu de qui tu es occupé à récolter» ? Euthyme fut si frappé par cette accusation qu’il tomba malade et mourut.
Michel ne fut pas non plus embarrassé pour dire la vérité aux princes. Quand le prince Chemyaka était en exil à Novgorod, il demanda à Michel de prier pour le succès de ses entreprises. Le fol-en-Christ lui répondit : «Tu as créé assez de désordres. Si tu continues en prenant les armes contre le grand Prince Basile Vasilievitch, tu reviendras ici honteux, un cercueil t’y attendra». Chemyaka ne voulut pas entendre raison. Il dirigea à nouveau une insurrection contre le grand Prince et il fut à nouveau défait. Il alla en hâte à Klopsko pour demander pardon et avoir la bénédiction du fol-en-Christ. Michel l’accueillit avec ces paroles glaciales : «J’entends, ô Prince, que la terre a gémi trois fois et qu’elle t’appelle». Cette prophétie fut bientôt accomplie. A cause de sa défaite, ses nobles décontenancés empoisonnèrent le prince Démètre Chemyaka peu après.
La grâce de Dieu se manifesta par la prophétie avant même qu’il n’arrive au monastère de Klopsko. Ainsi, après son trépas, l’incident suivant fut connu : «Une foule d’enfants commencèrent à le maltraiter dans la rue à cause de sa prétendue folie, lui jetant des pierres et des ordures. Ignorant tout cela, il alla vers un garçon qui était tranquille près de la maison de l’église. Il saisit le garçon par les cheveux, l’éleva dans les airs au dessus de lui-même et lui dit : “Jean, étudie tes livres avec diligence ; tu seras archevêque du grand Novgorod” ! Et, effectivement, ce garçon, confié par sa mère — car il était orphelin de père — à un certain diacre pour étudier, devint plus tard le célèbre hiérarque Jonas dont les reliques incorruptibles reposent à présent dans le monastère d’Ostenkaya, dans l’église du Prodrome».
Ayant vécu quarante-quatre ans au monastère de la Trinité à Klopsko, le bienheureux Michel reposa dans le Seigneur le 11 janvier 1455. Le saint qui avait prédit le futur des autres prédit également son propre départ vers le Seigneur. On remarqua que le bienheureux ne rentrait plus dans l’église pendant les services divins mais il restait assis à l’extérieur de l’église, à droite. Quand l’higoumène lui en demanda la signification, Michel répondit par les paroles des Psaumes : «C’est ici mon repos pour les siècles des siècles, j’y habiterai, car je l’ai choisie [cette demeure]»1.
Le 5 décembre, il tomba gravement malade, d’une maladie qui dura jusques au 10 janvier. Ce jour-là, il appela les frères du monastère afin de leur demander pardon et de leur dire adieu. Les consolant, il promit de ne pas quitter le monastère, même après sa mort. Voyant la gravité de sa maladie, l’higoumène voulut le faire communier rapidement aux Saints Mystères. Le saint repoussa cependant sa communion au jour suivant et, à l’étonnement de tous, il vint en personne à la Divine Liturgie le matin suivant.
Après l’office, Michel prit du charbon et de l’encens et retourna dans sa cellule. Conforté par cette manifestation soudaine de vigueur, l’higoumène envoya de la nourriture au réfectoire au bienheureux staretz. Mais ceux qui lui apportèrent de la nourriture le trouvèrent sur son lit, mains croisées sur la poitrine, son âme juste étant déjà entre les mains du Sauveur. Quand la nouvelle du repos en Christ de saint Michel fut annoncée, tout le monastère fut en pleurs. L’higoumène Théodose avec l’archevêque Euthyme II et tous les clercs ordonnés se précipitèrent dans sa cellule qui était remplie de la fragrance de l’encens.
Une grande multitude s’assembla pour les funérailles du bienheureux fol-en-Christ. Et un miracle advint lors de son ensevelissement. Quand les fossoyeurs essayèrent de préparer une tombe pour le bienheureux dans le cimetière, le sol était dur comme de la pierre à cause d’un gel particulièrement fort. Alors, l’higoumène, comme inspiré, se souvint de l’endroit où le saint était assis pendant les services divins les derniers jours de sa vie. Il ordonna que la tombe soit creusée à cet endroit et, à l’étonnement de tous, le sol y était mou comme en plein été. Remplie d’une crainte sacrée, la fraternité ensevelit le saint qui avait si clairement choisi pour lui-même le lieu où il désirait reposer. Un flot constant de guérisons et de miracles se mit à sourdre du cercueil du saint, témoignage divin de la vie éternelle.
Les funérailles de saint Michel furent célébrées dans l’église de pierre de la Sainte-Trinité construite par le prince Constantin, d’après les instructions du fol-en-Christ. Plus tard, les reliques du saint furent placées dans cette église. Selon la chronique, cette église fut démolie en 1562 et un nouveau sanctuaire fut construit pour le thaumaturge, aux frais du Tzar. En 1614, le monastère et l’église furent détruits par les Suédois mais restaurés en 1641. Plus tard, le monastère fut reconstruit en pierre. Au centre du monastère, on édifia l’église cathédrale de la Sainte-Trinité dans laquelle les reliques du saint fol-en-Christ Michel furent scellées dans la muraille sud. En 1806, un sarcophage de bronze doré fut érigé au dessus de ces reliques.
La mémoire du saint est célébrée au 11 janvier, date de son repos en Christ et — du moins jusqu’à la Révolution — le 23 juin au monastère, en souvenir de son arrivée en ce lieu. La commémoration universelle du saint fut établie par le concile de 1547. Les reliques furent inventées en 1572.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976

Hésychie (19)


Dieu est aussi proche
Que ton cœur
Aussi présent
Que ton souffle

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

samedi 2 janvier 2010

Fols-en-Christ: saint Théodore de Novgorod

Saint Théodore de Novgorod
(19 janvier)

L’année de naissance de saint Théodore n’est pas connue avec exactitude. Dans sa prime jeunesse, il reçut une certaine éducation et sut lire correctement. Elevé par ses parents dans la piété et l’amour de Dieu, il s’appliqua avec ferveur à la lecture de la Sainte Ecriture et des Vies des Saints. Il était plus particulièrement impressionné par les souffrances volontaires des saints et la grande patience dont ils faisaient preuve pour atteindre la béatitude éternelle. Quand il atteignit l’âge adulte, saint Théodore fut complètement embrasé par le zèle d’imiter les fols-en-Christ et il s’appliqua plus spécialement au jeûne et à l’abstinence. Il ne mangeait rien le mercredi et le vendredi1 et ne mangeait qu’après le coucher du soleil les autres jours. De plus, il était continuellement dans le temple de Dieu. Les paroles de saint Paul : «Nous sommes fous pour l’amour du Christ…» (1 Co 4. 10) pénétrèrent au plus profond de son cœur et, suivant l’exemple des saints ascètes, les fols-en-Christ, il choisit pour son propre salut la voie de la folie pour le Christ.
Ayant quitté la maison parentale et tous biens terrestres, il n’avait pas demeure humaine. Il marchait pieds nus et à demi-nu, même dans le froid et le gel les plus cruels. Si quelque pieuse personne lui donnait quelque chose, il le distribuait immédiatement aux pauvres. Beaucoup se moquaient de lui, l’offensaient en paroles et le battaient, mais il endurait tout avec grande patience. La nuit, quand les autres étaient en repos, saint Théodore s’adonnait à la prière. Il priait très ardemment pour la paix et la prospérité de la cité.
Nous avons vu dans la vie du contemporain de Théodore, saint Nicolas Kotchanov que saint Théodore atteignit un tel état de sainteté qu’il pouvait — lorsque cela servait les desseins de Dieu — marcher sur l’eau. Saint Nicolas et saint Théodore avaient, bien sûr, grand respect et grand amour l’un pour l’autre mais, ayant abandonné le confort mondain que constituent les amitiés, il feignaient d’éprouver l’un pour l’autre une haine amère afin d’amener les citoyens des deux districts ennemis de la ville de Novgorod à la componction et à la repentance. La grâce de Dieu fut encore révélée en saint Théodore, en d’autres circonstances. Il lui fut accordé le don de prophétie et, quelquefois, il marchait dans les rues, criant : «Economisez le pain» ! Son avertissement se révélait inévitablement correct et une famine ou une pénurie s’ensuivait bientôt.
Un jour, il s’arrêta au milieu d’un endroit à la population dense et il dit : «Ce sera vide ici. Ce sera un bon endroit pour planter des navets». Peu de temps après cela, un grand feu fit rage qui déblaya les sections de terrain exactes indiquées auparavant par le saint.
Connaissant le temps de son propre trépas, le saint salua ceux qu’il rencontrait dans les rues par ces paroles : «Adieu, je pars au loin». Et il passa la nuit entière en prière profonde. Il fut malade quelques jours seulement et puis, ayant communié aux Divins Mystères, il rendit à Dieu son âme pure, le 19 janvier 1392.
Il avait demandé à être enterré près de la place du marché et sa requête fut acceptée. Plus tard, une chapelle fut construite au dessus de sa tombe et là, de nombreuses guérisons eurent lieu. Ses reliques furent emmenées plus tard à la chapelle de pierre de l’église du mégalomartyr saint Georges, dans la rue Loubya. Très vite, un office fut composé pour le saint, dont la mémoire fut célébrée le 19 janvier, quelques années déjà après sa naissance au Ciel.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Lev Puhalo & Vasili Novakshonoff
God's Holy Fools
Synaxis Press,
Montreal, CANADA
1976


Hésychie (18)


Que ta prière soit respiration
Afin de ne pas suffoquer
Dans ce monde d'oppression

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 1 janvier 2010

Staretz Sophrony de bienheureuse mémoire: L'Unité de l’Eglise, à l'image de la Sainte Trinité


Dans cet essai publié pour la première fois en russe et en français en 1950, le staretz Sophrony (Sakharov), alors relativement jeune hiéromoine, affirme avec force que l'ecclésiologie orthodoxe doit se conformer à la théologie orthodoxe trinitaire. 

En contraste frappant avec les idées avancées plus tard par le métropolite Jean (Zizioulas), Père Sophrony comprend le dogme orthodoxe de la Trinité comme un rejet de toute forme de subordinationnisme, car le subordinationnisme correspond au papisme. 

En Orthodoxie, le Père engendre le Fils, mais le Fils n'est pas moins égal au Père pour cela. Par conséquent, il ne peut y avoir de primauté qui place un évêque ou une église au-dessus des autres Eglises. 

De même, l'institution de l'autocéphalie est fondamentale pour l'ecclésiologie orthodoxe car elle exprime la consubstantialité et l'égalité de toutes les Églises locales et nous enseigne qu'aucun lieu et aucune race ne jouit d'une plus grande plénitude de Grâce divine que tout autre. 

