15ème anniversaire de l’invention des reliques de saint Amphiloque à la Laure de Potchaïev (Ukraine)
Le
saint staretz Amphiloque naquit dans le village ukrainien de Malaïa Ilovitsa le
27 novembre / 10 décembre 1894 dans la famille nombreuse de Barnabé et Anne
Golovatiouk. Au saint baptême, il reçut le nom de Jacques. Le père du jeune
garçon était connu dans le village pour être un bon chiropracteur. Dans son
jeune âge, Jacques aidait souvent son père à tenir les malades, lorsque
celui-ci remettait en place les os déplacés. La force naturelle et les
habitudes acquises dans la jeunesse furent utiles au futur staretz. En 1912,
Jacques Golovatiouk fut appelé à servir dans l’Armée impériale. Il y rencontra la
mort face à face, connut l’infirmerie en Sibérie où, jeune soldat, il avait le
rang de sergent, le front, la première ligne, où ses meilleurs amis périrent au
combat et, enfin, la captivité. En 1919, il parvint à s’enfuir. À l’aide de
bonnes personnes, il passa la frontière et revint dans son village natal. Ayant
éprouvé le chagrin sur le front et en captivité, Jacques comprit profondément
que la vie est une bataille constante, dans laquelle le diable lutte avec Dieu,
et que le champ de bataille, comme le dit Dostoïevki, est le cœur de l’homme.
Et on ne peut remporter cette bataille si les germes de la piété, arrosés des
larmes de pénitence, ne sont pas semés dans la terre de l’humilité du cœur.
En
1925, Jacques Golovatiouk, choisissant la voie du salut, entra à la Laure de
Potchaïev. Dans le labeur et l’humilité, le jeune novice accomplissait les
obédiences qui lui étaient confiées. En février 1931, alors qu’il se tenait
devant la tombe du défunt higoumène, il ressentit soudain toute la vanité et la
fugacité de la vie. « L’homme, ses jours sont comme l’herbe, comme la
fleur des champs il fleurit ». Après le noviciat, Jacques Golovatiouk
prononça ses vœux monastiques le 8 juillet 1932, et reçut le nom de Joseph.
Accomplissant divers travaux et obédiences à la Laure, le père Joseph soignait
les malades et fut particulièrement connu comme chiropracteur. Des patients
venaient de toute la région, le flux des malades jamais ne s’interrompait.
Passant
les jours et les nuits dans le labeur et la prière, le père Joseph croissait en
esprit, s’élevant spirituellement sans cesse. Ses nombreux hauts faits
ascétiques et ses luttes secrètes restèrent inconnus au monde. Par le jeûne,
l’ascète mortifiait les désirs et les passions charnelles, confiant ses plus
petits mouvements de l’esprit et du cœur à « la direction de
l’esprit ». Consacrant sa vie au service de Dieu et du prochain, le père
Joseph acquit une foi ferme et active, recevant de Dieu le don de prophétie et
de guérison.
Il
guérissait, chassait les démons, rendait l’ouïe aux sourds, consolait les
affligés. Là où l’ennemi du genre humain ne réussit pas au moyen des pensées,
disent les saints Pères, il envoie des mauvaises personnes. Une fois, vers la
fin de la seconde guerre mondiale, quatorze personnes armées, des partisans du fasciste ukrainien Bandera,
firent irruption dans la pauvre demeure du père Joseph – située près des portes
du monastère - et exigèrent un repas. Après avoir mangé, bien après minuit, les
« hôtes » lui demandèrent de les accompagner. Arrivés au portail, le
commandant déclara au père Joseph qu’il serait fusillé. Écoutant calmement la
sentence de sa toute prochaine exécution, le staretz demanda dix minutes pour
prier. En ayant reçu l’autorisation, le père commença à réciter intérieurement,
devant un vieux tilleul, planté par S. Job, le fondateur du monastère, « Notre
Père », « Mère de Dieu, réjouis-toi », le Credo, et la prière
pour les mourants. Le père Irénarque, inquiet de l’absence du staretz, sortit
dans la cour. À ce moment, le staretz se trouvait déjà sous la menace d’une
arme pointée sur lui, priant généreusement pour ceux « qui créent des
épreuves ». Le commandant comptait à voix forte les dernières secondes de
la vie du père Joseph… « Un, deux… ». À ce moment, le père Irénarque, comprenant ce
qui se passait, se jeta sur l’arme et la jetant à terre, s’écria sur un ton
désespéré : « Vous savez qui il est ? Il sauve le monde. Si vous
devez le tuer, tuez-moi et ne le touchez pas ! » « Bon, toi le
vieux, va-t’en ! » dit le commandant, reprenant l’arme dans ses
mains. S’attendant à un tir dans son dos, le père Joseph se dirigea vers les
portes du monastère, entra, s’arrêta. Le père Joseph avait échappé à la mort.