Pour Père Sophrony, la meilleure expression canonique de l'ecclésiologie orthodoxe est le Canon apostolique 34:

Que les évêques doivent reconnaître l’autorité de leur primat.
Les évêques de chaque nation doivent reconnaître leur primat et le considérer comme chef ; ne rien faire de trop sans son avis et que chacun ne s’occupe que de ce qui regarde son diocèse et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais lui aussi, qu’il ne fasse rien sans l’avis de tous ; car la concorde règnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit.
*
(Triadologie orthodoxe, comme principe de l’ecclésiologie)
Dix neuf siècles se sont écoulés depuis que saint Paul, en parcourant la ville d’Athènes et en considérant les objets de culte, trouva un autel portant cette inscription: *au Dieu inconnu" Agnosto Theo » (Actes XVII, 23).
Il est évident, que cet autel fut érigé par les meilleurs représentants de la pensée humaine, par les sages qui avaient atteint les limites de la connaissance, ces limites de qui restent insurpassables jusqu’à nos jours pour l’entendement naturel de l’homme, — car Dieu est inconnaissable pour la pensée logique. La vraie connaissance du Dieu véritable vient de la Révélation.
Dans l’économie divine de notre salut l’Eglise marque certains événements, comme étant essentiels en les commémorant par des Fêtes. Elles se succèdent historiquement: l’Annonciation, la Nativité, l’Epiphanie (cette fête est appelée le Baptême du Christ dans le rite byzantin), la Transfiguration, la Passion, la Résurrection, l’Ascension et la Descente du Saint Esprit. Dans les desseins révélateurs de Dieu, chacun de ces événements est lié aux autres d’une façon organique et indissoluble, mais le jour de la Pentecôte, ce jour, où la descente du Saint Esprit est célébrée, a une place particulière, car il marque l’accomplissement de la Révélation du Grand Dieu Tout-Puissant et Créateur de toutes choses.
Dieu ne connaît ni envie, ni amour-propre, ni ambition. L’Esprit de Dieu suit l’homme humblement et patiemment sur tous les chemins de la vie, pour Se faire connaître à lui et par cela même l’associer à Son éternité divine. (Cf., Actes X, 35). C’est pourquoi en tous temps l’homme pouvait, dans une certaine mesure, atteindre à la connaissance du vrai Dieu. Cependant, en dehors de l’Incarnation du Verbe et de l’avènement du Saint Esprit à la Pentecôte, la connaissance parfaite de Dieu était impossible. En dehors du Christ, venu dans la chair, aucune expérience spirituelle, philosophique ou mystique ne permet à l’homme de connaître l’Etre Divin, comme Objectivité absolue, incognoscible, en Trois Sujets également absolus et incognoscibles ; en d’autres termes : la Trinité consubstantielle et indivisible.
La nature de l’homme, qui est créée à l’image et à la ressemblance du Dieu Créateur, possède la faculté d’une certaine conjecture sur l’Etre Divin. Cependant cette conjecture ne l’amène pas à la vraie connaissance du mystère divin, comme nous le montre toute l’expérience historique, c’est pourquoi il est nécessaire que Dieu Lui-même révèle à l’homme, dans la mesure accessible à sa conception, l’image de Son existence.
Il ne faut pas oublier, que la Révélation du Nouveau Testament est précédée par celle de l’Ancien. Lorsque les Chrétiens s’absorbent dans la contemplation de la Révélation biblique, ils entendent déjà dans les premiers chapitre de la Genèse des paroles familières sur le Dieu Unique et, en même temps, multiple : “Dieu dit : faisons l’homme à notre image, selon Notre ressemblance” et encore : “Dieu dit: voici l’homme est devenu comme l’un de Nous” (Gen., I, 26, III, 22). Les Psaumes et les Prophètes nous montrent que l’Ancien Testament connaissait le Verbe (Λόγος) et l’Esprit (Πνεῦμα) de Dieu. “Les cieux ont été créés par la parole (Λόγος) de Dieu et toute leur armée par le souffle (Πνεῦμα) de Sa bouche” (Psaumes XXXIII, 6 et autres). Mais nous n’y trouvons pas la connaissance du Verbe et de l’Esprit comme Hypostases, comme Personnes-Sujets. Elles y sont vues comme énergies. L’humanité de l’Ancien Testament se débattait désespérément dans le cadre de la notion du Dieu unique, compris non dans la conception du monothéisme chrétien, mais dans celle de l’hénothéisme non-chrétien (c’est-à-dire Dieu à hypostase unique). On peut même se demander, si ce n’était pas à cause de l’étroitesse du cadre imposé par l’hénothéisme que les Juifs de l’Ancien Testament se sentaient tellement attirés vers le polythéisme ? Mais ce chemin leur étant défendu par la Loi et les Prophètes, ils languissaient dans l’attente du Messie-Emmanuel promis, Qui leur révèlerait toute la vérité sur Dieu (Jean, IV, 25).
Si nous examinons l’autre partie de l’humanité avant le Christ, ceux qui vivaient en dehors de la Révélation de l’Ancien Testament, nous y verrons, à coté d’innombrables errements, des rapprochements remarquables à la connaissance de la vérité. Cette expérience d’une certaine connaissance naturelle de Dieu est très précieuse pour nous. Elle nous montre les limites de ce qui est naturellement accessible. Chaque fois que l’homme veut mettre la raison à la première place de sa vie spirituelle, autrement dit, chaque fois qu’il tente de connaître la Vérité éternelle par l’effort de son intelligence, il tombe fatalement dans une conception panthéiste de l’Etre. Ceci, il nous semble, est dû au fait, que l’intellect est impersonnel dans les fonctions qui lui sont propres. Abandonné à lui-même, et pris comme forme supérieure des facultés humaines, il tend nécessairement vers une lutte avec le principe personnel dans l’Etre en général. Mais lorsque l’homme aperçoit que le principe personnel est la base de toute essence rationnelle, il reconnaît l’insuffisance de la personnalité, du Moi, pris isolément, et se tourne naturellement vers le pluralisme polythéiste.
Il est étrange de constater que le monisme impersonnel des panthéistes, et même le pluralisme païen, sont, dans une certaine mesure, propres à la pensée humaine jusqu’à nos jours.
La conception panthéiste de l’Etre est supérieure au polythéisme païen en tant qu’elle se rend compte de l’unité primordiale de l’Etre. L’avantage du pluralisme païen, dans son meilleur aspect, consiste dans la vraie connaissance de la personne comme d’un principe ontologique et profond de tout l’être rationnel, et de l’entendement — comme une des Energies, une des manifestations de ce principe.
Ainsi l’expérience du monde pré-chrétien, participant ou non à la Révélation de l’Ancien Testament, nous apprend clairement que l’homme se perd dans ses incompréhensions, incapable de trouver une issue et de parvenir à la vraie connaissance de Dieu. Cette issue et cette connaissance sont données à l’humanité par la Révélation divine en Jésus Christ et par la descente du Saint Esprit le jour de la Pentecôte.
Mais quelle est la connaissance du mystère de l’Etre Divin qui nous fut donnée par cette Révélation ? Peut-on l’exprimer par des paroles, et si cela est possible, où sont ces paroles ? C’est l’Eglise du Christ Qui les garde, Celle Qui nous enseigne que le vrai Dieu est le Dieu unique en Trois Personnes. Elle nous parle de l’existence divine, comme d’une Tri-Unité inséparable et sans confusion ; comme de la Trinité consubstantielle et indivisible. Nous voudrions citer ici un exposé de cet enseignement connu sous le nom de “Symbole — Confession de notre Père parmi les Saints Athanase, Patriarche d’Alexandrie.”[1]
« Celui qui cherche le salut, doit avant tour confesser la foi catholique*. Il est hors de doute que si on ne garde pas cette foi dans son intégrité et sa pureté, on ne peut éviter de périr dans l’éternité. Voici quelle est cette foi catholique : Nous adorons le Dieu unique dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité sans confondre les Hypostases et sans diviser la Substance. Car autre est l’Hypostase du Père, autre Celle du Fils, et autre Celle de l’Esprit Saint. Mais la Divinité du Père, et du Fils, et de l’Esprit Saint est Une, Leur Gloire est égale et Leur Majesté coéternelle. Tel le Père, tel aussi le Fils, tel le Saint Esprit. Non créé est le Père, non créé le Fils, non créé le Saint Esprit. Inconcevable est le Père, tel aussi le Fils, tel le Saint Esprit. Eternel est le Père, éternel le Fils, éternel le Saint Esprit : cependant il n’y a pas trois éternels, mais Un éternel. De même, il n’y a pas trois incréés et inconcevables, mais un Seul est incréé et inconcevable. Aussi : tout-puissant (Pantocrator) est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint Esprit : cependant il n’y a pas trois dieux, mais Un seul Dieu. Aussi : le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint Esprit est Seigneur ; Puisque nous sommes amenés par la vérité chrétienne à confesser chacune des Hypostases comme Dieu et Seigneur ; et qu’en même temps la piété catholique nous défend de nommer trois dieux et trois seigneurs. Le Père n’a été créé par personne, ni fait, mais engendré. Le Fils est du Père même non créé, ni fait, mais engendré. Le Saint Esprit n’est pas créé par le Père, ni fait, ni engendré, mais En procède. Un seul est Père, et non trois pères. Un seul est Fils, et non trois fils. Un seul est Esprit Saint, et non trois esprits saints. Et en cette Sainte Trinité rien n’est premier, ni dernier. Rien n’est plus grand, ni moins grand. Mais les trois Hypostases sont entières, coéternelles l’Une à l’autre et égales. Ainsi il s’ensuit de tout ce qui a été dit, que la Trinité est adorée dans l’Unité et l’Unité dans la Trinité. Celui qui cherche son salut, qu’il pense ainsi de la Sainte Trinité ».
Ce symbole de Saint Athanase figure d’habitude dans le Psautier. Il est suivi par « l’exposé de la foi de Saint Maxime, questions et réponses brèves ». Voici comme il confesse la Sainte Trinité.
« Si tu veux savoir, ce qu’est Dieu, et comment il sied de L’adorer, entends, et comprends, et connais véritablement le Père, le Fils et le Saint Esprit. Un est saint, un vouloir, une volonté, une sagesse et une puissance. Un n’est pas avant tous les siècles et l’Autre dans les siècles ; mais ensemble le Père, et le Fils, et le Saint Esprit. Le Fils est dans le Père, et l’Esprit est dans le Fils, c’est ensemble une Nature et une Divinité. Cette Divinité est divisée en Trois dans les Hypostases, mais Elle est une dans la substance. C’est pourquoi, en invoquant le Père, en glorifiant le Fils et en confessant l’Esprit, nous nommons Dieu, puisque la nature divine est commune au Père, au Fils et au Saint Esprit. Mais les Noms du Père, du Fils et du Saint Esprit ne sont pas des Noms communs à toutes les Personnes, mais particuliers à chacune des Hypostases. Car le Père n’est pas appelé Fils, ni le Fils n’est appelé Père, ni le Saint Esprit n’est appelé ni Père, ni Fils, mais Dieu est toujours appelé Trinité. Je dis trois Hypostases, c’est-à-dire trois Personnes ; ni trois natures, ni trois dieux comme le disent les disciples du maudit Arius. Mais nous confessions un Dieu, une substance, une nature en Trois Hypostases. Nous ne confessons pas une seule hypostase comme les sabelliens maudits. Trois personnes en une seule image, et en une seule Divinité ».
Cette Révélation du Dieu Tri-Unitaire est une source intarissable de sagesse, de joie et de lumière pour tout croyant. Elle s’écoule sur toutes les manifestations de la vie humaine, elle résout tous les problèmes et incompréhensions de l’intelligence et du cœur, elle nous mène dans les espaces infinis de la vie éternelle. Cependant, lorsque notre intelligence se détache du cœur, qui est rempli par la grâce de la foi,  et reste seul devant la Révélation avec les lois propres au raisonnement, alors cette Révélation se présente à elle comme une série de problèmes insolubles.
Il nous est impossible de nous représenter un Être personnel, Qui soit la Vie parfaite et éternellement réalisée, la Vie qui exclut toute ombre d’un processus. En d’autres termes, un Être dans la vie Duquel l’auto-conscience ne précède pas l’acte de la détermination parfaite de soi-même, et dans Lequel cette auto-détermination n’aurait pas été antérieure à la plénitude absolue de l’auto-connaissance.
Il nous est impossible de concevoir un Être personnel Qui, étant absolument libre dans son auto-détermination, et, par conséquent, non limité par une prédestinée quelconque, n’exclut pas une objectivité absolue de sa nature et de son essence. Notre intellect ne comprend pas comment la nature ou l’essence, qui est réalité absolue et objective, ne précède et ne détermine en rien la perfection absolue de l’auto-détermination des Personnes de la Sainte Trinité.
Un Tel Être personnel nous paraît impensable, Qui étant absolument unique et simple, est en même temps trine, de façon à ce que chacun des Trois soit un Sujet absolu Qui porte en Lui toute la plénitude de l’Etre Divin, c’est-à-dire Qui soit Dieu unique et parfait, dynamiquement égal à la Tri-Unité entière.
Notre pensée ne peut accéder à l’existence d’un Être Triune dans Lequel le Générateur ne précède ; où la génération et la procession ne limitent en rien la liberté absolue de l’auto-détermination personnelle de l’Engendré et de Celui Qui procède.
L’Etre dans Lequel se distinguent les Trois Personnes de l’Essence une, cette Essence qui se distingue des énergies, et Qui en même temps est absolument simple et exclut toute complexité, cet Être dépasse notre entendement.
Comment cet Être, Qui, renferme en Lui une série d’actes, tels que l’engendrement du Fils, la procession du Saint-Esprit, des actes d’auto-détermination et d’auto-connaissance, est en même temps un acte absolument simple, hors de tout processus et de toute durée ? Ceci dépasse également notre entendement.
Nous ne pouvons, nous représenter un Être dont le Principe ontologique, le Père, ne précèderait ni le Fils naissant, ni le Saint Esprit procédant, et ne Leur serait pas ontologiquement supérieur ; et ceci jusqu’à pouvoir parler de Leur co-éternité et de Leur égalité absolue dans la dignité, dans la force et dans la Divinité ; de Leur seule gloire, de Leur seule énergie, de Leur seule volonté, et tout ceci à tel point que le dogme nous « défend » toute pensée de structure hiérarchique ou de subordinations dans le sein de la Sainte Trinité. « Et en cette Sainte Trinité rien n’est premier ni dernier, rien n’est plus grand ou moins grand, mais les Trois Hypostases sont entière, coéternelles et égales l’Une à l’Autre ».
L’Eglise nous enseigne que Dieu est un Être ayant Sa cause en Lui-même et Qui n’a, en dehors de Lui, aucun être indépendant et parallèle à Lui. Elle nous parle du Dieu parfait, vivant, Qui possède la plénitude absolue d’une existence réalisée, Qui est, par conséquent un ACTE PUR. Mais lorsque notre entendement s’arrête devant cet Être, Il se présente comme un FAIT PUR, en raison de Sa perfection primordiale et absolue.
Devant cette doctrine de l’Eglise notre intelligence se remplit d’étonnement et de silence. Elle ne s’adapte pas aux cadres étroits de notre raisonnement. Et lorsque nous examinons ce que l’Eglise enseigne sur l’Incarnation de l’Un des Trois, — le Fils, le Logos–  un nombre de problèmes encore plus complexes s’élève devant nous. Nous ne pouvons concevoir comment l’Infini prend un commencement, comment l’Incréé prend la forme d’une existence créée ? Comment le Fils unique peut être Dieu parfait, et Homme parfait ? Comment l’Hypostase une, de Celui Qui s’est incarné, unit d’une façon indissoluble et distincte – deux natures, deux volontés, deux actions, divine et humaine ? Nous ne pouvons concevoir le dogme de l’Eglise qui nous parle de la nature une, de la seule volonté, de l’action unique de la Sainte Trinité, et en même temps de deux natures, de deux actions, de deux volontés unies dans l’Un des Trois.
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Ce ne sont pas les seuls problèmes qui se posent à notre intelligence lorsqu’elle rencontre la doctrine de l’Eglise. Il s’en posera toujours, et toujours ils paraîtront insolubles. Et si, malgré la Révélation, l’Etre divin reste pour nous inconcevable, insondable, invisible, indéfinissable, innommable, quelle est donc la vie nouvelle et la connaissance nouvelle que nous apporte le dogme de l’Eglise sur la Sainte Trinité ? Nous poserons ici une autre question : Lorsqu’il nous arrive de tomber sur la doctrine d’une réalité ne correspondant pas aux concepts de notre intelligence qui raisonne toujours selon ses propres lois, cette contradiction serait-elle une raison suffisante pour considérer cette doctrine comme fausse ? La réponse à cette question est formelle : cette raison n’est pas suffisante. L’histoire de la culture humaine nous en donne de multiples exemples. D’innombrables faits qui appartiennent maintenant au domaine de la science empirique, paraissaient encore tout dernièrement impossible à tous les esprits scientifiques. Imaginons-nous qu’au cours du siècle dernier quelqu’un aurait pénétré par intuition dans la structure de la matière. Cette intuition lui aurait révélé le secret de la vie nucléaire, et il aurait développé les théories modernes, sans pouvoir, toutefois, les démontrer expérimentalement. Certes, il aurait été considéré comme fou, ou tout au moins comme fantaisiste ou rêveur.
D’autre part, aussitôt que la science a la preuve empirique d’un phénomène, il devient insensé de vouloir prouver, par des conclusions logiques, l’inexistence ou l’impossibilité de ce phénomène. Et maintenant dans le domaine de la science nous nous trouvons devant le fait de l’existence empiriquement établi, et notre raison ne peut plus y résister et se conforme nécessairement à ce fait. Il en est de même de la Révélation donnée à l’Eglise qui nous parle d’un FAIT déterminé –l’Etre Divin. Lorsque notre raison suit ce fait, elle parvient dans une certaine mesure à la connaissance de ce qui était, auparavant, inconnu et inconcevable.
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Le « Symbole » précité expose avec une extrême concision la plénitude de la connaissance de l’Etre Divin accessible à l’homme. Cette confession qui est le dogme de l’Eglise n’a pas besoin de preuves logiques. Au contraire, elle nous fait voir le fait suprême de l’Etre Qui sert de fondement à tout, à notre vie et à notre connaissance, c’est-à-dire à notre être intégral, qui est simple et unique dans son intégrité. Pour parvenir à cette connaissance il n’y a d’autre voie que celle indiquée par l’Eglise. Les sciences enseignées dans les écoles exigent des élèves qui les apprennent, une soumission aux méthodes et indications de leurs maîtres. L’Eglise a Sa science à Elle qui mène vers cette connaissance et celui qui veut y parvenir doit suivre cette voie tracée par l’Eglise qui est celle de la foi et de l’obéissance aux commandements du Christ.
Dieu est Charité [Amour], et ne peut être connu et contemplé que par la Charité et dans la Charité. C’est pourquoi les commandements du Christ, qui mènent à la connaissance et à la contemplation de Dieu, sont les commandements de charité. Le mystère de la Trinité n’est concevable qu’imparfaitement, car il dépasse les limites de notre entendement et les forces dont dispose notre être créé. Mais inconcevable et caché, il se révèle à nous sans cesse d’une manière existentielle, par la foi et par la vie dans la foi, devenant une source intarissable de la vie éternelle. La foi pénètre des profondeurs qui sont inaccessibles à l’intellect ; elle nous appelle à la connaissance et à la possession des mystères divins non par des raisonnements logiques, mais par une vie dans les commandements divins du Christ. « Si vous demeurez dans Ma parole vous êtes véritablement Mes disciples ; vous connaîtrez la Vérité et la Vérité vous rendra libres » (Jean, VIII, 32). Sur cette voie de la parole du Christ, Dieu vient au devant de l’homme et fait Sa demeure chez lui (Jean, IV, 23), en lui donnant une véritable connaissance de Lui. C’est alors que tout ce qui paraissait inconcevable devient lumière qui éclaire notre ignorance et nos erreurs, et nous les révèle comme conséquence de notre péché et de notre chute. Alors se présentent à nos yeux la plénitude sans limites, la sagesse, la beauté, la lumière et la vérité de la Vie Divine, Qui est Charité.
Gardons-nous toutefois d’aller trop loin dans la recherche d’une définition verbale du principe mystérieux de cet attribut de la Vie Divine, qui est à la base de l’unité qui fait que les Trois Personnes de la Sainte Trinité ne font qu’un seul être. Notre pensée doit s’arrêter à une certaine limite pour que notre confession de foi ne soit pas faussée par la rationalisation du dogme. Cependant puisque la Révélation nous apprend que Dieu est Charité ; et que le Seigneur nous a donné le commandement d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, pour ces raisons nous pouvons concevoir l’essence de l’Etre Divin en tant que Charité. Ceci ne veut pas dire que la charité, en tant qu’essence, a précédé les Trois Personnes, que l’essence est antérieure aux Personnes, Qui ne seraient alors que les manifestations de cette Essence. Non, la Charité est l’Essence, la Nature même de la Divinité, mais dans le sens d’une liberté absolue de l’auto-détermination des Trois Personnes. Cependant cette auto-détermination n’est pas un état « psychologique » et subjectif des Hypostases, mais une réalité, une nature objectivement existante. C’est pourquoi le dogme de l’Eglise distingue les Personnes et l’Essence dans l’Etre Divin.
L’homme est précédé dans son existence par une autre existence. Celle-ci est, pour lui, un fait établi et incontestable qui paraît limiter la liberté de son auto-détermination du dehors. L’homme manifeste ses qualités au cours de son développement, en passant par un certain processus, une évolution. Ce processus et cette évolution sont totalement absents dans l’Etre Divin. Il faut toujours s’en souvenir quand on pense à Dieu pour ne pas tomber dans l’erreur de l’anthropomorphisme. Bien que l’homme soit créé à l’image de Dieu, il renverse, cependant, la hiérarchie de la vie, lorsqu’il veut attribuer à Dieu les notions que lui inspire la connaissance de lui-même. Il se met alors à créer Dieu à sa propre image et ressemblance. La voie contraire est celle de l’Eglise. Ce n’est pas nous qui créons Dieu à notre propre image, mais en suivant les commandements du Christ, nous découvrons en nous les attributs de notre nature qui est créée à l’image de Dieu.
Deux commandements du Christ mènent l’homme à la déification : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force ; voici le premier commandement. Le second qui lui est semblable : tu aimeras ton prochain, comme toi-même » (Marc, XII, 30-31). De ces deux commandements, c’est le second qui nous révèle davantage le mystère de la Trinité consubstantielle et indivisible. Voici pourquoi.
Le premier commandement nous dit « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, de toute ta force ». Il n’est pas dit : tu aimeras ton Dieu comme toi-même ; ce serait du panthéisme. Ce commandement nous parle d’un degré de charité. Il nous fait connaître Dieu comme Charité, mais en même temps il nous indique la limite entre l’homme et Dieu. Il nous fait participer à la vie divine, mais ne fait pas disparaître la différence de nature (ἑτερούσιον).
Le deuxième commandement: « tu aimeras ton prochain comme toi-même », ne nous apprend pas seulement la mesure ou le degré de la charité, mais par l’expression — « comme toi-même » — il nous indique plutôt une communauté ontologique profonde de toute notre existence pan-humaine, de notre consubstantialité (To homoousion). Réalisé dans la vie, ce commandement nous amène à ce que toute l’humanité ne soit plus qu’UN SEUL HOMME.[2]