On entendit alors les partisans partir dans l'obscurité… Le père Irénarque,
souhaitant « donner son âme pour ses amis », avait sauvé le staretz
d’une mort injuste, préparée pour lui par le diable au moyen de gens mauvais.
Néanmoins,
tous accouraient vers lui, recevant la guérison des maladies corporelles et des
maladies secrètes de l’âme. Même ceux dont les maladies avaient été négligées
et, selon les médecins, incurables, étaient guéris. Le staretz avait un don particulier,
celui d’expulser les démons. On lui amenait des possédés des anciennes
républiques soviétiques les plus lointaines. Il voyait clairement les démons,
de telle façon que, traversant l’église, il leur ordonnait sévèrement de sortir
de l’église et des hommes. Le staretz vivait comme siens les peines et chagrins
qui emplissaient les cœurs des hommes, prenant sur lui leurs souffrances et
montrant de la condescendance envers les faibles. Presque tous les habitants de
Potchaïev, à différentes périodes de leur vie, dans l’enfance, la jeunesse ou
la vieillesse, s’étaient adressés au père Joseph.
Passant
toute la journée à accomplir ses obédiences et avec les fidèles, le staretz
priait la nuit. Le père Joseph aimait l’humilité, et fuyant la vanité de la
gloire humaine, s’efforçait de toutes façons de cacher ses vertus. Nombreux sont
ceux qui, même non croyants, changeaient leur point de vue après une rencontre
avec le père Joseph, et le glorifiaient.
À
la fin des années 1950 commencèrent les persécutions de Khrouchtchev contre l’Église.
On ferma en masse dans le pays les monastères et les églises, on persécutait
les moines sur la base de fausses accusations, on les expulsait et on les
renvoyait chez eux sans leur donner le droit de revenir au monastère. Il était
prévu de transformer la Laure de Potchaïev en musée de l’athéisme, et d’en
expulser ses moines. Un strict contrôle des fidèles, des moines, des pèlerins, fut
suivi des répressions, des exils, des emprisonnements. Mais rien ne vint à bout
de la fermeté des moines, prêts à mourir pour les sanctuaires de la Laure.
Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les veilleuses brûlaient et les prières
étaient élevées dans ses églises …
En
1962, grâce à l’intrépidité du staretz, les moines parvinrent à sauvegarder
l’église de la Sainte-Trinité. Dix miliciens se tenaient avec leur chef devant
la porte de l’église, et le staretz arracha soudain les clefs des mains du
commandant, les transmit au jeune vicaire Augustin, et appela les habitants de
la localité à défendre l’église. Les paysans, armés de perches, se
précipitèrent sur les miliciens. L’église fut sauvegardée, mais quelques jours
plus tard, le staretz fut amené de nuit, dans un fourgon noir à l’hôpital
psychiatrique. Il fut placé dans une chambre destinée aux malades mentaux les
plus agités. On lui administra des médicaments qui firent gonfler tout son
corps et fissurer sa peau.
Les
enfants spirituels du père écrivirent des lettres, demandèrent la libération du
staretz. Trois mois après, il fut conduit au bureau du médecin principal. On
lui demanda s’il pouvait guérir les malades qui se trouvaient avec lui dans la
chambre. Le staretz répondit qu’il guérirait tous les malades en deux semaines,
et il demanda qu’on lui apporte le saint Évangile, la Croix et les ornements
liturgiques, afin qu’il puisse célébrer un office d’intercession avec
bénédiction des eaux. On lui répondit : « Non, guérissez-les sans
office ». « C’est impossible » répondit le doux staretz, « lorsque
le soldat se rend sur le champ de bataille, on lui donne une arme… Notre arme contre
l’ennemi invisible, ce sont la Croix, le saint Évangile et l’eau bénite ! »
On
ramena alors le père Joseph dans la chambre. Les tourments ne cessèrent pour
lui qu’avec l’arrivée à l’hôpital de Svetlana Allilouïeva, la fille de Staline
qu’il avait en son temps guérie d’une maladie psychique. Elle réussit à obtenir
la libération du staretz.