La charité a pour effet de transposer l’existence de la personne qui aime dans celle de l’aimée. Celui qui aime commence à vivre dans l’aimé. La personne, l'Ego, est donc pénétrable par la Charité. La perfection absolue de la charité dans la Trinité révèle la copénétration parfaite des Trois Personnes, à tel point qu’il n’y a qu’une seule volonté, une seule action, une seule gloire, une seule puissance, une seule Divinité, une seule Essence. C’est pourquoi chaque Personne Hypostase est porteuse de toute la plénitude de la Divinité et dynamiquement égale à l’unité des Trois.
C’est à l’image de cette charité, que l’observation du deuxième commandement, « tu aimeras ton prochain comme toi-même », rétablit la consubstantialité du genre humain rompue par le péché et amène à ce que la plénitude de l’être humain devienne la possession de chaque personne. Réalisé dans sa perfection finale, ce commandement manifeste, que l’HOMME EST UN, unique dans son essence et multiple dans ses hypostases. Ainsi l’homme, à l’image de la Sainte Trinité, est un être consubstantiel et catholique. Lorsque la charité sera réalisée dans toute sa plénitude, chaque hypostase, en vertu de sa demeure dans la plénitude de l’unité catholique, représentera l’accomplissement de l’être humain, et sera dynamiquement égale à toute l’humanité, à l’Homme Unique et Universel, à l’image de l’Homme Parfait – le Christ, Qui contient en Lui tout l’Homme.
Ainsi, sur la voie de l’observation des commandements du Christ, qui est la voie de l’Eglise, se révèle le mystère de la Sainte Trinité. Ce mystère se révèle d’une façon existentielle, vitale, qui n’est ni abstraite, ni rationnelle. Et il n’y a point d’autre voie vers la connaissance des mystères divins.
En face de cette Révélation de l’Eglise les paroles de profond étonnement ont toujours retenti et retentiront jusqu’à la fin des siècles : « Des verbes étranges, des doctrines étranges, des dogmes étranges de la Sainte Trinité » (Laudes des Matines de la Pentecôte).
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La plénitude de la vie dogmatique dans l’Eglise n’est jamais interrompue, jamais amoindrie. Cependant, diverses époques historiques mettent en évidence certains aspects de Son enseignement, qui reste toujours organiquement unique dans son ensemble, faisant valoir ces aspects pour éviter le danger d’amoindrir l’intégrité de la vérité par une erreur de détail. De nos jours un grand danger menace le dogme concernant l’Eglise au sein même de l’Eglise Orthodoxe. La conception de l’Eglise, de ce « Royaume qui n’est pas de ce monde », Royaume du Roi Céleste, du Saint Esprit Consolateur, de cette vie nouvelle, instituée sur la terre par le Verbe incarné, risque d’être de nouveau déformée et peut apporter un tort immense à l’œuvre de notre salut. Il est donc naturel, que notre attention soit concentrée sur cette question.
Des époques, semblables à la nôtre, imposent à chacun d’entre nous de grandes responsabilités, car selon l’enseignement de l’Eglise, parfaitement exprimé dans l’Encyclique des Patriarches d’Orient de 1848, il n’appartient pas seulement à la hiérarchie de garder la vérité, mais cette tâche est confiée à l’Eglise dans Sa plénitude.[3]
Jugeant impossible de nous dérober à la responsabilité qui nous est imposée, comme à un fils de l’Eglise, bien que nous soyons indignes, nous faisons un appel chaleureux à tous les chrétiens orthodoxes pour examiner le danger qui les menace dans toute sa profondeur, afin qu’aidés par la Grâce de Dieu, nous puissions éloigner ce danger et garder la vérité héritée de nos frères à envisager en pleine conscience ces questions dogmatiques qui sont d’une importance cardinale dans l’œuvre de notre salut.
Il est toujours pénible d’entrer dans des discussions, où les uns accusent les autres de s’être écartés de la vérité, mais c’est là l’atmosphère en laquelle vivaient les Pères à l’époque que nous appelons l’âge d’or de l’Eglise, celle des saints Conciles Œcuméniques. Rappelons-nous l’histoire des Pères qui combattaient pour l’Orthodoxie, prêts non seulement à supporter toute souffrance, mais aussi à subir la mort. Qui ne se souvient pas d’Athanase, Patriarche d’Alexandrie, qui passa la plus grande partie de sa vie en luttes incessantes, en exil et en misère, — et tout cela pour un « iota » « homoousios » contre  « homoiousios » des Ariens. Nous connaissons l’exemple de Saint Basile, qui était prêt à mourir pour ce même « iota ». Souvenons-nous de Grégoire de Nazianze, de Maxime le Confesseur, e Jean Damascène, du Patriarche Photius, de Siméon le Nouveau Théologien, de Marc d’Ephèse, de Grégoire Palamas, ainsi que d’autres Pères, dons les noms sont grands devant Dieu quoique peu connus des hommes. Ils ont tous souffert sans fin et accepté le martyre de la mort pour « la vraie foi ». Dans les écrits de plusieurs théologiens russes éminents, tels que : Khomiakoff, Bolotov, Nesmélov et autres, l’importance exceptionnelle de l’élément dogmatique pour notre salut est démontrée avec force. Puissions-nous tous avoir le feu dont brûlait l’Evêque Ignace Brianchaninov lorsqu’il écrivit : « Le monde ne m’attirait en rien. Je restais vis-à-vis de lui froid et indifférent, comme s’il était dépourvu de tout appat, comme s’il n’en existait point ! Mon esprit était absorbé par la science et en même temps brûlait du désir d’apprendre où se cache la vraie foi, où se trouve le vrai enseignement, libre de toute erreur dogmatique et morale ». (Brianchaninov, Vol. I « Essai ascétique », Ed. 1865, p. 633-35. Voir également « Œuvres de l’Evêque I. Brianchaninov », Vol. é, Ed. 1886. Biographie, p. 13).
Telle était grande la ferveur de nos Pères pour les questions dogmatiques, car ils avaient conscience de leur importance non seulement pour leur propre salut, mais aussi pour le salut du monde entier, pour l’existence même de la vraie Eglise sur la terre.
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Nous avons la tâche de montrer dans un court exposé, que le principe catholique de l’Eglise Orthodoxe est une réalité à l’image de la Sainte Trinité consubstantielle et indivisible.
L’Eglise a pour but d’introduire ses membres dans le domaine de la Vie Divine et, par conséquent, il est inévitable que sa réalité historique reflète l’image de cette Vie. Le dogme de l’Eglise nous parle d’une perfection inconcevable de la Vie Divine, Trie-unitaire et Catholique. Ce dogme affirme l’égalité en divinité, en royauté, en souveraineté ; ou, plus synthétiquement, l’égalité dans l’absolu des Trois Hypostases de la Sainte Trinité. « Rien (en Elle) n’est premier, ni dernier ; rien n’est plus grand, ni moins grand ». Dans l’intérieur de la vie trinitaire il n’y a pas ombre de soumission, de subordination. La naissance du Fils, la procession de l’Esprit Saint, tout en démontrant un seul principe dans la Sainte Trinité, ne font pas, cependant, que le Fils ou l’Esprit soient amoindris devant le Père. « Mais les Trois Hypostases sont coéternelles et égales entre Elles ».
L’Eglise est appelée à nous révéler l’image de cet Être Tri-unitaire. Si l’on nous pose la question : quels sont les formes ou les principes historiques qui nous révèlent cette image, nous pourrions répondre : le principe de la catholicité et celui de l’autocéphalie.[4] En traduisant ces termes sur un autre plan, nous dirons : le principe de la charité et de l’égalité, celui de la liberté et de la consubstantialité. Et encore, en reliant ces notions nous aurons : dans la liberté de la charité catholique et dans l’égalité de la consubstantialité.
Est-il nécessaire d’insister sur l’écart qui existe entre l’idéal auquel nous sommes appelés et la réalité historique de l’Eglise ? Notre éloignement de cet idéal est si grand que nous ne pouvons ni le sentir, ni le comprendre. Il n’y a pas de charité en nous, et pour cette raison nous méconnaissons la profondeur de notre égalité et de notre unité consubstantielles. Nous avons perdu l’amour, et de là résultent nos divisions et nos tendances à la domination.
Nous avons perdu la charité et avec elle la direction de la Lumière Divine et marchons dans les ténèbres de « l’orgueil enfumé » et dans la mort de la haine. C’est à nous que le Christ a dit : « vous êtes la lumière du monde », et nous sommes devenus le scandale pour tous.
Nous avons dit plus haut, qu’un grand danger se fait sentir au sein même de l’Orthodoxie, menaçant de déformer la doctrine sur la nature de l’Eglise et, par conséquent, toute Sa vie, car la conscience dogmatique est organiquement liée avec l’ensemble de la vie spirituelle. Il est impossible de changer la moindre chose dans notre conception dogmatique, sans changer dans la même mesure l’image de notre existence spirituelle.
Et vice versa, une déformation dans la vie intérieure amènera inévitablement une déformation de la conscience dogmatique. La perte de la vérité dogmatique aura pour conséquence inévitable l’impossibilité d’atteindre à la vraie connaissance de Dieu, dons l’Eglise forme un ensemble organique indivisible, et il n’est pas permis de traiter séparément les différentes parties de cette confession. Un détail déformé influencera le tout. Si la doctrine sur la nature de l’Eglise est déformée, et par conséquent, comme nous l’avons déjà dit, l’image de Son existence, comment peut-Elle servir à Ses fils de chemin vers la vérité ?
On nous posera la question : en quoi se manifeste actuellement cette déformation ? Nous répondrons : dans le néo-papisme de Constantinople qui tend à passer rapidement de la forme théorique à la réalisation pratique.
Les tendances papistes, en général, ne sont que naturelles à notre monde pécheur. Elles se manifestaient en Orient, comme en Occident, à Byzance comme à Rome. Mais Dieu a gardé jusqu’ici l’Eglise d’Orient, et ces tendances mouraient, sans avoir bouleversé la paix profonde de l’Eglise. Nous ne voulons pas nous arrêter ici sur les raisons qui ont causé un nouvel accroissement de ces tendances, en nous bornant à examiner seulement la base dogmatique de cette question, pour montrer que le papisme, quel qu’il soit, de la Première, de la Deuxième ou de la Troisième Rome, ou de toute cité importante ou non, est étranger à la nature même de l’Eglise du Christ.
Le dogme de l’Eglise est étroitement lié à celui de la Trinité et de l’Incarnation, c’est-à-dire à la Triadologie et à la Christologie. Les articles du R. P. Kovalevsky, de M. Lossky et aussi du Hiéromoine Silouane, parus dans le numéro un de notre « Messager », traitent de l’aspect christologique du dogme sur l’Eglise. C’est pourquoi nous ne toucherons ici qu’au coté triadologique de cet enseignement.
Ce dogme nous apprend que l’Unité parfaite de l’Amour Divin des Trois Personnes exclut toute domination de l’Une d’Elles. Chaque fois, que la pensée chrétienne glissait vers le rationalisme, elle devenait incapable de contempler cet aspect de la nature divine. Le rationalisme, qui tend toujours vers le monisme logique, ne peut éviter de concevoir : ou bien la structure hiérarchique à l’intérieur de la Sainte Trinité, en affirmant la supériorité de la Première Personne, comme du principe ontologique, ou bien la confusion des Trois Personnes, en les pensant comme des « modus » de manifestation de l’Essence Unique de la Divinité. La théologie appelle la première déformation « subordinationisme », et la deuxième « modalisme ». Le principe de la papauté introduit le subordinationisme à l’intérieur de l’Eglise. Comme seul ce principe nous intéresse ici, nous laisserons de côté le modalisme et limiterons notre analyse à la première déformation triadologique.
Les formes du subordinationisme variaient. Tantôt on voyait dans le sein même de la Trinité une subordination ontologique, indépendamment du rapport entre Dieu et Sa créature. Ce subordinationisme « ontologique » était propre à Origène. Tantôt on attribuait à la Deuxième et à la Troisième Personnes une importance et une puissance amoindries par rapport à la création du monde et à l’économie de notre salut. Tertullien et Arius sont des exemples de ce subordinationisme « cosmologique » ou « économique ». Au cours de son développement le subordinationisme ontologique acquiert naturellement un aspect économique ; et vice versa – le subordinationisme économique et cosmologique prend un aspect ontologique, à moins que les Hypostases ne soient traitées comme les modes (modus) de manifestation de Dieu dans le monde.
L’Eglise rejette catégoriquement toute forme de subordinationisme. Elle professe Sa foi en la Sainte Trinité en ces termes : « Nul n’est plus grand, nul n’est moins grand (en Elle), mais les Trois Hypostases sont entières, coéternelles l’Une à l’Autre et égales ».
Le subordinationisme triadologique, transposé dans la structure de l’Eglise, prend les formes du papisme qui reflète l’une ou l’autre forme de cette fausse doctrine. Ainsi, en ecclésiologie le Papisme Romain correspond à l’aspect ontologique du subordinationisme d’Arius, car il donne à l’Evêque de Rome une place qui le sépare du reste du corps de l’Eglise, l’élevant à une hauteur qui ne le fait pas simplement le plus grand, mais d’une AUTRE NATURE (τὸ ἑτερούσιον). Il faut préciser que nous appliquons ce parallèle non à l’origine du Papisme Romain, mais à sa forme actuelle établie par le Concile du Vatican en 1870. Son origine n’est qu’une survivance de l’Empire Romain païen. Plus tard sa conception dogmatique a été influencée par la théologie du « filioque », qui l’amène à une rupture entre Dieu et le monde : le Christ devient transcendant au monde, et l’Evêque de Rome prend Sa place dans l’Eglise terrestre ; le Saint Esprit, en fait, par Son égalité absolue hypostatique avec le Père et le Fils, ne devenant qu’une force du Christ, confiée au pouvoir et au jugement de l’Evêque de Rome.
Tous les processus historiques sont d’une complexité extrême. Ils sont le résultat de l’action réciproque d’innombrables influences, conditions et volontés. En parlant ici schématiquement du papisme romain, nous nous bornons seulement à un précis dogmatique.
Le papisme moderne de Constantinople n’est encore qu’à sa phase embryonnaire. Depuis les derniers 20 à 30 ans, il semble chercher un terrain. Son développement actuel est très rapide, contrairement au développement lent à travers les siècles du papisme romain qui n’a abouti à sa phase dernière qu’en 1870. En effet, l’idéologie du papisme de Constantinople a varié plusieurs fois en peu de temps, et il est encore difficile de le définir.
Les adeptes russes de ce papisme sont presque tous réunis en France. Jusqu’en 1948 nous n’avons pas vu dans leur milieu de conception canoniquement ou théologiquement fondée. Comme ils l’avouent eux-mêmes, ils « cherchaient » avant tout une « base canonique » pour ne pas être en dehors du Corps de l’Eglise Orthodoxe Universelle après leur séparation d’avec l’Eglise-Mère de Russie. Dans ce but ils ont commencé par reconnaître un privilège de droit juridictionnel au Patriarche de Constantinople, en tant qu’il est « Œcuménique ».  Plus tard, ils ont attribué au siège de Constantinople la primauté et le droit de l’Instance Suprême dans l’Eglise Universelle, oubliant la lutte que cette dernière avait menée pendant des siècles contre les prétentions de Rome à ce droit ; oubliant que ces prétentions furent précisément la cause du grand schisme définitif dans l’Eglise en 1054 ; que Rome au Concile de Florence cherchait avant tout de la part de l’Orient la reconnaissance de ce droit d’arbitrage suprême dans l’Eglise Universelle. Ils oubliaient aussi les Canons multiples des Conciles Œcuméniques et Locaux, qui refusent l’attribution de ces droits à une Eglise locale quelconque, canons si bien compris par l’Eglise même de Constantinople, au temps où elle s’appuyait fermement sur cette position orthodoxe pour combattre les prétentions de Rome.
Jusqu’en 1946, ce groupe, fidèle au Métropolite Euloge, considérait sa dépendance vis-à-vis de Constantinople comme provisoire. A partir de cette date, ils crurent « avoir trouvé la vérité canonique » en s’y soumettant définitivement. En même temps ils cherchaient non seulement une base canonique, mais aussi un fondement théologique à leur position. Adoptant le principe du « développement »[5] propre à la théologie des catholiques romains, ils attribuaient à Constantinople l’autorité exclusive sur la « diaspora » orthodoxe dans le monde entier, refusant aux autres Eglises Autocéphales ce même droit vis-à-vis de leurs fils dispersés. Ne pouvant trouver pour cette affirmation aucune base canonique, ni aucune exemple dans la pratique séculaire de l’Eglise, ils cherchaient, à l’exemple de Rome, à se référer aux ordres de « Dieu Lui-même ». Voilà ce qu’ils disent :
« Pour maintenir et consolider l’unité de l’Eglise, DIEU (?) nous impose le devoir de garder non seulement l’unité de la foi et des sacrements, non seulement l’unité de la charité, mais aussi L’UNITE INDISSOLUBLE DE LA SAINTE HIERARCHIE ET DE L’ADMINISTRATION DE L’EGLISE TANT DANS LE MONDE ENTIER, que dans chaque lieu, où existe l’Eglise. C’est pourquoi dès les temps apostoliques (?) la Sainte Eglise (?), ou, pour mieux dire, DIEU LUI-MEME (?) a institué un Evêque supérieur PREMIER DANS L’ENSEMBLE DE L’EGLISE CATHOLIQUE, et dans chaque lieu ou dans chaque ville un seul Evêque, VICAIRE TERRESTRE DE SON FILS, avec un clergé unique dépendent de lui et en accord unanime avec tout le peuple orthodoxe, même si ce peuple est représenté par des membres d’origine et de langues différents. LA SAINTE EGLISE NE CONNAIT PAS D’AUTRE STRUCTURE » (Messager de l’Eglise Russe en Europe Occidentale, no. 12, 1949, p. 2, « Déclaration de l’Assemblée Diocésaine »).[6]
Avant de continuer l’exposé du « développement » de la conception canonique et ecclésiologique que nous examinons, nous proposons de comparer le texte cité ci-dessus avec un autre texte, qui nous paraît être caractéristique de la doctrine catholique romaine. Voici, par exemple, ce que dit à ce sujet un théologien catholique, le R. P. Tychkewitch, dans son « Traité de l’Eglise », (Paris, 1931, en Russe, pp. 232 et 233)[7] :
« L’Evêque de Rome possède une juridiction : 1) UNIVERSELLE ; elle comprend toutes les questions de la foi et d’administration de toutes les parties de l’Eglise et autres ; 2) SUPREME ; les Evêques de toutes les Eglises, même éloignées, font appel au pape. Il juge même les Patriarches. Sans approbation du pape, un Concile orthodoxe n’est pas possible ; 3) ORDINAIRE ; elle comprend toutes les affaires nécessitant une intervention du Pouvoir Suprême, et non seulement des cas rares et exceptionnels ; 4) DIRECTE ; c’est-à-dire qu’elle s’étend non seulement à tout l’Episcopat, mais au besoin, directement à tous les serviteurs de l’Eglise et à tous les laïques ; 5) INSTITUEE PAR DIEU ET CONFEREE PAR LE CHRIST-CHEF ET PAR LE SAINT ESPRIT, et non par l’Episcopat ou par « le peuple des fidèles » (souligné par l’auteur, le R. P. Tychkéwitch).
Le premier texte cité, celui de la « Déclaration de l’Assemblée Diocésaine » se termine par ces paroles : « Ceux qui enseignent autrement ne le font pas dans l’Esprit de Dieu, mais ils sèment la discorde et l’inimitié ». Ces paroles prouvent à quel point les auteurs de cette Déclaration sont convaincus « d’avoir trouvé la vérité ». Le R. P. Alexandre Schmemann écrit dans son précis « l’Eglise et Sa structure » en réponse au R. P. Michel Polsky :
« Les partisans des idées du R. P. Polsky ne manqueront pas probablement l’occasion de nous rappeler, non sans ironie, le « chemin tortueux » et les « variations juridictionnelles » de notre  Diocèse. Et bien, nous n’avons pas la prétention de posséder l’infaillibilité (?), comme le R. P. Polsky. En effet, notre Diocèse a subi plus d’une fois des commotions et des crise aiguës.  Mais nous considérons qu’en cherchant chaque fois le bon chemin, avec prudence, en communion avec l’ensemble de l’organisme ecclésiastique, nous avons fait preuve d’un vrai ESPRIT DE L’EGLISE, plus que « le Concile de l’Eglise Russe à l’étranger »[8] avec son attitude orgueilleuse d’infaillibilité. Des erreurs et des défaillances sont toujours possibles dans la vie de l’Eglise. L’histoire abonde en exemples pour le prouver… Dans les conditions tragiques de la vie de l’émigration russe la recherche du bon chemin présentait parfois de grandes difficultés. Et quels que fussent les motifs qui décidèrent le Métropolite Euloge à s’adresser à Constantinople, quelle que fut sa propre conception de ce pas fait par lui, ce n’est pas cet aspect subjectif et psychologique qui compte. Ce qui importe vraiment, c’est la signification OBJECTIVE de cette mesure AUX YEUX DE L’EGLISE. Comme le temps passe, nous apprécions de plus en plus à quel point cette mesure fut profondément conforme à la vérité de l’Eglise. Elle a définitivement rompu le cercle vicieux des attitudes subjectives et fortuites vis-à-vis du problème de la structure de l’Eglise : une BASE CANONIQUE FERME fut trouvée » (p. 22. Souligné par l’auteur le R. P. Schmemann).
Ce point de vue est propre à d’autres représentants de ce groupe. Nous lisons dans le no. 12 du Messager « Tzerkovny Vestnik », parmi les publications des matériaux de l’Assemblée Diocésaine :
« L’unité de l’Eglise ne sera pas rétablie tant qu’on n’aura pas entendu du haut du Siège Œcuménique LA VOIX DU PREMIER HIERARQUE ET CHEF SUPREME[9]DE TOUTE L’EGLISE ORTHODOXE, dont l’autorité est formelle pour nous, comme pour le Synode de Munich » (p. 7).[10]
« L’Eglise Universelle n’est pas présidée uniquement par l’autorité des Conciles Œcuméniques ; ceux-ci ne se rassemblent que dans les cas extrêmes ; elle est PRESIDEE EN PERMANENCE PAR LA PERSONNE DU HIERARQUE SUPREME DE L’EGLISE ORTHODOXE. Cette place appartenait au Pape de Rome, tant qu’il n’était pas tombé dans l’hérésie catholique.[11] A partir de ce moment le Patriarche de Constantinople a pris sa place » (p. 16).
Toutes ces citations, ainsi que tous les exposés du R. P. Schmemann, indiqué plus haut, et des autres représentants de ce courant, nous montrent clairement comment ils ont abouti à de telles conclusions. Ayant compris correctement le principe canonique d’unité locale par la primauté du pouvoir d’un chef-évêque, ils n’ont pas remarqué que cette primauté personnelle ne s’étend pas au-delà de l’éparchie épiscopale (voir le XXXIV Canon Apostolique), et, fidèles à leur principe du « développement », ils l’ont poussé « jusqu’à la fin »[12] en lui prêtant une PORTEE UNIVERSELLE.[13] Ceci est encore un point de ressemblance avec le catholicisme romain.
« Dans l’Action du Christ et dans Sa Sainte Eglise, Qui est le fruit de cette Action, il n’y a rien d’inachevé, rien d’incomplet, ni d’unilatéral. Tout y est développé « jusqu’à la fin ». L’ŒUVRE DU CHRIST NE CONNAIT NI LACUNES, NI RUPTURES, NI ARRETS. Ainsi, l’ascension logique des degrés de la hiérarchie ecclésiastique ne s’arrête pas au rang de l’Evêque ni du Patriarche, mais va vers le papisme qui est son aboutissement naturel, exigé par la nature théandrique de l’Eglise. La hiérarchie des Prêtres et des Evêques de l’Eglise est unie « jusqu’à la fin ». Elle n’est pas privée de ce grade essentiel, sans lequel elle ne pourrait être une hiérarchie (unique), mais serait seulement un ensemble de plusieurs hiérarchies » (Tychkéwitch, op. cit. pp. 280-281).