Celui-ci
revint dans son village natal et s’installa chez son neveu. Sachant où il se
trouvait, les malades commencèrent à affluer chez lui. Le père Joseph célébrait
chaque jour des offices d’intercession avec bénédiction de l’eau et guérissait
les malades. Les autorités locales, inquiètes par le flux des malades dans le
village, commencèrent à dresser contre le staretz les membres de sa propre
famille. L’un d’entre eux, succombant aux injonctions, le prit sur son tracteur
et l’amena jusqu’aux marécages situés en dehors du village et, après l’avoir
violemment battu, le jeta à l’eau et partit. Le martyr passa huit heures dans
l’eau glacée, par une froide journée de décembre. Ses enfants spirituels
trouvèrent le staretz mourant, l’amenèrent à la Laure de Potchaïev. Craignant que le staretz ne décède avant le
matin, les Pères le revêtirent du grand habit monastique avec le nom
d’Amphiloque, en l’honneur de S. Amphiloque d’Iconium. Par la Grâce de Dieu, le
moine du grand habit Amphiloque recouvra la santé.
Du
fait qu’il était dangereux de rester à la Laure sans le permis des autorités,
il revint à nouveau dans son village natal. Comme par le passé, les gens venaient
chez lui pour recevoir la guérison, qu’ils recevaient, ce qui est confirmé par
de nombreux témoignages. Les rumeurs concernant les miracles se répandirent
partout, si bien que les gens venaient du nord et du sud, de l’est et de
l’ouest, de Moldavie et même de Sakhaline. Le staretz cachait le don qu’il
avait reçu de Dieu, et disait souvent : « Vous pensez que je suis un
saint. Je suis un pécheur ! Vous obtiendrez la guérison par vos prières et
selon votre foi ! »
En
automne 1965, le staretz s’installa chez sa nièce, et sur le terrain attenant,
à l’aide de ses enfants spirituels, il fit construire une petite chapelle, avec
dans la cour un pigeonnier et une grande table pour les fidèles. Dans le jardin
créé par le staretz, il y avait des pommiers, des poiriers, des pruniers. La
terre, comme un tapis, était recouverte de fleurs : glaïeuls, dahlias, roses. Dans
ce royaume fleuri, des paons se promenaient. Il y avait des canaris et des
perroquets, et jusqu'à 200 pigeons dans le pigeonnier. Pour servir les visiteurs
et accomplir les travaux, des novices vivaient chez le staretz. Elles lisaient
les prières du matin et du soir, le Psautier la nuit, des acathistes le jour,
préparaient les repas, travaillaient dans le jardin.
Le
père voyait à travers les âmes de tous les gens, leurs cœurs et leurs
intentions, mais pour faire œuvre de patience, il accueillait dans sa maison
tant les possédés, que les gens perfides ou mal intentionnés. Souvent, à table,
le staretz chantait « je ne les crains pas et n’en suis pas troublé ! »
et « Je ne m’assiérai pas avec les impies ! »
Comme
on le sait « ce genre de démons n’est chassé que par la prière et le
jeûne ». C’est pourquoi le staretz donnait à certains sa bénédiction pour
ne pas prendre de nourriture le mercredi et le vendredi. « Si vous saviez comment
le jeûne est doux ! » disait le staretz, ayant en vue la douceur
spirituelle qui réjouit l’âme du jeûneur. Les jours de jeûne strict, il recommandait
d’effectuer tôt le matin, en se levant du lit, avant les prières du matin,
trois grandes métanies avec la prière « Réjouis-toi, Mère de Dieu… »,
afin de supporter facilement le jeûne pendant toute la journée.
Le
staretz guérissait différentes maladies, mais affirmait que la moitié des
malades étaient guéris, tandis que l’autre moitié partait de chez lui sans
avoir reçu la guérison, parce qu’il n’était pas agréable à Dieu qu’ils
reçoivent la guérison corporelle qui ne leur serait pas utile, mais serait la
perte de leur âme. Il faut avoir un grand amour dans son cœur pour ne jamais
rien refuser à personne. L’homme de Dieu était tel. Il trouvait du temps pour
chacun. Il observait cette règle : si on lui amenait quelqu’un avec une
fracture, il le recevait à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il
accueillait ceux qui venaient chez lui par les paroles du prophète Isaïe :
« Dieu est avec nous ! Sachez-le et fuyez, peuples, car Dieu est avec
nous ! »
Le
père expliquait pourquoi tant de gens venaient chez lui. La raison principale
était, disait-il, l’esprit d’athéisme, que l’on commençait à implanter dès
l’école. On interdisait aux élèves d’entrer à l’église, on menait une lutte
idéologique, on méprisait la dignité humaine. Or l’homme qui ne fréquente pas
l’église, ne se confesse pas, ne communie pas, est privé de la grâce du
Saint-Esprit. Et cela a pour conséquence que la majorité de la population
souffre de maladies psychiques. Des jeunes gens venaient également à lui, se
plaignant d’angoisse mentale, de mélancolie, d’absence de sommeil et d’appétit.
Le staretz les amenait au milieu de la cour et leur ordonnait de faire des
grandes métanies. Il leur disait ensuite de faire la même chose chaque soir, et
aussi qu’ils portent des croix, s’abstiennent de boire, de fumer et qu’ils
fréquentent l’église, observent les carêmes et communient. Alors, disait-il,
« tous les nerfs sortiront » et la santé sera recouvrée. Il ajoutait
que les nerfs ressentent la douleur, mais lorsque l’âme est malade, ce ne sont
pas « les nerfs qui sont détraqués », mais les démons qui tourmentent[i],
et il faut lutter avec eux par le jeûne et la prière.
L’abattement
et le vide dans l’âme, disait le staretz, proviennent du bavardage, de la
gourmandise et de la cupidité. Il ordonnait alors de chanter, à chaque heure de
la journée « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu
le Christ », et « Dieu est avec nous ». Il avait lui-même une
belle voix de baryton, et il comprenait bien et aimait le chant d’Église.
La
Mère de Dieu, pour le staretz, était le Ciel, il s’adressait constamment à Elle
dans ses prières. Parfois, lors du repas commun, il demandait à tous
d’interrompre le repas, de se lever, et de chanter la prière à la Mère de Dieu
« En ta protection, nous cherchons refuge, ô Mère de Dieu ».
Le
staretz avait prévu son prochain trépas, sachant que l’une de ses novices,
avait versé du poison dans sa nourriture et dans l’eau avec laquelle il se
lavait (certains pensent que la novice de Kiev était une espionne du KGB). À
maintes reprises, le staretz disait avec amertume que parmi ses novices, il y
avait « Judas ». Le staretz perdit la conscience plusieurs fois et
quelques heures. Pendant les crises, cette personne hideuse ne laissait
personne entrer chez le staretz sous différents motifs. L’humble staretz
supporta avec constance les souffrances et appelait la coupable à se repentir.
Le
saint staretz décéda le 1er janvier 1971. Peu avant son trépas, il
exhorta tous à venir sur sa tombe avec leurs nécessités et leurs maladies et il
promit que, même après sa mort, il ne les priverait pas de son aide dans la
prière. Immédiatement après ses funérailles déjà, une femme malade fut guérie
sur la tombe du staretz. De nombreux miracles se produisent jusqu’à nos jours.
Le
23 avril 2002, le Saint-Synode de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique prit
la décision de glorifier le staretz Amphiloque parmi les saints. La cérémonie
eut lieu le dimanche 12 mai en l’église de la Dormition de la Laure de
Potchaïev.
Le
12 mai 2002, à la Laure de Potchaïev, au moment de la glorification du saint,
apparurent au-dessus de la Laure deux croix formées par des nuages. Pendant une
heure, les fidèles purent observer ce miracle, une grande croix et auprès
d’elle, une plus petite.
On
peut visionner ici https://youtu.be/KR6y6JrJSkk des extraits des matines avec l’acathiste au
saint et ici https://youtu.be/Yo5D2ZkLA3g des extraits de la Liturgie, à l’occasion de
la fête de l’invention des reliques du saint (enregistrements des 11 et 12 mai
2017).
Tropaire,
ton 4
Comme
un sublime ascète de la terre de Volhynie et digne résident de la Laure de
Potchaïev, un guérisseur excellent des orthodoxes, le Christ notre Dieu t’a
manifesté à Son Église, vénérable père Amphiloque ; aussi prie-Le avec
ferveur de nous délivrer des embûches des ennemis et de sauver nos âmes.
Kondakion,
ton 2
Par
la volonté de la Vierge très pure, tu demeuras à la Laure de Potchaïev, où tu
vécus dans l’ascèse et les afflictions, et tu t’enrichis du don de la prière du
cœur, te manifestant comme un héritier du Royaume céleste. Aussi, nous t’acclamons :
réjouis-toi Amphiloque, bienheureux père, guérisseur et thaumaturge !
Version française Bernard Le Caro
Sources :
Преподобный Амфилохий Почаевский | Храм Почаевской иконы
Божией Матери (cerkov.ru)
Преподобный амфилохий
почаевский житие и поучения (thram-m.ru)
[i] S. Païssios de la Sainte Montagne disait que les gens
qui souffrent de maladies nerveuses ne sont pas des possédés, mais que voyant
la faiblesse de leurs nerfs, les démons en profitaient pour les tourmenter et
aggraver encore leur état (ndt).
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