Arrêtons-nous de nouveau sur ce qui a été dit plus haut. Nous avons déjà démontré que chaque fois que la pensée chrétienne tendait vers le rationalisme théologique, elle devenait incapable de contempler la Vie Divine. Elle penche alors sous l’influence du monisme logique, propre au rationalisme, ou vers le subordinationisme, dans le sens de supériorité de la Première Personne de la Sainte Trinité, comme principe ontologique, ou vers la conception sabellienne, en considérant les Trois Personnes comme des modes de manifestation d’une seule Essence Divine. Cette tendance fatale du rationalisme vers le monisme logique a produit de nombreuses hérésies. En s’efforçant de pousser « l’ascension logique » « jusqu’à la fin », le rationalisme théologique tombe dans l’absurde. Sa difficulté consiste dans le fait qu’il voit très justement l’un ou l’autre aspect de la vérité.
L’Eglise terrestre n’est pas composée de membres qui ont tous atteint à la perfection. Ses membres ne sont pas tous remplis de la plénitude de Son enseignement et de Sa vie, mais ils naissent, croissent et se développent par l’enseignement. Il est donc inévitable qu’il y ait des enseignants et des enseignés, des pères et des fils spirituels. Par conséquent, l’existence d’une hiérarchie ecclésiastique est nécessaire. Tenant compte de cette nécessité, l’Eglise Romaine a poussé le principe hiérarchique « jusqu’à la fin », ayant investi un seul Evêque, en le séparant de l’ensemble de l’Eglise, et en attribuant à lui tout seul le charisme de l’infaillibilité. Cela a déformé le visage de l’Eglise Catholique Romaine, en lui faisant perdre la ressemblance avec la Sainte Trinité, unique dans Son essence et égale dans Ses Hypostases.
Le protestantisme est à l’opposé. En voyant dans la réalité spirituelle propre à l’homme un des aspects de la vérité, celui de la vocation de chacun à la plénitude de communion directe avec Dieu, il le pousse également à l’extrême et par cela tombe dans un autre excès – la prédomination du subjectif et de l’individuel, qui est inévitablement unilatéral. C’est pourquoi il aboutit à la désunion et à la perte d’une vie organiquement unie à l’image de la vie consubstantielle de la Sainte Trinité.
L’exclusivité qui résulte du développement logique d’un seul aspect de la vérité, qui le pousse « jusqu’à la fin », en le laissant absorber tous les autres aspects de cette même vérité, telle est la caractéristique de nombreuse hérésies engendrées par le rationalisme.
Examinons maintenant le papisme de Constantinople qui a trouvé son expression la plus importante dans l’Encyclique du Patriarche Athénagoras adressée au monde orthodoxe le premier dimanche du Carême 1950 (dit Dimanche de l’Orthodoxie). Nous trouvons ici une ressemblance croissante avec Rome. L’idée essentielle de Constantinople consiste à dire qu’étant donné que la Première Rome ait apostasié, c’est « la Deuxième Rome » qui prend sa place avec les mêmes droits et les mêmes arguments. Dans cette encyclique le Patriarche Athénagoras, à l’instar des Papes de Rome, appelle son siège : « la colonne de nuée lumineuse », « l’Acropole invincible de l’Orthodoxie et le rocher haut établi par Dieu », « l’arche de la grâce », « Siège Œcuménique et Centre vers lequel sont tournés les yeux de l’ensemble des Eglise Orthodoxes Autocéphales, indépendantes d’une façon administrative et par une dispense canonique… ces Eglises qui ne sont unies avec le Corps de l’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique qu’à travers l’Eglise-Mère et par l’union et le contact avec Elle »… « L’Eglise-Mère, dont toute l’existence ne fut qu’une lutte pour la conservation de la foi et des vertus des ancêtres, pour la stabilité des saintes Eglises de Dieu, pour le salut de tout le  « pléroma » des chrétiens ; cette Eglise peut en toute justice compter sur l’obéissance et la dévotion de ses enfants et sur l’accomplissement de leur devoir envers Elle d’une façon complète »…
Cette phase nouvelle du papisme de Constantinople, transposée en formule dogmatique, peut être comparée au subordinationisme de Tertullien. Celui-ci ne nie pas la consubstantialité du Père et du Fils, mais, dans son conception stoïcienne de la substance, il confesse sa divisibilité, et ceci en degrés inégaux : « le Père étant tout, le Fils, une partie ». De même, Constantinople n’affirme pas avoir une essence différente des autres Eglises autocéphales, mais les imagine être amoindries vis-à-vis de lui. Constantinople – est tout, il est l’Eglise Universelle,[14] les autres – ne sont que des parties, qui n’appartiennent à l’Eglise Œcuménique qu’en tant, qu’elles sont attachées à Constantinople.
Est-il nécessaire de démontrer que cette forme de papisme est aussi une hérésie ecclésiologique, comme le papisme de Rome ? Est-il nécessaire de dire que, appliqué à la vie de l’Eglise, il amènera inévitablement à une déformation de toute notre existence spirituelle ? A l’exemple de la première Rome, il rattache le droit de pouvoir et de l’enseignement dans l’Eglise à un lieu (et lorsqu’il s’agit de Constantinople, il faut ajouter aussi, à la race grecque), et nous ramène aux temps dont parle l’Evangile : « Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem » (Jean, IV, 20).
Le Patriarche Athénagoras fait dépendre l’appartenance à l’Eglise Œcuménique du lien avec Constantinople. Ce ne sont pas là la croyance et la confession qui nous ont été transmises de l’Eglise Primitive.
« L’Eglise Une – est, avant tout, l’Eglise Sainte. Mais au sens propre de ce mot « Seul le Seigneur » est saint. L’Eglise est sainte, parce qu’Elle est sanctifiée par Lui, parce qu’Elle participe à la Vie Divine, et parce que l’Unité Divine et la communion de l’Eglise avec le Seigneur est la source de l’Unité dans l’Eglise. L’Eglise est Une, puisqu’Elle possède une seule source de sainteté et ne peut être qu’Une par la force de cette sainteté. L’Eglise est Sainte en tout lieu, et non seulement dans un lieu quelconque, ou par la vertu d’un lieu quelconque. Ainsi le Concile de Carthage écrivait au pape Célestin : « En aucun lieu la plénitude de la grâce du Saint Esprit n’est diminuée ». L’Eglise est Une comme les branches d’une vigne sont unies à son tronc, car Elle demeure en union avec le Christ – Source de Sa vie (Jean XV, 1-5). Le Seigneur prie, que Ses disciples soient « parfaits dans l’unité » en vertu de leur ascension par Lui vers la plénitude de la Vie Divine (Jean XVII, 22-23). Quand Saint Paul nous parle de l’Unité de l’Eglise, il ne fait pas dépendre cette unité d’un seul centre administratif, mais de la communion d’un seul pain et d’une seule coupe, du Corps et du Sang du Seigneur Christ, Qui est le Seul Chef de l’Eglise, (I Cor., X, 14-17 ; Eph., IV, 15-16). (Journal du Patriarcat de Moscou », 1948, no. 8, p. 68).[15]
« Puisant sa sanctification directement de l’Esprit de Dieu, chaque Eglise locale se suffit à Elle-même.[16] Mais comme cette source de sanctification est une, Elle reste toujours – l’Eglise Une. Il ne peut y avoir aucun centre terrestre commun, auquel toutes les Eglises locales devraient être soumises, car l’existence d’un tel centre, à côté du centre commun céleste introduirait un dualisme dans l’Eglise et briserait Son unité. (M. Troïtsky « De l’autocéphalie dans l’Eglise », « Journal du Patriarcat de Moscou », 1948, no. 7, p. 34).
Si les thèses du Patriarche Athénagoras étaient appliquées à la vie, l’Eglise perdrait la vraie unité qui Lui est propre et dont le grand théologien Khomiakoff parle en ces termes :
« L’unité intérieure est vraie, produit et manifestation de la liberté ; l’unité basée non sur une science rationaliste, ni sur une convention arbitraire, mais sur la loi morale de l’amour mutuel et de la prière ; l’unité, où, nonobstant la gradation hiérarchique des fonctions sacerdotales, nul n’est asservi, mais où tous sont également appelés à être participants et coopérateurs de l’œuvre commune, enfin l’unité par la Grâce de Dieu et non par une institution humaine, telle est l’unité de l’Eglise ».
Ensuite il dit que : « Dans le romanisme, bien compris, l’unité pour les chrétiens est uniquement l’unité de l’obéissance à un pouvoir central, c’est leur asservissement à une doctrine, à laquelle ils ne coopèrent pas et qui leur reste constamment extérieure (car elle réside uniquement dans un seul chef hiérarchique)… C’est évidemment l’unité dans le sens conventionnel et non pas dans le sens chrétien » ( l’Eglise latine et le Protestantisme, pp. 301-302).
« L’EGLISE EXIGE L’UNITE PARFAITE, de même qu’Elle ne peut donner en échange QUE L’EGALITE PARFAITE ; car Elle connaît la FRATERNITE, mais ne connaît pas la SUJETION » (p. 61).
« L’Eglise-Mère… peut en toute justice compter sur la dévotion et l’obéissance filiale de ses enfants et sur l’accomplissement de leur devoir envers Elle d’une façon exacte et empressée ». Ayant la prétention que Constantinople est la Mère des Eglises, le Patriarche Athénagoras, dans cet appel, à l’exemple des Papes de Rome s’adresse directement aux Orthodoxes de l’Univers, les invitant à se soumettre à lui. Passons ici sous silence vis-à-vis de quelles Eglises et dans quelle mesure Constantinople a été Mère de toutes les Eglises. Tout de même, en déduire l’attente d’une soumission serait en contradiction avec la triadologie orthodoxe, selon laquelle la relation du Père et du Fils n’enlève pas l’égalité absolue des hypostases. « Celui Qui nait de la Substance est égal à Celui qui engendre ». Ainsi pensaient les Saints Pères (Grégoire de Nazianze). Même les Juifs le comprenaient. « … Il disait que Dieu était Son propre Père, Se faisant égal à Dieu » (Jean, V, 18).
Dans la vie de l’Eglise la relation de l’Eglise-Mère et des Eglises-Filles n’a jamais été reconnue comme base de supériorité de pouvoir, et même d’honneur. Ceci devient évident par l’exemple de l’Eglise de Jérusalem qui est incontestablement la Mère de toutes les Eglises, y compris Celle de la Première Rome. Rome est fière de posséder le tombeau de Pierre. A Jérusalem se trouve le Sépulcre lumineux du Seigneur – Sauveur du monde. Rome est fière de la gloire de la « ville éternelle ». A Jérusalem, le Seigneur, le Roi de Gloire, prêcha, souffrit et ressuscita. A Jérusalem, sur le Mont des Oliviers, Il bénit  les disciples et ascendit au ciel avec gloire. A Jérusalem, dans la Chambre haute de Sion, le Saint Esprit descendit sur les Apôtres et sur ceux qui étaient avec eux, c’est-à-dire sur toute l’Eglise. C’est à Jérusalem que la Très Sainte Mère de Dieu passa sa vie. C’est à Jérusalem qu’eut lieu le premier Concile des Apôtres, présidé par Jacques, le Frère du Seigneur. Et, malgré tout cela, à l’époque qui précéda le Premier Concile Œcuménique Jérusalem perdit même son indépendance et fut soumise au Métropolite de Césarée en Palestine.
Une tendance à discréditer le principe de l’égalité des Eglises locales nous paraît être l’élément le plus essentiel de l’encyclique du Patriarche Athénagoras, — en d’autres termes, nous y remarquons un commencement de lutte avec le principe de l’ « autocéphalie ». Cette idée apparaît, pour la première fois, dans « La Voix de l’Eglise », (Ecclesiast. Phoné, une périodique d’Athènes) au moment où le Schisme bulgare prend sa fin (1945). M. Spéranzas, ex-Procureur Général du Synode de l’Eglise Grecque d’Athènes, indigné par la liquidation de ce schisme par le Patriarche de Constantinople sous l’influence de Moscou, et sans avis préalable de la part d’Athènes, publie une série d’articles remplis d’injures envers l’Eglise Bulgare, ainsi que l’Eglise Russe et toutes les autres Eglises orthodoxes slaves. En même temps, l’invitation fraternelle du Patriarche de Moscou au Patriarche de Constantinople d’assister à son intronisation étant qualifiée par M. Spéranzas comme une recherche d’appui sur l’autorité de Constantinople, il pose la question de l’importance universelle de l’autorité de Byzance et déclare erroné le principe d’autocéphalie. (Ne possédant pas les numéros de ce périodique, nous faisons ces citations par mémoire).
Parmi les théologiens russes, c’est surtout le R. P. Archiprêtre Basile Zenkovsky et le R. P. Alexandre Schmemann qui se sont prononcés à ce sujet. Confondant l’idée de « l’autocéphalie » avec celle du « nationalisme », pour rejeter les deux au nom d’un « universalisme », ils détruisent le principe même de la structure de l’Eglise Universelle. Le R. P. Zenkovsky écrit : « Le christianisme n’aurait-il pas fait fausse route, en admettant la formation d’Eglises appelées[17] nationales ». Et encore, « Le christianisme étant enfermé[18] dans dans des cadres nationaux trop étroits, n’apparaissait pas aux yeux des hommes dans toute Sa plénitude » (Messager du Mouvement Chrétien des Etudiants Russes », Munich, 1949, numéros 11-12, p. 10).
Il est plus difficile de nous limiter à une courte citation du précis du R. P. Schmemann pour résumer ses idées. Il arrive aux mêmes conclusions que le R. P. Zenkovsky en exagérant le rôle du moment national qui n’est qu’un détail accidentel dans la vie de l’Eglise.  Mais plus objectif que ses aînés, il parvient à toucher à la vraie raison qui est à l’origine de l’excitation du sentiment national dans la vie de certaines Eglises locales, à savoir l’impérialisme étroit des Grecs sur le plan ecclésiastique et politique. Il écrit :
« Dans la conception de Byzance le baptême de peuples nouveaux impliquait nécessairement leur introduction dans l’organisme politique et religieux de l’Empire et leur soumission à son autorité œcuménique, orthodoxe. Mais en réalité, cet Empire avait perdu depuis longtemps son caractère universel et supra-national, et pour ces peuples nouvellement convertis cette idéologie byzantine devenait trop souvent un impérialisme GREC dans le domaine ecclésiastique et politique » (p. 11).
Plus lois, en parlant d’une « décomposition » (?) de la conscience universelle dans le sein de l’Orthodoxie », il identifie la conception de l’autocéphalie avec celle du nationalisme et de l’indépendance.
« Le but principal de chaque peuple-état devint l’obtention d’une autocéphalie, comprise comme Independance de telle Eglise nationale vis-à-vis des anciens centres d’Orient, avant tout vis-à-vis de Constantinople… Il est difficile de nier que la cause principale de ce processus malheureux réside, avant tout, dans la transformation de l’universalisme byzantin en nationalisme grec. Il est important de comprendre que l’identification du sens AUTOCEPHALIE et INDEPENDANCE est un symptôme caractéristique de ce nouvel esprit, qui apparaît alors dans l’Eglise, et qui montre que la conscience chrétienne se laisse inspirer par un nationalisme étatique, au lieu de le transformer et l’éclairer » (Op. cit., p. 13).
Sans nous laisser entraîner dans une analyse détaillée de cette citation, nous nous limiterons, pour le moment, à dire que nous ne sommes pas en accord avec les conclusions de l’auteur, en formulant notre avis en termes qui lui sont presque propres, mais en inversant le sens de ses affirmations. Nous pensons que malgré les éléments nationaux et politiques apportés par les peuples orthodoxes dans la recherche de la constitution de leur Eglise, c’est L’ESSENCE MEME DE L’EGLISE, organisme théandrique, QUI IMPOSA LES FORMES DE CETTE CONSTITUTION. Nous justifions notre conclusion opposée à celle du R. P. Schmemann, par le fait incontestable de l’existence de ces formes dès le commencement de l’Eglise ; ces formes n’étant pas une invention nouvelle d’une conscience nationale et étatique, elles furent simplement transmises aux nouveaux peuples chrétiens.
Continuons notre examen du principe de l’autocéphalie. Il n’est pas étonnant que Constantinople ait commencé dès maintenant une lutte contre ce principe : c’est dans la nature de tout papisme. Rome non plus n’accepte pas ce principe. Voici ce qu’en dit le prêtre Tychkéwitch, dans son « Traité de l’Eglise », cité plus haut :
« Dans l’Eglise universelle des églises locales sont acceptables comme parties d’un seul organisme, comme branches dépendantes d’un tronc unique et central ; mais non comme formations ecclésiastiques complètement indépendantes, entières et autocéphales, unies seulement par une ressemblance extérieure, par un esprit commun et une foi commune. La « centralisation » dans l’Eglise peut s’affermir ou faiblir, sous l’influence de conditions temporaires et locales ; mais l’autocéphalité complète des églises locales n’est admissible sous aucun prétexte. L’Eglise serait alors polycéphale ; à plusieurs têtes, ce qui est impossible pour sa nature théandrique » (p. 34).
« … les confessions qui admettent le morcellement de l’Eglise en sectes, ou même en « autocéphalies », complètement libres et indépendantes du centre, ne peuvent être ni la vraie Eglise, ni même une « branche », une partie de l’Eglise. Une seule hiérarchie est propre à l’Eglise ; la fédération de plusieurs hiérarchies complètement indépendantes est en contradiction avec sa nature. Une autonomie complète des parties est impossible. L’Eglise n’est pas une UNION D’ORGANISMES, unis seulement par un principe identique d’esprit et de croyance, mais un organisme théandrique, animé « par le même Esprit », sanctifié et gouverné par une seule hiérarchie ininterrompue et étroitement liée, ayant à sa tête un seul hiérarque suprême » (p. 152).
Une ressemblance extraordinaire entre la doctrine de nos néo-papistes et la doctrine romaine, non seulement en esprit, mais aussi en argumentation a été relevée par les Romains avec une satisfaction visible. Le Bulletin de la paroisse catholique russe de Paris (rue François Gérard), « Notre Paroisse » numéro 7, 1950, pp. 17-19, publie de longs extraits du discours prononcé par M. S. Verkhovsky à « l’Assemblée Diocésaine » de l’Exarchat Russe de Constantinople (Messager « Tzerkovny Vestnik », numéro 21, 1949), avec les commentaires suivants :
« … Nous publions… quelques extraits intéressants du « Tzerkovny Vestnik », organe officiel de l’Exarchat Russe en Europe Occidentale, qui montrent clairement que nous ne sommes pas fantaisistes, en affirmant que la primauté, appartenait au Souverain Pontife de Rome au sein de l’Eglise Primitive, et n’était pas seulement une primauté d’honneur, mais aussi une supériorité de pouvoir » (suit un extrait de la p. 16 du « T. Vestnik »). Plus loin nous lisons :
« Dans ce même bulletin nous trouvons des pensées que nous pouvons signer et considérer comme les nôtres ». Suit une longe citation de la Déclaration de l’Assemblée Diocésaine (p. è) où nous trouvons les paroles suivantes particulièrement accentuées : « C’est pourquoi  dès l’âge des apôtres, la Sainte Eglise ou, pour mieux dire, Dieu Lui-même a institué un évêque supérieur premier dans l’ensemble de l’Eglise catholique, et dans chaque lieu ou dans chaque ville un seule évêque, Vicaire terrestre de Son Fils… « Ceux qui proclament un autre enseignement ne le font pas dans l’esprit du Seigneur, mais sèment le trouble et la discorde »…[19]
Sans un autre bulletin d’information catholique romain « Vers l’Unité Chrétienne » (Novembre 1949, numéro 17), nous trouvons un article du R. P. Dumont « L’Orthodoxie Russe et la primauté du Siège Œcuménique » dans lequel l’auteur, analysant les décisions de l’Assemblée Diocésaine, écrit : « Ces déclarations, dont on n’aura pas de peine à saisir la portée, ont soulevée de la part des deux autres juridictions une réprobation véhémente. L’accusation de « papisme » devait tout naturellement venir sous la plume des contradicteurs, encore qu’à notre sens ce reproche ne soit entièrement fondé, puisque le message reste encore loin de la conception romaine d’une Primauté, instituée par le Christ Lui-même ; on aura, en effet, remarqué la formule : « dès les temps apostoliques, la Sainte Eglise, ou pour mieux dire, Dieu Lui-même ». Il n’en reste pas moins que cette affirmation vise à remettre en valeur au sein de l’Orthodoxie un principe et une pratique qui s’y étaient progressivement proscrits, et dont la restauration pourrait bien marquer une étape dans la voie d’une meilleure intelligence de la position du catholicisme romain ».
***
Quelle est donc la raison pour laquelle le principe de l’autocéphalie des Eglises locales est si cher à l’Orthodoxie ? Pourquoi nous apparaît-il  comme étant non seulement la forme naturelle de la vie de l’Eglise, qui Lui est essentiellement propre, mais aussi la condition indispensable pour garder fidèlement la tradition de la vérité et les voies qui mènent vers la connaissance de cette vérité ?
Comme il a déjà été dit, le terme « autocéphalie » est, philologiquement parlant, très imparfait. Il n’exprime pas l’idée qu’il renferme, ce qui permet aux esprits rationalistes de le déformer et de s’y opposer. Le vrai sens de ce terme étant l’affirmation du fait que la plénitude de la vie ecclésiastique est propre à tout lieu où existe une communauté chrétienne, qui possède un sacerdoce intégral (Concile des Evêques) et qui garde l’enseignement dogmatique dans son incorruptibilité, ainsi que la Tradition de l’Eglise Orthodoxe Universelle. Le code canonique de l’Eglise Orthodoxe contient la célèbre épître du Concile de Carthage (la seconde adressée au pape Célestin), qui proclame avec force et clarté : « En aucun lieu la grâce de l’Esprit Saint n’est diminuée ». Les Pères de Carthage se fondent sur l’autorité du premier Concile de Nicée. Nous voyons donc que le principe d’autocéphalie est l’expression historique d’une conscience profondément propre à l’Eglise, à savoir que la grâce ne s’amoindrit en aucun lieu. Le vrai sens contenu dans le terme « autocéphalie » est la conception orthodoxe de la consubstantialité de l’Eglise correspondant à la consubstantialité des Personnes de la Sainte Trinité, qui exclut l’idée stoïcienne de Tertullien de la divisibilité de la Substance, et ceci en parties inégales.
Le principe d’autocéphalie exprime la conviction que l’Eglise Catholique en chaque lieu apparaît dans la plénitude de la grâce qui Lui est conférée, et par la force de cette plénitude des dons, Elle est partout l’Eglise Une et Catholique. Le principe de l’autocéphalie nous apprend qu’aucun lieu, aucun titre, aucune race ne possèdent dans l’Eglise la supériorité en pouvoir ni en doctrine sur d’autres lieux ou d’autres peuples. Il nous dit aussi que « l’Esprit souffle où Il veut », et Son souffle dans l’Eglise ne dépend pas du gré d’un hiérarque.
Le principe d’autocéphalie des Eglises locales nous enseigne leur égalité en dignité selon l’image des Personnes Divines, et dans sa réalisation finale il exprime notre espérance commune de voir non seulement toute Eglise locale, mais aussi chacun de Ses membres, chaque personne-hypostase humaine, — porteur de toute la plénitude catholique de la vie de l’Eglise à l’image de la Sainte Trinité, dont chaque Hypostase porte en Elle toute la plénitude absolue de l’Etre Divin ; et cela non par exclusion ou absorption des autres Personnes-Hypostases, mais par la demeure dans la plénitude de l’unité de la Substance.
L’autocéphalie des Eglises locales n’est ni historiquement ni spirituellement le résultat des éléments étrangers à l’Eglise Catholique, tels que le philétisme, le nationalisme, l’étatisme, ou la politique. Dans l’Eglise ancienne, chaque communauté chrétienne était, en effet, autocéphale. L’histoire nous montre que sur le territoire d’un seul Etat peuvent coexister plusieurs Eglises autocéphales. Il en fut ainsi dans l’Empire Romain avant sa division, dans l’Empire Byzantin d’Orient, plus tard dans l’Empire Turc. En Russie actuelle il existe deux Eglises autocéphales.
La vie de l’Eglise Universelle ne nécessite pas un centre administratif unique. Mais le principe d’autocéphalie n’exclut pas la possibilité de fonder un centre commun, coordonnant la vie des Eglises, qui, cependant, jamais, sous aucun prétexte ne doit prendre la forme d’un Vatican « infaillible », ce qui transformerait la vie ésotérique de l’Eglise en Etat avec son autorité extérieure. Ceci serait équivalent à la perte de la religion, comme telle.
Nous croyons avoir démontré clairement qu’en dehors du principe de l’autocéphalie, c’est-à-dire sans confesser la CONSUBSTANTIALITE ET L’EGALITE EN DIGNITE des Eglises locales, et de tout l’Episcopat en général, la vraie catholicité de l’Eglise qui est à l’image de la Catholicité de l’Etre Divin disparaîtrait de ce fait. En écartant la LIBERTE DE LA CATHOLICITE CONSUBSTANTIELLE ET EGALE EN DIGNITE, nous perdrons inévitablement la voie vers la connaissance de la Vérité, Qui se révèle seulement à l’union dans la charité, et non à un hiérarque quelconque pris séparément, qui se met en marge de cette loi. Le grand Khomiakoff a parlé de cela dans ses œuvres, mais il est, malheureusement, presque oublié à l’heure actuelle.
Si nous luttons contre le néo-papisme apparu dans le sein de notre Sainte Eglise nous luttons uniquement pour la vérité telle que l’Eglise la confesse, la Vérité éternelle. Nous rejetons toute conception de « Rome », Première, Deuxième ou Troisième dès que cette conception tend à introduire le principe de subordination dans la vie de l’Eglise. Nous rejetons tout papisme, qu’il soit à Rome, à Constantinople, à Moscou, à Londres, à Paris, à New-York ou en tout autre lieu. Nous nions le papisme comme une hérésie ecclésiologique, déformant le christianisme.
***
La substance éternelle de l’Eglise se reflète dans tous les aspects de la vie humaine sur terre. La structure canonique de l’Eglise est l’une des projections de Sa nature spirituelle, pure et sainte. En se reflétant dans ce monde les éléments de la réalité purement ecclésiastique se confondent avec les éléments d’ordre naturel, conventionnels et relatifs. Mais l’idée et le but de Dieu, qui sont par conséquent ceux de l’Eglise, restent inaltérables même dans cette confusion. Ce but est le salut du monde, — afin « que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu de l’immortalité » (I Cor., XV, 53) par la communion à la Grâce divine.
Dans les conditions de notre vie terrestre déchue, la « projection » de la nature sainte et incorruptible de l’Eglise, prend inévitablement une certaine nuance de convention. C’est pourquoi la constitution canonique de l’Eglise n’est pas une norme juridique absolue ; elle porte en elle des traces d’imperfection de notre existence historique ; il y a des éléments temporaires, répondant à telle ou telle condition de l’époque ; certains détails ont subi plus d’une fois des changements, et dans l’avenir de tels changements ne sont pas impossibles. Néanmoins, la condition canonique garde toujours ses racines profondes, son essence inaltérable, qui ne peut être en contradiction avec notre conscience dogmatique. Ainsi, puisque nous confessons que « ce n’est point sur cette montagne, ni à Jérusalem » que le Père est adoré, mais " les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité", comment est-il possible, que les canons de l’Eglise nous imposent un principe local, comme condition indispensable d’appartenance à la vraie Eglise ?
Voici un exemple classique de mentalité papiste : « N’oublions jamais qu’entre Dieu et nous il y a un lien, et ce lien c’est Rome »… (Le sermon du R. P. Valette, Journal « La Croix », 7 octobre 1949,  numéro 20.261).
Si Sa Sainteté Athénagoras, Patriarche de « la Deuxième Rome » nous adresse aujourd’hui une encyclique pour prêcher la soumission à la Cathêdre de Constantinople comme condition formelle d’appartenance à l’Eglise Universelle, quel vrai chrétien, « adorant en esprit et en vérité », acceptera cette parole ?
Imaginons-nous qu’une catastrophe quelconque fasse disparaître la Première et la Deuxième Rome. Cette disparition, laissera-t-elle le monde dépourvu de communion véritable avec Dieu, par ce que « les liens », qui nous rattachent à Elle, sont disparus ? Certes, c’est là une « voix étrangère » (Jean, X, 5). Ce n’est pas notre foi chrétienne.
Nous avons essayé de démontrer par le présent aperçu que la doctrine ecclésiologique ne peut être en contradiction avec la doctrine triadologique ; que même dans son aspect historique l’Eglise doit refléter l’image de la Vie Tri-unitaire. Le canon, qui établit l’unité entre les Evêques des Eglises locales à l’image de la Sainte Trinité, et qui est en même temps le reflet le plus proche de cette unité, est le XXXIV Canon Apostolique.[20]
C’est vers une unité semblable que nous appelle Sa Sainteté Alexis, Patriarche de Moscou et de toutes les Russies :
« … Le Christ a dit à ses disciples : « Que celui qui voudra devenir plus grand parmi vous, soit votre serviteur, et que celui qui voudra être le premier d’entre vous, soit votre esclave » (Math., XX, 26-27). Que le Seigneur ouvre les yeux de l’esprit aux Pontifes Romains, qu’ils acquièrent, avec l’aide de Dieu, la force de l’Esprit, afin qu’ils renoncent à la vaine prétention d’établir sur terre leur domination sur tous les héritiers des Apôtres ! Oh ! si le Seigneur daignait nous accorder de voir le jour heureux de l’UNION des Evêques de l’Eglise, frères et égaux en droits ! Cela aurait servi de commencement à la paix dans le monde entier »… (Actes de la Conférence de Moscou, T. I, p. 90 ; Journal du Patriarcat de Moscou, numéro spécial en français, 1948, p. 16).
Ainsi « l’Eglise appelle dans son sein toutes les nations et attend avec espérance la venue de Son Sauveur. Elle voit d’un œil tranquille le flot des âges, l’orage des agitations historiques et les courants des passions et des pensées humaines rouler et tourbillonner autour du rocher sur lequel Elle S’appuie et qu’Elle sait inébranlable. Ce rocher, c’est le Christ » (Khomiakoff : « L’Eglise latine et le Protestantisme » pp. 303-304).
HIEROMOINE SOPHRONY
[Source : « Unité de l’Eglise, image de la Sainte Trinité » Vestnik russkogo zapadno-evropeiskogo patriarshego ekzarkhata / Messager de l’exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale 5 (1950), 33-61]
[*] id est orthodoxe!
[1] Ce symbole nous connu comme étant de Saint Athanase. En grande partie il relève effectivement des écrits de ce Père. Mais certains passages de l’exposé triadologique et christologique sont d’une perfection et d’une précision qui ne peuvent être attribuées qu’ à une époque plus tardive. Ainsi ce Symbole est considéré comme une confession universelle de l’Eglise orthodoxe.
[2] Cet enseignement de l’Eglise sur l’unité de la nature humaine à l’image de la Sainte Trinité est admirablement exprimé dans les premières œuvres du Métropolite Antoine (Khrapovitsky) « La valeur morale du dogme de la Sainte Trinité » et « La valeur morale du dogme de l’Eglise ». Nous conseillons à ceux qui connaissent déjà ces œuvres de les relire avec attention, et à ceux, qui ne les ont pas encore lues, d’en prendre connaissance. C’est un chef-d’œuvre de la pensée théologique russe, paru en novembre 1892 dans le Journal de l’Académie de Moscou, le « Messager Théologique » (Bogoslovsky Vestnik). Une deuxième publication a été faite en Yougoslavie, dans les années 30, dans un recueil des œuvres du Métropolite à l’occasion de son jubilé. Malheureusement ces œuvres n’ont jamais été traduites en français.
La même doctrine dogmatique est sommairement, mais brillamment exposée en français par M. W. Lossky dans son œuvre : « Théologie mystique de l’Eglise d’Orient » (voir : chapitre VI).
[3] Le grand Khomiakoff dit que “la vraie Eglise ne reconnaît pas d’Eglise enseignante » parce que « TOUTE l’Eglise, autrement dit : l’Eglise dans son intégrité, enseigne ». Par conséquent, dit-il plus loin : « C’est un fait dogmatique incontestable. Les Patriarches d’Orient, réunis en Concile avec leurs Evêques, ont solennellement déclaré dans leur réponse à une encyclique de Pie IX, que « l’infaillibilité résidait uniquement dans l’universalité de l’Eglise unie par l’amour mutuel ; et que l’invariabilité du dogme comme la pureté du rite étaient confiés à la garde non d’une hiérarchie quelconque, mais de tout le peuple ecclésiastique, qui est le Corps du Christ ». Cette déclaration formelle de tout le clergé d’Orient, reçue avec un respect plein de reconnaissance fraternelle par l’Eglise locale de Russie, a acquis toute l’autorité morale d’un témoignage œcuménique ». (A. S. Khomiakoff – « L’Eglise latine et le protestantisme au point de vue de l’Eglise d’Orient ». Ed. 1872, Lausanne et Vevey, pp. 48-49). « Faire de l’enseignement une prérogative est une folie ; en faire un don céleste, attaché à certaines fonctions, c’est une hérésie » (ibid., p. 54).
[4] L’ « autocéphalie » n’est pas un terme philologiquement heureux. Il n’exprime pas l’idée qu’il renferme, mais, à l’exemple des Pères, nous nous bornerons à analyser les principes, sans discuter les mots.
[5] “Nous sommes tous les fils de l’Eglise Russe, héritiers de Sa (?) tradition, que nous cherchons à garder et à développer à l’étranger ». « Nous avons la conscience de porter, de garder, de continuer et de développer la Tradition sacrée de l’Eglise Russe » (Messager de l’Eglise Russe en Europe occidentale, no. 21, pp. 3 et 18).
[6] Ces passages ont été soulignés par nous. H. S.
[7] Tous les textes de ce Traité sont traduits du russe par nous. H. S.
[8] Il s’agit là du Synode de Munich, tenu par le groupe des dissidents russes, ayant à sa tête le Métropole Anastase. H. S.
[9] L’expression originale—« natchalo-vojd » est tout à fait étrangère au langage de l’Eglise ; littéralement traduite elle serait : « archi-führer ».
[10] Textes soulignés par nous. H. S.
[11] C’est la première fois dans l’histoire de l’Eglise que nous entendons parler de l’hérésie « catholique » [avec le sens orthodoxe ici].
[12] Expression prise dans l’Evangile Saint-Jean XIII, I.
[13] « Il nous faut analyser jusqu’au bout la nature de l’Eglise pour ne pas tomber dans cet état maladif » (c’est-à-dire le « nationalisme dans l’Eglise »). Archiprêtre B. Zenkovsky « Messager du Mouvement Chrétien des Etudiants russes », Munich, 11-12, 1949, p. 19). « Nous répétons, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement et éviter surtout l’expression « Eglise locale » ; cette expression n’a rien à voir dans une telle conception de l’Eglise ». (R. P. Schmemann, op. cit. p. 19).
[14] Ces prétentions [du Patriarcat] de Constantinople sont d’autant plus étranges qu’il est actuellement « diminué jusqu’à l’extrême » (cette expression appartient au R. P. Sémenoff-Tian-Chansky, voir Messager « Tzerkovny Vestnik », no. 23, p. 9). Il est diminué et réduit à tel point qu’en nos jours vis-à-vis l’ensemble de l’Eglise Orthodoxe il ne forme que la 1/20.000 partie.
[15] Autant qu’il nous est connu, ce texte appartient au Prof. S. Troïtsky et avait été proposé par l’Eglise Russe à la Conférence de Moscou en 1948 comme « Message aux Chrétiens du monde ». Ce texte fut, cependant, abandonné pour donner la préférence à celui proposé par le Métropolite Stéphane de Bulgarie. (Voir « les Actes de la Conférence des Chefs et des Représentants des Eglises Orthodoxes autocéphales, tenue à Moscou en 1948. T. II, p. 413).
[16] Comme possédant la plénitude de la grâce. H. S.
[17] Par qui sont-elles « appelées nationales » ? H. S.
[18] Qui donc l’a enfermé ? H. S.
[19] Traduit du russe par nous.
[20] Voir l’ « Analyse du XXXIV Canon Apostolique », faite en Français par R. P. Archiprêtre E. Kovalesky dans notre « Messager » numéros 2-3, p. 67, et son article en russe : « Les problèmes ecclésiologiques » dans le « Messager » numéro 4, p. 11).